Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1000

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. M.
Représentante : G. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada datée du 30 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 15 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1900

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel du prestataireNote de bas de page 1. Cette décision explique mon raisonnement.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études à temps plein du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Cela signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant ces 14 semaines.

Aperçu

[3] Le prestataire, un étudiant universitaire de première année qui a été mis à pied, a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 3 juillet 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a antidaté sa demande de prestations au 3 janvier 2021.

[4] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc que les prestataires continuent à chercher du travail.

[5] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Elle a accueilli sa demande ultérieure de prestations, qui a pris effet en septembre 2021.

[6] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021 puisqu’il ne cherchait pas un emploi à temps plein. Elle dit qu’il n’a postulé à aucun emploi et qu’il se concentrait sur son cours, pas sur la recherche d’un emploi.

[7] Le prestataire affirme qu’il était disponible pour travailler pendant cette période, comme il l’était à partir de septembre 2021. Il dit que la Commission a mal documenté ses déclarations. Il soutient qu’il a cherché du travail, mais qu’il n’y avait pas d’emploi auxquels il pouvait postuler en raison de la COVID-19 ainsi que de son manque de qualifications et d’expérience de travail.

Les questions que je dois trancher

[8] Premièrement, le prestataire a-t-il réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021?

[9] Deuxièmement, le prestataire a-t-il démontré qu’il était disponible pour travailler du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021?

Analyse

[10] On ne reçoit pas nécessairement des prestations d’assurance‑emploi quand on cesse de travailler. Deux articles de loi différents disent qu’il faut démonter qu’on est disponible pour travailler pour recevoir des prestations.

[11] Le premier article de loi dit qu’il faut prouver qu’on est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 2. Il faut satisfaire à trois éléments pour montrer qu’on est « disponible » au sens de cet articleNote de bas de page 3. J’exposerai ces éléments plus loin dans cette décision.

[12] Le deuxième article de loi dit qu’il faut prouver que l’on fait « des démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La Commission n’a cependant pas déclaré le prestataire inadmissible aux prestations au titre de ce deuxième article de loi. Elle n’a discuté avec lui de sa recherche d’emploi qu’après l’avoir déjà déclaré inadmissible aux prestationsNote de bas de page 5.

[13] Ainsi, la Commission n’a déclaré le prestataire inadmissible aux prestations qu’après avoir conclu qu’il ne satisfaisait pas aux trois éléments du critère juridique de la disponibilité prévu au premier article de loi.

[14] De plus, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les personnes aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 6. C’est ce qu’on appelle la présomption de non-disponibilité. Autrement dit, on peut présumer qu’une personne n’est pas disponible pour travailler lorsque la preuve montre qu’elle étudie à temps plein.

[15] Je vais d’abord voir si je peux présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite le critère juridique de la disponibilité.

La présomption de non-disponibilité pour les personnes qui étudient à temps plein

[16] La présomption de non-disponibilité ne s’applique qu’aux personnes aux études à temps plein.

[17] Le prestataire convient qu’il est étudiant à temps plein, et je ne vois aucun élément de preuve montrant le contraire. J’admets donc qu’il étudiait à temps plein du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Cela signifie que la présomption s’applique à lui.

[18] Le prestataire peut réfuter la présomption de deux façons. Il peut démontrer qu’il a déjà travaillé à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas de page 7. Il peut aussi démontrer que des circonstances exceptionnelles s’appliquent dans son casNote de bas de page 8.

Le prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle il n’est pas disponible pour travailler

[19] Aucune des situations ci-dessus ne s’applique au prestataire. Il a fait du bénévolat, mais il n’a pas travaillé à temps plein tout en étudiant à temps plein. Il n’a occupé un emploi à temps partiel que quelques mois pendant qu’il suivait son cours. Il n’avait signalé aucune circonstance exceptionnelle. Il n’a donc pas réfuté la présomption de non‑disponibilité.

[20] La Cour d’appel fédérale n’a pas encore expliqué en quoi la présomption de non‑disponibilité et les articles de la loi visant la disponibilité sont interreliés. Comme cela n’est pas clair, je vais continuer d’évaluer la disponibilité du prestataire, même si j’ai déjà conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant ses études à temps plein.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[21] Le critère de la disponibilité consiste à établir si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 9. Il doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 10 :

  1. a) qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable était disponible;
  2. b) qu’il a fait suffisamment d’efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’il n’a pas établi de conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner au travail.

[22] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération la situation personnelle, l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 11.

Désir de retourner au travail

[23] Le prestataire n’a pas démontré par ses éléments de preuve sur sa recherche d’emploi qu’il voulait retourner au travail dès qu’il le pouvait entre le 3 janvier 2021 et le 10 avril 2021.

[24] La Commission affirme que le prestataire ne peut pas démontrer qu’il souhaitait retourner au travail puisqu’il ne voulait qu’un emploi à temps partiel et qu’il n’était pas prêt à abandonner ses études pour occuper un emploi à temps plein.

