Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a commencé à recevoir des prestations d’assurance-emploi le 18 octobre 2020, alors qu’il était aux études à temps plein. Le 16 janvier 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a déclaré l’appelant inadmissible aux prestations à compter du 4 janvier 2021, parce qu’il suivait un programme de formation de sa propre initiative et qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail. Cette décision a entraîné un trop-payé (prestations versées en trop). L’appelant a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale. Celle-ci a rejeté l’appel, en concluant que l’appelant n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail. L’appelant a ensuite fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

La division d’appel a rejeté l’appel. La division générale n’avait pas ignoré la preuve montrant les démarches de recherche d’emploi de l’appelant. La décision de la division générale correspondait aux déclarations et à la preuve de l’appelant qui se trouvaient au dossier. Toutefois, la division générale a ignoré une question qu’elle devait trancher. L’un des principaux arguments de l’appelant était que la Commission avait mal exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle avait réexaminé sa demande et établi un trop-payé. La division générale devait trancher la question suivante : l’inadmissibilité de l’appelant à compter du 4 janvier 2021 découlait-elle d’une décision initiale ou d’un nouvel examen que la Commission avait fait en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi? S’il s’agissait de la deuxième option, la division générale devait alors décider si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire quand elle a choisi de réexaminer la demande.

La division d’appel a décidé de substituer sa décision à celle de la division générale. La division d’appel a conclu que la décision du 10 janvier 2022 concernant l’inadmissibilité de l’appelant à compter du 4 janvier 2021 découlait du nouvel examen que la Commission avait choisi de faire en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Il ne s’agissait pas d’une décision initiale. Selon la division d’appel, l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi permet de vérifier plus tard les décisions qui ont été prises initialement en fonction des déclarations que les prestataires ont faites dans leur demande. La division d’appel a interprété l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi. Ensemble, les articles 52 et 153.161 donnent à la Commission le pouvoir de vérifier rétroactivement l’admissibilité des prestataires et d’établir un trop-payé s’il y a lieu. Si la Commission fait cette vérification, elle a le pouvoir discrétionnaire de réexaminer ou non la demande en vertu de l’article 52. Elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en prenant cette décision.

La division d’appel a établi que la Commission avait pris une décision initiale sur l’admissibilité de l’appelant après sa demande de prestations, en se fondant sur les déclarations qui s’y trouvaient. Le 6 janvier 2022, la Commission a voulu vérifier si l’appelant avait droit aux prestations qui lui avaient été versées. Bref, elle a cherché à vérifier si l’appelant était en mesure de démontrer sa disponibilité pour le travail. La Commission n’en était pas convaincue. Par conséquent, elle a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de réexaminer la demande de l’appelant. La division d’appel a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsque celle-ci a décidé de vérifier l’admissibilité, puis de faire un nouvel examen.

Contenu de la décision

[TRANSLATION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1543

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : R. V.
Représentante ou représentant : D. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Angèle Fricker

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 mai 2022 (GE-22-827)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 30 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-351

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] R. V. est le prestataire. Il a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 18 octobre 2020 pendant qu’il était aux études à temps plein. Le 10 janvier 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a déclaré le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 4 janvier 2021 parce qu’il suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’il n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. Cette décision a entraîné un trop-payé de 17 000,00 $.

[3] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale. La division générale a rejeté l’appel du prestataire, après avoir conclu qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[4] Le prestataire a interjeté appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a décidé qu’il ne faisait pas de démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable. Il affirme que la division générale a ignoré la preuve selon laquelle il vérifiait régulièrement le guichet d’emplois et qu’il avait présenté une demande d’emploi.

[5] Le prestataire fait également valoir que la division générale a commis une erreur de compétence. Il affirme avoir déclaré à plusieurs reprises à la Commission qu’il était aux études et qu’il recevait des prestations. Puis, plus d’un an plus tard, il a été déclaré inadmissible. Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence en n’examinant pas la question de savoir si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée en examinant de nouveau sa demande et en omettant de tenir compte de sa politique de réexamen.

[6] Je rejette l’appel. La division générale n’a pas négligé la preuve concernant les démarches de recherche d’emploi du prestataire. Toutefois, la division générale a négligé une question qu’elle devait trancher quant à savoir si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité du prestataire et d’examiner à nouveau sa demande.

[7] J’ai substitué ma décision à celle de la division générale. Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire. Je ne peux donc pas intervenir dans la décision de la Commission. Malheureusement, cela signifie que le prestataire a toujours un trop-payé.

