Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1505

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : C. B.
Représentant : Richard-Alexandre Laniel
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (432393) datée du 14 septembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 25 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 12 août 2022
Numéro de dossier : GE‑21‑1895

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Même si le Tribunal conclut que la Commission de l’assurance‑emploi du Canada a agi de manière non judiciaire lorsqu’elle a vérifié l’admissibilité du prestataire à des prestations, celui‑ci n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études.

[2] Il n’a donc pas droit à des prestations d’assurance‑emploi. Malheureusement, cela signifie que la Commission peut lui demander de rembourser les prestations qu’il a reçues.

Aperçu

[3] En mars 2020, le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi d’urgence (PAEU) après avoir perdu ses deux emplois à temps partiel en raison de la pandémie de COVID-19. Il était admissible aux prestations et la Commission lui a versé ces prestations.

[4] En septembre 2020, le prestataire a déménagé de Kitchener à Montréal pour entreprendre un programme universitaire. Lorsque ses PAEU ont pris fin ce mois-là, la Commission s’est automatiquement servie de sa demande de prestations de mars 2020 comme demande de prestations régulières d’assurance‑emploi. Le prestataire a continué de recevoir des prestations et il a produit des déclarations bimensuelles indiquant qu’il fréquentait l’école. 

[5] Le prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi. La disponibilité est une exigence continue. Le prestataire doit donc chercher un emploi.

[6] En juillet 2021, la Commission a examiné l’admissibilité du prestataire à des prestations. Elle a décidé qu’il était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi du 28 septembre 2020 au 18 décembre 2020 et du 13 janvier 2021 au 26 avril 2021. Cela s’explique par le fait qu’il n’était pas disponible pour travailler puisqu’il étudiait à temps plein et ne cherchait qu’un emploi à temps partiel. La Commission lui a demandé de rembourser les prestations qu’il avait reçues pendant ces périodes.

[7] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit établir une preuve selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[8] Le prestataire affirme qu’il a rempli honnêtement ses déclarations à la Commission. La Commission aurait su qu’il fréquentait l’école à temps plein et il ne devrait pas être tenu responsable de sa décision de lui verser des prestations si elle savait qu’il était inadmissible. De plus, il cherchait constamment un emploi à temps partiel, ce qui était difficile à trouver parce qu’il possédait de l’expérience dans le secteur des services, qui a été en grande partie fermé en raison de la pandémie.

Question que je dois examiner en premier

J’ai tenu une conférence préparatoire dans cette affaire et la Commission n’y a pas assisté

[9] Avant de tenir une audience dans cette affaire, j’ai invité les parties à une conférence préparatoire pour discuter de la question de savoir si le prestataire avait présenté une demande de défalcation du montant du trop‑payé qu’on lui demandait de verser et si cette demande avait fait l’objet d’une réponse. J’ai invité la Commission à déléguer à cette conférence un représentant qui pourrait avoir le pouvoir d’examiner des options de règlement.

[10] La conférence préparatoire a eu lieu le 16 mai 2022. La Commission n’a pas assisté à la conférence préparatoire.

Question en litige

[11] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

[12] Avant de me demander si le prestataire était disponible pour travailler, je dois répondre à son argument selon lequel la Commission n’a pas agi de façon appropriée lorsqu’elle a choisi d’examiner sa demande.

[13] Le prestataire a fait valoir que la Commission a agi de manière non judiciaire lorsqu’elle a choisi d’examiner son admissibilité aux prestations en juillet 2020.

La Commission avait-elle le pouvoir de vérifier l’admissibilité du prestataire à des prestations d’assurance‑emploi?

La Commission a le pouvoir d’examiner l’admissibilité du prestataire.

[14] Je conclus que la loi confère à la Commission le pouvoir de vérifier l’admissibilité d’un étudiant aux prestations d’assurance‑emploi.

[15] La loi précise clairement que la Commission possède le pouvoir de vérifier si un prestataire qui suit un programme d’études non recommandé est admissible à des prestations. Elle le fait en exigeant une preuve que le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin un jour quelconque de sa période de prestations. Elle peut prendre cette mesure à tout moment après le versement des prestations au prestataireNote de bas de page 1.

[16] La Commission peut vérifier l’admissibilité du prestataire. La loi ne l’oblige pas à le faire. Donc, quand la Commission décide de procéder à cette vérification, elle exerce son pouvoir discrétionnaire. En l’espèce, le prestataire soutient que la décision de le juger inadmissible à obtenir des prestations ne devrait pas être maintenue parce que la Commission n’a pas exercé ce pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire?

