Assurance-emploi (AE)

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[TRANSLATION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c SR, 2022 TSS 1464

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance
Partie intimée : S. R.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 13 juin 2022 (GE-22-1191)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 8 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-419

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi qu’elle a reçues pendant ses études.

Aperçu

[2] S. R. est la prestataire dans la présente affaire. Elle a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi du 1er février au 19 août 2021, une période où elle étudiait à temps plein. Par la suite, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a révisé son dossier et lui a demandé de rembourser les prestations qu’elle avait reçuesNote de bas page 1. Selon la Commission, la prestataire n’était pas disponible pour travailler et il faut être disponible si l’on veut obtenir des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli. La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a fait des erreurs de droit.

[4] La division générale a mal compris les dispositions sur la disponibilité. Cela me permet de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : la prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant ses études. Par conséquent, j’accueille l’appel de la Commission.

Questions en litige

[5] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle mal compris les articles de loi qui portent sur la disponibilité?
  2. b) Si oui, comment puis-je réparer l’erreur de la division générale?
  3. c) La prestataire est-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues?

Analyse

[6] Je peux modifier l’issue de la présente affaire si la division générale a mal compris les parties de la loi qu’elle devait appliquerNote de bas page 2.

La division générale a mal compris les articles de loi portant sur la disponibilité

[7] La division générale devait trancher une question en litige : la prestataire était-elle disponible pour travailler, comme l’exige la loiNote de bas page 3 ?

[8] Dans la présente affaire, la prestataire était gérante dans un commerce de détail. Pendant plusieurs mois, elle a travaillé à temps plein. Puis, en janvier 2021, ses disponibilités ont changé parce qu’elle a commencé un programme d’études collégiales. Pendant ses études, elle était disponible de 14 h 30 à 21 h les jours de semaine et la fin de semaine. En conséquence, son employeur l’a rétrogradée à un poste d’associée et a réduit ses heures à environ deux quarts de travail par semaine.

[9] Malgré cela, la division générale a conclu que la prestataire était encore disponible pour travailler. La division générale a fondé sa conclusion sur deux éléments principaux :

  • La prestataire était disponible pour travailler environ 6,5 heures les jours de semaine et la fin de semaine.
  • La prestataire a demandé à son employeur de lui donner plus d’heures.

[10] La décision de la division générale révèle une mauvaise compréhension des articles de loi qui traitent de la disponibilité.

[11] Tout d’abord, le Tribunal doit évaluer la disponibilité du lundi au vendredi. Il ne peut pas tenir compte du samedi et du dimancheNote de bas page 4.

[12] Ensuite, déterminer la disponibilité ne se limite pas à savoir si une personne est disponible pour travailler pendant un nombre minimum d’heures chaque jour ou chaque semaine. Les cours ont plutôt dit que les disponibilités d’une personne peuvent avoir une incidence sur ses chances de retourner au travail. Par conséquent, il est très important de tenir compte du fait qu’une personne modifie ses disponibilités ou les limite à des heures irrégulièresNote de bas page 5.

[13] Les cours sont particulièrement strictes avec les étudiantes et étudiants dont l’horaire de cours détermine la disponibilitéNote de bas page 6.

[14] Malgré cela, la division générale ne s’est pas penchée sur les moments de la journée où la prestataire était disponible ni sur les décisions des cours qui parlent de la disponibilité des personnes qui vont à l’école.

[15] Comme la division générale a mal compris les dispositions sur la disponibilité, je peux intervenir dans la présente affaire.

Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre

[16] Selon la Commission, je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas page 7. La prestataire ne s’est pas opposée à cette solution.

[17] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale et je conviens que, dans cette affaire-ci, il est approprié de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La prestataire a eu toutes les chances de présenter ses arguments à la division générale. De plus, les faits de l’affaire ne sont pas très complexes ni controversés.

La prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues

[18] Comme je l’ai déjà mentionné, une personne qui veut recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi doit démontrer (entre autres choses) qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 8. La loi ne définit pas le terme « disponible ». Ainsi, les cours et les tribunaux ont dû se débrouiller pour en déterminer le sens.