Questions en litige

[8] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La conclusion de fait de la division générale selon laquelle le prestataire ne faisait pas de démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable a-t-elle été tirée sans tenir compte de la preuve démontrant qu’il vérifiait régulièrement le guichet d’emplois et qu’il avait postulé un emploi?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence en n’examinant pas la question de savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé rétroactivement l’admissibilité du prestataire aux prestations?

Analyse

[9] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait et une erreur de compétence.

[10] Si l’un ou l’autre de ces types d’erreurs était établi, je pourrais intervenir dans la décision de la division généraleNote de bas page 1.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur erreur de fait

[11] Le prestataire de prestations régulières doit prouver qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 2.

[12] Le 20 janvier 2022, la Commission a déclaré le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 4 janvier 2021 parce qu’il suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’il n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[13] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[15] La loi dit que les étudiants à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas page 3.

[16] Une personne peut réfuter cette présomption de deux façons. L’une d’elles consiste à montrer qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein pendant ses étudesNote de bas page 4. L’autre façon consiste à démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnellesNote de bas page 5.

[17] Si une personne réfute la présomption, cela signifie simplement qu’on ne supposera pas qu’elle n’est pas disponible pour travailler. Toutefois, elle doit quand même prouver qu’elle est réellement disponible pour travailler. Selon la loi, il y a trois éléments à considérer pour déterminer si une personne est disponible pour travaillerNote de bas page 6 :

  • la personne a le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable sera offert;
  • la personne a exprimé ce désir par des démarches pour se trouver un emploi convenable;
  • la personne n’a pas établi de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[18] La division générale a décidé que le prestataire n’avait présenté aucune preuve de circonstances exceptionnelles qui réfuterait la présomption de non-disponibilité.

[19] Compte tenu des trois éléments susmentionnés, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[20] Plus précisément, la division générale a décidé que le prestataire n’avait pas manifesté un désir sincère de retourner sur le marché du travail, étant donné qu’il n’avait pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas page 7.

[21] En ce qui concerne le deuxième élément, la division générale a fait référence au témoignage du prestataire au sujet d’une demande d’emploi que le prestataire a présentée pour un emploi au Labrador. La division générale a indiqué que le prestataire cherchait un emploi et que ses démarches avaient porté ses fruits à la fin de ses études. Toutefois, la division générale a décidé qu’aucune preuve ne démontrait des démarches continues pour trouver un emploi pendant toute la période et que le prestataire quitterait son cours de formation pour accepter un tel emploi. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas page 8.

[22] La division générale a observé que le prestataire n’était disponible pour travailler qu’à la fin de son horaire de cours quotidien ainsi que les fins de semaine. En ce qui concerne le troisième élément, la division générale a décidé que le prestataire avait établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. La division générale a décidé que c’était parce que le prestataire n’abandonnerait pas son cours pour accepter un emploi et qu’il n’était disponible qu’en dehors de ses heures de cours obligatoires, ce qui, selon la division générale, imposait de sérieuses restrictions à sa disponibilité.

[23] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a décidé qu’il ne faisait pas de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. Il affirme que la division générale a tiré cette conclusion de fait sans tenir compte de la preuve démontrant qu’il avait présenté une demande d’emploi et qu’il avait régulièrement cherché du travail dans le guichet d’emplois.

[24] La Commission soutient que la division générale a bel et bien tenu compte de la preuve concernant la recherche d’emploi du prestataire. La Commission affirme que la division générale a expressément souligné le témoignage du prestataire selon lequel il cherchait un emploi et qu’il avait réussi dans ses démarches, bien qu’à la fin de ses étudesNote de bas page 9. Toutefois, la Commission soutient que la division générale a décidé qu’il n’y avait aucune preuve de démarches continues pour trouver un emploi pendant toute la période, selon laquelle le prestataire quitterait ses études pour accepter l’emploi.

[25] Dans ses motifs, la division générale n’a pas à mentionner chaque élément de preuve dont elle dispose. La division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve dont elle est saisieNote de bas page 10.

[26] La division d’appel ne peut intervenir que dans certains types d’erreurs de fait. Elle peut intervenir si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas page 11.

[27] Une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire est une conclusion qui contredit carrément la preuve ou n’est pas étayée par la preuveNote de bas page 12.

[28] Les conclusions de fait tirées sans tenir compte des éléments de preuve comprendraient les circonstances où la conclusion n’était rationnellement étayée d’aucun élément de preuve ou celles où le décideur a omis de tenir raisonnablement compte d’éléments de preuve importants qui étaient contraires à sa conclusionNote de bas page 13.

[29] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait. La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire ne faisait pas de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable était étayée par la preuve.

