Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1287

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : H. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (478412) datée du 27 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 7 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1895

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire (qui est l’appelante dans le présent appel) n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022. Par conséquent, l’inadmissibilité imposée à l’égard de sa demande de prestations d’assurance-emploi ne peut pas être modifiée.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme agente de la gouvernance de l’information et était employée par X. Le 8 novembre 2021, elle a été mise en congé sans solde pour non-conformité à la politique de vaccination obligatoire contre la Covid-19Note de bas de page 1 de l’employeur. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[4] L’intimée (Commission de l’assurance-emploi du Canada) a vérifié si elle était disponible pour travailler.

[5] La loi prévoit qu’une personne doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières de l’assurance-emploiNote de bas de page 2. La disponibilité est une exigence continueNote de bas de page 3. Cela signifie qu’une personne doit être à la recherche d’un emploi à temps plein et qu’elle ne peut pas imposer des conditions personnelles qui pourraient restreindre indûment sa capacité de retourner au travail.

[6] La Commission a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022 parce qu’elle n’était pas vaccinée contre la Covid-19 et qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 4. La Commission a affirmé que sa décision de demeurer non vaccinée était une condition personnelle qui a restreint indûment sa capacité de retourner au travail pendant cette périodeNote de bas de page 5.

[7] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a admis avoir été suspendue (et par la suite congédiée) pour non-conformité à la politique, mais a déclaré qu’elle était contre la vaccination pour des motifs religieux. Elle a dit qu’elle cherchait du travail, mais qu’avant le 11 mars 2022, plusieurs des employeurs auprès desquels elle a postulé exigeaient que leurs employées et employés soient vaccinés. Il s’agissait d’une chose qu’elle n’était pas disposée à faire, même si cette restriction réduisait ses chances de trouver un emploi.

[8] La Commission a maintenu l’inadmissibilité à l’égard de sa demande, et la prestataire a porté cette décision en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[9] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 6.

[10] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce que sa restriction applicable à la vaccination a sérieusement limité ses chances de trouver un emploi entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022. Cela l’a empêchée de retourner au travail pour son ancien employeur et a considérablement réduit le nombre d’autres emplois auxquels elle était admissible ou qu’elle pouvait postuler.

[11] La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’elle était disponible pour travailler et qu’elle a présenté des demandes d’emploi, mais qu’elle est demeurée non vaccinée à cause de ses croyances religieuses. Elle nie que ses croyances religieuses étaient une condition personnelle ayant limité ses chances de trouver un emploi. Elle soutient que le gouvernement a posé une condition [traduction] « environnementale » défavorable et discriminatoire (l’exigence de vaccination) et que c’est ce qui a limité les emplois qu’elle pouvait postuler.

[12] Je suis d’accord avec la Commission. Voici les motifs de ma décision.

Question préliminaire

[13] La Commission a rendu deux décisions à l’égard de la demande de la prestataire. En plus de refuser de lui verser des prestations entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022 parce qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité pour le travail, la Commission a également décidé qu’elle n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi à partir du 8 novembre 2021 parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite. La prestataire a porté les deux décisions en appel devant le Tribunal, et deux dossiers d’appel ont été établis : GE-22-1802 (inconduite) et GE-22-1895 (disponibilité).

[14] Les deux appels ont été instruits ensemble le 14 septembre 2022. Une décision distincte sur la question de l’inconduite a été rendue dans le dossier GE-22-1802.

[15] La présente décision porte sur la disponibilité.

Question en litige

[16] La prestataire était-elle disponible pour travailler entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022?

Analyse

[17] Pour être considérée comme disponible pour travailler aux fins des prestations régulières d’assurance-emploi, la loi dit que la prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 7.

[18] Il ne fait aucun doute que la prestataire était capable de travailler pendant cette périodeNote de bas de page 8. Je vais donc passer directement à l’analyse de la disponibilité pour évaluer son admissibilité aux prestations régulières d’assurance-emploi entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022Note de bas de page 9.

[19] La Cour d’appel fédérale a déclaré que la disponibilité doit être déterminée en analysant trois éléments :

    a) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;

    b) l’expression de ce désir par des démarches pour trouver un emploi convenable;

    c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 10.

[20] Ces trois facteurs sont communément appelés les « facteurs de la décision Faucher », d’après l’affaire dans laquelle ils ont été énoncés pour la première fois par la Cour. Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 11.

[21] La Cour a également déclaré que la disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d’une période de prestationsNote de bas de page 12.

Question en litige no 1 : La prestataire était-elle disponible pour travailler selon les facteurs de la décision Faucher?