[17] Je conclus que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour vérifier l’admissibilité du prestataire à des prestations.

[18] L’article de la loi qui permet à la Commission de vérifier l’admissibilité d’un étudiant prestataire prévoit que la Commission peut vérifier l’admissibilitéNote de bas de page 2. La loi ne dit pas que la Commission doit prendre cette mesure. Cela signifie qu’il appartient à la Commission de décider comment exercer son pouvoir discrétionnaire pour le faire.

[19] Selon la jurisprudence, il est possible de faire obstacle à une décision de la Commission seulement s’il est démontré qu’elle n’a pas agi de façon judiciaire dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 3.

[20] Agir de façon « non judiciaire » peut signifier agir de mauvaise foi, avec un objectif incorrect, tenir compte de facteurs non pertinents, ne pas tenir compte des facteurs pertinents ou agir de manière discriminatoireNote de bas de page 4.

[21] Le prestataire soutient que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’examiner son dossier. Il affirme que la Commission n’a pas respecté sa propre politique de révisionNote de bas de page 5. Elle a examiné sa demande même s’il n’a fait aucune déclaration fausse ou trompeuse et même s’il n’a pas reçu de prestations contrairement à la structure de la Loi.

[22] Les arguments du prestataire et la jurisprudence qu’il a citée traitent tous du pouvoir de la Commission d’examiner les demandes de prestations dans le cours habituel des choses. La Commission soutient qu’elle a vérifié l’admissibilité en vertu d’un autre article de la loi, qui porte sur l’accès temporaire aux prestations. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, les mesures temporaires lui confèrent quand même le pouvoir de vérifier que le prestataire était admissible aux prestations qu’il a reçues.

[23] La Commission précise qu’elle n’estime pas que le prestataire a fait des déclarations fausses ou trompeuses. Je reconnais donc qu’elle n’a pas examiné son admissibilité aux prestations pour cette raison.

[24] D’après ses observations, je peux constater que lorsque la Commission a vérifié l’admissibilité du prestataire à des prestations, elle a tenu compte des éléments suivants : le fait que le prestataire n’a pas été aiguillé vers son cours, son horaire de cours, ses déclarations dans ses questionnaires de formation, les déclarations qu’il a faites selon lesquelles il n’était pas disponible pendant les heures de travail traditionnelles en raison de l’école et son désir d’accorder la priorité à l’école plutôt que de trouver un emploi à temps plein. Je constate donc qu’elle a tenu compte de ces facteurs pertinents avant de prendre une décision.

La Commission a omis de tenir compte des facteurs pertinents et a agi de mauvaise foi lorsqu’elle a vérifié l’admissibilité du prestataire à des prestations en juillet 2021

[25] Je crois que la Commission a intentionnellement omis de tenir compte des facteurs pertinents lorsqu’elle a examiné l’admissibilité du prestataire à des prestations. Elle a ignoré le fait que le prestataire avait initialement demandé des prestations d’assurance-emploi d’urgence avant ses études, qu’il n’avait pas intentionnellement demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi et que la Commission avait déjà vérifié son admissibilité en octobre 2020.

[26] La Commission affirme que le prestataire a été informé de ses droits et obligations lorsqu’il a présenté une demande de prestations. Ce n’est qu’après que le prestataire ait reçu des prestations que la Commission a appris certaines circonstances concernant la disponibilité du prestataire qui ont fait en sorte qu’il lui était approprié de revoir son admissibilité. J’estime qu’il est difficile d’accepter cette déclaration pour trois raisons.

[27] Premièrement, le prestataire a présenté sa première demande de prestations en mars 2020. À cette époque, il n’était pas étudiant à temps plein à l’université et les prestations qui lui étaient offertes étaient des prestations d’urgence, plus faciles d’accès. S’il avait été informé de ses droits et obligations, on ne lui aurait probablement pas dit qu’il devait prouver sa disponibilité pendant ses études, car il n’était pas aux études à temps plein à ce moment-là.

[28] Deuxièmement, le prestataire n’a pas demandé de prestations d’assurance‑emploi après avoir commencé ses études à l’automne 2020. La demande de prestations régulières d’assurance‑emploi qui est entrée en vigueur le 27 septembre 2020 a été faite pour lui automatiquement par les systèmes de la Commission, à son insu. Il n’avait pas le choix de présenter cette demande de prestationsNote de bas de page 6. Il n’avait donc pas non plus le choix d’examiner de nouvelles exigences auxquelles il aurait dû satisfaire pour être admissible à des prestations.