[30] La division générale n’a pas négligé la preuve de la recherche d’emploi du prestataire. La division générale a reconnu que le prestataire avait présenté une seule demande d’emploi et qu’il avait cherché un emploi. Bien que la division générale n’ait pas fait expressément référence à la méthode utilisée par le prestataire pour chercher un emploi, soit le guichet d’emplois, la division générale savait que le prestataire cherchait un emploi.

[31] Toutefois, la division générale n’a tout simplement pas jugé que les démarches du prestataire constituaient une recherche d’emploi raisonnable et habituelleNote de bas page 14.

[32] La décision de la division générale était conforme aux déclarations du prestataire et à la preuve au dossier. La preuve ne démontre pas un effort soutenu pour trouver un emploi, étant donné que le prestataire n’avait présenté qu’une seule demande d’emploi et n’avait utilisé qu’une seule méthode pour chercher du travail.

La division générale a commis une erreur de compétence

[33] Le prestataire soutient qu’il a demandé à la division générale de décider si la Commission n’avait pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en application de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’elle a décidé de réexaminer sa demande. Toutefois, la division générale n’a pas tranché cette question.

[34] Le prestataire soutient qu’il a fait valoir devant la division générale que la Commission n’avait pas suivi sa politique de révisionNote de bas page 15. Cette politique prévoit qu’une demande ne devrait pas être examinée de nouveau lorsque la Commission disposait de tous les renseignements pertinents dont elle avait besoin pour rendre une décision, mais qu’elle avait versé des prestations à tortNote de bas page 16. Le prestataire affirme que la politique prévoit également que la Commission devrait informer le prestataire de sa disponibilité restreinte avant de le déclarer inadmissibleNote de bas page 17.

[35] Le prestataire affirme que, selon la preuve présentée à la division générale, il a fourni des renseignements exacts au sujet de ses études tout au long de sa demande et qu’il n’a jamais été prévenu que sa disponibilité posait un problème.

[36] Le prestataire souligne que la Commission a dit à la division générale qu’elle avait réexaminé la demande en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi et que maintenant, devant la division d’appel, la Commission renvoie à l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[37] La Commission soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de compétence. La Commission affirme que c’est parce qu’elle n’a pas réexaminé la demande en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission soutient plutôt que le prestataire a reçu des prestations parce qu’il satisfaisait aux exigences d’admissibilité. Toutefois, aucune décision relative à l’admissibilité n’a été prise avant le 10 janvier 2022, date à laquelle elle a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations à compter du 4 janvier 2021.

[38] La Commission renvoie à l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi, qui est entré en vigueur le 27 septembre 2020. La Commission affirme que cette disposition a modifié la façon de traiter les demandes d’assurance-emploi de prestataires qui suivent une formation pour laquelle ils n’ont pas été dirigés en réponse à la pandémie de COVID-19. La Commission affirme que cette disposition permettait de verser des prestations aux prestataires qui déclaraient suivre une formation pour laquelle ils n’ont pas été dirigés, en fonction des conditions requises, mais que la décision relative à l’admissibilité était reportée jusqu’à ce que la Commission puisse vérifier ultérieurement l’admissibilité du prestataire.

[39] La Commission soutient que l’article 153.161(2) lui confère le pouvoir d’examiner rétroactivement la disponibilité d’un prestataire et d’imposer ensuite une période d’inadmissibilité en application de l’article 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission affirme qu’un avertissement concernant la disponibilité limitée n’est pas requis par la loi et que, de toute façon, dans le contexte de la modification de la législation et de la procédure, un avertissement devient non pertinent.

[40] La Commission affirme que, bien qu’elle ait renvoyé à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi et non à l’article 153.161 dans ses observations à la division générale, cette observation était erronée.

[41] La Commission soutient que la division générale a implicitement confirmé que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsque la Commission a vérifié la disponibilité du prestataire et a rendu une décision au sujet de son admissibilité puisque la division générale a évalué les éléments pertinents relatifs à la disponibilité du prestataire, n’a pas tenu compte d’éléments non pertinents et est arrivée à la même conclusion que la Commission.

La division générale n’a pas tranché une question qu’elle devait trancher

[42] En toute déférence, je suis d’avis que la division générale a négligé une question qu’elle devait trancher. La division générale devait décider si la décision de la Commission de déclarer le prestataire inadmissible à compter du 4 janvier 2021 constituait une décision initiale sur l’admissibilité ou découlait de la révision de la demande par la Commission. Dans ce dernier cas, la division générale devait alors décider si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en révisant la demande.

[43] L’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi confère à la Commission un pouvoir de révision. Selon cet article, la Commission peut examiner de nouveau toute demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, à moins qu’elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite, auquel cas elle dispose d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demandeNote de bas page 18.

[44] L’article 153.161(1) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que, pour l’application de l’article 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin.

