Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 12

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : G. H.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 23 septembre 2022 (GE-22-1552)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Date de la décision : Le 5 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-776

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Décision

[1] L’autorisation (permission) d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] G. H. est la prestataire. Elle travaillait dans un foyer de soins de longue durée. L’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. La prestataire ne s’est pas conformée à la politique. Par conséquent, la prestataire a d’abord été mise en congé sans solde, puis congédiée.

[3] Après son congédiement, la prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu la prestataire du bénéfice des prestations parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[4] La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission à la division générale du Tribunal. La division générale a rejeté l’appel de la prestataire. La division générale a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire demande maintenant de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Toutefois, elle doit obtenir la permission pour que son appel puisse aller de l’avant.

[5] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit et a manqué à l’équité procédurale.

[6] Je suis convaincue que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès et je refuse donc la permission de faire appel.

Question en litige

[7] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Le processus de la division d’appel comporte deux étapes. D’abord, la prestataire doit obtenir la permission d’en appeler. Si la permission est refusée, l’appel s’arrête là. Si la permission est accordée, l’appel passe à la deuxième étape. La deuxième étape consiste à statuer sur le bien-fondé de l’appel.

[9] Je dois rejeter la demande de permission d’en appeler si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Selon la loi, je peux examiner seulement certains types d’erreurs. Ce sont les suivantsNote de bas de page 2 :

  • La division générale a manqué à l’équité procédurale.
  • La division générale a commis une erreur de compétence (elle n’a pas tranché une question qui aurait dû l’être ou elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher).
  • La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  • La division générale a commis une erreur de droit.

[10] Une chance raisonnable de succès signifie que l’on peut soutenir que la division générale pourrait avoir commis au moins une de ces erreursNote de bas de page 3.

La décision de la division générale

[11] La division générale devait décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit l’exclusion du bénéfice des prestations lorsqu’un prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[13] La Loi ne définit pas le terme « inconduite ». Toutefois, la Cour d’appel fédérale en est arrivée à une définition bien établie de ce que signifie ce terme.

[14] L’inconduite exige une conduite délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5.

[15] L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 6.

[16] La Cour d’appel fédérale a expliqué qu’autrement dit, il y a inconduite si un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il existait une possibilité réelle de congédiement à cause de celaNote de bas de page 7.

[17] L’employeur de la prestataire a mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Selon le témoignage de la prestataire, la politique exigeait qu’elle obtienne la première dose d’un vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 12 octobre 2021 et la deuxième dose au plus tard le 15 novembre 2021Note de bas de page 8.

[18] La politique ne permettait que des exemptions médicales. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas demandé d’exemption médicale. Elle avait demandé une exemption religieuse, qui lui a été refusée.

[19] La prestataire ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur. Par conséquent, son employeur l’a d’abord mise en congé sans solde le 12 octobre 2021, puis l’a licenciée le 12 décembre 2021.

[20] Il n’a pas été contesté devant la division générale que la prestataire a été licenciée parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de vaccination de l’employeur.

[21] La division générale a statué que l’employeur pouvait choisir d’élaborer et d’imposer des politiques sur le lieu de travail. Lorsque l’employeur a imposé une politique de vaccination, celle-ci est devenue une condition d’emploi de la prestataire.

[22] La division générale a tenu pour avérées que la politique de l’employeur et diverses révisions avaient été communiquées à la prestataire et qu’elle était au courant de la politique et avait assez de temps pour s’y conformer.

[23] La division générale a décidé que la prestataire avait volontairement, délibérément et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Elle n’était pas d’accord avec la politique et ne voulait donc pas s’y conformerNote de bas de page 9.

