Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1191

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (456865) datée du 15 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 20 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2280

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cette raison.

Aperçu

[3] Le dernier jour de travail du prestataire était le 26 octobre 2021. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 22 novembre 2021. Il a déclaré dans sa demande qu’il ne travaillait plus en raison d’un manque de travail.

[4] La Commission a établi une période de prestations commençant le 31 octobre 2021. Elle a reçu un relevé d’emploi de l’employeur précisant que le prestataire ne travaillait plus parce qu’il n’avait pas satisfait à l’exigence de vaccination contre la COVID-19 du propriétaire.

[5] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire avait cessé de travailler. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission a imposé un arrêt de paiement (exclusion) pour une période indéterminée, à compter du 31 octobre 2021.

[6] Le prestataire n’était pas d’accord avec la Commission et a fait appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (appel GE-22-1081). Il dit avoir demandé une mise à pied pour des raisons personnelles. Il dit qu’il devait être à la maison avec son épouse qui était déprimée. Il dit aussi que s’il veut retourner au travail, il n’a qu’à appeler le bureau de répartition de son syndicat.

[7] La membre de la division générale auquel cet appel a été attribué a rendu sa décision le 20 mai 2022. Elle a conclu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification. Le prestataire a fait appel de cette décision auprès de la division d’appel du Tribunal.

[8] La membre de la division d’appel a accueilli l’appel (appel AD-22-358). Elle a décidé que l’affaire serait renvoyée à la division générale pour être réexaminée par une ou un autre membre. Je suis cette membre.

Questions que je dois examiner en premier

Téléconférence préalable à l’audience

[9] J’ai prévu une téléconférence préalable à l’audience le 17 août 2022, parce que la membre de la division d’appel a dit que le prestataire bénéficierait (si possible) du service d’accompagnement du Tribunal pour les parties appelantes non représentées. Les services d’accompagnement ne sont pas encore disponibles pour les appels réguliers de l’assurance-emploi, alors j’ai tenu la téléconférence préalable à l’audience.

[10] Le 17 août 2022, le prestataire s’est présenté à la téléconférence préalable à l’audience. Cependant, la Commission ne s’est pas présentée. Je suis convaincue que le Tribunal a avisé la Commission de la téléconférence préalable à l’audience, alors j’ai procédé en l’absence de la Commission.

[11] Au cours de la téléconférence préalable à l’audience, j’ai discuté des options d’aide offertes aux parties prestataires non représentées, des exigences relatives à la façon de procéder à l’audience, de la date limite pour toute la preuve documentaire (le 9 septembre 2022), du mode d’audience et des dates d’audience possibles.

Question en litige

[12] Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[13] Si oui, a-t-il démontré qu’il était fondé à la faire? Autrement dit, a-t-il démontré qu’il n’avait pas d’autre choix raisonnable que de partir lorsqu’il l’a fait?

Analyse

Départ volontaire

[14] La loi dit que pour établir si une partie prestataire a quitté volontairement son emploi, la question à se poser est la suivante : « l’employé avait-il le choix de rester ou de quitter son emploi? Note de bas de page 1 »

[15] J’estime que le prestataire a volontairement quitté son emploi parce qu’il avait le choix de continuer à travailler. Voici les éléments que j’ai pris en considération.

[16] À l’audience, le prestataire a dit : « Oui, j’ai mis fin à mon emploi. » Il admet qu’il aurait pu continuer à travailler, mais qu’il a choisi de mettre fin à son emploi le 26 octobre 2021 afin de pouvoir passer du temps à la maison avec sa famille. Je vais maintenant évaluer si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

Justification

[17] Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[18] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à démontrer la justification.

[19] La loi explique ce qu’on entend par une personne « est fondée à » faire quelque chose. Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. On dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstances qui existaient au moment de la démissionNote de bas de page 3.

[20] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 4.

Circonstances dans lesquelles le prestataire a démissionné

[21] La loi mentionne certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 5. Une fois que j’ai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, il doit alors démontrer que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 6.

