Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1438

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (458099) rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada le 22 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 25 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1062

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] S. M. est la prestataire dans cette affaire. Elle travaillait comme éducatrice dans une garderie. L’employeur l’a congédiée parce qu’elle n’a pas suivi sa directive de se conformer à la politique provinciale de vaccination obligatoireNote de bas page 2. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 3.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 4.

[5] La prestataire est en désaccord avec la directive de l’employeur et la politique provinciale de vaccination obligatoire contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieusesNote de bas page 5. Elle soutient que l’employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation et n’a pas accédé à sa demande d’exemption. De plus, il n’était pas possible de demander une exemption médicale.

Questions que je dois examiner en premier

L’audience a précédemment été ajournée

[6] L’audience devait initialement être tenue par téléconférence le 10 août 2022Note de bas page 6. Cependant, elle a dû être ajournée parce que j’étais maladeNote de bas page 7. L’audience a été reportée et tenue par téléconférence le 13 octobre 2022Note de bas page 8. Seule la prestataire y a assisté.

J’ai demandé de plus amples renseignements à la Commission avant l’audience

[7] La Commission a fait référence à la [traduction] « politique » de l’employeur dans ses observations, mais elle n’en a pas inclus une copie dans le dossier. J’ai donc écrit à la Commission pour lui demander une copie de la politiqueNote de bas page 9. La Commission a répondu à ma demande et dit qu’elle n’avait pas obtenu de copie de la politique de l’employeurNote de bas page 10.

[8] Je remarque que la prestataire a reçu une copie de la lettre envoyée à la Commission. La prestataire a répondu à ma demande et a fourni au Tribunal une copie de la politique provinciale : le Règlement 2021-73 du Nouveau-Brunswick pris en vertu de la Loi sur la santé publique et le Règlement 2021-74 pris en vertu de la Loi sur les services à la petite enfance. Son employeur lui a imposé cette politique provincialeNote de bas page 11.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi dit qu’on ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de congédiement que de suspensionNote de bas page 12.

[11] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[12] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi le 19 novembre 2021 parce qu’elle n’a pas respecté la directive de son employeur de se conformer à la politique provinciale. Cela concorde avec le témoignage de la prestataire, le relevé d’emploi et la lettre de cessation d’emploi figurant au dossierNote de bas page 13.

[13] Plus précisément, la prestataire convient qu’elle n’a pas respecté l’exigence de se faire vacciner contre la COVID-19 au plus tard le 19 novembre 2021 et que c’est la raison pour laquelle elle a été congédiée.

La prestataire a-t-elle été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la loi?

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Toutefois, la jurisprudence (décisions de cours et de tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Cette dernière définit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 14. Par inconduite, on entend aussi une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 15.

[16] Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 16.

[17] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas page 17.

[18] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 18. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou omis de faire et si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 19.

[19] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options selon d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si elle a été congédiée injustement ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptations) pour la prestataireNote de bas page 20. Je peux seulement examiner une seule chose, soit si ce que la prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 21.

[21] L’employeur a dit à la Commission que le gouvernement provincial avait imposé une politique de vaccination obligatoire à tout le personnel des garderies et que la date limite pour se faire vacciner contre la COVID-19 était le 19 novembre 2021Note de bas page 22. L’employeur a ajouté que les employés ont été avisés verbalement et par courriel de la politique provinciale de vaccination en août 2021Note de bas page 23.

[22] Je remarque que l’employeur n’avait pas de politique distincte au travail, mais qu’il appliquait la politique provinciale. Il exploitait une garderie et était lié juridiquement par cette politique.

[23] Comme il a été mentionné ci-dessus, la prestataire a fourni au Tribunal une copie de cette politique provinciale, c’est-à-dire du Règlement 2021-73 du Nouveau‑Brunswick pris en vertu de la Loi sur la santé publique et du Règlement 2021‑74 du Nouveau‑Brunswick pris en vertu de la Loi sur les services à la petite enfanceNote de bas page 24.

[24] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[25] Premièrement, la prestataire a déclaré et convenu que l’employeur avait communiqué les règlements provinciaux verbalement et par messagerie de groupe. La prestataire a également eu suffisamment de temps pour s’y conformer.

[26] Deuxièmement, la prestataire savait qu’elle serait congédiée si elle ne suivait pas la directive de l’employeur de se conformer à la politique provinciale et qu’elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19 au plus tard le 19 novembre 2021. Bien qu’elle ait demandé un congé à l’employeur, sa demande a été refusée.

[27] Je reconnais que la prestataire n’a reçu une copie de la politique provinciale que lors de son dernier jour de travail. Cependant, elle était déjà au courant des attentes de l’employeur, à savoir qu’elle devait être vaccinée contre la COVID-19 au plus tard le 19 novembre 2021Note de bas page 25.

[28] Troisièmement, la prestataire a délibérément et consciemment décidé de ne pas se conformer à la politique provinciale pour des raisons personnelles. Elle connaissait les risques et savait que cela mènerait à son congédiement le 19 novembre 2021Note de bas page 26.

[29] La prestataire n’était pas exemptée de la politique provinciale. Je reconnais qu’elle a demandé une exemption pour raisons religieusesNote de bas page 27, mais le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance la lui a refusée le 18 octobre 2021. Elle savait donc qu’elle devait se conformer à la politique provinciale et avait encore assez de temps pour le faireNote de bas page 28. De plus, elle ne pouvait pas obtenir d’exemption médicale même si elle avait des problèmes de santé.

[30] La prestataire a fait le choix délibéré de ne pas se conformer à la politique provinciale. La Cour d’appel fédérale a déjà déclaré qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur (la directive de l’employeur dans cette affaire) est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 29. Même si la prestataire n’avait pas d’intention coupable, il s’agissait tout de même d’une inconduite.

[31] Je n’ai pas été convaincue par l’argument de la prestataire selon être vaccinée contre la COVID‑19 n’était pas une exigence de son emploi. Malgré cela, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une inconduite peut inclure la violation d’une obligation expresse ou implicite dans un contrat de travailNote de bas page 30. L’employeur était lié par la politique de vaccination mise en œuvre en raison de la pandémie de COVID-19, alors cela est devenu une condition pour conserver son emploi.

Somme toute, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] D’après les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je juge que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Ceci est dû au fait que les actions de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle connaissait les risques en agissant comme elle l’a fait et savait que cela mènerait à son congédiement.

[33] Je reconnais les arguments supplémentaires de la prestataire, notamment que l’employeur avait l’obligation de lui offrir des mesures d’adaptation, qu’on ne lui a pas offert d’autres solutions, comme le travail à domicile ou des tests de dépistage rapide, et que le refus de lui accorder une exemption pour des raisons religieuses allait à l’encontre de ses droits humainsNote de bas page 31.

[34] Toutefois, le recours de la prestataire est d’entreprendre des démarches en cours ou devant un autre tribunal qui peut examiner ses arguments afin d’obtenir la réparation qu’elle rechercheNote de bas page 32.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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