[24] La division générale a décidé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que les conséquences de ne pas s’y conformer entraîneraient un congé sans solde et un congédiement, car les conséquences lui ont été communiquées dans la politique. La division générale a fait remarquer que même si le libellé de la politique mentionne qu’elle « peut » entraîner le licenciement, cela signifiait que le licenciement était une possibilité. La division générale a également noté que la prestataire a reçu plusieurs lettres de l’employeur lui rappelant de se conformer en se faisant vacciner, sinon l’inobservation « entraînera » un congé sans solde et un licenciementNote de bas de page 10.

[25] La division générale a donc conclu que la Commission avait prouvé que la prestataire était suspendue et qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

On ne peut soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie « inconduite »

[26] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite.

[27] La prestataire soutient que ses actes n’étaient pas délibérés parce que :

  • Elle n’a pas été négligente ou insouciante.
  • Elle s’est conformée aux exigences initiales de la politique de l’employeur.
  • Son rendement au travail était parfait.
  • Elle pouvait accomplir son travail en toute sécurité.
  • Elle ignorait qu’elle serait licenciée, car l’employeur formulait cette menace chaque année avec la vaccination contre la grippe, mais personne n’a été licencié.
  • Refuser un vaccin n’est pas une inconduite.

[28] La prestataire soutient également que sa situation est la même que celle de la prestataire dans ZZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada. Dans cette affaire, la prestataire n’a pas été exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 11.

[29] On ne peut soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie « inconduite » La division générale a appliqué le bon critère juridique et la preuve a étayé ses conclusions de fait. Selon la preuve, la prestataire a délibérément refusé de se conformer à la politique, sachant qu’elle mettait son emploi en danger.

[30] Même si l’employeur n’a peut-être pas donné suite à ses menaces antérieures au sujet du vaccin contre la grippe, la preuve révélait clairement que la prestataire avait été informée des conséquences possibles du non-respect de la politique sur la COVID-19 dans le délai imparti, à savoir son licenciementNote de bas de page 12.

[31] Le fait d’adopter délibérément un comportement qu’un prestataire sait ou devrait savoir mettre son emploi en danger est considéré comme une inconduite, comme la Cour d’appel fédérale a défini l’inconduiteNote de bas de page 13.

[32] Il ne fait aucun doute que la prestataire était une employée de longue date et qu’elle n’avait aucune intention coupable en refusant la vaccination. Après tout, elle avait travaillé pour son employeur pendant 18 ans. Toutefois, la loi prévoit qu’il n’est pas nécessaire qu’un prestataire ait une intention coupable pour que sa conduite soit considérée comme une inconduite en vertu de la LoiNote de bas de page 14.

[33] La prestataire croyait peut-être qu’elle pouvait exercer ses fonctions en toute sécurité sans être vaccinée. Toutefois, les obligations envers un employeur ne se limitent pas aux tâches proprement dites et comprennent le respect des politiques de sécuritéNote de bas de page 15.

[34] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le manquement à une obligation expresse ou implicite envers un employeur peut donner lieu à une conclusion d’inconduiteNote de bas de page 16. En l’espèce, la division générale a décidé que l’employeur avait imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19, de sorte que la vaccination est devenue une condition d’emploi de la prestataire. La division générale a statué que la prestataire a enfreint la politique lorsqu’elle a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité d’exercer ses fonctions au foyer de soins de longue duréeNote de bas de page 17.

[35] La Cour d’appel fédérale a également déclaré qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur peut être considérée comme une inconduiteNote de bas de page 18. C’est ce qui s’est passé dans la présente décision. La prestataire a délibérément enfreint la politique de son employeur, sachant qu’elle mettait son emploi en danger en agissant ainsi.

[36] La prestataire n’a pas demandé à la division générale d’examiner la décision ZZ c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 19. La division générale n’a donc pas commis d’erreur de droit en ne se penchant pas sur cette affaire.

[37] Toutefois, je tiens à souligner que le même critère juridique pour inconduite a été appliqué dans cette affaire et dans le cas de la prestataire. Le résultat différent portait sur des faits différents.

