Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1038

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (459641) datée du 28 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-893

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Décision

[1] L’appel est rejeté sous réserve de modifications. Le Tribunal est d’accord avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada, mais il modifie la date de début de l’inadmissibilité.

[2] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son poste en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui l’a amené à cesser de travailler pendant un certain temps). Cela signifie que le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[3] L’inadmissibilité débute le 25 septembre 2021, non pas le 20 septembre 2021.

Aperçu

[4] Le prestataire travaille comme camionneur saisonnier.

[5] Le permis de conduire du prestataire a fait l’objet d’une suspension administrative le 18 septembre 2021. Le prestataire fait appel de la suspension du permis. Sa date d’audience est en avril 2023. Il veut régler son dossier de conduite.

[6] Le dernier jour de travail du prestataire était le 24 septembre 2021. L’employeur a mis le prestataire à pied parce qu’il n’avait pas de travail à lui octroyer sans permis de conduireNote de bas de page 1.

[7] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission lui a imposé une inadmissibilité au bénéfice de prestations du 20 septembre 2021 au 17 décembre 2021Note de bas de page 2.

[8] Le prestataire affirme qu’il a 64 ans et qu’il n’a jamais eu de démêlés avec la justice. Il pense qu’appeler ce qu’il a fait une « inconduite » est une mauvaise utilisation du mot. Il aurait été en mesure de se rendre à son poste s’il avait eu du travail à faire. C’était vers la fin de la saison, et il ne pouvait tout simplement pas travailler sans permis de conduire.

Question en litige

[9] La Commission a-t-elle prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] En vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, une partie prestataire qui a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite n’a droit à des prestations que dans les cas suivants :

  • La période de suspension a pris fin;
  • La partie prestataire perd cet emploi ou le quitte volontaire;
  • La partie prestataire est admissible à des prestations d’un autre emploiNote de bas de page 3.

[11] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 6.

[12] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 7.

[13] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire ait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[14] Le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il a perdu son permis de conduire.

[15] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait mis à pied le prestataire en septembre 2021 parce qu’il avait perdu son permis de conduire. Si le prestataire n’avait pas perdu son permis de conduire, l’employeur ne l’aurait pas mis à pied avant la fin de novembre ou le début de décembreNote de bas de page 9.

[16] Le prestataire soutient qu’il n’a pas été « suspendu ». Il a expliqué qu’il a été mis à pied parce qu’il ne pouvait pas conduire un camion. Il aurait pu travailler avec l’équipement lourd, mais il n’y avait pas de place disponible. Malgré ce qu’il a dit auparavant, il a convenu à l’audience qu’il aurait eu du travail pour lui s’il n’avait pas perdu son permis de conduire.

[17] Bien que l’employeur n’ait peut-être pas décrit la mise à pied comme une suspension, il est clair que c’est dans la mesure où il n’avait pas de permis de conduire que le prestataire ne travaillait pas du 25 septembre 2021 jusqu’à la fin de la saison en novembre ou en décembre 2021. J’estime qu’il s’agit d’une suspension d’emploi selon la Loi.

[18] L’employeur n’est pas obligé d’utiliser le mot « suspension » pour que l’on considère qu’il s’agit d’une suspension selon la Loi.

La raison de la suspension constitue-t-elle une inconduite selon la loi?

[19] Lorsqu’un camionneur prend une mesure qui l’amène à perdre son permis de conduire, cette mesure est habituellement considérée comme une inconduite selon la LoiNote de bas de page 10 .

[20] Il ne fait aucun doute que le fait d’avoir un permis de conduire est une condition essentielle à l’emploi du prestataire à titre de conducteur de camion. Il ne fait aucun doute non plus que le permis de conduire du prestataire a été suspendu.

[21] Je dois donc me demander si la Commission a prouvé que le prestataire a fait quelque chose qui a mené à la suspension de son permis de conduire.

Pourquoi a-t-on suspendu le permis de conduire du prestataire?

