Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1447

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (464608) rendue le 26 mars 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 20 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 31 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2998

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec des modifications. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission a rajusté correctement la répartition de la rémunération du prestataire. Elle lui a infligé une pénalité parce qu’il savait qu’il écrivait des choses fausses ou trompeuses lorsqu’il remplissait ses déclarations toutes les deux semaines. Toutefois, la Commission n’a pas agi de façon judiciaire. En conséquence, la pénalité passe de 981 $ à 400 $. La Commission a donné l’avis de violation comme elle devait le faire.

Aperçu

[3] Le prestataire a été mis à pied de son emploi saisonnier. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. Pendant la saison morte, il a fait du déneigement pour un autre employeur. Il recevait une indemnité de disponibilité ainsi qu’un salaire pour le déneigement. Dans les déclarations qu’il remplissait toutes les deux semaines, le prestataire n’a mentionné ni ses indemnités de disponibilité ni le salaire qu’il gagnait lorsqu’il travaillait.

[4] Selon la Commission, le prestataire n’a pas déclaré toute sa rémunération lorsqu’il remplissait ses déclarations toutes les deux semaines. Elle a donc rajusté la répartition de sa rémunération.

[5] La Commission affirme que le prestataire savait qu’il faisait de fausses déclarations. Elle explique qu’il n’a pas déclaré la rémunération qu’il a gagnée pour les services fournis et les services non fournis. Elle lui a donc infligé une pénalité et lui a donné un avis de violation.

[6] Selon le prestataire, Service Canada lui a donné de mauvaises informations. Il affirme que le personnel là-bas lui a dit qu’il n’avait pas besoin de déclarer ses indemnités de disponibilité. Il explique qu’il a suivi les conseils de Service Canada. Il ajoute qu’il croyait recevoir ses indemnités de disponibilité et ses prestations d’assurance-emploi en toute légalité.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire n’a pas déposé la décision de révision de la Commission

[7] Avec son avis d’appel, le prestataire devait faire parvenir au Tribunal une copie de la décision de la CommissionNote de bas de page 1. Il ne l’a pas fait. Mais une copie de la décision se trouve dans le dossier de la Commission qui m’a été remis. Il n’est donc pas nécessaire que le prestataire me l’envoieNote de bas de page 2.

Questions en litige

[8] L’argent que le prestataire a reçu est-il une rémunération?

[9] Si oui, la Commission a-t-elle réparti la rémunération correctement?

[10] La Commission a-t-elle infligé une pénalité comme il le fallait?

[11] La Commission a-t-elle donné un avis de violation comme il se doit?

Analyse

L’argent que le prestataire a reçu est-il une rémunération?

[12] Oui, l’argent que le prestataire a reçu constitue une rémunération. Voici pourquoi je tire cette conclusion.

[13] La loi établit que la rémunération est le revenu intégral (c’est-à-dire entier) qu’une personne reçoit pour tout emploiNote de bas de page 3. La loi définit les termes « revenu » et « emploi ».

[14] Le revenu est tout ce qu’on a reçu ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne. C’est souvent une somme d’argent, mais pas toujoursNote de bas de page 4.

[15] Un emploi est tout travail qu’on a fait ou fera dans le cadre d’un contrat de travail ou de servicesNote de bas de page 5.

[16] Le prestataire doit démontrer que l’argent n’est pas une rémunération. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chance) que l’argent n’est pas une rémunération.

[17] La Commission a fait une enquête. Elle a demandé à l’employeur du prestataire plus de renseignements sur la rémunération de ce dernier. L’employeur a fourni à la Commission le détail de la rémunération du prestataire pour la période définie par la Commission. Selon celle-ci, l’argent constitue une rémunération parce que l’employeur a versé au prestataire un salaire pour les services fournis (déneigement) et les services non fournis (indemnité de disponibilité).

[18] Le prestataire ne conteste pas le fait que l’argent qu’il a reçu est une rémunération. Il a donné les raisons pour lesquelles il n’a pas déclaré sa rémunération. En conséquence, je conclus que l’argent qu’il a reçu constitue une rémunération. Je constate que l’employeur lui a versé de l’argent pour le déneigement et l’indemnité de disponibilité.

La Commission a-t-elle rajusté correctement la répartition de la rémunération du prestataire?

[19] Oui, la Commission a rajusté la répartition de la rémunération du prestataire comme il se doit.

[20] La loi prévoit la répartition de la rémunération sur certaines semaines. La raison pour laquelle on a reçu la rémunération détermine les semaines en questionNote de bas de page 6.

[21] La rémunération du prestataire est un salaire. Son employeur lui a versé cette rémunération pour le travail effectué dans le cadre de son emploi et pour le travail non effectué durant ses périodes de disponibilité.

[22] La loi précise que la rémunération obtenue en échange de services rendus à un employeur est répartie sur les semaines où les services sont fournisNote de bas de page 7. La rémunération versée pour des services non fournis est répartie sur les semaines pour lesquelles la rémunération est payableNote de bas de page 8.