[38] Contrairement à la prestataire dans la présente décision, l’employeur de la prestataire dans l’affaire ZZ avait approuvé une exemption religieuse pour cette dernière. À titre de mesure d’adaptation, son employeur l’avait mise en congé sans solde. La division générale a décidé dans cette affaire que la conduite de la prestataire lorsqu’elle a été placée en congé sans solde n’était pas délibérée, car on ne pouvait pas s’attendre à ce que son employeur lui réponde en la plaçant en congé sans solde. La politique en question ne portait que sur les conséquences de la non-conformité pour les employés qui demeurent non vaccinés sans exemption.

On ne peut soutenir que la division générale devait tenir compte des articles 29(c) ou 49(2) de la Loi

[39] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des articles 29(c) et 49(2) de la Loi.

[40] La prestataire soutient que l’article 29(c) de la Loi s’applique à sa situation, car il prévoit qu’il existe un motif valable de quitter volontairement son emploi si un prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi, compte tenu de la discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne et des pratiques de l’employeur contraires à la loi.

[41] La prestataire soutient en outre que la division générale aurait dû appliquer l’article 49(2) de la Loi. Cet article prévoit que la Commission accorde le bénéfice du doute au prestataire sur la question de savoir s’il existe des circonstances ayant pour effet d’exclure un prestataire du bénéfice des prestations pour cause d’inconduite, si la preuve est égale.

[42] La prestataire affirme que la division générale aurait dû lui accorder le bénéfice du doute. Elle soutient que la Commission n’a obtenu de l’employeur aucun des renseignements sur lesquels elle s’est fondée. La prestataire a plutôt fourni des renseignements à la Commission. La prestataire affirme s’être conformée à la version initiale de la politique au dossier. Elle affirme que la division générale n’a pas communiqué avec l’employeur pour prouver l’exactitude de la politique. Elle ajoute que son témoignage et d’autres documents portant sur des politiques ultérieures ont été utilisés contre elle par la division générale.

[43] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer l’article 29(c) ou l’article 49(2) de la Loi.

[44] J’ai examiné la documentation au dossier et écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. La prestataire n’a présenté à la division générale aucun argument au sujet des articles 29(c) ou 49(2) de la Loi.

[45] Malgré tout, la division générale ne disposait d’aucune preuve suggérant que la prestataire avait quitté volontairement son emploi. Selon la preuve, elle avait été licenciée. La prestataire a dit à la Commission qu’elle avait été licenciéeNote de bas de page 20. Le dossier comportait une lettre de licenciementNote de bas de page 21. En appel, il s’agissait d’établir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 22. Par conséquent, l’article 29(c) de la Loi n’était pas pertinent pour la question que la division générale devait trancher.

[46] L’article 49(2) de la Loi n’était pas non plus pertinent.

[47] Le Tribunal n’a aucun pouvoir d’enquête. Si, lors de l’examen d’une demande de prestations, la Commission conclut que les documents relatifs à une demande indiquent que la perte d’emploi résulte de l’inconduite d’un prestataire, la loi prévoit que la Commission donne au prestataire et à l’employeur la possibilité de fournir des renseignements sur les raisons de la perte d’emploi et, si les renseignements sont fournis, la Commission en tient compte dans le règlement de la demandeNote de bas de page 23.

[48] C’est ce qui s’est produit. La Commission a demandé à la prestataire de fournir tous les documents qu’elle avait reçus de son employeur concernant la modification de sa politique de vaccination et tous les documents qu’elle avait fournis à l’employeur concernant toute exemption qu’elle aurait pu demander. On lui avait dit que ces renseignements serviraient pour statuer sur sa demandeNote de bas de page 24. La prestataire a fourni à la Commission des renseignements au sujet de son licenciement. La Commission a inclus ces renseignements dans la preuve sur laquelle elle s’est fondée devant le TribunalNote de bas de page 25.

