Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1268

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : B. S.
Représentante ou représentant : D. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (473246) datée du 20 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
La personne qui représente l’appelante
Date de la décision : Le 11 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2091

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait pour son employeur depuis près de 15 ans. Elle était superviseure de la facturation.

[4] Cet employeur a instauré une politique en septembre 2021, qui exigeait que tout membre du personnel soit vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 31 décembre 2021. L’employeur a envoyé un courriel à ses employés en disant que le non-respect de sa politique entraînerait une cessation d’emploi.

[5] La prestataire ne s’est pas fait vacciner et son emploi s’est terminé en effet le 31 décembre 2021.

[6] La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas droit à des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[7] La prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé. Toutefois, elle dit que la politique de son employeur était injuste et déraisonnable, car celle-ci ne prévoyait aucune option de tests de dépistage, qu’elle aurait acceptée.

[8] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a donnée. Elle a établi que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[9] Pour sa part, la prestataire ne croit pas que le non-respect de la politique vaccinale de son employeur constitue une inconduite. Elle estime que le vaccin n’a pas été suffisamment vérifié. Son travail a été exemplaire pendant 15 ans. Elle a l’impression que ses droits ont été bafoués. Elle croit qu’elle devrait avoir droit aux prestations.

Question en litige

[10] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[11] Pour établir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[12] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique vaccinale de son employeur. Les parties conviennent que la prestataire a été congédiée parce qu’elle a refusé de se faire vacciner.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[13] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[14] Pour constituer une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite peut aussi se présenter comme une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il ne faut pas nécessairement avoir une intention coupable (c’est-à-dire vouloir faire quelque chose de mal)Note de bas de page 4.

[15] Il y a inconduite si une personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 5.

[16] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été congédiée en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[17] La Commission affirme que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, parce qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Elle savait qu’elle devait se faire vacciner. Elle savait aussi qu’en ne le faisant pas, elle serait congédiée. Comme elle ne s’est pas conformée à la politique, elle a perdu son emploi.

[18] Il est clair que la prestataire a choisi de façon consciente et intentionnelle de ne pas se conformer à l’obligation vaccinale de son employeur. Elle a mentionné qu’elle n’a jamais informé son employeur de son statut vaccinal, même s’il le lui a demandé à quelques reprises. La prestataire a dit à son employeur : [traduction] « J’aime mon travail et je veux rester. » Elle pense que son employeur a pu apprendre son statut vaccinal à cause des potins de bureau ou qu’il a peut-être simplement présumé qu’elle n’était pas vaccinée. Le vice-président de l’entreprise est venu à son bureau pour lui demander s’il pouvait afficher une offre d’emploi pour son poste. La prestataire lui a répondu qu’elle ne changerait pas d’idée. C’est ce qu’on appelle un choix délibéré.

[19] Je dois aussi évaluer si la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique vaccinale de l’employeur l’empêcherait de remplir ses obligations professionnelles.

[20] La politique de l’employeur indiquait que les employés ne pouvaient pas continuer de travailler s’ils étaient non vaccinés et n’avaient pas d’exemption en date du 31 décembre 2021. La prestataire a déclaré qu’elle avait lu la politique. Elle savait donc que le fait d’être non vaccinée contre la COVID-19 au 31 décembre 2021 l’empêcherait de s’acquitter de ses tâches professionnelles.

[21] Pour décider s’il y a eu inconduite, je dois également vérifier si la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée si elle ne respectait pas la politique vaccinale de son employeur.

[22] La prestataire a dit qu’elle n’a pas réalisé avant son dernier jour de travail que son employeur allait réellement mettre fin à son emploi. Elle a reçu un courriel le 31 décembre 2021 l’informant de ne pas revenir au travail. Elle ne se souvient pas si son employeur lui a expliqué la raison de son licenciement. Elle ne se souvient pas non plus si elle a reçu une lettre de cessation d’emploi.

[23] La prestataire a déclaré que la politique obligeait tous les employés à avoir reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 31 décembre 2021 et qu’autrement, il y aurait cessation d’emploi.

[24] Elle a convenu que la politique s’appliquait à elle. Elle savait que son non-respect entraînerait un congédiement.

[25] Le 18 mai 2022, la prestataire a dit au personnel de l’assurance-emploi qu’elle a appris vers le 26 septembre 2021 que les employés devaient avoir reçu deux doses de vaccin en date du 1er janvier 2022, sinon ils risquaient de perdre leur emploi (voir les pages GD3-36 et GD3-37 du dossier d’appel).

[26] J’estime que la prestataire savait qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi si elle ne suivait pas la politique vaccinale de son employeur.

[27] La prestataire affirme avoir demandé d’être exemptée de la vaccination pour motifs religieux. Elle a rempli le formulaire de demande d’exemption de son employeur et l’a soumis aux Ressources humaines, mais il a été refusé. Elle a dit que son pasteur ne pouvait pas lui fournir un document à l’appui de sa demande d’exemption religieuse, car cela l’obligerait à mentir (voir les pages GD3-36 et GD3-37). On ne lui a donc pas accordé d’exemption pour motifs religieux. Elle n’a pas demandé d’exemption médicale non plus.

[28] La prestataire affirme que la politique de son employeur stipulait que les employés non vaccinés qui n’avaient pas d’exemption seraient congédiés. Elle estime que c’était déraisonnable et qu’elle aurait dû être autorisée à faire des tests de dépistage rapides de la COVID-19. Elle a fait remarquer que d’autres employeurs le permettaient.

[29] La prestataire affirme qu’il n’était ni juste ni raisonnable que son entreprise applique une obligation de vaccination contre la COVID-19, alors que le gouvernement du Canada n’en avait pas. Elle a dit qu’elle ne voyait pas pourquoi elle devait se faire vacciner, parce qu’elle n’avait aucun contact avec ses clients ou ses collègues et qu’elle portait un masque quand elle sortait de son bureau. À son avis, cette obligation allait à l’encontre de la charte des droits.

[30] Je n’ai pas à tirer de conclusion sur l’équité ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur ou sur quelconque violation des droits de la prestataire. La conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent selon l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. L’analyse vise plutôt à évaluer si l’acte ou l’omission de la prestataire constitue une inconduite au sens de l’article 30 de la Loi. La question de savoir si la prestataire a été congédiée injustement ou si l’employeur aurait dû lui offrir une mesure d’adaptation raisonnable relève d’une autre instance. Je ne dois pas décider si d’autres lois offrent un recours à la prestataire. Je peux seulement examiner si la façon d’agir de la prestataire constituait une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 7.

[31] La prestataire est libre de présenter ces arguments et de demander réparation devant la cour ou le tribunal approprié. Ces arguments ne changent rien au fait que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a été congédiée pour inconduite au sens de la Loi.

[32] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a démontré ce qui suit :

  • L’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire et en a informé la prestataire.
  • La prestataire était au courant des exigences de la politique vaccinale de l’employeur.
  • La prestataire ne s’est pas fait vacciner et elle savait que cela l’empêcherait de faire son travail.
  • Sa conduite était délibérée.
  • Elle savait qu’elle serait congédiée si elle ne se faisait pas vacciner.
  • Son statut de non-vaccinée lui a fait perdre son emploi.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[33] Je comprends la situation de la prestataire et ses réelles inquiétudes face au vaccin, mais je ne peux pas changer la loi. Selon mes conclusions ci-dessus, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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