[22] Le dossier de conduite du prestataire indique que la suspension de son permis était une suspension administrative du permis de conduire (SAPC)Note de bas de page 11. Il s’agit d’une suspension du permis en vertu du Code de la route de l’OntarioNote de bas de page 12 .

[23] Le prestataire a déclaré qu’il avait un taux d’alcoolémie de plus de 0, 08. Il a conduit son véhicule sur une courte distance seulement – juste assez loin pour le retirer de la rue.

[24] Le fait d’avoir la garde et le contrôle d’un véhicule tout en ayant un taux d’alcoolémie supérieur à 0, 08 est l’une des raisons pour lesquelles une suspension administrative du permis peut être imposée.

[25] Le prestataire fait appel de la suspension du permis. Il a engagé un avocat pour le défendre. La date de comparution est avril 2023.

Le prestataire a-t-il fait quelque chose pour que son permis de conduire soit suspendu?

[26] Oui. Je suis convaincue que le fait que le prestataire ait bu de l’alcool jusqu’à ce qu’il ait dépassé la limite légale alors qu’il avait la garde, la charge ou le contrôle de son véhicule a entraîné la suspension de son permis de conduire.

[27] Le prestataire a déclaré qu’il conduisait un véhicule (il avait la garde, la charge ou le contrôle) alors qu’il avait un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale.

[28] Je reconnais que la suspension du permis fait l’objet d’un appelNote de bas de page 13. Mais le témoignage du prestataire selon lequel il a conduit – même si ce n’est que sur une courte distance – alors qu’il avait un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale, suffit à prouver qu’il a fait quelque chose qui a entrainé la suspension de son permis.

La Commission a-t-elle prouvé qu’il y a eu inconduite selon la loi?

[29] Oui. Même si la cour conclut qu’on n’aurait pas dû suspendre le permis du prestataire, le fait qu’il a reconnu qu’il avait la garde et le contrôle d’un véhicule et qu’il a effectivement conduit – quoique sur une courte distance –, au-delà de la limite légale, est suffisant pour prouver que sa conduite était si imprudente qu’elle frôlait le caractère délibéré.

[30] Le prestataire savait ou aurait dû savoir que son permis de conduire pourrait être suspendu s’il avait la garde et le contrôle d’un véhicule et conduisait avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale.

[31] Le prestataire savait qu’il avait besoin d’un permis de conduire pour travailler.

[32] Je conclus donc que le prestataire a été suspendu du travail parce qu’il n’avait pas de permis de conduire et que cela constitue une inconduite selon la loi.

[33] Je reconnais les arguments du prestataire. Mais ils ne changent rien au fait qu’il savait (ou aurait dû savoir) qu’il a fait quelque chose pouvant entraîner la perte de son permis de conduire. De plus, il savait qu’il avait besoin d’un permis de conduire pour travailler. Que la suspension de son permis de conduire soit maintenue ou non, sa conduite a mené à sa suspension du travail, ce qui constitue une inconduite selon la loi.

Date d’inadmissibilité

[34] La Commission a imposé une inadmissibilité à compter du 20 septembre 2021.

[35] Le prestataire a perdu son permis le 18 septembre 2021. Mais l’inadmissibilité débute au moment où il a été suspendu de son emploi, non pas lorsqu’il a perdu son permis.

[36] Le prestataire a été suspendu de son emploi à compter du 25 septembre 2021. L’inadmissibilité débute donc à cette date-là.

Conclusion

[37] Compte tenu de mes constatations ci-dessus, je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. De sorte que le prestataire est inadmissible au bénéfice de prestations de l’assurance-emploi.

[38] L’inadmissibilité débute le 25 septembre 2021, non pas le 20 septembre 2021. Le prestataire devra rembourser les prestations qu’il a reçues après la date d’inadmissibilitéNote de bas de page 14.

[39] L’appel est rejeté sous réserve de modifications; le Tribunal modifie la date de début de l’inadmissibilité.

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