Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1549

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : G. H.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (463048) datée du 11 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 21 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 23 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1552

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] G. H. est la prestataire dans la présente affaire. La prestataire travaille comme aide-soignante dans un foyer de soins de longue durée depuis environ 18 ans. L’employeur a placé la prestataire en congé sans solde obligatoire parce qu’elle ne respectait pas sa politique de vaccination contre la COVID-19 au travailNote de bas de page 2. Elle a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été licenciée en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[5] La prestataire n’est pas d’accord parce que la politique de l’employeur n’était pas raisonnable compte tenu de son milieu de travailNote de bas de page 5. Elle soutient que l’employeur aurait dû consulter le syndicat. Elle affirme également qu’il ne s’agissait pas d’une inconduite parce qu’elle a fait tout ce qu’on lui demandait de faire, mais que l’employeur ne lui donnait pas de réponses au sujet du vaccin contre la COVID-19.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire a présenté une cause après l’audience

[6] À l’audience, la prestataire a témoigné qu’une affaire pourrait être pertinente concernant son employeur et d’autres foyers de soins de longue durée. J’ai demandé à la prestataire de présenter la cause après l’audience.

[7] La prestataire a présenté la cause et il a été communiqué à la CommissionNote de bas de page 6. J’ai examiné l’affaire. Il s’agissait d’une décision d’arbitrage du travail fondée sur un grief de principe. Je reconnais que l’affaire concernait le même employeur, mais qu’il s’agissait d’un autre foyer de soins de longue durée. Dans cette affaire, l’arbitre a décidé que l’employeur avait violé la convention collective.

[8] La prestataire travaille dans un milieu syndiqué. Le syndicat a déjà déposé un grief de principe. La prestataire a déjà déposé un grief personnel. Aucune date d’arbitrage n’a été envoyée.

[9] Je n’ai pas compétence pour décider si l’employeur de la prestataire a violé la convention collective lorsque la politique a été instaurée ou lorsque la prestataire a été congédiée. La cour a déjà établi que le Tribunal ne peut décider si la pénalité ou le congédiement était justifié. Cela signifie que je dois décider si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 7.

Question en litige

[10] La prestataire a-t-elle été suspendue et a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[11] Le prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ou qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[12] Les prestataires qui sont suspendus de leur emploi en raison de leur inconduite ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[13] Les prestataires qui prennent volontairement une période de congé sans justification ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[14] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a cessé de travailler. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle cessé de travailler?

[15] Je conclus que la prestataire a été placée en congé sans solde obligatoire le 12 octobre 2021 parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur contre la COVID-19. J’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel elle aimait son emploi et voulait continuer à travailler, mais qu’elle n’était malheureusement pas autorisée à retourner au travail pendant son congé.

[16] Je conclus également que la prestataire a été congédiée le 12 décembre 2021. Cela concorde avec le témoignage de la prestataire, son relevé d’emploi, la lettre de cessation d’emploi et sa discussion antérieure avec la CommissionNote de bas de page 11.

Quelle était la politique de l’employeur?

[17] L’employeur a mis en place une « politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) pour le personnel, les étudiants et les bénévoles ». Je l’appellerai « politique » dans ma décision. Selon la prestataire, la politique a été mise en œuvre pour la première fois vers mars 2021.

[18] J’ai écrit à la Commission avant l’audience et je lui ai demandé de fournir une copie de la politique parce qu’elle n’était pas incluse dans le dossierNote de bas de page 12. La Commission a répondu par écrit qu’elle n’avait pas de copie de la politiqueNote de bas de page 13.

[19] Toutefois, la prestataire a présenté une version antérieure de la politique au Tribunal. Une copie a été transmise à la Commission. La politique soumise par la prestataire mentionne que juin 2021 est la date d’entrée en vigueur et la date de révisionNote de bas de page 14.

[20] La prestataire a témoigné que la politique de juin 2021 offre l’une des trois options suivantes au personnel : preuve de toute dose de vaccin contre la COVID-19; preuve écrite d’une exemption médicale d’un médecin; preuve d’achèvement d’un programme d’études approuvé par l’employeurNote de bas de page 15. La date limite pour se conformer était le 30 juillet 2021.