[22] Non, elle ne l’était pas. La prestataire n’a pas satisfait à tous les facteurs de la décision Faucher pendant la période comprise entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022.

[23] La prestataire a toujours dit qu’elle voulait travailler. La Commission convient qu’elle voulait travailler. Les deux parties s’entendent sur ce point et rien dans le dossier d’appel ne me fait douter du désir de la prestataire de travailler. J’estime donc que la prestataire a prouvé qu’elle voulait retourner au travail.

[24] La prestataire a ajouté qu’elle se cherchait un emploi depuis qu’elle a cessé d’être au service de X. La Commission convient que la prestataire tentait de trouver un emploi et n’a pas présenté d’arguments concernant la suffisance de ses démarches de recherche d’emploi. Je conclus donc que la prestataire a prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient raisonnables.

[25] Cela signifie que j’accepte le fait que Commission a déterminé que la prestataire a satisfait aux deux premiers facteurs de la décision Faucher.

[26] C’est le troisième facteur qui pose problème pour elle.

[27] Pour satisfaire au troisième facteur de la décision Faucher, la prestataire doit prouver qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations.

[28] La Commission affirme que le refus de la prestataire de se faire vacciner a limité ses chances de trouver un emploi parce que la totalité ou presque des employeurs qu’elle ciblait exigeaient que les employées et employés se fassent vacciner. Par conséquent, cette restriction a considérablement diminué ses chances de trouver un emploi jusqu’au moment où le gouvernement provincial a commencé à lever l’exigence de vaccination le 11 mars 2022.

[29] La prestataire a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 13 :

  • Elle ne s’est pas fait vacciner contre la Covid-19 en raison de ses objections religieuses.
  • Il ne s’agit pas seulement d’une croyance; c’est conforme à sa conscience, qui suit la doctrine catholique.
  • Elle est en recherche d’emploi dans la gestion de dossiers ou la gouvernance de l’information auprès du gouvernement de l’Ontario et des gouvernements municipaux ou régionaux à proximité de chez elle. Elle a présenté plus de 15 demandes à ce jour.
  • Seuls les petits employeurs n’exigent pas que leurs employées et employés se fassent vacciner, mais le type de travail qu’elle fait serait exigé seulement par une grande entreprise ou organisation, et la totalité ou presque d’entre elles exigent que les candidates et candidats soient entièrement vaccinés.
  • Elle a aussi présenté des demandes d’emploi à certaines banques, mais elles lui ont toutes dit qu’elle devrait être entièrement vaccinée.
  • Plusieurs employeurs ont ajouté des exigences relatives à la vaccination à leurs offres d’emploi.
  • Cela ne dépend pas de sa volonté, et la Commission ne devrait pas considérer que ses croyances religieuses étaient des [traduction] « restrictions volontaires » de sa disponibilité pour travailler (page GD3-30 du dossier d’appel).
  • Le 11 mars 2022, le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il levait l’exigence de vaccination pour les employées et employés dans bien des secteurs.
  • Cette annonce a beaucoup changé le nombre de possibilités d’emploi qui s’offrent à elle.

[30] Dans son avis d’appel, la prestataire a dit qu’elle demeure disponible pour travailler. Elle a ajouté que la décision de la Commission de la priver de prestations d’assurance-emploi rendait celle-ci [traduction] « complice, avec l’employeur, de discrimination religieuse », et que la Commission [traduction] « a rabaissé » ses croyances religieuses en les traitant comme une objection personnelle (page GD02A-6 du dossier d’appel). Elle a soutenu qu’elle a payé sa [traduction] « juste part » de cotisations d’assurance-emploi et qu’elle s’attend à recevoir une aide financière pour des [traduction] « temps difficiles » comme ceux-ci (page GD02A-6 du dossier d’appel).

[31] À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle s’appuyait sur la preuve et les observations contenues dans son avis d’appel (documents GD2A et GD2B du dossier d’appel) et sur les documents supplémentaires qu’elle a déposés et qui sont numérotés GD11. J’avais lu ces nombreux documents en prévision de l’audience, et je les ai pris en considération en rendant la présente décision.

[32] Pour éviter la répétition, je vais maintenant aborder les parties du témoignage de la prestataire qui nétaient pas une répétition de ce qu’elle avait déjà dit dans ses documents d’appel.