[49] La division générale ne pouvait ignorer la preuve dont elle disposait simplement parce que la Commission avait obtenu ces renseignements de la prestataire plutôt que de l’employeur. La division générale devait tenir compte de l’ensemble de la preuve dont elle disposait, y compris le témoignage de la prestataire, pour décider si la Commission s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[50] La division générale était convaincue, à la lumière de la preuve dont elle était saisie, que la Commission s’était acquittée de ce fardeau. La division générale a été saisie d’assez d’éléments de preuve pour conclure qu’il était plus probable qu’improbable que l’employeur avait mis en place une politique de vaccination à laquelle la prestataire ne s’était pas conformée et que celle-ci savait qu’elle pouvait être licenciée pour non-conformité.

[51] L’article 49(2) de la Loi s’applique uniquement lorsque la division générale conclut que la preuve était équivalente. La division générale n’avait pas tiré de conclusion de fait selon laquelle la preuve était équivalente, de sorte que cet article ne s’appliquait pas. En fait, nul ne contestait la raison du licenciement de la prestataire.

On ne peut soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait

[52] La prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de fait en concluant que la politique de l’employeur sur la COVID-19 était une condition de son emploi.

[53] Elle soutient que la politique de vaccination de l’employeur ne constituait pas une condition de sa convention collective. De plus, elle prétend que la politique de vaccination a été imposée au personnel sans que son syndicat soit consulté comme il se doit. Elle soutient que, comme la politique n’était pas une condition de son emploi, ses gestes s’apparentant à un non-respect ne constituaient pas une inconduite.

[54] La prestataire prétend que la division générale a négligé la preuve qu’elle avait déposé un grief concernant son licenciement injuste ainsi qu’une affaire d’arbitrage du travail qui concernait le même employeur et la même politique, qui montrait que son employeur avait violé la convention collectiveNote de bas de page 26.

[55] La division d’appel ne peut intervenir que dans certains types d’erreurs de fait. Elle peut intervenir lorsque la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 27.

[56] Une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire est une conclusion qui contredit carrément la preuve ou qui n’est pas étayée par celle-ciNote de bas de page 28.

[57] Les conclusions de fait tirées sans tenir compte de la preuve comprendraient les circonstances où la conclusion n’était rationnellement étayée d’aucun élément de preuve ou celles où le décideur a omis de tenir raisonnablement compte d’éléments de preuve importants qui étaient contraires à sa conclusionNote de bas de page 29.

[58] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait. La division générale reconnaissait généralement que l’employeur pourrait décider de créer et d’imposer des politiques en milieu de travail. En l’espèce, la division générale a décidé que l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. La vaccination contre la COVID-19 est donc devenue une condition d’emploi de la prestataireNote de bas de page 30.

[59] La division générale a noté qu’en plus de la politique de l’employeur, celui-ci a mentionné dans l’une de ses lettres qu’une « directive » du ministre exigeait que tout le personnel travaillant dans les établissements de soins de longue durée reçoive une première dose avant le 15 novembre 2021 et la deuxième dose avant le 13 décembre 2021, sauf si le membre du personnel a fourni une preuve d’une contre-indication médicale.

[60] La conclusion de fait de la division générale selon laquelle la vaccination était une condition d’emploi de la prestataire concordait avec la preuve au dossier. La politique de vaccination obligatoire de l’employeur a été mise en œuvre en réponse à une directive du ministre exigeant la vaccination de tout le personnel travaillant dans les foyers de soins de longue durée. Comme elle ne s’était pas fait vacciner, la prestataire n’a pu se présenter au travailNote de bas de page 31.

[61] La prestataire n’a fourni aucune preuve à l’appui de son argument selon lequel elle n’était pas tenue de se conformer à l’exigence de vaccination énoncée dans la politique, car l’employeur n’avait pas consulté son syndicat avant de mettre la politique en œuvre. Elle n’a pas fourni la convention collective en preuve. Elle n’a pas expliqué comment la convention collective, qui est un contrat, pourrait en quelque sorte prévaloir sur la directive du ministre.

