Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1445

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : B. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (466633) datée du 13 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc-André St-Jules
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 26 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2039

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations de l’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’elle a été congédiée parce qu’elle a enfreint sa politique de vaccination : elle a refusé de divulguer son statut vaccinal. L’employeur devait donc supposer qu’elle n’était pas vaccinée. 

[4] Bien que la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que le fait d’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Selon la loi, une personne ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique lorsque l’employeur a congédié la personne ou l’a suspendueNote de bas de page 2.

[8] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi? 

[9] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[10] La prestataire affirme avoir été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination. 

[11] La Commission soutient que la prestataire a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de l’employeur. La prestataire a refusé de divulguer son statut vaccinal.

[12] Je conclus que la prestataire a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination mise en place par son employeur. La prestataire et l’employeur ont été constants dans leur position à ce sujet.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[13] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas la notion d’inconduite. Mais la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement de la prestataire est une inconduite selon la Loi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite : les questions et les facteurs à considérer lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait une inconduite, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).

[16] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[17] La loi ne dit pas que je dois prendre en compte la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas de page 7. Au lieu de cela, je dois me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou omis de faire et si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[18] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options dans le cadre d’autres lois. Ce n’est pas à moi de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour la prestataireNote de bas de page 9. Je peux considérer une seule chose : si ce que la prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[19] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que :

  • l’employeur avait une politique de vaccinationNote de bas de page 11;
  • l’employeur a informé la prestataire de ses attentes en matière de vaccinationNote de bas de page 12;
  • l’employeur a communiqué la politique à la prestataire12;
  • la prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne suivait pas la politique.

[21] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que :

  • la prestataire n’a pas été congédiée en raison d’une faute professionnelle. Elle était compétente, fiable, travailleuse et a été congédiée sans qu’il y ait eu faute de sa part;
  • son employeur ne lui a proposé aucune solution de rechange comme des tests hebdomadaires;
  • ses informations médicales sont privées. Son contrat de travail ne précise nulle part qu’elle doit divulguer toute information relative à son état de santé;
  • elle a le droit de choisir quelle procédure médicale elle reçoit sans crainte de discrimination. 

[22] La prestataire a déclaré qu’elle comprenait que la situation sans précédent de COVID-19 signifiait que les employeurs devaient prendre ce type de décision. Cela inclut le congédiement de personnes. Toutefois, elle soutient également que la notion d’« inconduite » ne devrait pas s’appliquer à ce type de situation. Un nouveau code aurait dû être créé pour permettre le versement de prestations d’assurance-emploi. Il n’y a pas eu d’inconduite de sa part, comme un vol ou un acte répréhensible.

[23] La politique prévoit que d’ici le 15 novembre 2021, tous les employés devront être entièrement vaccinés pour pouvoir se rendre sur leur lieu de travail. La prestataire a témoigné qu’elle était consciente que la non-conformité pouvait entraîner la fin de la relation d’emploi. La prestataire a déclaré qu’elle avait été avisée le 6 octobre 2021, bien qu’elle ait été informée de la politique auparavant par des discussions de vive voix.

[24] À l’audience, la prestataire a été interrogée au sujet de la lettre du 4 novembre 2021 de l’employeur à la prestataireNote de bas de page 13. La lettre précise que le dernier jour de travail de la prestataire devait être le 11 novembre 2021. Comme il s’agissait d’une date différente de celle de la politique, la prestataire a été interrogée. Elle a témoigné que le 11 novembre 2021 coïncidait probablement avec son dernier jour de travail prévu.

[25] La prestataire n’a pas demandé à bénéficier d’une exemption à la politique de vaccination. Cela est dû au fait qu’elle refuse de divulguer son statut de vaccination. Qu’elle soit vaccinée ou non, elle croit sincèrement que l’un ou l’autre de ces scénarios est une information privée. Une demande d’exemption n’est donc pas pertinente.

[26] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite parce que :

  • l’employeur avait une politique de vaccination qui prévoyait qu’il pouvait mettre fin à la relation de travail des personnes non vaccinées;
  • la politique a été communiquée à tout le personnel, y compris à la prestataire;
  • la prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[27] La prestataire a témoigné que le critère relatif à l’inconduite n’a pas été atteint. Elle a suivi ses convictions et a été une employée fiable. Aucune preuve devant moi ne permet de penser le contraire. Je crois la prestataire quand elle dit qu’elle était une employée dévouée. Toutefois, les tribunaux ont jugé au fil des ans qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une intention coupable pour commettre une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 14. 

[28] J’estime qu’une fois que l’employeur a imposé une politique de vaccination, celle-ci est devenue une condition fondamentale de l’emploi. Je conviens que la prestataire peut refuser de divulguer son statut vaccinal. C’est sa décision personnelle. Je suis également d’accord pour dire que l’employeur doit gérer les opérations quotidiennes sur le lieu de travail. Cela inclut l’élaboration et l’application de politiques relatives à la santé et à la sécurité sur le lieu de travail.

[29] La prestataire fait référence à d’autres lois et soutient que ses droits ont été violés au titre de ces lois. Mon rôle est de rendre des décisions fondées sur la Loi sur l’assurance-emploi, son règlement et la jurisprudence connexe. La prestataire peut avoir des recours dans d’autres forums, mais comme je l’ai indiqué ci-dessus, ma compétence est limitée.

[30] En refusant de divulguer son statut vaccinal et après ne pas avoir réussi à persuader son employeur de lui offrir des solutions de rechange comme des tests, elle a pris une décision personnelle qui a entraîné des conséquences prévisibles pour son emploi.

[31] Je comprends que la prestataire estime que parce qu’elle a cotisé à la caisse d’assurance-emploi, elle devrait avoir droit à une aide financière. Cette croyance va à l’encontre du principe fondamental de l’assurance-emploi, à savoir qu’une employée ou un employé ne doit pas se placer volontairement dans une situation de chômage. C’est ce que la prestataire a fait dans cette affaire. Cette violation consciente et délibérée de l’obligation envers l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] D’après les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je juge que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[33] En effet, les actions de la prestataire ont conduit à son congédiement. Elle a agi de façon délibérée. Elle savait que le fait de refuser de divulguer son statut vaccinal risquait de lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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