[21] La prestataire a expliqué qu’elle s’était conformée à la politique de juin 2021 parce qu’elle avait choisi la troisième option et terminé le programme d’études.

[22] Toutefois, la prestataire a confirmé que la politique avait été révisée de nouveau en juillet 2021 et en septembre 2021. Elle n’a pas de copie des révisions.

[23] J’ai demandé à la prestataire ce que la politique révisée exigeait qu’elle fasse. Selon elle, les membres du personnel devaient obtenir la première dose d’un vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 12 octobre 2021 et la deuxième au plus tard le 15 novembre 2021. Ces dates concordent également avec les lettres initiales de l’employeur à la prestataireNote de bas de page 16.

[24] En plus de la politique de l’employeur, l’employeur mentionne dans l’une de ses lettres qu’une « directive » du ministre exigeait que tout le personnel travaillant dans les établissements de soins de longue durée reçoive une première dose avant le 15 novembre 2021 et la deuxième dose avant le 13 décembre 2021, à moins que le membre du personnel ne fournisse une preuve d’une contre-indication médicaleNote de bas de page 17.

La politique a-t-elle été communiquée à la prestataire?

[25] La prestataire a témoigné que la politique lui avait été communiquée en mars 2021, ainsi que les diverses révisions apportées à la politique jusqu’en septembre 2021. Elle a expliqué que l’employeur avait affiché la politique sur le lieu de travail, qu’elle avait également accès aux politiques en ligne et qu’elle en avait imprimé une copie pour elle-même. Elle a également reconnu avoir reçu plusieurs lettres de l’employeur, qui ont été incluses au dossierNote de bas de page 18.

[26] Je conclus que la politique a été communiquée à la prestataire à plusieurs reprises. La politique a été communiquée pour la première fois en mars 2021 et de nouveau en juin 2021, lorsqu’elle en a obtenu une copie. De plus, les révisions subséquentes de la politique qui ont eu lieu en juillet 2021 et en septembre 2021 ont également été communiquées à la prestataire dans plusieurs lettres produites par l’employeur.

Quelles ont été les conséquences du non-respect de la politique?

[27] La politique de juin 2021 prévoit qu’un défaut de se conformer peut faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 19. Plusieurs lettres au dossier mentionnent également que le non-respect peut entraîner ou entraînera un congé sans solde et une cessation d’emploi à des dates précises. Certaines lettres disent « peut » et d’autres disent « va » mener au congédiement.

[28] La prestataire a témoigné que l’employeur avait averti le personnel que le non-respect entraînerait un congé sans solde. Elle explique qu’elle et d’autres membres du personnel ne l’ont pas pris au sérieux.

[29] J’ai demandé à la prestataire quand elle s’est rendu compte que l’employeur allait imposer des conséquences en cas de non-respect. Elle a convenu que vers le 7 octobre 2021, elle savait qu’elle serait mise en congé sans solde à compter du 12 octobre 2021 après avoir reçu la lettre de l’employeurNote de bas de page 20. Elle s’est également rendu compte que cela mènerait à son congédiement subséquent le 13 décembre 2021Note de bas de page 21.

[30] Avant son congédiement, vers le 7 décembre 2021, elle a également reçu une lettre l’informant qu’une réunion de licenciement aurait lieu le 13 décembre 2021Note de bas de page 22. Elle a ensuite été licenciée lors de la rencontre.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[31] La politique prévoyait une exemption avec une preuve écrite d’une raison médicale d’un médecin ou d’une infirmière praticienneNote de bas de page 23.

[32] La prestataire a témoigné qu’elle n’avait pas demandé d’exemption médicale, même si elle avait des préoccupations au sujet du vaccin et de l’hypertension artérielle.

[33] La prestataire a expliqué que la politique ne prévoyait aucun autre type d’exemption, mais elle a demandé des mesures d’adaptation en raison de sa religion. Elle a inclus une copie d’un affidavit religieuxNote de bas de page 24. L’employeur a toutefois rejeté cette demandeNote de bas de page 25.