[25] Le prestataire soutient que la Commission a mal interprété ses propos et l’a mal cité puisque son objectif était de retourner au travail dès qu’il le pouvait. Il affirme qu’il a continué à demander plus d’heures après avoir repris son emploi à la mi-février 2021 pour travailler les quelques quarts de travail qu’il pouvait obtenir.

[26] J’admets que le prestataire a une bonne éthique de travail en me fondant sur ses antécédents de bénévolat. J’admets aussi qu’il voulait travailler à temps plein éventuellement. Son témoignage ne démontre cependant pas qu’il était pressé de retourner au travail.

[27] Le fait que le prestataire avait le temps de travailler et espérait trouver du travail ne suffit pas à démontrer qu’il voulait retourner au travail le plus tôt possible.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[28] Le prestataire n’a pas démontré qu’il a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[29] La Commission affirme que le prestataire n’a présenté aucune demande d’emploi du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Elle dit qu’il faut postuler à des emplois pour démontrer que l’on en recherche activement un.

[30] Le prestataire soutient qu’il a fait des efforts pour trouver un emploi à temps plein, mais qu’il n’a pas pu en trouver qui correspondait à ses qualifications et à son expérience.

[31] Cela contraste avec les efforts que le prestataire a déployés plus tard pour trouver du travail. La Commission lui a accordé des prestations à compter de septembre 2021 sur la base de ces efforts. En effet, le prestataire a démontré à ce moment-là qu’il était disponible pour travailler tout en étudiant à temps plein.

[32] Le prestataire affirme qu’il était disponible pour travailler du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021, comme il l’était en septembre 2021, de sorte qu’il devrait également recevoir des prestations pour la période antérieure.

[33] Le prestataire fait valoir que je devrais tenir compte des efforts qu’il a fait pour trouver un emploi pendant toute l’année scolaire et pas seulement du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Il dit qu’il n’y avait pas de perspectives d’emploi à ce moment-là en raison des mesures de confinement liées à la COVID-19.

[34] Toutefois, les efforts de recherche d’emploi du prestataire à l’été 2021 et à partir de septembre 2021 ne sont pas pertinents pour la période examinée dans le présent appel. Ils sont admirables, mais ils prouvent seulement qu’il était disponible pour travailler plus tard.

[35] Je note l’argument du prestataire selon lequel la Commission ne l’a informé des recherches d’emploi qu’il devait faire qu’en août 2021. Cette exigence est énoncée dans la demande de prestations, mais le prestataire affirme qu’il n’était pas au courant de celle-ci puisqu’il n’a demandé des prestations qu’en juillet 2021.

[36] Le prestataire dit qu’il a tout de même cherché un emploi en s’inscrivant à des outils de recherche d’emploi en ligne, en consultant les alertes d’emploi quotidiennes qu’il recevaitNote de bas de page 12, en mettant à jour son curriculum vitæNote de bas de page 13 et en faisant du réseautage avec des amis et des collègues. Il dit avoir discuté avec des employeurs potentiels en se promenant dans le centre commercial où se trouvait son ancien emploi. Il a ensuite déclaré qu’il s’était rendu dans un deuxième centre commercial et dans d’autres endroits pour demander du travail. Il n’a communiqué avec aucune agence de placement.

[37] Je reconnais qu’il était difficile de trouver du travail pendant la pandémie. Le prestataire dit que le décret ordonnant de rester à domicile dans la région de Peel en Ontario est demeuré en vigueur jusqu’au début de mars 2021, sauf pour les travaux essentiels. Il dit qu’il n’était qualifié pour aucun des emplois disponibles.

[38] Cependant, être disposé à travailler et vouloir travailler ne prouve pas que l’on est disponible pour travaillerNote de bas de page 14. Il faut démontrer qu’on a essayé activement de trouver du travail. Pour ce faire, il faut postuler à des emplois, même si l’on pense avoir peu de chances de les obtenirNote de bas de page 15.

[39] La liste que le prestataire a soumise des postes vacants envoyés à son courriel est presque illisible. Les dates sur la liste semblent toutefois indiquer qu’il a inclus des postes vacants après la période examinée. Comme il a été mentionné ci-dessus, ces emplois ne sont pas pertinents pour cet appel.

[40] Le prestataire n’a pas pu expliquer avec certitude pourquoi il n’a présenté sa candidature à aucun des postes figurant sur sa liste de postes vacants du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Il dit que lorsqu’il cliquait sur les liens pour accéder aux emplois, il y avait toujours une raison pour laquelle ils n’étaient pas convenables; soit il n’avait pas les qualifications requises, soit le lieu de travail était trop éloigné.