[45] L’article 153.161(2) prévoit que la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[46] Dans sa décision, la division générale a fait référence à la modification apportée à la procédure opérationnelle de la Commission le 27 septembre 2020, selon laquelle la disponibilité du prestataire pour travailler n’était pas examinée lorsque celui-ci déclarait dans sa demande de prestations ou dans ses déclarations à la quinzaine qu’il suivait une formation, mais qu’il était toujours disponible pour travailler. La division générale a toutefois souligné que la Commission avait toujours le pouvoir d’examiner la disponibilité du prestataire et d’imposer une inadmissibilité rétroactive ou actuelle si elle déterminait que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travaillerNote de bas page 19.

[47] La division générale a fait allusion à l’article 153.161 dans sa décision, mais n’y a pas renvoyé expressément. La division générale n’a pas déterminé si la décision de la Commission du 10 janvier 2022 était une décision initiale sur l’admissibilité ou si la Commission avait réexaminé la demande en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi et, dans l’affirmative, si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[48] L’un des principaux arguments du prestataire était que la Commission n’avait pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en réexaminant la demande et en établissant le trop-payé. Cet argument était pertinent à la question du trop-payé. Il fallait donc que la division générale tranche la question.

[49] Il ne suffit pas d’examiner implicitement une question qui est aussi fondamentale à l’appel. La division générale doit examiner expressément les principales questions soulevées devant elleNote de bas page 20.

Réparation

[50] Comme la division générale a commis une erreur susceptible de révision, je peux intervenir en l’espèceNote de bas page 21.

[51] Pour corriger l’erreur de la division générale, je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen ou rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas page 22.

[52] Les deux parties veulent que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Aucune des parties n’a d’autres éléments de preuve à produire au sujet de la question de compétence et elles ont présenté leurs arguments à ce sujet. Je suis d’avis qu’il est indiqué que je substitue ma décision à celle de la division générale.

[53] La Commission me demande de rejeter l’appel. La Commission affirme qu’elle a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en demandant la vérification de l’admissibilité du prestataire en vertu de l’article 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi et en rendant la décision initiale selon laquelle le prestataire n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi à compter du 4 janvier 2021.

[54] Le prestataire me demande de faire droit à son appel. Il affirme que la décision initiale relative à l’admissibilité a été rendue lorsque sa demande a été présentée et que des prestations ont été versées. Il soutient que la Commission a vérifié sa demande à trois reprises lorsqu’il a rempli des questionnaires sur la formation avec des agents de Service Canada et qu’il n’a pas été informé de problèmes concernant sa disponibilité. Il soutient que la décision de le rendre inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 4 janvier 2021 était fondée sur le réexamen par la Commission de sa demande en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[55] Le prestataire convient que la Commission a le pouvoir de réexaminer sa demande en application de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi, mais il affirme que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire à cet égard. Il soutient que la Commission n’a pas suivi sa propre politique de réexamen. Il affirme que la politique n’aurait pas permis le réexamen de la demande, compte tenu de sa situation.

La Commission a réexaminé la demande en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi

[56] Je conclus que la décision du 10 janvier 2022 qui rend le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 4 janvier 2021 découle du réexamen de la demande par la Commission en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 23. Il ne s’agissait pas d’une décision initiale sur l’admissibilité.

[57] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 20 octobre 2020 et sa période de prestations a commencé le 18 octobre 2020. Le prestataire a étudié à temps plein du 4 janvier 2021 au 17 septembre 2021Note de bas page 24. Il a rempli des questionnaires sur la formation le 16 janvier 2021, le 18 juillet 2021 et le 12 septembre 2021. Il a fait état de ses études et de son horaire dans chacun de ces questionnaires.

[58] Le 6 janvier 2022, la Commission a communiqué par téléphone avec le prestataire pour discuter de sa disponibilité. La Commission a obtenu des renseignements concernant les heures de disponibilité du prestataire et sa recherche d’emploiNote de bas page 25.

[59] Le 10 janvier 2022, la Commission a écrit au prestataire pour l’informer qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations d’assurance-emploi à compter du 4 janvier 2021 parce qu’il suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’il n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le 15 janvier 2022, le prestataire a reçu un avis de dette de 17 000,00 $. Cette décision a été confirmée après révision le 11 février 2022Note de bas page 26.

[60] À mon avis, l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi ne permet pas de reporter la décision sur l’admissibilité, comme le laisse entendre la Commission. Elle permet plutôt la vérification différée d’une décision initiale d’admissibilité qui a déjà été prise en fonction des déclarations faites par le prestataire dans sa demande.

