Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1449

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (488461) datée du 13 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 4 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2174

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi quand elle l’a fait (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi). La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a quitté son emploi le 7 janvier 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de la prestataire pour quitter son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi comme elle l’a fait, la prestataire aurait pu discuter de ses préoccupations concernant son emploi avec son employeur, discuter du stress qu’elle ressentait avec son médecin et continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi.

[6] La prestataire affirme que l’emploi ne lui convenait pas et qu’elle n’y était pas à sa place. Elle dit que le travail était trop stressant en raison d’un trajet dangereux et de sa difficulté à apprendre le système informatique de l’employeur. Elle soutient qu’elle pensait avoir trouvé un autre emploi. Elle dit qu’elle a démissionné pendant la période d’essai de trois mois et qu’elle devrait avoir droit à des prestations.

Question en litige

[7] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] J’accepte le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi. La prestataire reconnaît qu’elle a quitté son emploi le 7 janvier 2022. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[11] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[12] La loi explique ce que veut dire « être fondé/fondée à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu.de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[13] La prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 3.

[14] Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 4.

[15] La prestataire dit qu’elle était à la recherche d’un emploi. Elle dit que son emploi de longue date comme aide-comptable a pris fin le 20 septembre 2021. Elle dit que la gestionnaire de l’employeur a appris qu’elle cherchait un emploi. Elle soutient que la gestionnaire a communiqué avec elle. Elle dit qu’elle a été embauchée après un entretien informel. Elle a commencé à travailler pour l’employeur le 29 octobre 2021.

[16] La prestataire affirme qu’elle n’aurait pas postulé pour le poste auprès de l’employeur parce qu’il se trouvait dans une autre ville, qu’il nécessitait un trajet dangereux et qu’il était mal rémunéré. Elle dit qu’elle pensait que le poste était pour un comptable, mais qu’elle a découvert plus tard que les tâches étaient celles d’un commis.

[17] La prestataire soutient que la gestionnaire lui a dit que l’employeur allait aménager un site dans sa ville. La gestionnaire lui a dit que, grâce à son expérience, elle pourrait améliorer leur système de comptabilité.

[18] La prestataire dit qu’elle voulait essayer l’emploi. Elle dit qu’elle pensait que si l’emploi ne lui convenait pas et qu’elle quittait l’entreprise avant la fin de la période d’essai de trois mois, elle aurait droit à des prestations.

[19] La prestataire dit avoir quitté l’emploi en raison des circonstances suivantes :

  • a) Le travail n’était pas fait pour elle et lui causait du stress. Elle dit que l’emploi était moins bien payé que son emploi précédent. Elle dit que le trajet pour se rendre au travail était cher et dangereux. Elle dit aussi que ses fonctions étaient celles d’un commis, pas d’un comptable. Elle dit que son expérience professionnelle antérieure comprenait deux emplois de longue durée en tant que comptable, et qu’elle savait donc que cet emploi ne lui convenait pas;
  • b) La gestionnaire a pris un congé autorisé. Selon elle, cela signifie qu’un site ne sera pas mis en place dans sa ville et qu’elle devra continuer à faire les dangereux trajets quotidiens;
  • c) Le trajet pour se rendre au travail était dangereux. La prestataire dit qu’elle doit conduire sur une autoroute à une voie. Elle dit qu’elle n’aime pas conduire lorsqu’il neige, lorsqu’il y a du verglas ou dans l’obscurité. Son trajet habituel était de trois minutes. Il lui fallait maintenant 20 minutes pour se rendre au travail. Elle dit avoir eu un accident à la mi-décembre 2021 en raison du verglas, et sa voiture a été une perte totale. Elle dit qu’il n’y a pas de transport public et que le covoiturage n’était pas une option;
  • d) La prestataire dit avoir eu des difficultés à se familiariser avec le système informatique de l’employeur. Elle soutient qu’elle a reçu beaucoup de formation, mais qu’elle n’arrivait pas à comprendre le fonctionnement du système. Elle dit qu’elle a bénéficié du soutien d’autres employés, mais que finalement, ils se contentaient de faire le travail à sa place. Elle affirme qu’elle voulait faire du bon travail, mais qu’elle n’avait pas l’impression que c’était le cas. Elle dit qu’elle n’a pas reçu de rapports disciplinaires sur la qualité de son travail. Elle ajoute qu’elle n’a pas été là assez longtemps pour que l’employeur fasse une évaluation de son travail. Elle a déclaré à la Commission que son employeur lui avait dit qu’il fallait des années pour maîtriser le système informatique;
  • e) La prestataire dit qu’elle pensait avoir trouvé un autre emploi. Elle a eu un entretien téléphonique avec un autre employeur. Elle soutient qu’on ne lui a pas fait d’offre d’emploi. Elle dit qu’elle n’avait pas atteint cette étape. Elle affirme qu’elle a une bonne réputation dans sa ville et qu’elle avait bon espoir d’être embauchée. Mais elle dit que le poste ne s’est pas concrétisé.