[23] Le prestataire n’a pas contesté la façon dont la Commission a rajusté la répartition de sa rémunération. Il répète simplement que Service Canada lui a dit qu’il n’avait pas à déclarer sa rémunération.

[24] La Commission a réparti la rémunération selon les renseignements détaillés fournis par l’employeur. Comme le prestataire ne conteste pas la façon dont la Commission a réparti la rémunération, je conclus que la Commission a bien rajusté la répartition de sa rémunération.

La Commission a-t-elle infligé une pénalité comme il le fallait?

[25] La Commission peut infliger une pénalité si, à son avis, on a fait une déclaration ou fourni des renseignements qu’on savait faux ou trompeursNote de bas de page 9.

Le prestataire a-t-il fait des déclarations fausses ou trompeuses?

[26] Oui, le prestataire a fait des déclarations fausses ou trompeuses.

[27] Le prestataire a dit avoir été mis à pied de son emploi d’été. Il a ensuite travaillé à forfait pour un autre employeur. Il était en disponibilité pour le déneigement. Il travaillait à temps partiel pendant qu’il touchait des prestations d’assurance-emploi.

[28] Le prestataire a déclaré qu’il s’est rendu à un bureau de Service Canada pour demander des prestations d’assurance-emploi. Il a demandé s’il pouvait utiliser un ordinateur là-bas, et une agente l’a aidé. Il lui a dit qu’il serait en disponibilité pour faire du déneigement et lui a demandé s’il devait l’écrire dans sa demande de prestations. Le prestataire a déclaré que l’agente de Service Canada lui avait répondu que ce n’était pas nécessaire. Il a dit avoir posé la même question à un autre agent, qui lui a donné la même réponse. Le prestataire a expliqué qu’il a été très étonné, mais qu’il a suivi leur conseil.

[29] À l’audience, le prestataire a confirmé qu’il a rempli ses déclarations toutes les deux semaines. Il a dit qu’il se souvenait des questions qui lui demandaient s’il travaillait, s’il recevait une rémunération et combien il gagnait.

[30] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il a touché une rémunération pour son travail de déneigement. Même s’il s’est expliqué, il convient qu’il n’a pas déclaré sa rémunération lorsqu’il a répondu aux questions sur le travail et la rémunération dans les déclarations qu’il remplissait toutes les deux semaines. Par conséquent, je juge que le prestataire a fait de fausses déclarations, car il travaillait, il était en disponibilité et il touchait une rémunération.

Le prestataire savait-il que ses déclarations étaient fausses?

[31] Oui, le prestataire savait qu’il faisait de fausses déclarations.

[32] Pour vérifier si les renseignements ont été fournis sciemment (en connaissance de cause), je dois décider si le prestataire savait de façon subjective (personnelle) que la déclaration était fausse ou trompeuse. Le bon sens et les facteurs objectifs sont des éléments à prendre en compte pour décider si les prestataires ont une connaissance subjective de la fausseté des renseignements fournisNote de bas de page 10.

[33] La Commission doit prouver que le prestataire a fait une déclaration qu’il savait fausse ou trompeuse. Par la suite, il revient au prestataire d’expliquer pourquoi il a fait de telles déclarationsNote de bas de page 11.

[34] Le prestataire faisait du déneigement à temps partiel pendant qu’il touchait des prestations d’assurance-emploi. Son employeur lui a versé une indemnité de disponibilité ainsi qu’un salaire pour le déneigement. Le prestataire affirme que c’est Service Canada qui lui a dit qu’il n’avait pas à mentionner cet argent dans les déclarations qu’il remplissait toutes les deux semaines.

[35] J’ai demandé au prestataire s’il se souvenait si les formulaires de déclaration lui demandaient de dire s’il travaillait et s’il touchait une rémunération. Le prestataire a répondu qu’il se souvenait des questions à ce sujet. Mais il a ajouté que l’agente de Service Canada lui avait dit qu’il n’avait pas à déclarer sa rémunération parce que c’était des indemnités de disponibilité.

[36] Je n’ai aucune raison de douter du témoignage du prestataire quand il dit qu’après avoir parlé à une agente de Service Canada, il avait compris qu’il n’avait pas à déclarer sa rémunération. Il confirme cependant que les formulaires de déclaration qu’il remplissait toutes les deux semaines lui demandaient s’il travaillait et s’il touchait une rémunération. Malgré cela, il n’a pas déclaré sa rémunération.

[37] Je conclus que, subjectivement, le prestataire savait qu’il faisait une fausse déclaration quand il répondait à la question sur sa rémunération. Même s’il pensait qu’il n’avait pas à déclarer l’indemnité de disponibilité, le prestataire savait qu’il travaillait quand il faisait du déneigement et que l’employeur le payait pour fournir ce service. Je juge que sa déclaration voulant qu’il ait été étonné des conseils qu’il a reçus à Service Canada montre qu’il avait une connaissance subjective de la situation.