[33] La prestataire a déclaré ce qui suit :

  • Elle a prouvé qu’elle voulait travailler et qu’elle faisait des démarches pour trouver un emploi.
  • La Commission a dit qu’elle n’était pas disponible pour une seule raison : à cause d’une « condition personnelle ».
  • Cependant, ses croyances religieuses ne sont pas une condition personnelle qu’elle a imposée. Ses croyances sont ses croyances, et elle les a appliquées à la question des vaccins contre la Covid-19. Elle n’a rien changé à propos d’elle-même ou imposé une restriction à cause de la pandémie.
  • Le fait que les employeurs auprès desquels elle postulait exigeaient que leurs employées et employés se fassent vacciner est [traduction] « un facteur environnemental » qu’ils ont imposé.
  • Il n’est pas bien de la part d’employeurs d’assortir une exigence de vaccination au poste qu’ils cherchent à pourvoir. Ce faisant, ils ont rendu la nature du travail contraire à ses croyances religieuses. De plus, elle n’est pas obligée d’aller occuper un emploi où la nature du travail est contraire à ses croyances religieuses.
  • La Commission perpétue et soutient des pratiques discriminatoires en la traitant comme étant non disponible pour travailler parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner.

[34] La disponibilité pour un emploi convenable est une question objective et ne peut pas être subordonnée aux raisons particulières pour lesquelles une partie prestataire impose des restrictions à sa disponibilité, même si les raisons fournies peuvent susciter la compassion ou si la partie prestataire croyait en toute bonne foi qu’elle était incapable de travaillerNote de bas de page 14.

[35] En choisissant de ne pas se faire vacciner, la prestataire se limitait à des emplois sans exigence de vaccination, cela à un moment où, de son propre aveu, la plupart, sinon la totalité des employeurs auprès desquels elle postulait exigeaient que les candidates et candidats soient vaccinés.

[36] J’estime que c’était une condition personnelle. Le prestataire n’était pas admissible à des emplois qu’elle considérait comme acceptables à cause de son choix personnel de ne pas se faire vacciner. Qu’elle ait fait ce choix personnel pour des raisons religieuses est sans importance. Tout ce qui compte, c’est que le choix personnel qu’elle a fait a limité les emplois qu’elle pouvait postuler.

[37] De plus, j’estime que cette condition personnelle a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Cela signifiait que, pour la prestataire, il n’y avait pas de perspective raisonnable de trouver un emploi sur le marché du travail existant entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022 avec cette condition. Cela est aisément démontré par le fait que la prestataire aurait pu revenir au travail pour son employeur après avoir été suspendue le 8 novembre 2021, si elle était disposée à se conformer à la politique obligatoire de vaccination contre la Covid-19 de l’employeur.

[38] Je conclus donc que le choix de la prestataire de ne pas se faire vacciner était une condition personnelle qui a restreint et limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Cela veut dire qu’elle n’a pas satisfait au troisième facteur de la décision Faucher pour la période comprise entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022.

[39] Je suis d’accord avec la décision de la Commission d’accepter sa disponibilité après cette période. J’accepte la preuve de la prestataire selon laquelle ses possibilités d’emploi se sont fortement accrues après que le gouvernement provincial a annoncé la levée de l’exigence de vaccination dans certains secteurs. Je rejette cependant ses arguments concernant ce que représente la décision de la Commission de modifier sa disponibilité. Cela ne montre pas qu’elle a été déclarée inadmissible sur une base trop étroite. En effet, la Commission n’a pas modifié la décision simplement parce que le gouvernement a annoncé qu’il levait certaines des exigences de vaccination. La Commission a modifié la décision parce que l’annonce du gouvernement signifiait que la condition personnelle de la prestataire ne limiterait plus indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[40] La prestataire doit satisfaire aux trois facteurs de la décision Faucher pour prouver sa disponibilité conformément à l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon mes conclusions, elle n’a pas satisfait aux trois facteurs pendant la période de l’inadmissibilité.

[41] Je conclus donc que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable du 8 novembre 2021 au 11 mars 2022. Autrement dit, elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

[42] Enfin, je reconnais que la prestataire est déçue de ne pas pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi alors qu’elle a besoin d’une aide financière. Cependant, il ne suffit pas de cotiser au régime d’assurance-emploi. Toutes les parties prestataires doivent respecter les conditions prévues par la Loi sur l’assurance-emploi afin de pouvoir toucher des prestations. De plus, si une partie prestataire ne peut pas prouver sa disponibilité pour le travail, elle sera inadmissible aux prestations, peu importe le nombre d’années au cours desquelles elle a cotisé au régime.

Conclusion

[43] La prestataire n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi du 8 novembre 2021 au 11 mars 2022. Par conséquent, elle est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

[44] L’inadmissibilité imposée à l’égard de sa demande entre le 8 novembre 2021 et le 11 mars 2022 doit demeurer.

[45] L’appel est rejeté.

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