[62] La division générale n’a pas négligé le dépôt d’un grief par la prestataire. La division générale a reconnu que le syndicat de la prestataire avait déposé un grief de principe et qu’elle avait déposé un grief personnel, mais aucune date d’arbitrage n’avait été envoyée.

[63] Bien que la prestataire et son syndicat aient pu contester la politique de vaccination de l’employeur et le licenciement de la prestataire, la division générale n’a été saisie d’aucune preuve selon laquelle il avait été décidé en arbitrage du travail que la politique ou une partie de celle-ci était invalide.

[64] La division générale n’a pas non plus négligé l’affaire d’arbitrage du travail présentée par la prestataire. La division générale a reconnu que l’affaire portait sur un grief de principe, avec le même employeur. Toutefois, la division générale a souligné que le cas était lié à un foyer de soins de longue durée différent de celui de l’employeur en causeNote de bas de page 32.

[65] La division générale n’a été saisie d’aucune preuve selon laquelle la convention collective de la prestataire était la même que la convention collective en cause dans cette affaire. On ne peut donc soutenir que la division générale était tenue d’adopter les conclusions dans cette affaire.

[66] Quoi qu’il en soit, l’affaire n’aide pas la prestataire. L’affaire concernait la mise en œuvre d’une politique de vaccination obligatoire dans plusieurs foyers de soins de longue durée conformément à une directive du ministre des Soins de longue durée. Cette directive exigeait que les foyers de soins de longue durée se dotent d’une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour le personnel. La directive du ministre laissait à l’employeur le soin de s’occuper des conséquences de la non-conformité.

[67] Cette affaire portait sur les termes très précis de la convention collective et de la politique en question. L’arbitre a conclu que l’employeur n’avait pas consulté le syndicat, en contravention de ce qu’exige une clause particulière de la convention collective, avant de mettre en œuvre sa politique finale de vaccination. L’arbitre a également conclu que la possibilité d’un licenciement automatique en cas de non-respect de l’exigence de vaccination que prévoyait la politique était déraisonnable.

[68] Toutefois, l’arbitre n’a pas conclu que la politique de vaccination était illégale ou que les employés en question n’avaient pas à se conformer aux exigences de vaccination. La décision portait plutôt sur les conséquences imposées par l’employeur au personnel en cas de non-respect de l’exigence de vaccination.

[69] La division générale a décidé qu’elle n’avait pas compétence pour décider si le congédiement ou la pénalité infligée à la prestataire se justifiaitNote de bas de page 33. Cette conclusion était conforme à la directive de la Cour d’appel fédérale selon laquelle les questions concernant la gravité de la pénalité infligée ou la question de savoir si un prestataire a été congédié à tort par son employeur ne sont pas pertinentes à la question de l’inconduite en vertu de la LoiNote de bas de page 34.

[70] Outre les arguments de la prestataire, j’ai examiné le dossier documentaire et j’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. Je n’ai trouvé aucune preuve importante que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter.

[71] La prestataire n’a relevé aucune conclusion de fait erronée que la division générale aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision.

La division générale a traité de tous les arguments nécessaires

[72] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de ses arguments au sujet de la légalité de la politique. Elle affirme que le non-respect d’une politique illégale n’est pas une inconduite.

[73] La prestataire a déclaré dans son avis d’appel à la division générale que la politique de l’employeur équivalait à de l’extorsion en vertu de l’article 346 du Code criminel du Canadaparce que l’employeur a modifié son entente d’employeur pour y inclure la vaccinationNote de bas de page 35.

[74] Maintenant, dans sa demande à la division d’appel, la prestataire soulève de nombreuses autres lois enfreintes par la politique, selon elle. Elle soutient par exemple que la politique a enfreint la Déclaration canadienne des droits, la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée, divers articles de la Charte, le projet de loi S201 et l’article 50 de la Loi sur la santé et la sécurité au travailNote de bas de page 36.