[20] Une fois que j’aurai établi les circonstances qui s’appliquent à la prestataire, celle-ci devra démontrer qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a faitNote de bas de page 5.

Les circonstances qui existaient lorsque la prestataire a démissionné

[21] La prestataire affirme que certaines des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent à elle. Plus précisément, j’examine si la prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Je tiens également compte du fait de travailler en dehors de son domaine de compétence, des problèmes de transport et des problèmes de santé.

[22] J’estime que la prestataire n’avait pas l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Son témoignage montre qu’elle n’a pas reçu d’offre d’emploi. Elle dit qu’elle n’avait pas encore atteint l’étape de l’offre d’emploi.

[23] Je constate que la prestataire travaillait en dehors de son domaine d’expertise, qu’elle avait des problèmes de transport et que cela a entraîné des problèmes de santé :

  • a) La prestataire a témoigné qu’elle avait eu de la difficulté à se familiariser avec le système informatique de l’employeur, qu’elle avait reçu beaucoup de formation, qu’elle n’avait pas l’impression de faire un bon travail et qu’elle n’utilisait pas ses compétences en comptabilité. Je trouve que le témoignage de la prestataire est crédible et que ses déclarations sont conformes aux documents d’appel. J’estime qu’elle croyait travailler en dehors de son domaine d’expertise;
  • b) La prestataire a témoigné qu’elle n’aime pas conduire lorsqu’il neige, lorsqu’il y a du verglas ou dans l’obscurité. Elle dit qu’elle a eu un accident de voiture en se rendant au travail. Elle dit aussi qu’il n’y avait pas de transport public et que le covoiturage n’était pas une option. J’estime qu’elle pensait avoir des problèmes de transport, car elle ne se sentait pas capable de se rendre à son travail en toute sécurité;
  • c) La prestataire a témoigné qu’elle avait des problèmes de santé en raison du trajet pour se rendre au travail et parce que le travail ne lui convenait pas. J’estime qu’elle pensait qu’elle vivait du stress en raison de son emploi.

[24] Les circonstances qui existaient lorsque la prestataire a démissionné étaient le fait de travailler en dehors de son domaine d’expertise, des problèmes de transport et des problèmes de santé.

La prestataire avait d’autres solutions raisonnables

[25] Je dois maintenant décider si la prestataire n’avait aucun autre choix raisonnable que de démissionner.

[26] La prestataire affirme qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable. Elle a fourni le témoignage suivant lors de l’audience :

