Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1471

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (438729) datée du 9 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 13 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 16 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-974

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était aux études du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021. Cela signifie qu’il n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pour ces périodes. Par conséquent, il est possible qu’il ait droit à des prestations pour ces périodes.

[3] Cependant, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était aux études à compter du 13 septembre 2021. Cela signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à partir du 13 septembre 2021.

Aperçu

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021, et à partir du 13 septembre 2021 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’une partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[5] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’il était disponible pour travailler.

[6] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il était aux études à temps plein.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord et dit qu’il était disponible pour travailler, et qu’il avait postulé pour de nombreux emplois.

Question en litige

[8] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

[9] Il y a deux articles de loi qui exigent que les parties prestataires démontrent leur disponibilité à travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon les deux articles. Il doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[10] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 2 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[11] En deuxième lieu, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la personne prouve qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 3. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la personne doit démontrer pour prouver qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 4. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

[12] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler au titre de ces deux articles de la loi.

[13] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les personnes qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas page 5. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Autrement dit, on peut supposer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque les éléments de preuve montrent qu’elles fréquentent l’école à temps plein.

[14] Je vais commencer par voir si je peux présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Ensuite, je vais regarder s’il était disponible en fonction des deux articles de loi qui portent sur la disponibilité.

Présomption que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[15] La présomption selon laquelle les personnes aux études ne sont pas disponibles pour travailler s’applique uniquement à celles qui étudient à temps plein.

Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il est étudiant à temps plein

[16] Le prestataire est d’accord pour dire qu’il est étudiant à temps plein, et je ne vois aucune preuve du contraire. J’accepte donc le fait que le prestataire est à l’école à temps plein.

Le prestataire est étudiant à temps plein

[17] Le prestataire est étudiant à temps plein. Cependant, il est possible de réfuter la présomption voulant que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler (c’est-à-dire de démontrer que la présomption ne s’applique pas). Si la présomption était réfutée, elle ne s’appliquerait pas.

[18] Le prestataire peut réfuter la présomption de deux façons. Il peut démontrer qu’il a des antécédents de travail à temps plein pendant ses étudesNote de bas page 6. Ou il peut démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas page 7.

[19] Le prestataire affirme avoir travaillé pendant qu’il fréquentait l’école. Plus précisément, le prestataire a déclaré avoir travaillé dans un restaurant (« X ») pendant qu’il était au secondaire. Le prestataire a ajouté qu’il a travaillé dans une librairie pendant qu’il était au collège.

[20] La Commission affirme que le prestataire a déclaré à maintes reprises dans ses questionnaires qu’il était seulement disponible à l’extérieur de son horaire de cours les fins de semaine.

[21] Je juge que le prestataire avait l’habitude de travailler et d’étudier en même temps. Je reconnais qu’il ne travaillait pas nécessairement à temps plein en dehors de ses heures de cours. Néanmoins, je suis raisonnablement convaincu que le prestataire avait déjà travaillé tout en étant aux études.

[22] La prestataire a réfuté la présomption de non-disponibilité.

La présomption est réfutée

[23] La réfutation de la présomption veut seulement dire qu’on ne présume pas que le prestataire est non disponible. Je dois tout de même examiner les deux articles de loi qui s’appliquent à la présente affaire et décider si le prestataire est effectivement disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[24] Le premier article de loi que je vais examiner dit que les parties prestataires doivent prouver que leurs démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 8.

[25] La loi établit les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 9. Je dois regarder si elles étaient soutenues et si elles visaient l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, il faut que le prestataire ait continué à chercher un emploi convenable.

[26] Je dois également tenir compte des démarches du prestataire pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi énumère neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas page 10 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitæ ou une lettre de présentation;
  • postuler à des emplois.

[27] Selon la Commission, le prestataire n’en a pas fait assez pour trouver du travail. Plus précisément, elle affirme que la recherche d’emploi soumise par le prestataire montre qu’il a seulement postulé pour quelques emplois pendant les trois périodes où il était inadmissible. La Commission ajoute que les emplois pour lesquels le prestataire a postulé en mai 2021 auraient été pour la période pendant laquelle il n’était pas inadmissible.

[28] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit avoir postulé pour divers emplois dans des stations-service de Niagara Falls, dont chez Fuelling Niagara, Petro-Canada et Esso. Le prestataire affirme également qu’il a mis à jour son curriculum vitæ et évalué ses possibilités d’emploi à l’aide du site Indeed. Selon le prestataire, ses démarches étaient suffisantes pour démontrer qu’il était disponible pour travailler.

[29] J’estime que le prestataire a prouvé que les démarches qu’il a faites pour trouver un emploi étaient raisonnables et habituelles pour la période du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020 et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021. J’ai tiré cette conclusion parce que le prestataire a fourni les noms d’endroits précis où il a postulé pour des emplois. De plus, le prestataire a expliqué qu’il avait téléchargé son curriculum vitæ sur le site Indeed, et qu’il avait évalué les possibilités d’emploi en ligne. Je sais que la Commission a soutenu que le prestataire avait d’abord dit qu’il ne cherchait pas d’emploi pendant ses études à temps plein. Néanmoins, j’accepte comme crédible la déclaration du prestataire selon laquelle la Commission l’a mal compris et qu’il cherchait du travail parce que ses déclarations étaient franches et plausibles.

