Assurance-emploi (AE)

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Citation : RP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1413

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. P.
Représentante : L. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (336708) datée du 15 mai 2019 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 décembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 21 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2886

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a fumé dans la mine, près d’explosif, alors que cela était contraire à la politique de l’employeur.

[4] Le prestataire a indiqué ne pas avoir fumé près d’explosif et ne pas s’être fait prendre à fumer. Le prestataire affirme qu’il était en conflit avec son supérieur depuis son retour au travail à la suite d’une blessure.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Retour de la Division d’appel du Tribunal

[6] Le présent appel a d’abord fait l’objet d’une décision de la Division générale du Tribunal le 31 juillet 2019. Le prestataire a porté appel de cette décision auprès de la Division d’appel qui a déterminé le 23 octobre 2019 que le dossier devait être renvoyé à la Division générale pour une nouvelle audience.

[7] À la suite à une erreur administrative du Tribunal, il y a eu un long délai avant le retour du dossier à la Division générale. Ainsi, ce n’est qu’en septembre 2022, que le dossier a été retourné pour une nouvelle audience à la Division générale. L’audience a donc été tenue le 14 décembre 2022.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[10] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a fumé dans la mine alors que la politique de l’employeur l’interdit.

[11] Le prestataire soulève plusieurs contradictions dans les faits présentés par l’employeur. Il soulève le fait que ses évaluations de travail et plusieurs rapports de manquement sont faux puisqu’il n’en a pas eu connaissance et que ce n’est pas lui qui les a signés. Il compare son horaire de travail au moment qui indique une absence au moment où sa signature a été apposée sur ces différents rapports.

[12] Sans tous les énumérer, je donne l’exemple suivant. Le prestataire indique qu’il ne peut pas avoir signé le rapport de manquement du 27 mai 2016Note de bas de page 2 puisque sa feuille de temps démontre qu’il était absent à cette dateNote de bas de page 3. Le prestataire détaille plusieurs erreurs de ce type.

[13] Puis, le prestataire indique qu’il était en conflit avec un superviseur depuis son retour au travail suite à une blessureNote de bas de page 4.

[14] Pour sa part, l’employeur a indiqué que le prestataire a été pris à fumer sur un wagon rempli d'explosif. Elle indique que les employés n'ont pas le droit de fumer sous terre et le prestataire se trouvait sous terre, dans la mine. L’employeur indique que c'est son superviseur, qui a aperçu le client en train de fumer sur le wagon. Il lui a demandé de jeter sa cigarette et le travailleur a continué à fumer, puis a lancé sa cigarette par terre. Il était sous terre à ce moment-là, près d'explosif. Il s'agit d'un geste très grave qui met en danger la santé et sécurité du travailleur, mais également celles de tous les employés présents dans la mine. L’employeur confirme qu’il n’y a pas eu de gradation des sanctions en raison de la gravité du geste et cela a entrainé un congédiement immédiatNote de bas de page 5.

[15] Le prestataire a indiqué qu’il n’avait pas fumé proche de la dynamite, mais qu’il fumait l’a où des employés fumaient et qu’il aurait dû avoir un premier avertissement verbalNote de bas de page 6. Il indique qu’il n’a pas été congédié immédiatement puisqu’il a terminé sa journée de travail.

[16] À l’audience, le prestataire a nié avoir fumé alors qu’il était dans la mine. Il a indiqué qu’il n’a pas de cigarette. De plus, il a ajouté qu’il n’aurait pas mis sa vie en danger en fumant près d’explosif. Le prestataire a confirmé que l’employeur avait une politique interdisant de fumer dans la mine. Néanmoins, il a indiqué que plusieurs collègues, dont ses superviseurs, fumaient dans la mine.

[17] Néanmoins, lorsque confronté à la version qu’il a confirmé avoir écrite avec sa conjointe, le prestataire a indiqué qu’il peut s’être contredit.

[18] La version écrite indique que le jour de son congédiement, il fumait avec 2 coéquipiers, une cigarette que son ami lui avait donnée comme il avait oublié les siennes dans sa case. Ils ont vu une lumière et ses deux amis ont écrasé leur cigarette alors qu’il n’a pas pensé à le faire. Le superviseur l’a vu et lui a dit qu’il méritait un avertissement. Il a été congédié à la fin de son quart de travailNote de bas de page 7.

