Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1339

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (478295) datée du 7 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 25 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 27 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2137

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur a expliqué qu’elle a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccination en ne se faisant pas vacciner.

[4] Bien que la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que le refus de se conformer à la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire. Seule une raison médicale peut permettre son exemption.

[7] La prestataire affirme que son employeur ne lui a pas fourni suffisamment de renseignements pour qu’elle puisse prendre une décision fondée sur un consentement éclairé. Elle dit que la politique n’est pas raisonnable, et qu’elle a des préoccupations au sujet de la sécurité du vaccin à long terme et de ses effets secondaires. Elle soutient qu’elle aurait dû être exemptée de la politique en raison de sa religion.

Question en litige

[8] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Selon la loi, une personne ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de congédiement qu’en cas de suspensionNote de bas page 2.

[10] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[11] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur.

[12] La prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé.

[13] La Commission affirme que la prestataire a été mise en congé sans solde, puis congédiée, car elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de l’employeur. Elle dit que la politique a été communiquée clairement à la prestataire et qu’elle savait qu’elle perdrait son emploi si elle refusait de s’y conformer. Elle ajoute que la politique est raisonnable dans le contexte du travail.

[14] J’estime qu’il n’y a aucun doute que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[15] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[16] Le terme « inconduite » n’est pas défini dans la Loi sur l’assurance-emploi. Cependant, la jurisprudence (c’est-à-dire les décisions des cours et des tribunaux) nous éclaire sur la façon de décider si la raison du congédiement est une inconduite au sens de la loi. Elle énonce le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères qu’il faut examiner au moment de trancher un cas d’inconduite.

[17] Selon la jurisprudence, la façon d’agir doit être délibérée pour être considérée comme une inconduite. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 5.

[18] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 6.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon d’agir de l’employeurNote de bas page 7. Je dois plutôt examiner les gestes qu’a posés ou non la prestataire et décider si sa conduite constitue une inconduite au sens de la loiNote de bas page 8.

[20] Je dois tenir compte de la Loi sur l’assurance-emploi seulement. Je ne peux pas décider si la prestataire dispose d’autres options en vertu d’autres lois. Je n’ai pas le pouvoir de décider si la prestataire a été injustement congédiée ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas page 9. Je peux décider d’une chose seulement, à savoir si la conduite de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[21] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 10.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur a mis en place une politique de vaccination;
  • l’employeur a clairement avisé la prestataire de ses attentes à l’égard de la vaccination;
  • l’employeur a envoyé des lettres et des courriels à la prestataire, en plus de lui avoir parlé en personne à plusieurs reprises, afin de lui faire part de ses attentes;
  • la prestataire était au courant ou aurait dû être au courant des conséquences auxquelles elle s’exposait si elle ne se conformait pas à la politique.

[23] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite, car son employeur ne lui a pas fourni suffisamment de renseignements pour qu’elle puisse prendre une décision fondée sur un consentement éclairé. Elle dit que la politique n’est pas raisonnable, et qu’elle a des préoccupations au sujet de la sécurité du vaccin à long terme et de ses effets secondaires. Elle affirme qu’elle aurait dû être exemptée de la politique en raison de sa religion.

[24] Selon la politique de vaccination de l’employeur, les membres du personnel devaient avoir reçu leurs deux doses de vaccin au plus tard le 26 octobre 2021. Les membres du personnel qui n’avaient reçu aucune dose ne pouvaient plus travailler après le 25 octobre 2021. Les membres du personnel qui n’avaient toujours pas été vaccinés le 15 novembre 2021 étaient congédiés. Seules les personnes ayant une exemption médicale étaient exemptées de la politiqueNote de bas page 11.

[25] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait commencé à aviser le personnel de la politique en septembre 2021. Il a expliqué que le personnel avait été informé au moyen de communiqués internes, de communications des gestionnaires en milieu de travail, de courriels et de messages automatisésNote de bas page 12.

[26] La prestataire affirme avoir reçu un courriel de son employeur dans lequel on l’invitait à se tourner vers le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique pour obtenir des renseignements sur le vaccin. Elle a consulté leur site Web, mais elle n’y a pas trouvé suffisamment d’information pour lui permettre de prendre une décision fondée sur un consentement éclairé.

[27] La prestataire a déclaré ne pas avoir demandé d’exemption médicale. Elle a demandé une exemption pour motifs religieux. Elle a affirmé que sa demande d’exemption pour motifs religieux a été refusée.

[28] La prestataire a déclaré qu’elle savait ce qu’elle devait faire pour se conformer à la politique de vaccination et ce qui se passerait si elle refusait de s’y conformer. Son employeur l’a avisée le 13 septembre 2021 qu’elle devait être vaccinée pour garder son emploi. Elle a reçu son dernier avertissement le 22 octobre 2021, puis elle a été suspendue. Elle affirme avoir reçu une lettre de suspension. La lettre de suspension énonçait les conditions que la prestataire devait respecter pour retourner au travail, dont celle de recevoir ses deux doses de vaccinNote de bas page 13.

[29] La prestataire a confirmé avoir été avisée par son employeur que si elle fournissait une preuve de vaccination avant le 14 novembre 2021, elle pourrait retourner travailler. Dans le cas contraire, elle serait congédiée. Elle a déclaré avoir reçu une lettre de congédiement.

[30] La prestataire a expliqué que sa lettre de congédiement l’informait que si elle se faisait entièrement vacciner, elle pouvait communiquer avec son employeur afin de discuter des options dont elle disposait. Elle a affirmé ne pas avoir communiqué avec son employeur pour discuter de ses options, puisqu’elle ne s’est pas fait vacciner. Par conséquent, la prestataire savait qu’elle perdrait son emploi si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination. Malgré cela, elle a consciemment choisi de ne pas se faire vacciner.

[31] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination en place qui exigeait que les membres du personnel aient reçu leurs deux doses de vaccin au plus tard le 26 octobre 2021. Les membres du personnel qui n’avaient reçu aucune dose ne pouvaient plus travailler après le 25 octobre 2021. Les membres du personnel qui n’avaient toujours pas été vaccinés le 15 novembre 2021 étaient congédiés.
  • L’employeur a clairement avisé la prestataire de ses attentes envers les membres de son personnel concernant la vaccination.
  • L’employeur a communiqué à la prestataire les attentes qu’il avait envers elle à plusieurs reprises et au moyen de diverses voies de communication, dont des lettres, un courriel et des rencontres.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de son employeur.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[33] Je tire cette conclusion parce que ce sont les gestes de la prestataire qui ont mené à son congédiement. Elle a agi de façon délibérée. Elle savait qu’il était probable qu’elle perde son emploi si elle refusait de se faire vacciner.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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