[61] L’article 153.161 a été mis en œuvre le 27 septembre 2020 dans le cadre de l’Arrêté provisoire no 10Note de bas page 27. Selon la note explicative de l’Arrêté provisoire no 10, l’Arrêté provisoire no 10 a été pris dans le but d’atténuer les répercussions économiques de la COVID-19. La note explicative indique également que l’article 153.161 permettait une approche opérationnelle modifiée pour déterminer la disponibilité à travailler des prestataires qui n’ont pas été dirigés vers un cours de formation conformément à l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 28.

[62] L’article 153.161 a été en vigueur jusqu’au 25 septembre 2021, mais il a continué de s’appliquer aux périodes de prestations débutant entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021Note de bas page 29. Il est donc pertinent à la situation du prestataire.

[63] L’article 153.161(2) prévoit que la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[64] Le texte indique clairement que la vérification de l’admissibilité ne peut avoir lieu qu’après le paiement des prestations. Toutefois, rien dans le texte de l’article 153.161 n’indique que la Commission peut retarder la prise d’une décision initiale ou y renoncer. Il s’agit de vérifier l’[traduction] « admissibilité ». Cela suppose qu’une décision sur l’admissibilité a déjà été prise.

[65] La disposition indique également que la Commission « peut » vérifier l’admissibilité, de sorte que le pouvoir de vérifier est discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire est incompatible avec la position de la Commission selon laquelle cette disposition permet de reporter la décision sur l’admissibilité. Si la Commission n’exerçait pas son pouvoir discrétionnaire de vérifier la demande, cela signifierait que, dans certains cas, elle ne rendrait jamais de décision concernant l’admissibilité aux prestations. Ça ne saurait être l’intention.

[66] La Commission affirme que le paiement était fondé sur les « conditions requises » pour recevoir des prestations et non sur l’[traduction] « admissibilité ». Les conditions requises pour établir une demande sont énoncées à l’article 7 de la Loi sur l’assurance-emploi. Les exigences de base sont l’arrêt de la rémunération et le nombre d’heures d’emploi assurable requis.

[67] Toutefois, le texte de l’article 153.161(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est incompatible avec la notion selon laquelle le paiement est effectué uniquement en fonction des conditions requises. Aux termes de l’article 153.161(1), le prestataire n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin. Cette disposition laisse entendre que la Commission ne peut verser des prestations sans avoir la preuve qu’une personne est disponible pour travailler. Le paiement doit être fondé sur certains éléments de preuve de disponibilité.

[68] J’ai également tenu compte de l’article 153.161 dans le contexte de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’article 52(1) confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire de réexaminer une demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables. Selon l’article 52(2), si la Commission décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, la Commission calcule la somme payée ou à payer, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.

[69] Si l’article 153.161 était interprété de manière à permettre à la Commission de rendre une décision initiale différée sur l’admissibilité après avoir demandé la vérification de la disponibilité du prestataire selon laquelle ce dernier n’était pas admissible aux prestations, il ne semble pas exister de mécanisme législatif correspondant pour permettre à la Commission de calculer un trop-payé et d’en informer le prestataire.

[70] Cela me porte également à croire que l’article 153.161(2) ne fait rien de plus que de permettre à la Commission de vérifier qu’un prestataire peut prouver qu’il est disponible pour travailler après qu’une décision initiale sur l’admissibilité a déjà été rendue en fonction des renseignements limités fournis dans la demande de prestations.

[71] Compte tenu du texte de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi et du contexte de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi, je conclus que l’article 153.161 permet à la Commission de rendre une décision initiale sur l’admissibilité en fonction des déclarations faites par un prestataire dans la demande de prestations. Toutefois, la Commission peut reporter sa vérification de l’admissibilité d’un prestataire.

[72] Cette interprétation est également conforme à une approche opérationnelle modifiée. En raison des circonstances extraordinaires de la pandémie, le législateur a reconnu qu’il n’était pas possible pour la Commission de vérifier l’admissibilité au moment de la demande et a donc permis une vérification différée. Toutefois, cela ne signifie pas qu’une décision initiale n’a pas été prise par la Commission, compte tenu des renseignements limités fournis dans la demande de prestations.

[73] La Commission renvoie aux décisions du Tribunal GVP c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas page 30, Commission de l’assurance-emploi du Canada c SLNote de bas page 31 et Commission de l’assurance-emploi du Canada c ENNote de bas page 32, qui confirment son interprétation selon laquelle l’article 153.161 permettait le versement de prestations si le prestataire satisfaisait aux conditions requises, la décision relative à l’admissibilité étant rendue ultérieurement.