L’évaluation de la disponibilité nécessite l’analyse du contexte et des faits

[19] Trois choses guident le Tribunal au moment d’évaluer la disponibilité d’une personne. On les appelle souvent les éléments de la décision FaucherNote de bas page 9. C’est une erreur d’ignorer l’un ou l’autre de ces éléments. Le Tribunal doit examiner les trois éléments suivants et évaluer leur importanceNote de bas page 10 :

  • Est-ce que la personne veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui sera offert?
  • A-t-elle fait des efforts raisonnables pour trouver un emploi convenable?
  • A-t-elle fixé des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment (beaucoup trop) ses chances de retourner travailler?

[20] Au cours de son évaluation, le Tribunal tient compte de l’attitude de la personne, de sa conduite et de toutes les circonstances entourant l’affaireNote de bas page 11.

[21] Il y a aussi un lien important entre la disponibilité d’une personne et ses démarches pour trouver un emploi. Les démarches de recherche d’emploi permettent d’obtenir des renseignements importants sur l’état du marché du travail et les conséquences des restrictions que la personne s’impose. En fait, la preuve montrant une recherche d’emploi menée de façon sérieuse et intensive est une très bonne indication de la disponibilité d’une personneNote de bas page 12.

La loi présume que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[22] La loi présume que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas page 13. La présomption est particulièrement forte quand la personne quitte un emploi à temps plein pour aller à l’école.

[23] La présomption semble constituer une façon rapide de dire que les personnes qui étudient à temps plein ont souvent de la difficulté à remplir les exigences pour le troisième élément de la décision Faucher.

[24] Par contre, la présomption ne s’applique pas aux personnes qui peuvent démontrer qu’elles se trouvent dans des circonstances exceptionnelles, y compris si elles ont l’habitude de travailler pendant leurs étudesNote de bas page 14.

La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler

[25] Premièrement, la présomption de non-disponibilité s’applique à la prestataire.

[26] La prestataire était une étudiante à temps plein. Même si, de janvier à avril 2020, la prestataire travaillait pendant qu’elle suivait ses cours au collège, son historique de travail pendant les études n’est pas assez long pour faire tomber la présomption de non-disponibilitéNote de bas page 15.

[27] Deuxièmement, la prestataire a modifié ses disponibilités d’une manière qui a grandement limité ses chances de trouver un emploi. Son employeur l’a rétrogradée et a réduit ses heures de beaucoup parce qu’elle était moins disponible. De plus, la prestataire a déposé des documents montrant que sa disponibilité était encore plus limitée que ce qu’elle a dit au membre de la division généraleNote de bas page 16.

[28] La prestataire a la responsabilité de prouver qu’elle est disponible. Mais il n’y a pas beaucoup d’éléments de preuves qui montrent que d’autres emplois auraient pu être compatibles avec son horaire de cours. En fait, les éléments de preuve que la prestataire a présentés pour démontrer sa recherche d’emploi étaient très vagues. Elle a mentionné avoir posé sa candidature pour six ou sept emplois, mais elle pouvait nommer seulement deux entreprises.

[29] Dans les circonstances, je n’arrive pas à établir une véritable différence entre la présente affaire et celles où la cour a conclu que l’horaire de cours de la personne limitait sa disponibilité de façon à la rendre non disponible pour le travail et donc inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

Il ne faut pas confondre les prestations d’assurance-emploi et la Prestation canadienne d’urgence

[30] Lors des deux audiences du Tribunal, la prestataire a semblé confondre les prestations d’assurance-emploi et la Prestation canadienne d’urgence. Ce sont deux choses différentes et chaque prestation a ses propres critères d’admissibilité.

[31] La Commission a conclu que la prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi qu’elle avait reçues. Par conséquent, je dois aussi me limiter à trancher cette question. Je ne peux pas, par exemple, décider si la prestataire a plutôt droit à une autre prestation.

Conclusion

[32] La division générale a mal compris les articles de loi portant sur la disponibilité. J’accueille donc l’appel de la Commission et je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. Du 1er février au 19 août 2021, la prestataire n’était pas disponible pour travailler. Elle n’était donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues durant cette période.

[33] Étant donné la présente décision, la prestataire doit rembourser une somme importante de prestations. Si ce n’est pas déjà fait, elle peut communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour demander s’il est possible de défalquer (d’annuler) une partie ou la totalité de sa dette, car rembourser tout cet argent lui causerait de graves difficultés financièresNote de bas page 17. La prestataire et l’Agence du revenu du Canada pourraient aussi s’entendre sur un plan de remboursement réaliste.

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