[19] Je suis d’avis que la crédibilité du prestataire est grandement affectée par cette contradiction. Lorsque je l’ai questionné à savoir si oui ou non, il avait fumé dans la mine, le prestataire a nettement répondu « non ». Il a même expliqué qu’il n’était pas un fumeur assidu puisqu’il n’avait pas de cigarette. Lorsqu’il a été confronté avec sa version écrite, il a aussi ajouté qu’il peut s’être trompé, mais que personne ne peut l’avoir surpris à fumer. Pourtant, la version écrite du prestataire indique qu’il fumait avec des collègues, qu’il s’est fait prendre par son superviseur et qu’il avait des cigarettes, mais les avait laissées dans sa case.

[20] Je comprends qu’un grand délai s’est écoulé entre l’événement et la tenue de l’audience, néanmoins, comme il s’agit de l’événement central du congédiement du prestataire, je suis d’avis qu’il ne peut en avoir oublié tous les éléments s’y rattachant d’autant plus qu’il se souvient avoir signé ou non les différents avertissements qu’il a reçus.

[21] Ainsi, malgré le fait que le prestataire a reçu de nombreux avertissements pour différentes situations, qu’il indique qu’il était en conflit avec son superviseur, je suis d’avis que la cause principale de son congédiement demeure le fait qu’il a fumé dans la mine.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[22] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[23] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 8. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 9. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 10 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[24] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 11.

[25] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 12.

[26] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que les gestes d’avoir fumé une cigarette dans une mine souterraine à proximité d’explosifs constituaient des gestes d’inconduite au sens de la Loi parce que le prestataire, qui travaillait pour l’employeur depuis plusieurs années, savait très bien qu’il y avait interdiction de fumer sous terrain, mais il a plutôt décidé de ne pas tenir compte des répercussions.

[27] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce que d’abord, il a indiqué ne pas avoir fumé ni ne pas avoir été pris sur le fait de fumer. Il soutient aussi qu’il ne fumait assurément pas sur un wagon rempli d’explosif, comme l’indique les avertissementsNote de bas de page 13, ni même près d’explosif.

[28] Le prestataire a confirmé qu’il savait qu’il était interdit de fumer dans la mine.

[29] L’employeur a transmis une partie de sa politique et du panneau d’interdiction à l’entrée de la mineNote de bas de page 14.

[30] J’ai déjà établi que la crédibilité du prestataire était grandement affectée par le fait d’avoir clairement indiqué qu’il n’avait pas fumé alors qu’il a écrit le contraire.

[31] J’ai aussi déterminé que malgré le fait que le prestataire soutient avoir fait l’objet de faux avertissements et le fait qu’il était en conflit avec son superviseur particulièrement en raison de son retour progressif, ne sont pas les motifs principaux de son congédiement.

[32] Je suis d’avis que le fait de fumer près ou loin d’explosif n’a pas d’impact sur la détermination de l’inconduite. En effet, le prestataire savait qu’il était interdit de fumer dans la mine. Il a fumé. Le fait d’être près ou loin d’explosif ne change rien à cette situation. Il contrevenait à la règle, même si je suis d’accord qu’il posait un plus grand risque à sa sécurité et à cette de ses collègues s’il a fumé près d’explosif.

[33] Le prestataire aussi confirmé dans sa lettre qu’il s’est fait prendre sur le fait par son superviseur.

[34] Je prends en considération le fait que le prestataire n’a pas fait l’objet de sanctions graduelles comme il s’y serait attendu.

[35] Néanmoins, il n’est pas de mon ressort de déterminer si le congédiement ou la sanction imposée par l’employeur était justifié. Je dois déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 15.

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a confirmé qu’il connaissait la politique de l’employeur selon laquelle il était interdit de fumer dans la mine. Le prestataire a confirmé par écrit qu’il a fumé, que son superviseur l’a surpris à fumer et qu’il a été congédié pour cette raison.

[37] Le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il agissait de manière contraire à la politique de l’employeur en fumant dans la mine et que, de ce fait, qu'il soit possible qu’il soit congédié.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[38] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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