[74] Je tiens à souligner que ces questions n’ont pas été discutées dans l’affaire EN. Cette affaire portait sur un appel de la Commission concernant la disponibilité d’un prestataire pour travailler. Dans l’affaire SL, la division d’appel a décidé que la Commission pouvait examiner et réexaminer la disponibilité du prestataire en vertu de l’article 52 ou de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi. Toutefois, aucune conclusion précise n’a été tirée quant à la disposition au titre de laquelle le réexamen a été effectué.

[75] En ce qui concerne la décision GVP, je ne suis pas lié par les décisions rendues par la division générale. Je remarque que, dans la décision GVP, l’interprétation proposée par la Commission n’a pas été examinée dans le contexte de la nature discrétionnaire de l’article 153.161 et du fait que l’interprétation de la Commission pourrait signifier dans certains cas qu’aucune décision sur l’admissibilité ne serait rendue. Par conséquent, je suis d’avis que cette décision diffère de l’espèce pour ce motif.

[76] La division d’appel a récemment examiné l’article 153.161 dans la décision SF c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas page 33. Dans cette affaire, la division d’appel a décidé que l’article 153.161 ne devrait pas être interprété comme signifiant que la Commission peut diviser sa responsabilité décisionnelle en deux parties et reporter indéfiniment la prise d’une décision concernant l’admissibilité du prestataire à des prestations.

[77] Dans l’affaire SF, la division d’appel a décidé que la Commission avait rendu une décision fondée sur les déclarations faites par le prestataire et, selon son approche opérationnelle modifiée, a versé des prestations en se fondant sur ces déclarations et a reporté l’évaluation plus approfondie de la question. Je préfère et j’adopte le raisonnement dans l’affaire SF. Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis d’avis qu’une telle interprétation est conforme au texte de la disposition, au contexte de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi et à l’approche opérationnelle modifiée autorisée par le législateur.

[78] Toutefois, je conviens, comme il a été conclu dans l’affaire SF, que l’article 153.161 demeure pertinent quant au trop-payé. Pris ensemble, les articles 52 et 153.151 confèrent à la Commission le pouvoir de vérifier rétroactivement l’admissibilité d’un prestataire et d’établir un trop-payé, le cas échéant.

[79] Plus précisément, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de demander la vérification de l’admissibilité après le versement des prestations en vertu de l’article 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Si cette vérification est demandée et que la Commission décide que le prestataire n’a pas prouvé qu’il est disponible pour travailler, l’article 52 confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire de décider si elle va réexaminer la demande. Elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rendant cette décision.

[80] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Commission a rendu une décision initiale sur l’admissibilité après que le prestataire a présenté une demande de prestations, compte tenu des déclarations contenues dans sa demande.

[81] Le 6 janvier 2022, la Commission a voulu vérifier si le prestataire avait droit aux prestations qu’il avait reçues. À cette date, le prestataire a été interrogé sur les heures précises pendant lesquelles il fréquentait l’école, le temps total qu’il consacre chaque semaine à ses études, les heures précises pendant lesquelles le prestataire était disponible pour travailler et sur sa recherche d’emploi. On a également demandé au prestataire de fournir la preuve de sa recherche d’emploi. Bref, la Commission a voulu vérifier que le prestataire pouvait prouver sa disponibilité pour travaillerNote de bas page 34. La Commission n’était pas convaincue que le prestataire avait démontré sa disponibilité.

[82] Après avoir rendu cette décision, la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la demande du prestataire. Le prestataire a été informé le 10 janvier 2022 qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations à compter du 4 janvier 2021. Le trop-payé a été calculé et un avis de trop-payé a ensuite été produit.

[83] Le prestataire soutient que la Commission avait déjà vérifié et accepté son admissibilité lorsqu’il a rempli son questionnaire sur la formation le 16 janvier 2021 et de nouveau le 18 juillet 2021 et le 12 septembre 2021. Il n’a pas été avisé de problèmes concernant sa disponibilité et les paiements ont continué.

[84] Toutefois, les questionnaires sur la formation et les paiements continus ne constituent pas une vérification. Les questionnaires fournissent peu de renseignements sur les éléments pertinents servant à démontrer la disponibilité. Par exemple, ils ne contiennent pas de questions détaillées sur la recherche d’emploi ou les heures de disponibilité. Le questionnaire sur la formation rappelle aux prestataires qu’ils doivent conserver un dossier de recherche d’emploi. Le questionnaire sur la formation contient également le message suivant : [traduction] « N’oubliez pas que vous devez toujours être disponible et à la recherche d’un emploi ». Cet énoncé laisse supposer qu’un prestataire doit encore satisfaire à des exigences de disponibilité au-delà des questions abordées dans le questionnaire sur la formation.