[22] À l’audience, le prestataire a expliqué ses circonstances de façon détaillée. En voici un résumé :

  • Il a dit à son patron qu’il avait des problèmes personnels à la maison et il a donc demandé une mise à pied. Son patron lui a dit que l’entreprise mettait seulement à pied des gens qu’elle ne voulait pas garder ou des employées ou employés non vaccinés.
  • Il sentait qu’il devait être à la maison avec sa famille, alors il a dit à son employeur de le placer sur la liste des personnes non vaccinées. Il a fait cela pour pouvoir être mis à pied et recevoir des prestations d’assurance-emploi.
  • Son travail l’obligeait à travailler dans le Nord, loin de chez lui. Il prenait l’avion pour se rendre au travail et restait deux semaines, puis retournait à la maison pour une semaine. Il prenait l’avion dans une autre ville située à environ 90 minutes de chez lui. Son épouse allait le chercher à l’aéroport.
  • Il dit que son épouse et son fils adulte ont tous deux des problèmes de toxicomanie. Son épouse est déprimée depuis que son petit-enfant est décédé dans un accident tragique en 2019.
  • Son épouse a eu un accident une fois, alors qu’elle se rendait à l’aéroport pour aller le chercher. Il estimait donc qu’il était dangereux pour son épouse de devoir conduire pour aller le chercher à l’aéroport.
  • Il dit que travailler loin de la maison était trop stressant. Il se préoccupait constamment de la sécurité de son épouse et de son fils, ce qui faisait qu’il passait beaucoup de nuits blanches lorsqu’il n’était pas à la maison à cause du travail.
  • Cette dernière période de travail a été difficile pour lui. Il dit qu’il s’inquiétait toujours de la sécurité de son épouse et de son fils. Son épouse était déprimée et avait simplement besoin qu’il soit à la maison.
  • Il avait initialement prévu de retourner au travail au printemps 2022, mais il vivait encore trop de stress. Il est donc seulement disponible pour travailler dans la ville où il réside.
  • Il dit qu’il se sent plutôt malmené après avoir dû se battre pour obtenir ses prestations d’assurance-emploi. Il dit donc que l’idée d’être maintenant à l’extérieur de la ville est troublante pour lui.
  • Il n’a pas discuté de son stress avec son médecin. Il dit que le travail n’est pas un problème parce qu’il est facile pour lui de travailler. Le problème, c’est d’être à l’extérieur de la ville, ce qui lui cause du stress. Il ne dort pas bien quand il est au travail parce qu’il s’inquiète constamment de la sécurité de sa famille.
  • Le prestataire a confirmé qu’au moment où il a cessé de travailler, il y avait encore du travail disponible. Il dit maintenant qu’il aurait pu continuer à travailler s’il le voulait parce qu’il avait été entièrement vacciné.
  • Il convient qu’il a fait le choix d’arrêter de travailler à compter du 26 octobre 2021, parce que c’était stressant pour lui d’être absent. Il dit qu’il devait être à la maison pour assurer la sécurité de sa famille.

[23] Aucune disposition de la Loi ne permet à une partie prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi en raison du stress découlant de problèmes personnels. Le problème de santé sur lequel une personne se fonde pour établir la justification doit être précis plutôt que général et étayé par des preuves médicalesNote de bas de page 7.

[24] La Loi prévoit une situation où il existe une obligation de prendre soin d’un enfant ou d’un membre de la famille immédiate. J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel son épouse et son fils sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. Mais lorsqu’on lui a demandé d’expliquer comment il s’occupait d’eux, le prestataire a répondu : [traduction] « ma présence, je suis là pour eux ».