  • a) La prestataire dit avoir eu des difficultés à se familiariser avec le système informatique de l’employeur. Elle dit qu’elle n’arrivait pas à comprendre la façon dont l’employeur faisait les choses. Elle dit avoir reçu le soutien d’autres employés, mais que finalement, ils se contentaient de faire le travail à sa place. Elle affirme qu’elle voulait faire du bon travail, mais qu’elle n’avait pas l’impression que c’était le cas. Elle dit qu’elle n’a pas reçu de rapports disciplinaires sur la qualité de son travail. Elle ajoute qu’elle n’a pas été là assez longtemps pour que l’employeur fasse une évaluation de son travail. Elle dit qu’elle connaît ses compétences et estime que le poste était destiné à quelqu’un qui n’est pas comptable;
  • b) La prestataire dit qu’elle n’a pas pensé à parler à son employeur de son trajet pour se rendre au travail. Elle explique que si les conditions météorologiques étaient mauvaises, elle n’avait pas la possibilité de travailler à domicile à cause du système informatique de l’employeur. Elle dit que si les conditions météorologiques étaient mauvaises, elle devrait quand même se rendre au travail en voiture, sinon elle n’était pas payée. Elle affirme qu’elle aurait parlé à son employeur si elle avait vraiment voulu rester. Cependant, elle ne se voyait pas rester chez cet employeur à long terme;
  • c) La prestataire dit qu’elle n’appelle pas son médecin chaque fois qu’elle est stressée. Elle dit que son médecin est à 30 minutes de route de chez elle;
  • d) La prestataire affirme qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi, car il est difficile de se rendre à des entretiens d’embauche tout en travaillant à l’extérieur de sa ville.

[27] La Commission n’est pas d’accord et dit qu’au lieu de démissionner comme elle l’a fait, la prestataire aurait pu discuter de ses préoccupations au sujet de l’emploi avec son employeur, discuter du stress qu’elle ressentait avec son médecin et continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi.

[28] J’estime que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables à sa disposition. En effet, elle aurait pu discuter de ses préoccupations concernant le système informatique avec son employeur. La prestataire n’avait reçu aucun rapport disciplinaire ni aucune évaluation de la qualité de son travail. Elle était employée depuis moins de quatre mois et son employeur lui a dit qu’il fallait des années pour maîtriser le système. Je conclus qu’il aurait été raisonnable de discuter de ses préoccupations concernant le système informatique et des possibilités de formation supplémentaire avant de quitter son emploi.  

[29] J’estime qu’elle aurait également pu discuter de ses préoccupations concernant ses problèmes de transport avec son employeur. La prestataire dit qu’elle n’a pas pensé à parler de son trajet à son employeur. Il est donc impossible de savoir si l’employeur avait toujours l’intention de mettre en place un site dans la ville de la prestataire, même si la gestionnaire ne travaillait plus pour l’employeur, ou si l’employeur aurait tenu compte de ses préoccupations concernant le fait de conduire dans de mauvaises conditions météorologiques. Je conclus qu’il aurait été raisonnable de la part de la prestataire de discuter de ses préoccupations concernant le trajet avec son employeur avant de quitter son emploi.

[30] J’estime que le fait de discuter de ses préoccupations concernant le système informatique et les déplacements avec son employeur aurait pu contribuer à réduire le stress de la prestataire. Dans le cas contraire, j’estime qu’il aurait été raisonnable qu’elle discute du stress qu’elle ressentait avec son médecin avant de quitter son poste.

[31] J’estime qu’elle aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi. Bien qu’il ait pu être difficile pour elle de chercher un emploi alors qu’elle travaillait, la prestataire n’avait pas l’assurance raisonnable d’un autre emploi. Elle a eu un entretien pour un autre emploi, mais dit qu’elle n’en était pas encore à l’étape de l’embauche lorsqu’elle a quitté son emploi. Comme il est de la responsabilité d’une partie prestataire de ne pas provoquer le risque de chômage, le fait de conserver un emploi jusqu’à ce qu’un nouvel emploi soit trouvé est généralement une solution plus raisonnable que celle de quitter son emploiNote de bas de page 6.

[32] Bien que la prestataire ait quitté son emploi pour ce qui peut être considéré comme une bonne raison personnelle, cela n’est pas suffisant pour établir qu’elle était fondée à le faire au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. Ainsi, compte tenu de toutes les circonstances qui existaient lorsque la prestataire a démissionné, cette dernière avait d’autres solutions raisonnables plutôt que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[33] Cela signifie que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[34] Je conclus que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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