La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité

[85] Les pouvoirs que confèrent à la Commission les articles 52 et 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi sont discrétionnaires. Cela signifie que la Commission peut vérifier l’admissibilité d’une personne à des prestations qu’elle a déjà reçues et examiner de nouveau sa demande, mais elle n’est pas tenue de le faire.

[86] Les pouvoirs discrétionnaires doivent être exercés de manière judiciaire. Cela signifie que lorsque la Commission décide de vérifier l’admissibilité ou d’examiner de nouveau une demande, la décision de la Commission peut être annulée dans les cas suivantsNote de bas page 35 :

  • elle a agi de mauvaise foi;
  • elle a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • elle a pris en compte un facteur non pertinent;
  • elle a ignoré un facteur pertinent;
  • elle a agi de manière discriminatoire.

[87] La Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a voulu vérifier l’admissibilité du prestataire. La Commission a reçu un questionnaire sur la formation le 12 septembre 2021 dans lequel le prestataire avait indiqué qu’il était aux études à temps plein, le matin et l’après-midi du lundi au vendredi. Il n’accepterait un travail à temps plein que s’il pouvait en retarder le début pour lui permettre de terminer le programmeNote de bas page 36. Cela a amené la Commission à communiquer avec le prestataire le 6 janvier 2022 pour faire une vérification de son admissibilité.

[88] Dans le questionnaire sur la formation, le prestataire a indiqué qu’il avait un horaire de cours exigeant et qu’il n’était pas disposé à quitter ses études pour travailler. Le questionnaire a donc soulevé des questions sur la disponibilité du prestataire.

[89] Rien n’indique que la Commission a tenu compte de facteurs non pertinents, a ignoré des facteurs pertinents ou a agi de manière discriminatoire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité du prestataire aux prestations. Elle a donné suite aux renseignements pertinents contenus dans le questionnaire sur la formation qui remettaient en question l’admissibilité du prestataire aux prestations.

[90] Bien que la Commission n’ait pas vérifié la disponibilité du prestataire avant le troisième questionnaire, l’article 153.161(2) permet cette vérification « à tout moment » après le versement des prestations. On ne peut donc pas dire que le retard équivaut à de la « mauvaise foi ».

La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande

[91] Le prestataire ne m’a pas convaincue que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière non judiciaire en réexaminant la demande en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[92] La Commission a une politique qui oriente l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer une demande en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 37. La politique prévoit que, si la Commission a versé des prestations à tort, l’erreur sera corrigée sans toutefois créer un trop-payé à moins que l’erreur ne donne lieu à une décision qui est contraire à la Loi sur l’assurance-emploi. La politique prévoit que la Commission ne procédera au nouvel examen d’une demande que dans les situations suivantes :

  • il y a un moins-payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi (la politique indique que cela ne comprend pas la décision sur la disponibilité);
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[93] La politique prévoit que la Commission imposera seulement une décision rétroactive créant un trop-payé que si elle est en présence de l’une situations décrites ci-dessus.

[94] Le prestataire soutient que la Commission n’a pas suivi sa propre politique lorsqu’elle a réexaminé la demande. Il soutient que le trop-payé est survenu sans qu’il en soit responsable. Il affirme avoir déclaré honnêtement qu’il était aux études dans trois questionnaires distincts et n’avoir fait aucune déclaration fausse ou trompeuse. Il n’a pas été averti que sa recherche d’emploi devait être élargie, comme le prévoit aussi la politique de la CommissionNote de bas page 38. Il soutient que, selon la politique, la demande n’aurait pas dû être réexaminée.

[95] La Commission a fait valoir devant la division générale que, même si le prestataire a déclaré dans son questionnaire qu’il cherchait du travail, lorsqu’elle a communiqué avec lui, le prestataire a admis qu’il n’avait postulé aucun emploi avant novembre 2021 et qu’il n’était disposé à travailler que le soir et les fins de semaine, car sa priorité était son cours. Le prestataire s’est fait demander une preuve de sa recherche d’emploi, mais il n’a pas été en mesure de la fournir. La Commission a expliqué que, lorsque le prestataire a présenté une demande de prestations, il a accepté ses droits et responsabilités lorsque les exigences de recherche d’emploi ont été expliquées et qu’il a été informé qu’il devait conserver son dossier de recherche d’emploi pendant 6 ans.

[96] La Commission a également expliqué que, dans chacun des trois questionnaires sur la formation remplis par le prestataire, celui-ci a déclaré qu’il était disponible et capable de travailler dans les mêmes conditions qu’avant de commencer son cours et qu’il avait fait des démarches pour trouver du travail depuis le début de son cours ou depuis qu’il était sans emploi. Toutefois, lorsqu’on lui a demandé d’appuyer ses déclarations par une preuve de recherche d’emploi, il a admis qu’il n’avait pas cherché de travail pendant ses études et qu’il n’était pas en mesure de fournir un dossier de recherche d’emploi.