Est-ce une inconduite selon la loi, à savoir la Loi sur l’assurance-emploi?

[34] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 26. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 27.

[35] Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 28.

[36] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédiée à cause de celaNote de bas de page 29.

[37] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 30.

[38] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[39] Premièrement, je conclus que la politique a été communiquée à la prestataire et qu’elle était au courant des dates limites pour s’y conformer. La prestataire a également eu suffisamment de temps pour se conformer à la politique, d’autant plus qu’elle a d’abord été mise en congé sans solde avant d’être congédiée. Elle a également été avisée d’une réunion de licenciement avant d’être licenciée.

[40] Deuxièmement, je conclus que la prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. La prestataire n’est pas d’accord avec la politique, de sorte qu’elle ne voulait pas s’y conformer. J’admets que la prestataire n’avait pas à avoir une intention fautive, mais il s’agissait quand même d’une inconduite.

[41] Le choix de la prestataire était délibéré. Le tribunal a déjà déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 31.

[42] J’accepte que la prestataire puisse décider si elle veut être vaccinée contre la COVID-19. La politique ne l’a pas forcée à se faire vacciner, mais elle avait le choix. Elle a fait le choix de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 et son choix a eu des conséquences indésirables.

[43] Troisièmement, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir que les conséquences de ne pas s’y conformer mèneraient à un congé sans solde et à un congédiement.

[44] Les conséquences ont été communiquées à la prestataire dans la politique elle-même, même si le libellé de la politique indique qu’elle « peut » entraîner le licenciement. Cela signifie que c’était une possibilité. De plus, plusieurs lettres ont été envoyées par l’employeur au cours de la période pour rappeler à la prestataire de se conformer dans le délai imparti et pour indiquer que le non-respect « entraînera » un congé sans solde et un licenciement. Ce libellé est plus définitif.

[45] Quatrièmement, je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était exemptée de la politique. La politique ne permettait que des exemptions médicales. La prestataire a admis qu’elle n’avait pas d’exemption médicale. Je reconnais qu’elle a présenté une demande d’exemption fondée sur des croyances, mais l’employeur l’a refusée.

[46] La Commission ontarienne des droits de la personne a affirmé que le vaccin demeure volontaire, mais qu’exiger la vaccination et la présentation d’une preuve de vaccination afin de protéger les travailleurs dans un lieu de travail ou les personnes qui reçoivent des services est permis en règle générale en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario, pour autant que des protections soient mises en place pour veiller à ce que les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons protégées par le Code puissent obtenir une mesure d’adaptation raisonnableNote de bas de page 32.

[47] Enfin, je reconnais généralement que l’employeur peut décider d’établir et d’imposer des politiques en milieu de travail. En l’espèce, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. Ainsi, la vaccination contre la COVID-19 est devenue une condition de son emploi. La prestataire a enfreint la politique lorsqu’elle a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité d’exercer ses fonctions au foyer de soins de longue durée.

Qu’en est-il des autres arguments de la prestataire?

[48] La prestataire a soulevé d’autres arguments pour étayer sa position. En voici quelques-uns :

  1. a) L’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation pour elle ou d’autres membres du personnel.
  2. b) Elle a des raisons religieuses et spirituelles de ne pas vouloir se faire vacciner.
  3. c) La convention collective lui permet de s’absenter du travail pendant 24 mois.
  4. d) La « directive 6 » émise par le médecin hygiéniste provincial n’exigeait pas le licenciement de membres du personnel.
  5. e) Elle n’a pas obtenu de consentement éclairé.
  6. f) Selon un virologue, les gens ne devraient pas se faire vacciner au milieu de la pandémie parce que cela entraînera des variants.

[49] Je prends note des arguments supplémentaires de la prestataire, mais comme je l’ai mentionné précédemment, je n’ai pas le pouvoir de les trancher. Le recours de la prestataire consiste à intenter une action en justice, ou de s’adresser à tout autre tribunal qui pourrait traiter ses arguments particuliers.

Conclusion

[50] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’est pas admissible à des prestations d’assurance-emploi.

[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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