[41] Sans des renseignements détaillés sur ces emplois, y compris le lieu de travail ainsi que les qualifications et l’expérience requises, le prestataire ne peut pas démontrer qu’ils n’étaient pas tous convenablesNote de bas de page 16. Il ne peut pas démontrer qu’il ne valait pas la peine de postuler à l’un de ces emplois. Le seul risque était que sa candidature soit rejetée.

[42] Pour les raisons qui précèdent, j’estime que les efforts de recherche d’emploi du prestataire n’étaient pas suffisants pour satisfaire au deuxième élément du critère de la disponibilité.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[43] Le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont peut-être limité indûment ses chances de retourner au travail.

[44] La Commission affirme que le cours à temps plein du prestataire était une condition personnelle qui le limitait à travailler à temps partiel. Elle dit que son cours limitait sa disponibilité à certaines heures de certains jours.

[45] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit qu’il était disponible pendant les heures de travail normales. Il affirme qu’il n’avait pas besoin de se limiter à des emplois à temps partiel parce que son cours était en ligne.

[46] Je suis d’accord avec le prestataire pour dire que son cours n’était pas une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de trouver un emploi parce qu’il pouvait le suivre en ligne à son propre rythme.

[47] Je ne pense pas non plus que la Commission ait démontré que le prestataire cherchait seulement un emploi à temps partiel. Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve de ses démarches de recherche d’emploi pour en arriver à cette conclusion.

[48] J’estime cependant qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire comptait retourner à l’emploi qu’il a perdu ou occuper un autre emploi dans le secteur de la vente au détail pour subvenir au moins en partie à ses besoinsNote de bas de page 17. Il s’agissait de conditions personnelles qui, selon toute probabilité, limitaient indûment ses chances de trouver un emploi.

[49] J’accepte le témoignage sous serment du prestataire selon lequel la Commission a fait des hypothèses erronées au sujet de sa disponibilité et n’a pas documenté toutes ses déclarations avec exactitude. Ce témoignage est appuyé par sa mère (sa représentante) qui dit avoir entendu les questions et les réponses lors de ses appels téléphoniques avec la Commission.

[50] Cependant, le prestataire a déclaré que puisqu’il n’y avait pas de postes vacants convenables, il avait [traduction] « […] donc été forcé d’attendre que le confinement soit levé et avait rappelé au travailNote de bas de page 18 ».

[51] Cette déclaration montre qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire attendait d’être rappelé au travail plutôt que de chercher activement un autre emploi. Il a accepté de recommencer à travailler selon un horaire réduit à la mi-février 2021 avec très peu de quarts de travail et a attendu pour obtenir plus d’heures.

[52] Selon la jurisprudence, il ne suffit pas d’attendre d’être rappelé au travailNote de bas de page 19. Il ne suffit pas non plus d’attendre d’obtenir plus d’heures lorsqu’il n’y en a pas de disponible. Il faut continuer à chercher un autre emploi. Ceci est particulièrement vrai compte tenu de l’incertitude engendrée par la pandémie.

[53] Voilà pourquoi j’estime que le fait que le prestataire préférait retourner à son ancien emploi était une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de trouver un autre emploi.

[54] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le témoignage du prestataire montre qu’il a une préférence en général pour les emplois dans le secteur de la vente au détail. Il s’agissait d’une autre condition personnelle qui limitait indûment ses chances de trouver un autre emploi.

[55] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que ce soit le type de travail auquel le prestataire a accordé la priorité dans sa recherche d’emploi. Sa liste de postes vacants comprend un certain nombre d’emplois dans le secteur de la vente au détail. Il dit avoir visité deux magasins pour demander du travail. Son curriculum vitae mis à jour met l’accent uniquement sur ses compétences dans la vente au détail. En se limitant à un type de travail, le prestataire n’a pas démontré qu’il a mené une recherche d’emploi appropriéeNote de bas de page 20. Il s’agit d’une condition personnelle qu’il a établie.

[56] D’après ce que je peux comprendre de la liste des postes vacants du prestataire, il y avait au moins un emploi d’entrepôt disponible pendant la période pertinente. Le prestataire soutient que sa demande d’emploi dans un entrepôt en septembre 2021 prouve qu’il a également recherché ce type de travail du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Mais selon son témoignage, il n’a postulé à aucun emploi dans un entrepôt pendant cette période.

[57] Cela appuie également l’argument de la Commission selon lequel le prestataire a limité sa recherche d’emploi principalement au secteur de la vente de détail.

[58] Pour les raisons qui précèdent, je conclus que le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont indûment limité ses chances de trouver un emploi dans un marché du travail déjà difficile.

Somme toute, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[59] D’après mes conclusions sur les trois éléments susmentionnés, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[60] Le prestataire n’a pas été en mesure de réfuter la présomption selon laquelle il n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein du 3 janvier 2021 au 10 avril 2021. Il n’a pas démontré non plus qu’il satisfaisait au critères juridique de la disponibilité pendant ces semaines. Il ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pour cette période.

[61] Je dois par conséquent rejeter l’appel du prestataire.

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