[75] La prestataire soutient que la division générale n’a pas répondu en affirmant que son recours consistait à intenter une action devant la Cour ou tout autre tribunal qui pourrait traiter de ses arguments particuliers. Elle affirme que les autres actions en justice ne devraient pas avoir d’importance pour la division générale.

[76] À l’appui de son argument, la prestataire renvoie à l’arrêt Bedell de la Cour d’appel fédérale selon lequel lorsque la directive ou la politique d’un employé est légale, un employé doit s’y conformerNote de bas de page 37. Selon ses prétentions, cela signifie que si la politique d’un employeur est illégale, l’employé ne devrait pas être tenu de s’y conformer et que la non-conformité ne constitue pas une inconduite.

[77] La division générale n’a pas décidé si la politique enfreignait des lois. La décision n’a fait mention d’aucun argument invoqué par la prestataire au sujet de la légalité de la politique.

[78] Toutefois, on ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou de droit en ne décidant pas si la politique de l’employeur a enfreint le Code criminel du Canada.

[79] J’ai écouté l’enregistrement audio établi à partir de l’audience de la division générale. Je n’ai pas entendu la prestataire témoigner ou expliquer en quoi la politique violait le Code criminel du Canada.

[80] De plus, la division générale n’a été saisie d’aucune preuve suggérant que la politique était illégale. La preuve établissait plutôt que la politique de l’employeur avait été mise en œuvre légalement conformément à la directive du ministre sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour les foyers de soins de longue durée, qui exigeait que tout le personnel des foyers de soins de longue durée reçoive une première dose de vaccin au plus tard le 15 novembre 2021 et une deuxième au plus tard le 13 décembre 2021, sauf si une preuve de contre-indication médicale a été fournieNote de bas de page 38.

[81] La division générale n’est pas tenue d’aborder tous les arguments dont elle est saisieNote de bas de page 39. Toutefois, les motifs de la division générale doivent être suffisamment clairs pour expliquer pourquoi une décision a été prise et fournir un fondement logique à cette décision. Les motifs doivent également tenir compte des principaux arguments des partiesNote de bas de page 40.

[82] L’argument de la prestataire au sujet du Code criminel du Canada constituait une simple allégation. La prestataire n’a pas expliqué cette allégation en faisant référence à des éléments de preuve. On ne peut donc soutenir que la division générale était tenue de traiter de cette allégation.

[83] La prestataire n’a pas soutenu devant la division générale que la politique contrevenait à d’autres lois. Aucune explication n’a été fournie dans son avis d’appel ou dans son témoignage sur la façon dont la politique de l’employeur enfreignait d’autres lois.

[84] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de compétence en n’examinant pas les arguments qui ne lui ont pas été présentés.

[85] Les motifs de la division générale expliquaient clairement pourquoi elle avait rendu la décision. Les motifs ont fourni un fondement logique pour la conclusion. Les motifs répondaient aux principaux arguments de la prestataire.

[86] La division d’appel ne peut tenir compte du nouvel argument de la prestataire selon lequel la politique de l’employeur a enfreint diverses autres lois, ce qui signifie que son non-respect de la politique n’est pas une inconduite.

[87] La division d’appel ne procède pas à une nouvelle audition de l’affaire, mais cherche plutôt à déceler les erreurs susceptibles de révision que la division générale aurait pu commettre dans le dossier dont elle était saisieNote de bas de page 41. Outre la présence de circonstances limitées, la division d’appel ne peut accepter de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 42. L’argument soulevé par la prestataire n’est pas une pure question de droit. Comme elle n’a pas soulevé cet argument précis au sujet de ces autres lois devant la division générale, il n’existe aucun fondement probatoire pour examiner l’argument.

