Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1453

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (520775) datée du 13 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 13 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 14 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2601

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas de raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Dans le cadre de son emploi, le prestataire recevait des appels téléphoniques de clientes et de clients ayant besoin d’une assistance routière. Il a été embauché en novembre 2020 et était un employé permanent. Il a quitté son emploi le 7 décembre 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire a quitté son emploi. Elle a conclu que ce dernier a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que le prestataire aurait pu discuter avec son employeur des problèmes qu’il éprouvait, consulter un médecin, demander un congé ou obtenir un autre emploi avant de démissionner.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il ne pouvait pas effectuer son travail plus longtemps en raison de problèmes de santé mentale.

Question en litige

[7] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] J’accepte le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire reconnaît qu’il a quitté son emploi le 7 décembre 2021. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[11] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[12] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas page 2.

[13] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas page 3. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner l’ensemble des circonstances présentes au moment du départ du prestataire.

Les circonstances au moment du départ du prestataire

[14] Le prestataire affirme avoir quitté son emploi en raison de problèmes de santé mentale. Selon son témoignage, il doit composer avec la dépression et l’anxiété depuis dix ans. Ces problèmes de santé ont commencé à nuire à sa capacité de faire son travail environ un mois après son embauche. Il prend des médicaments pour ces problèmes de santé et suit une thérapie.

[15] Il affirme que sa dépression et son anxiété n’ont pas été causées par les conditions de travail de son emploi (pages GD3-3 à GD3-21 du dossier d’appel), mais que son travail ne le satisfaisait pas. Il n’était pas assez exigeant et ne le stimulait pas intellectuellement. Il avait de la difficulté à se concentrer et ne pouvait pas offrir à la clientèle le service dont elle avait besoin. Il avait des crises de panique. Il a affirmé qu’il ne pouvait tout simplement plus s’obliger à faire le travail qui, selon lui, était nocif pour sa santé mentale.

[16] Le prestataire a dit à l’agente de l’assurance-emploi (page GD3-31 du dossier d’appel) qu’il avait quitté son emploi parce qu’il s’ennuyait; le travail était monotone et il n’était plus heureux là-bas. Il pensait que faire quelque chose d’autre le rendrait heureux; il a donc démissionné. Il estimait qu’il avait le droit de quitter son emploi et d’être payé alors qu’il était en congé.

[17] Il affirme que le 7 décembre 2021, il n’a pas pu se résoudre à entamer son quart de travail. Il ne pouvait pas supporter de faire face aux appels et aux gens. Il s’est figé lorsqu’il a essayé de faire le travail. Il a communiqué avec son chef de service pour dire qu’il ne pouvait plus faire d’efforts pour effectuer le travail. Il a dit qu’il allait donner sa démission, mais qu’il resterait jusqu’à la fin du mois. Son employeur a dit que ce n’était pas nécessaire; il a donc démissionné ce jour-là.

[18] Ainsi, les circonstances présentes au moment du départ du prestataire étaient la dépression et l’anxiété, avec lesquelles il composait, et le fait qu’il était insatisfait de sa fonction.

Autres solutions raisonnables

[19] Je dois maintenant décider si le prestataire a démontré que quitter son emploi était la seule solution raisonnable pour lui au moment de son départ. Le prestataire affirme que le départ était la seule solution raisonnable dans son cas, parce qu’il ne pouvait plus se résoudre à faire le travail en raison de problèmes de santé mentale.

[20] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme que le prestataire aurait pu discuter avec son employeur des problèmes qu’il éprouvait, consulter un médecin, demander un congé ou obtenir un autre emploi avant de démissionner.

[21] Le prestataire a déclaré ne pas avoir parlé à son médecin de ses préoccupations concernant sa santé mentale avant de démissionner. Il n’a pas dit à son médecin qu’il avait du mal à faire son travail à cause de ses problèmes de santé mentale. Il n’a jamais demandé l’aide de son médecin pour prendre un congé de maladie. Son médecin ne lui a jamais recommandé de prendre un congé du travail pour des raisons de santé.

[22] Dans sa demande de prestations (pages GD3-3 à GD3-21 du dossier d’appel), le prestataire dit qu’il [traduction] « n’était pas dans un état psychique approprié » pour consulter son médecin. Il a soudainement décidé de démissionner. Il a dit que ses problèmes de santé mentale lui font prendre des décisions hâtives et irrationnelles, sans réfléchir. Il a affirmé (page GD3-31 du dossier d’appel) que son médecin ne lui aurait pas remis un billet disant qu’il devrait démissionner de son emploi.