[38] J’estime qu’il peut parfois y avoir une certaine confusion entourant l’obligation de déclarer une indemnité de disponibilité. Mais je ne crois pas que ce soit le cas dans cette affaire-ci, surtout pour les semaines où le prestataire a fait du déneigement. Le prestataire dit qu’on lui a demandé s’il travaillait et s’il touchait une rémunération. Je juge que ces questions sont simples. Le prestataire avait un emploi à temps partiel. Les semaines où il faisait du déneigement, il savait qu’il travaillait. Je conclus donc que la réponse aux questions simples était évidente, surtout pour ces semaines-là.

[39] Il est malheureux que les conseils de Service Canada aient amené le prestataire à croire qu’il n’était pas obligé de déclarer sa rémunération. Mais la Cour d’appel fédérale a affirmé que le fait que la Commission fournisse de mauvais renseignements ne justifie pas le non-respect de la loi. Les prestataires doivent respecter la loi même si la Commission a fait une erreurNote de bas de page 12.

[40] Il se peut que Service Canada ait donné la mauvaise information au prestataire. Mais il avait accès à d’autres informations qui, elles, étaient claires. La demande de prestations d’assurance-emploi énumère les droits et les responsabilités des prestataires. L’une des obligations est de « déclarer avec exactitude toute rémunération brute provenant d’un emploi dans les semaines où vous avez gagné ces sommes, de même que toute autre somme que vous recevezNote de bas de page 13 ».

[41] Le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas déclaré sa rémunération pour les semaines du 11 novembre 2018 au 7 avril 2019 quand il remplissait ses déclarations toutes les deux semaines. J’ai déjà conclu que ces déclarations contenaient des renseignements faux ou trompeur sur la rémunération. Je conclus donc que le prestataire savait que ses déclarations étaient fausses ou trompeuses.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a infligé la pénalité?

[42] Non, la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire quand elle a infligé la pénalité. Je peux donc déterminer la pénalité à imposer.

[43] Lorsqu’elle donne une pénalité ou un avis de violation, la Commission rend une décision discrétionnaire. On ne peut pas modifier de telles décisions, sauf si la Commission n’a pas agi de bonne foi, compte tenu de tous les éléments pertinentsNote de bas de page 14.

[44] La Commission affirme qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes lorsqu’elle a évalué la pénalité. La Commission a suivi sa propre politique pour établir la pénalité à 1 280 $. Le prestataire a dit à la Commission qu’il avait sûrement fait une erreur et il a exprimé des remords pour cela. La Commission a considéré qu’il s’agissait d’une circonstance atténuante et elle a réduit la pénalité, qui est passée de 1 227 $ à 981 $.

[45] À l’audience, le prestataire a déclaré que suivre les conseils de Service Canada lui a causé de grandes difficultés pour lesquelles il peut se permettre de payer. Je juge qu’il s’agit d’un nouvel élément atténuant qui n’a pas été présenté à la Commission.

[46] Compte tenu de l’ouverture et de l’honnêteté dont il a fait preuve à l’audience, je n’ai aucune raison de douter du fait que l’obligation de rembourser le trop-payé qui découle du défaut de déclarer sa rémunération en plus de la pénalité aura des répercussions sur les finances du prestataire. Je vais donc modifier la décision et tenir compte de cette autre circonstance atténuante. Ainsi, j’estime qu’une pénalité de 400 $ est appropriée.

La Commission a-t-elle donné l’avis de violation comme elle devait le faire?

[47] Oui, la Commission a donné l’avis de violation de la bonne façon.

[48] Il y a violation si la Commission inflige une pénalité aux prestatairesNote de bas de page 15. La Commission a le pouvoir discrétionnaire de donner ou non un avis de violation, selon les circonstancesNote de bas de page 16.

[49] Comme elle a infligé une pénalité, la Commission pouvait légalement donner un avis de violation. Le trop-payé (prestations versées en trop) engendré par le fait que le prestataire n’a pas déclaré sa rémunération s’élève à 7 012 $. Par conséquent, la Commission a qualifié la violation de très grave puisque le montant du trop-payé dépassait 5 000 $.

[50] La Commission a tenu compte des conséquences que subirait le prestataire s’il recevait un avis de violation. Elle a considéré les circonstances atténuantes. Elle ne pouvait pas prendre en compte la situation financière du prestataire. Mais je juge que cela n’est pas aussi pertinent pour la décision de donner un avis de violation. C’est d’autant plus vrai que la Commission a décidé que l’avis de violation n’aurait probablement aucune incidence sur les futures demandes de prestations présentées par le prestataire.

[51] Étant donné ce qui précède, je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Je conclus que la Commission a donné l’avis de violation comme il se doit.

Conclusion

[52] L’appel est rejeté avec des modifications.

[53] Le prestataire a touché une rémunération sous forme de salaire, sans toutefois la déclarer. La Commission a bien réparti la rémunération. Le prestataire a fait des déclarations qu’il savait fausses ou trompeuses. La Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a infligé une pénalité. J’en ai donc réduit le montant. La Commission a donné l’avis de violation comme il se doit.

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