Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1461

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (476924) datée du 8 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 8 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 18 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2052

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Décision

[1] P. D. est le prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations de l’assurance-emploi. Le prestataire fait maintenant appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.  

[2] Je rejette l’appel du prestataire. Je conclus qu’il a cessé de travailler en raison d’une inconduite, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Cela signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’employeur du prestataire a mis en œuvre une politique de vaccination. L’employeur a demandé à tous les employés de fournir une preuve montrant qu’ils avaient été entièrement vaccinés contre la COVID-19. Le prestataire n’a pas donné à l’employeur des renseignements sur son statut vaccinal; son employeur l’a donc placé en congé sans solde. L’employeur l’a congédié plusieurs mois plus tard.

[4] La Commission affirme que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi. Selon la Commission, le prestataire était au courant de la politique de l’employeur, et il a agi délibérément lorsqu’il ne l’a pas suivie. La Commission affirme que le prestataire savait qu’il risquait de perdre son emploi s’il ne respectait pas la politique.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord. Il soutient que son employeur avait des politiques qui protégeaient ses renseignements médicaux. Il affirme également qu’il travaillait de la maison donc, mis à part le partage des renseignements médicaux portant sur sa vaccination, l’employeur aurait pu lui donner d’autres solutions.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. Premièrement, je dois examiner pourquoi le prestataire a perdu son emploi, puis je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

[8] Je vais d’abord expliquer pourquoi je traite la perte initiale d’emploi du prestataire comme une suspension.

Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[9] L’employeur du prestataire affirme que le prestataire a cessé de travailler parce qu’il était en congé sans solde. La Commission dit que je devrais traiter cela comme une suspension.

[10] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il était en congé sans solde du 23 novembre 2021 au 24 juin 2022. Ensuite, il a dit que son employeur l’a congédié.

[11] Le prestataire a dit qu’il n’a pas choisi de quitter son emploi et que de ce fait le congé était involontaire. Il a aussi dit qu’il n’avait pas arrêté de travailler à cause d’un manque de travail. À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il considérait sa perte d’emploi comme une forme de congédiement.

[12] Je suis d’accord avec le prestataire et la Commission. J’estime que les parties de la Loi sur l’assurance-emploi qui traitent de la suspension et du congédiement sont les parties les plus appropriées pour examiner la perte d’emploi du prestataire. En effet, le prestataire n’a pas choisi de quitter son emploi et il n’a pas arrêté de travailler en raison d’une pénurie de travail.

[13] Je dois donc décider ce qui a amené l’employeur du prestataire à le suspendre et à le congédier. Ensuite, je dois décider si les actions du prestataire constituent une inconduite selon la loi.

Pourquoi l’employeur a-t-il suspendu et ensuite congédié le prestataire?

[14] Le prestataire et la Commission s’entendent sur l’incident qui a entraîné la suspension et le congédiement.

[15] Le prestataire et la Commission conviennent que l’employeur du prestataire a mis en place une politique de vaccination. La politique exigeait que tous les employés donnent à l’employeur des renseignements sur leur statut vaccinal. 

[16] Le prestataire était d’avis que cela violait son droit à la protection de ses renseignements médicaux. Il n’a donc pas fourni à l’employeur les renseignements lui permettant de savoir s’il avait été vacciné contre la COVID-19. À l’audience, il a dit que c’était la raison pour laquelle l’employeur l’a mis en congé et puis finalement congédié.

[17] Le prestataire et la Commission conviennent donc que le prestataire n’a pas fourni à l’employeur des renseignements lui permettant de savoir s’il avait été vacciné contre la COVID-19. Ils conviennent que c’est la raison pour laquelle l’employeur a décidé de suspendre et de congédier le prestataire.  

La raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi est-elle une inconduite selon la loi?

[18] Je conclus que la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi est une inconduite selon la loi.

[19] Selon la loi, une personne ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cette disposition s’applique au moment d’être congédié ou suspendu par l’employeurNote de bas de page 1.