[30] Toutefois, j’estime que le prestataire n’a pas fait de démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi à partir du 13 septembre 2021. Je tire cette conclusion parce que le prestataire a seulement mentionné un endroit (la Banque Scotia) où il avait postulé pour un emploi après le 13 septembre 2021. De plus, le prestataire a déclaré que [traduction] « l’école était sa préoccupation principale » après le 13 septembre 2021, et qu’il était [traduction] « extrêmement occupé » avec ses travaux pendant cette période.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[31] Je dois maintenant vérifier si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 11. La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour rendre ma décision. Le prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas page 12 :

  1. a) Il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[32] Lorsque je considère chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas page 13.

Désir de retourner au travail

[33] Le prestataire a démontré qu’il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021. Je tire cette conclusion parce que le prestataire a déclaré qu’il souhaitait retourner sur le marché du travail et qu’il pouvait travailler le soir et les fins de semaine.

[34] Toutefois, j’estime que le prestataire n’a pas démontré qu’il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible après le 13 septembre 2021, parce qu’il a été franc dans son témoignage selon lequel l’école était [traduction] « sa préoccupation principale » et que cette période était particulièrement occupée du point de vue des travaux de cours.

Démarches pour trouver un emploi convenable

[35] Le prestataire a fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable pour la période du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020 et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021.

[36] J’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnée plus haut pour trancher la question concernant ce deuxième élément. La liste me sert seulement de référenceNote de bas page 14.

[37] Les démarches faites par le prestataire pour trouver un nouvel emploi comprenaient la mise à jour de son curriculum vitæ, l’évaluation des possibilités d’emploi en ligne et la présentation de demandes d’emploi à de nombreux employeurs. C’est ce que j’ai expliqué plus haut, lorsque j’ai vérifié si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnables.

[38] Ces démarches ont suffi à satisfaire aux exigences de ce deuxième élément, car le prestataire a fourni le nom précis d’endroits où il avait présenté des demandes d’emploi.

[39] Toutefois, j’estime que le prestataire n’a pas fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable à partir du 13 septembre 2021, parce qu’il a seulement mentionné un employeur avec lequel il a communiqué au sujet d’un emploi en novembre 2021. De plus, le prestataire a déclaré que l’école était [traduction] « sa préoccupation principale » après le 13 septembre 2021, et qu’il avait énormément de travail de cours.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[40] Le prestataire n’a pas [fixé] de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail pour la période du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020 et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021.

[41] Le prestataire affirme qu’il ne l’a pas fait parce que son travail de cours comportait de 15 à 24 heures par semaine et qu’il était disponible pour travailler pendant les soirs de semaine et toute la fin de semaine.

[42] La Commission affirme que le prestataire était seulement disponible la fin de semaine en dehors de son horaire de cours et qu’il accordait la priorité à son travail de cours plutôt qu’à un emploi à temps plein.

[43] J’estime que le prestataire n’a pas indûment limité ses chances de retourner au travail pour la période du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020 et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021. Je tire cette conclusion parce que le prestataire était en mesure de terminer ses cours du lundi au vendredi à 16 h 30 et qu’il pouvait travailler les soirs et la fin de semaine. Je sais que la Commission a fait valoir que le prestataire préférait se concentrer sur l’école plutôt que sur un emploi à temps plein. Néanmoins, j’accepte comme crédible le témoignage du prestataire selon lequel il était disponible pour travailler (après 16 h 30) pendant la semaine et toute la journée pendant les fins de semaine parce que ses déclarations étaient détaillées et plausibles.

[44] Toutefois, j’estime que le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont indûment limité ses chances de retourner au travail pour la période commençant le 13 septembre 2021. Je tire cette conclusion parce que le prestataire a affirmé que son horaire de cours avait changé après le 13 septembre 2021 et qu’il est devenu [traduction] « extrêmement occupé ». De plus, le prestataire a déclaré que l’école était sa [traduction] « préoccupation principale » après le 13 septembre 2021. En bref, les obligations scolaires du prestataire étaient plus importantes après le 13 septembre 2021, ce qui limitait indûment ses chances de retourner au travail.

Somme toute, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[45] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021.

[46] Toutefois, d’après mes conclusions sur les trois éléments, le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable à partir du 13 septembre 2021.

Conclusion

[47] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020 et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021. Pour cette raison, je conclus que le prestataire n’est pas inadmissible à recevoir des prestations pour ces deux périodes. Ainsi, le prestataire pourrait avoir droit à des prestations pour la période du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020 et du 11 janvier 2021 au 23 avril 2021.

[48] Toutefois, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi à partir du 13 septembre 2021. Par conséquent, je conclus que le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à partir du 13 septembre 2021.

[49] L’appel est donc accueilli en partie.

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