Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1338

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 27 octobre 2022 (GE-22-2137)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 24 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-830

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (la prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. L’employeur a refusé sa demande d’exemption pour motifs religieux. La prestataire a par la suite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (la Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations. Après révision, la Commission n’a pas changé sa décision et la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la demande d’exemption pour motifs religieux de la prestataire avait été refusée. La division générale a estimé que la prestataire savait que son employeur la congédierait probablement dans ces circonstances. Elle a conclu que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Elle affirme que ses droits d’employée ont été violés. La prestataire souligne qu’elle ne croit pas que les vaccins contre la COVID-19 sont sécuritaires et efficaces. Elle soutient que la politique de l’employeur est déraisonnable et discriminatoire à son égard.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui donnerait à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le critère juridique est moins exigeant que celui à remplir pour un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses arguments. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire affirme que ses droits d’employée ont été violés. Elle souligne qu’elle ne croit pas que les vaccins contre la COVID-19 sont sécuritaires et efficaces. Elle soutient que la politique de l’employeur est déraisonnable et discriminatoire à son égard.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne sous-entend pas qu’il est nécessaire que la façon d’agir résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été de nature délibérée ou, à tout le moins, de nature insouciante ou négligente au point où l’on pourrait dire que la personne a délibérément ignoré les effets de ses actes sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiementNote de bas page 1.

[16] La division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se faire vacciner, conformément à la politique de son employeur. La prestataire a été avisée de la politique, et son employeur lui a donné du temps pour qu’elle s’y conforme. Aucune exemption ne lui a été accordée. Le refus de la prestataire était intentionnel et volontaire. Il s’agit de la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2.

[20] La prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur avait omis de lui offrir des mesures d’adaptation et si la politique allait à l’encontre de ses droits, puisqu’elle a démontré que sa demande d’exemption était fondée sur des croyances religieuses.

[21] Je ne vois aucune erreur révisable qu’aurait commise la division générale lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher les questions au sujet de l’efficacité du vaccin ou du caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Les questions de savoir si la politique de l’employeur allait à l’encontre des droits de la prestataire et si l’employeur aurait dû accepter sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses relèvent d’une autre instance. Ce tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas page 3.

[22] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison de son inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur allait à l’encontre de ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance. Elle a aussi déclaré qu’un employé a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement.

[23] Comme je l’ai mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite parce qu’il a congédié la prestataire, ce qui aurait rendu le congédiement injuste. La question était plutôt de savoir si la prestataire était coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si l’inconduite a entraîné son congédiement.

[24] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur, qui a été mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[25] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 4.

[26] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance, si l’existence d’une violation est établieNote de bas page 5. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[27] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Elle n’a relevé aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[28] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[29] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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