[25] Lorsque je lui ai demandé de fournir des détails à cet effet, le prestataire a dit qu’il vérifiait si son fils était toujours en vie chaque matin. Que l’on considère ou non « être présent » comme une façon de s’occuper de sa famille, la loi dit que le prestataire doit tout de même démontrer qu’il n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

D’autres solutions raisonnables

[26] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’estime que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de mettre fin à son emploi lorsqu’il l’a fait. Voici les éléments que j’ai pris en considération.  

[27] Je reconnais que le prestataire n’aurait pas droit aux prestations d’assurance-emploi s’il prenait un congé volontaire. Cela n’était peut-être donc pas une solution raisonnable pour le prestataire étant donné qu’il a dit qu’il devait subvenir aux besoins de sa famille.

[28] Après un examen plus approfondi des observations de la Commission, le prestataire n’est pas d’accord qu’il aurait dû demander un congé. Il dit qu’il peut retourner au travail quand il le veut. Tout ce qu’il a à faire, c’est téléphoner à son local syndical et ils l’enverront travailler à l’extérieur de la ville. La lettre de son syndicat qu’il a fournie confirme qu’ils seraient heureux de l’envoyer travailler dans le Nord s’il était disponible pour travailler à l’extérieur de la villeNote de bas de page 8. 

[29] Je suis d’accord avec la Commission lorsqu’elle affirme qu’une autre solution était que le prestataire continue de travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi plus près de son domicile.

[30] Je reconnais que le prestataire a dit qu’il n’était pas sécuritaire pour son épouse d’aller le chercher à l’aéroport pendant l’hiver et qu’elle avait déjà eu un accident. Mais une autre solution raisonnable aurait été qu’il s’arrange autrement pour se rendre à l’aéroport et en revenir, comme prendre un taxi, un autobus, faire du covoiturage ou prendre des dispositions pour laisser son véhicule à l’aéroport (ou près de l’aéroport) pendant qu’il travaille à l’extérieur de la ville afin de pouvoir rentrer chez lui en voiture.

[31] Une autre solution raisonnable aurait été que le prestataire explore la possibilité de prendre un congé de maladie ou de demander des prestations de maladie de l’assurance-emploi s’il était trop stressé pour continuer à travailler. Au début, le prestataire a dit qu’il savait que ce serait la dernière fois qu’il travaillerait dans le Nord. Ensuite, il a dit qu’il avait prévu de retourner au travail au printemps, mais qu’il n’était pas retourné parce qu’il vivait encore du stress. Une autre solution raisonnable aurait donc été qu’il discute de son niveau de stress avec son médecin et qu’il suive ses conseils.

[32] Le prestataire affirme qu’il n’a pas consulté de médecin au sujet de son niveau de stress. Il a aussi dit qu’il était de la « vieille école » et qu’il n’aimait pas parler de ses problèmes à qui que ce soit. Cela confirme le fait qu’il a fait le choix personnel de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[33] La preuve appuie la conclusion selon laquelle le prestataire a fait le choix personnel d’arrêter de travailler le 26 octobre 2021. Je reconnais qu’il a dit qu’il avait la responsabilité d’être à la maison avec sa famille, de sorte qu’il était seulement disponible pour travailler dans la ville où il habite. Bien qu’un choix personnel puisse constituer un motif valable, il ne constitue pas une justification de quitter un emploi et de faire porter le fardeau du chômage du prestataire à d’autres personnesNote de bas de page 9.

[34] Je compatis avec le prestataire, compte tenu des circonstances qu’il a présentées. Cependant, ma décision n’est pas fondée sur l’équité ou les difficultés financières. Elle est plutôt fondée sur les faits portés à ma connaissance et sur l’application de la loi. Je ne peux faire aucune exception et je n’ai aucune latitude. Je ne peux pas interpréter ou réécrire la loi d’une manière qui est contraire à son sens ordinaire, pas même pour un motif de compassionNote de bas de page 10.

[35] Quand j’examine les circonstances du prestataire individuellement ou cumulativement, je conclus qu’il avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi. Il est donc exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté. Le prestataire a volontairement quitté son emploi sans justification au sens de la Loi.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.