[88] Les arguments fondés sur la Charte, en particulier, nécessitent un dossier de preuve suffisant. La division d’appel a déjà conclu qu’elle ne peut entendre les arguments fondés sur la Charte qui n’ont pas déjà été soulevés d’abord à la division généraleNote de bas de page 43. Je ne vois aucune raison de m’écarter de ce raisonnement.

On ne peut soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale

[89] La prestataire fait valoir que le Tribunal dans son ensemble se montre partial. Elle soutient que le Tribunal a, sur son site Web, 73 dossiers ayant trait à l’inconduite et à la COVID-19 du 31 décembre 2020 au 15 novembre 2022. Elle affirme que dans trois de ces cas, l’appel a été accueilli et que la partie prestataire a reçu des prestations dans seulement un d’entre eux.

[90] La prestataire fait valoir que ces statistiques soulèvent la question de la crainte raisonnable de partialité du Tribunal. Elle soutient que le Tribunal statue sur tout ce qui touche la COVID-19 sans tenir vraiment compte de la loi qui, prétend-elle, entre en conflit avec les articles 4.6 et 7.2 du Code de conduite des membres du Tribunal. Le Code exige que les décideurs rendent des décisions à l’abri de toute influence indue.

[91] La prestataire souligne que la déclaration de la ministre Carla Qualtrough selon laquelle [traduction] « les personnes congédiées pour refus de vaccination ne devraient pas recevoir de prestations d’assurance-emploi » constitue un exemple à cet égard.

[92] La partialité suggère un état d’esprit qui, d’une certaine façon, prédispose à un résultat particulier.

[93] Les tribunaux et les arbitres sont présumés impartiaux.

[94] Une allégation de partialité est une allégation grave. Le critère pour conclure à la partialité est exigeant. Il incombe à la partie qui prétend qu’elle existe de la prouver. Selon la loi, une telle allégation ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressionsNote de bas de page 44.

[95] Le critère juridique pour établir la partialité consiste à déterminer si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, en arriverait à une conclusion selon laquelle, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, le ou la membre de la division générale ne rendrait pas une décision justeNote de bas de page 45.

[96] On ne peut soutenir qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, en arriverait à une conclusion selon laquelle, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, le ou la membre de la division générale ne rendrait pas une décision juste.

[97] Les statistiques citées par la prestataire ne soulèvent pas une crainte raisonnable de partialité défendable. La Cour d’appel fédérale a défini le critère juridique relatif à l’inconduite, qui lie le Tribunal. On s’attendrait à ce que les cas pour lesquels la même loi est appliquée à des faits similaires soient tranchés de manière cohérente.

[98] Il n’existe aucune preuve que la division générale ait été sujette à une influence politique ou autre. La division générale est un organisme décisionnel indépendant. Elle n’est aucunement tenue de prendre en compte des commentaires formulés par la ministre dans sa prise de décisions. Il n’y avait pas non plus de preuve que la membre de la division générale était même au courant des commentaires de la ministre.

[99] La preuve démontre plutôt que la membre du Tribunal a participé pleinement au processus d’audience. J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. L’enregistrement permet de constater que la membre a offert à la prestataire la pleine possibilité de présenter sa cause. La membre de la division générale a écouté attentivement le témoignage de la prestataire et a posé des questions pour préciser la situation au besoin.

[100] La décision elle-même montre que la membre de la division générale a examiné et traité le témoignage de la prestataire et la preuve documentaire au dossier. Les motifs de la membre de la division générale ont expliqué sa conclusion.

[101] Il n’existe aucune preuve que la membre avait jugé l’affaire d’avance ou qu’elle n’avait pas abordé le processus décisionnel de façon équitable.

[102] La prestataire n’a pas soutenu que la division générale a commis une erreur susceptible de révision.

[103] Compte tenu du dossier, de la décision de la division générale et des arguments présentés par la prestataire dans sa demande à la division d’appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je refuse donc la permission d’en appeler.

Conclusion

[104] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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