[29] Troisièmement, il semble que la Commission ait vérifié l’admissibilité du prestataire aux prestations en octobre 2020. Le prestataire ne croyait pas qu’il était inadmissible aux prestations après cette vérification et je ne vois rien qui lui aurait fait croire le contraire. 

[30] Je constate que le 13 septembre 2020, le prestataire a rempli un questionnaire de formation lorsqu’il a commencé ses études. Ce questionnaire mentionne : [traduction] « N’oubliez pas que vous devez quand même être disponible pour travailler et à la recherche d’un emploi. » De plus [traduction]« vous devez mentionner dans vos déclarations d’assurance‑emploi que vous suivez un cours de formation ».  Je ne vois rien dans le questionnaire qui préciserait au prestataire qu’il n’était pas admissible à des prestations à ce moment‑là.

[31] Les dossiers de la Commission révèlent qu’elle a communiqué avec le prestataire le 28 octobre 2020, une fois qu’il a rempli le questionnaire de formation. Les notes de la Commission mentionnent que [traduction] « le prestataire a été informé de la décision, de son incidence sur la demande, de son droit de déposer une demande officielle de révision de la décision et du délai applicable ». Les notes ne précisent pas la nature de cette décision ni son incidence. J’ignore donc la décision de la Commission et ses motifs. 

[32] J’ai posé des questions au prestataire au sujet de cet appel. Il dit ne pas avoir compris qu’il a été décidé de lui refuser le versement de prestations. Il croyait qu’il devait attendre une lettre pour savoir ce que la Commission a finalement décidé. Entre-temps, il croyait qu’il devait continuer de remplir ses déclarations bimensuelles. Je ne vois aucune lettre qui lui mentionne qu’il n’était pas admissible à des prestations pendant ses études ou qui fournit plus de renseignements sur cette décision. Il a présumé qu’il pouvait continuer à recevoir des prestations parce que personne ne lui avait dit qu’il ne pouvait pas en recevoir.

[33] Le prestataire a également présenté des saisies d’écran de son compte « Mon dossier Service Canada ». Je constate que le 12 octobre 2020, il y a un message disant « Action requise ». Ce message mentionne que la déclaration du prestataire a été rejetée et qu’elle a dû être traitée par un agent. Il a donc parlé à la Commission. Le prochain message est daté du 28 octobre 2020. On peut y lire que les dates de sa formation avaient été ajoutées à sa demande du 6 septembre 2020 au 17 avril 2021. Le message ne mentionne pas qu’il n’était pas admissible à des prestations ou qu’il devrait cesser de présenter des demandes. Le prestataire croyait donc que la Commission avait décidé qu’il était admissible à des prestations. Je ne vois rien qui dit qu’il ne l’était pas.

[34] J’ai demandé à la Commission des copies des déclarations bimensuelles du prestataire. Dans chacune de ces déclarations, à compter du 13 septembre 2020, le prestataire a déclaré qu’il fréquentait l’école. La seule fois où la Commission a répondu dans le système était le 23 avril 2021. Le message qui s’affiche est le suivant : [traduction] « Nous avons autorisé votre période de formation, mais une preuve de votre disponibilité pourrait être demandée ultérieurement et pourrait avoir une incidence sur votre admissibilité aux prestations pour la période de formation ».

[35] Ainsi, en octobre 2020, la Commission a parlé au prestataire, a découvert qu’il était en formation, lui a dit qu’elle avait pris une décision, pour ainsi dire, mais n’a pas clarifié le tout par écrit. Comme la Commission a continué de lui verser des prestations, qu’elle n’a écrit nulle part qu’il était inadmissible et qu’elle ne m’a fourni aucune preuve du contraire, je conclus que la Commission a décidé en octobre 2020 qu’il était admissible à des prestations. Lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de nouvelle vérification en juillet 2021, le fait qu’elle aurait pris une décision quelconque en octobre 2020 ne semble pas avoir été pris en considération.