[20] La Loi sur l’assurance-emploi ne fournit pas une définition de l’inconduite. Néanmoins, la jurisprudence (les décisions des cours et des tribunaux) indique comment faire pour savoir si le congédiement du prestataire constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique de l’inconduite — c’est-à-dire, toutes les questions et les facteurs à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[21] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 4.

[22] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 5.  

[23] La loi n’indique pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 6. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait, et si cela constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[24] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas prendre en considération d’autres lois pour décider si d’autres options s’offrent au prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour le prestataireNote de bas de page 8. Je ne peux trancher que la question suivante : ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait constitue-t-il une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi?   

[25] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire ait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[26] La Commission affirme que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission dit qu’il connaissait la politique de l’employeur et qu’il était au courant des conséquences pour les employés qui ne s’y conformaient pas. La Commission affirme que le prestataire a agi délibérément parce qu’il n’a pas donné à l’employeur des renseignements l’informant de son statut vaccinal relativement à la COVID-19.   

[27] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit que son employeur avait des politiques qui protégeaient ses renseignements médicaux. Il dit qu’il travaillait toujours de la maison, donc son employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation.

[28] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que la raison pour laquelle l’employeur a suspendu et ensuite congédié le prestataire constitue une inconduite selon la loi.

[29] Le prestataire et la Commission se sont mis d’accord sur les faits essentiels suivants : 

  • L’employeur du prestataire a mis en œuvre une politique qui exigeait que tous les employés fournissent des renseignements permettant de savoir s’ils avaient été vaccinés contre la COVID-19.
  • La date limite pour fournir ces renseignements était le 22 novembre 2021.
  • La politique indiquait que si un employé ne respectait pas la politique, il serait placé en congé sans solde et pourrait même être congédié.
  • Le prestataire n’a pas fourni à l’employeur les renseignements l’informant de son statut vaccinal. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension et puis de son congédiement.

[30] Si j’accepte tous les faits susmentionnés, je dois conclure que le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Il connaissait la politique de l’employeur; il savait qu’il pourrait perdre son emploi s’il ne la respectait pas. Malgré cela, il a agi délibérément et n’a pas suivi la politique de l’employeur.

[31] Je comprends que le prestataire affirme que l’employeur aurait pu lui fournir des mesures d’adaptation. Toutefois, il ne m’appartient pas de décider si l’employeur a agi de façon déraisonnable ou si la politique était justifiéeNote de bas de page 10.   

[32] Je comprends également que le prestataire a dit qu’il ne pensait pas que son employeur le suspendrait ou le congédierait parce qu’ils avaient beaucoup de travail. Mais le prestataire convient que la politique indiquait qu’il ne serait pas autorisé à continuer de travailler s’il ne divulguait pas à l’employeur les renseignements indiquant qu’il avait été vacciné contre la COVID-19. Compte tenu de cette politique, le prestataire aurait raisonnablement dû savoir que la perte de son emploi était une réelle possibilité.

[33] Le prestataire affirme également que l’employeur n’a pas appliqué la politique de façon égale à tout le monde et que certains de ses collègues travaillent toujours. De plus, il dit que l’employeur ne lui a pas communiqué clairement qu’il allait être congédié ou suspendu indéfiniment.   

[34] Mais cela ne change rien à ma conclusion selon laquelle le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Rien ne me prouve que l’employeur a appliqué la politique d’une façon qui rendait difficile pour le prestataire de connaître les conséquences. Encore une fois, le prestataire a convenu que la politique indiquait que l’employeur le suspendrait et qu’il pouvait être congédié; c’est effectivement ce qui lui est arrivé. J’estime qu’il aurait dû raisonnablement savoir que la perte de son emploi était une réelle possibilité.

[35] Je conclus donc que les raisons pour lesquelles le prestataire a cessé de travailler constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’a donc pas droit aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension. Et la Commission doit l’exclure à partir de la date à laquelle l’employeur l’a congédié. Ces décisions signifient qu’il ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[36] Je rejette l’appel du prestataire. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

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