[23] Dans son avis d’appel (pages GD2-1 à GD2-10 du dossier d’appel), le prestataire a affirmé qu’il croyait que son médecin l’aurait appuyé. À l’audience, il a dit qu’il ignorait si son médecin lui aurait remis un billet pour prendre un congé du travail. Il n’a pas pensé à en demander un à son médecin au moment de son départ. Il a affirmé qu’obtenir un billet du médecin aurait pris du temps et qu’il ne pouvait plus se résoudre à faire son travail.

[24] Cependant, le prestataire a dit à son employeur qu’il pouvait continuer à travailler jusqu’à la fin décembre 2021. À l’audience, il a dit qu’il aurait pu demeurer en poste, sachant qu’il avait une date de fin précise. Cette affirmation contredit sa déclaration selon laquelle il ne pouvait pas voir son médecin au sujet d’un congé avant de démissionner parce qu’il était absolument incapable de conserver son poste plus longtemps.

[25] Il a dit à l’agente de l’assurance-emploi (pages GD3-24 et GD3-25 du dossier d’appel) qu’il a vu son médecin deux ou trois semaines après sa démission. Celui-ci lui a dit que le fait de quitter son emploi avant d’en avoir trouvé un autre [traduction] « n’était pas la meilleure décision ».

[26] Le prestataire affirme qu’il voit une travailleuse sociale ou un travailleur social et une ou un psychologue. Il n’a pas demandé de note à l’une ou l’autre de ces personnes à l’appui d’un congé de maladie du travail afin de lui permettre de remédier à ses problèmes de santé mentale.

[27] Le prestataire a déclaré qu’il avait des congés de maladie rémunérés. Il n’a cependant pas demandé de congé à son employeur pour remédier à ses problèmes de santé. Il a dit ne pas avoir parlé du tout à son employeur du fait qu’il avait des problèmes de santé qui nuisaient à sa capacité de faire son travail. Il a dit qu’il n’avait jamais envisagé de le faire. Il avait uniquement pris un jour de congé de maladie à l’occasion. Il ne sait pas si un congé prolongé aurait été une possibilité.

[28] Voir son médecin, sa ou son psychologue, sa travailleuse sociale ou son travailleur social concernant sa santé mentale était une solution raisonnable autre que de démissionner quand il l’a fait. Il aurait pu demander à l’une de ces personnes de l’aider à prendre un congé de maladie pour remédier à ses problèmes de santé mentale, plutôt que de quitter son emploi ce jour-là.

[29] Demander à son employeur de prendre un congé de maladie ou un congé, pour lui permettre de remédier à ses problèmes de santé mentale, était une solution raisonnable autre que de démissionner à ce moment-là.

[30] Le prestataire a déclaré ne pas avoir demandé de mutation à un poste mieux adapté chez l’employeur. Il avait postulé différents postes pour l’employeur, mais sans succès. Il affirme avoir postulé d’autres emplois alors qu’il travaillait chez l’employeur, mais que cela n’avait rien à voir avec sa démission le 7 décembre 2021. Il a simplement toujours été à la recherche d’un meilleur emploi.

[31] Même s’il affirme qu’il ne pouvait plus continuer à exercer son emploi en date du 7 décembre 2021, il a dit à son employeur qu’il pouvait travailler jusqu’à la fin de décembre 2021. J’estime que de demeurer en poste jusqu’à ce qu’il ait obtenu un nouvel emploi chez un autre employeur était une solution raisonnable autre que de démissionner de son emploi quand il l’a fait.

[32] Considérant l’ensemble des circonstances présentes au moment de la démission du prestataire, je conclus que ce dernier avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi quand il l’a fait.

[33] Je comprends qu’il éprouvait des problèmes de santé mentale et qu’il était insatisfait de sa fonction. Cela dit, voir une ou un médecin, une autre professionnelle ou un autre professionnel de la santé pour l’aider à prendre un congé de maladie, demander un congé à son employeur pour remédier à ses problèmes de santé et demeurer en poste jusqu’à ce qu’il en trouve un autre étaient des solutions raisonnables autres que de démissionner ce jour-là.

[34] Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[35] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.