Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1408

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 octobre 2022
(GE-22-1290)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 5 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-858

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, qui ne lui a accordé aucune exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a déterminé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite; elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après le rejet d’une demande de révision, le prestataire a fait appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi à la suite de son refus de respecter la politique de l’employeur. Elle a constaté qu’on ne lui avait pas accordé d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait qu’il était probable que l’employeur le suspende dans ces circonstances. La division générale en est venue à la conclusion que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Il soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il avait été suspendu en raison d’une inconduite. Il fait valoir que le simple désaccord avec la vaccination ne constitue pas une inconduite. Le prestataire soutient que la division générale aurait dû exercer sa compétence pour décider que la politique de l’employeur était illégale, déraisonnable et violait sa convention collective et ses droits constitutionnels.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une étape que la partie prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui qu’elle devra assumer lors de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit soutenir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Ainsi, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il avait été suspendu en raison d’une inconduite. Il fait valoir que le simple désaccord avec la vaccination ne constitue pas une inconduite. Le prestataire soutient que la division générale aurait dû exercer sa compétence pour décider que la politique de l’employeur était illégale, déraisonnable et violait sa convention collective et ses droits constitutionnels.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison de son inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas que l’écart de conduite doit nécessairement découler d’une mauvaise intention; il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale est de décider si le prestataire était coupable de l’inconduite qui a mené à sa suspension, non pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur est coupable d’inconduite lui-même puisqu’il a suspendu le prestataire, de sorte ce que la suspension serait injustifiéeNote de bas de page 1.

[16] La division générale a déterminé que le prestataire avait été suspendu de son emploi parce qu’il avait refusé de respecter la politique de l’employeur. Il avait été informé de la politique de l’employeur et on lui a donné le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[20] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû exercer sa compétence pour décider que la politique de l’employeur était illégale, déraisonnable et violait sa convention collective et ses droits constitutionnels.

[21] Il n’est pas vraiment contesté que l’employeur a l’obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés au travail. Ce Tribunal n’a pas l’expertise ni la compétence pour décider si les mesures prises par l’employeur en matière de santé et de sécurité concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] Je ne vois aucune erreur susceptible de révision dans le fait que la division générale ait établi qu’elle n’a pas compétence pour trancher des questions au sujet de l’efficacité du vaccin ou du caractère raisonnable de la politique de l’employeur. La question de savoir si la politique de l’employeur a violé la convention collective ou les droits du prestataire relève d’une autre tribune. Ce Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il rechercheNote de bas de page 3.

[23] Dans la récente affaire Paradis, on a refusé les prestations d’assurance-emploi au prestataire en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu qu’il s’agissait d’une question relevant d’une autre tribune. La Cour a également déclaré qu’il existe des recours pour sanctionner le comportement d’un employeur, autres que le transfert des coûts de ce comportement aux contribuables canadiens par le biais de prestations d’assurance-emploi.

[24] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a choisi délibérément pour des raisons personnelles de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse aux circonstances uniques et exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension de son travail.

[25] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question d’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[26] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 5. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[27] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision, comme une faute de compétence ou la possibilité que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a pas relevé d’erreurs de droit ou de conclusions de fait erronées, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, pour rendre sa décision.

[28] Après l’examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[29] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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