Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1414

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 octobre 2022 (GE-22-1062)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 6 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-860

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas page 1. Sa demande d’exemption pour raisons religieuses a été rejetée. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire a été congédiée après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. La division générale a jugé que sa demande d’exemption pour raisons religieuses avait été refusée et qu’elle savait que l’employeur était susceptible de la congédier dans les circonstances. La division générale a conclu que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve et de tous les articles de loi applicables.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire fait valoir que l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique à sa situation.

[13] À l’appui de sa demande de prestations d’assurance-emploi, la prestataire a déclaré que son employeur l’avait congédiée parce qu’elle avait refusé de se conformer à la politique de l’entreprise. Le relevé d’emploi de la prestataire indique qu’il a été produit en raison de son congédiement. La prestataire a dit à de nombreuses reprises à la Commission qu’elle avait été congédiée.

[14] Il est clair d’après la preuve que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi. L’employeur a mis fin à son contrat de travail. Par conséquent, l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas dans son cas.

[15] La division générale devait décider si la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas page 2.

[16] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle manière que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné son congédiementNote de bas page 3.

[18] La division générale a conclu que la prestataire a été congédiée parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On l’avait informée de la politique et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de suivre la politique pouvait entraîner son congédiement.

[19] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 4.

[21] La prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur a omis de lui offrir des mesures d’adaptation et si la politique de l’employeur était déraisonnable et violait ses droits, surtout qu’elle avait prouvé que sa demande d’exemption était fondée sur ses croyances religieuses.

[22] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Le Tribunal n’a pas l’expertise ou la compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] Je ne vois pas d’erreur révisable dans la décision de la division générale selon laquelle elle n’a pas compétence pour trancher des questions sur l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur.

[24] Les questions de savoir si l’employeur a omis d’offrir des mesures d’adaptation à la prestataire, si la politique de l’employeur portait atteinte aux droits de la prestataire ou si l’employeur aurait dû accepter sa demande d’exemption pour raisons religieuses relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas page 5.

[25] Dans la récente affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait les droits que lui reconnaissait la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a jugé qu’il s’agissait d’une question relevant d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a également déclaré que pour sanctionner le comportement d’un employeur, il existe d’autres recours qui permettent d’éviter que les contribuables canadiens, par le truchement des prestations d’assurance-emploi, fassent les frais du comportement en cause.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a choisi délibérément de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[28] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 6.

[29] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance, si l’existence d’une violation est établieNote de bas page 7. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable de la part de la division générale comme une erreur de compétence ou un manquement à la justice naturelle. Elle n’a plus non plus relevé d’erreur de droit que la division générale aurait commise ni de conclusion de fait erronée qu’elle aurait tiré de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[31] Après avoir révisé le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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