Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire a été mis en congé par son employeur à compter du 24 novembre 2021. Le 30 novembre 2021, le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande le 31 mars 2022, puis de nouveau le 4 mai 2022 et le 8 juin 2022, après révision.

Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté l’appel. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite. Le prestataire a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Celle-ci lui a refusé la permission de faire appel parce que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire a demandé ensuite à la Cour fédérale de réviser la décision de la division d’appel.

Devant la Cour fédérale, le prestataire a tenté de faire admettre de nouveaux éléments de preuve. Il a soutenu que ceux-ci étaient pertinents dans le cadre du contrôle judiciaire. La Cour fédérale a refusé d’admettre les nouveaux éléments de preuve.

La Cour fédérale a ensuite décidé que la division d’appel avait conclu de façon raisonnable que l’appel du prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès. Elle a conclu que les observations qu’il avait présentées à la division d’appel ne démontraient pas que la division générale avait commis une erreur de droit en rendant sa décision ni qu’elle avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, comme il le prétendait. La division générale n’était pas tenue de décider si le prestataire avait satisfait aux exigences législatives pour être admissible à des prestations d’assurance-emploi parce qu’on avait inscrit le code de congé dans son relevé d’emploi. La division générale devait plutôt décider si une suspension pour inconduite rendait le prestataire inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi.

La Cour fédérale a conclu que ni la division générale ni la division d’appel n’est la tribune appropriée pour décider si la politique de l’employeur ayant justifié le congédiement était raisonnable. La demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : PD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1468

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : P. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 novembre 2022 (GE-22-2052)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 6 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-865

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a été placé en congé sans solde parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur en matière de COVID-19. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi.  

[3] L’intimé (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice de prestations de l’assurance-emploi. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a fait appel de la décision de révision auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que l’employeur avait mis le prestataire en congé sans solde parce qu’il n’avait pas respecté la politique. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le non-respect de la politique était la cause de sa suspension et de son congédiement. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu de ses fonctions et congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tranché les questions qu’elle aurait dû trancher, qu’elle a omis de tenir compte de la preuve dont elle disposait, et qu’elle a commis une erreur en concluant qu’il avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur de la division générale susceptible de révision qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur de la division générale susceptible de révision qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9]  L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres mots, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant de pouvoir accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs ait une chance raisonnable d’être accueilli.

Le prestataire soulève-t-il une erreur de la division générale susceptible de révision qui conférerait à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas considéré que l’employeur a agi contrairement aux conditions de son contrat d’emploi lorsqu’il l’a placé en congé sans solde. Il affirme que la division générale a commis une erreur en concluant que le congé sans solde de son employeur était une suspension. Le prestataire soutient qu’il ne s’attendait pas à être congédié, étant donné qu’il a proposé de retourner au travail à distance d’une manière conforme aux objectifs de la politique. Il soutient que son employeur l’a congédié de façon déguisée tout en caractérisant indûment sa réponse raisonnable à la politique d’inconduite. Le prestataire ajoute que son employeur s’est aussi fait le complice du gouvernement fédéral — par l’entremise de la Commission — afin de lui refuser ses prestations d’assurance-emploi.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison de sa propre inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il ait eu inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Elle doit plutôt décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à sa suspensionNote de bas de page 1. 

[16] La preuve démontre que le prestataire a été suspendu (empêché de travailler) parce qu’il a refusé de respecter la politique de l’employeur. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était volontaire. C’est la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[17] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Le prestataire soutient que la division générale a conclu qu’il avait eu inconduite, même si l’employeur du prestataire ne l’avait pas « suspendu », mais l’a plutôt placé en congé sans solde.

[20] Je ne vois aucune erreur susceptible de révision parce qu’il incombait à la division générale de vérifier et d’interpréter les faits de la présente affaire et de faire sa propre évaluation de la question de l’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La preuve démontre clairement que l’employeur a empêché le prestataire de travailler en raison de son refus de respecter sa politique. De plus, la procédure disciplinaire d’un employeur n’est pas pertinente pour trancher la question de l’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[21] Le prestataire soutient qu’étant donné qu’il est resté en congé sans solde pendant sept mois, il ne s’attendait pas à être congédié, surtout étant donné qu’il a offert de retourner au travail à distance d’une manière conforme aux objectifs de la politique.

[22] La division générale a pris note du fait que le prestataire a déclaré qu’il savait qu’il pourrait être placé en congé sans solde et peut-être perdre son emploi s’il ne respectait pas la politique. La division générale a conclu que le prestataire aurait dû savoir que la perte de son emploi était une réelle possibilité.

[23] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ce qui concerne la question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard, et celle qui consistait à savoir si la politique de l’employeur a contrevenu à son contrat d’emploi.

[24] On ne conteste pas vraiment le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Le Tribunal n’a pas l’expertise ou la compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[25] Les questions de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation pour le prestataire en lui interdisant de travailler de la maison, et si la politique de l’employeur a violé son contrat d’emploi, relèvent d’une autre tribune. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que demande le prestataireNote de bas de page 4.

[26] Dans la récente affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits en vertu de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a jugé qu’il s’agissait d’une question pour une autre tribune.  

[27] La Cour fédérale a également déclaré qu’il existe pour sanctionner le comportement d’un employeur d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé.

[28] La preuve prépondérante dont dispose la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances uniques et exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[29] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[30] Je suis bien conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision, comme la compétence ou le défaut de la division générale d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni aucune conclusion de fait erronée que la division générale aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision sur la question de l’inconduite.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.