[97] Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande.

[98] La politique de révision de la Commission repose sur la notion selon laquelle les prestataires devraient généralement être en mesure de se fier aux décisions rendues par la Commission comme étant finales.

[99] La Commission ne semble pas avoir pris en compte sa politique de révision. N’eût été l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi, j’aurais admis que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée en omettant de tenir compte de sa politique.

[100] Toutefois, la politique de la Commission a été élaborée avant l’ajout de l’article 153.161 à la Loi sur l’assurance-emploi. La politique ne fait pas référence à l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi ni ne fournit de directives sur la façon dont l’article 153.161 devrait orienter l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[101] L’article 153.161 a été ajouté à la Loi sur l’assurance-emploi dans les circonstances extraordinaires de la pandémie. Le législateur a approuvé une procédure opérationnelle modifiée de la Commission. Le législateur a expressément conféré à la Commission le pouvoir prévu à l’article 153.161 de différer la vérification de l’admissibilité même après le versement des prestations.

[102] Je conclus donc que la notion d’avertissement concernant la disponibilité limitée prévue dans la politique n’était pas pertinente dans le contexte du pouvoir législatif de la Commission de différer la vérification de l’admissibilité.

[103] Il est important de noter que l’article 153.161 ne fait pas référence à la vérification de l’exactitude des renseignements fournis par le prestataire, mais plutôt à la vérification de l’admissibilité. Cela m’indique que le législateur a prévu expressément la possibilité que la Commission réexamine les demandes des étudiants qui suivent une formation pour laquelle ils n’ont pas été dirigés, même si le prestataire a déjà fourni des renseignements exacts et même après le versement des prestations.

[104] En d’autres termes, dans les circonstances particulières de la pandémie, en adoptant l’article 153.161, le législateur a manifesté l’intention selon laquelle le réexamen d’une demande dans des circonstances où la vérification est demandée et où le prestataire ne peut prouver son admissibilité, l’emporte sur le principe du caractère définitif.

[105] Pour décider s’il y a lieu de réexaminer la demande, la Commission a donc dû exercer son pouvoir discrétionnaire, en tenant compte de l’intention du législateur à l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[106] Bien que la Commission n’ait pas renvoyé à l’article 153.161 dans ses observations devant la division générale, elle a clairement indiqué que l’élément qui avait donné lieu au réexamen de la demande était que le prestataire n’était pas en mesure de prouver sa disponibilité pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire n’était pas en mesure d’étayer ses déclarations antérieures de disponibilité par une preuve de recherche d’emploi adéquate. Le prestataire n’a pas non plus été en mesure de prouver sa disponibilité devant la division générale.

[107] Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, compte tenu de l’intention du législateur à l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi. Même si le prestataire a fourni à plusieurs reprises des renseignements sur sa formation à la Commission, celle-ci a décidé que le prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler lorsque la vérification a été demandée.

[108] Le prestataire qui a touché des prestations auxquelles il n’est pas admissible est tenu de les rembourser à la CommissionNote de bas page 39. Par conséquent, le réexamen d’une demande lorsqu’il semble qu’un prestataire ne soit pas admissible à des prestations est une fin légitime.

[109] La Commission a examiné tous les renseignements pertinents pour décider de réexaminer la demande. Le prestataire n’a présenté aucun fait nouveau pertinent à l’exercice du pouvoir discrétionnaire à l’audience devant la division générale. Rien n’indique que la Commission a tenu compte de renseignements non pertinents, ou a agi de mauvaise foi ou de manière discriminatoire.

[110] La Commission a réexaminé la demande dans le délai prescrit de 36 mois. Le prestataire n’a pas laissé entendre que le retard dans le réexamen de la demande avait compromis sa capacité de prouver sa disponibilité pour travailler.

[111] Puisque la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je ne peux intervenir dans cette décision.

[112] Il ne fait aucun doute que cette situation a causé des difficultés au prestataire. Je suis sensible à la situation du prestataire. Cependant, je ne peux y remédier. Comme l’a souligné la division générale, le Tribunal n’a pas le pouvoir de radier une dette. La division générale a souligné dans sa décision diverses options que le prestataire pourrait envisager concernant la dette.

Conclusion

[113] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait.

[114] La division générale a négligé une question qu’elle devait trancher. J’ai substitué ma décision pour conclure que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité du prestataire et de réexaminer la demande. Je ne peux donc pas intervenir dans la décision de la Commission. Par conséquent, il existe toujours un trop-payé.

[115] L’appel est rejeté.

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