[36] La Commission affirme ensuite qu’elle a pris connaissance de certaines circonstances concernant la disponibilité du prestataire seulement une fois que des prestations avaient déjà été versées. Elle prétend qu’elle a découvert seulement plus tard qu’il ne cherchait pas vraiment de travail et qu’il avait fait très peu de recherches d’emploi parce qu’il se concentrait sur ses études. Cela n’est vrai que jusqu’à ce qu’elle ait parlé au prestataire le 28 octobre 2020. Elle note même dans le compte Mon dossier Service Canada du prestataire que les dates de formation du 6 septembre 2020 au 17 avril 2021 avaient été ajoutées à sa demande. Elle a ensuite attendu jusqu’en juillet 2021 pour revoir l’admissibilité. Le fait de dire qu’elle ne connaissait la situation du prestataire qu’après la fin de l’année scolaire et qu’il avait reçu des prestations tout en déclarant avec exactitude qu’il fréquentait l’école pendant deux semestres témoigne de la mauvaise foi de la Commission. 

[37] La preuve démontre que la Commission a parlé au prestataire en octobre 2020. Cela s’est produit après le renouvellement par la Commission de la demande de prestations du prestataire à son insu et peu de temps après le début de ses études à temps plein. Le prestataire s’est montré honnête avec la Commission à ce moment-là en lui disant qu’il était aux études et qu’il cherchait du travail à temps partiel entre ses cours. Les notes de la Commission le démontrent. Elle savait tout ce qu’elle devait savoir pour prendre une décision au sujet de l’admissibilité du prestataire en octobre 2020. Elle lui a versé des prestations malgré ce qu’elle savait, ce qui semble montrer qu’elle avait tranché en sa faveur.

[38] Je conclus que le fait de procéder à l’examen de l’admissibilité du prestataire après avoir semblé décider en octobre 2020 qu’il était admissible à des prestations était un geste de mauvaise foi.

[39] Je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir de manière judiciaire parce qu’elle n’a pas tenu compte de tous les éléments pertinents avant de vérifier l’admissibilité du prestataire aux prestations et de rendre une décision selon laquelle il n’était pas admissible aux prestations. La Commission ne tient pas compte du fait que le prestataire n’a pas présenté initialement de demande de prestations pendant ses études, que ses prestations ont été converties en prestations régulières en septembre 2020 à son insu et qu’elle a vérifié son admissibilité en octobre 2020 et n’a pas imposé d’inadmissibilité à ce moment-là.

[40] Je conclus que le fait de revenir en arrière et de vérifier son admissibilité une deuxième fois en juillet 2021 témoigne de la mauvaise foi de la Commission. 

[41] Comme je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire, je peux intervenir dans sa décision. Avant de le faire, je dois examiner de nouveau si le prestataire était admissible ou non à des prestations. Pour trancher cette question, je dois décider s’il était disponible pour travailler. 

Le prestataire était-il disponible pour travailler?

Les dispositions législatives en matière de disponibilité

[42] Deux dispositions différentes de la loi exigent que le prestataire démontre qu’il est disponible pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible en vertu de ces deux articles. Il doit donc satisfaire aux critères des deux dispositions pour obtenir des prestations.

[43] Premièrement, la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi) prévoit qu’un prestataire doit prouver qu’il fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 7. Le Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement) énonce des critères qui contribuent à expliquer ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 8.

[44] Deuxièmement, la Loi dispose qu’un prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 9. La jurisprudence énumère trois éléments qu’un prestataire doit prouver pour démontrer qu’il est « disponible » en ce sensNote de bas de page 10. Je vais examiner ces éléments plus loin.

La présomption de non-disponibilité des étudiants ne s’applique pas en l’espèce

[45] De plus, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les prestataires qui suivent une formation à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 11 C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Autrement dit, nous pouvons supposer que les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve démontre qu’ils sont aux études à temps plein.

[46] Selon un nouvel article temporaire de la Loi, les prestataires qui suivent un cours à temps plein ne peuvent recevoir de prestations à moins de prouver qu’ils sont capables de travailler et disponibles à cette fin.Note de bas de page 12 Cela diffère de la présomption de non-disponibilité. En vertu de cet article, un prestataire aux études à temps plein n’a pas besoin de réfuter une présomption selon laquelle il n’est pas disponible. Il n’a qu’à prouver sa disponibilité comme tout autre prestataire.

[47] Dans ses arguments, la Commission fait valoir qu’elle tient à souligner qu’elle ne considère pas automatiquement qu’une personne n’est pas disponible pour travailler en se fondant uniquement sur sa fréquentation scolaire. Cette affirmation est franchement étonnante étant donné que la Commission soutient également que les étudiants à temps plein sont présumés indisponibles et fournit des arguments sur la réfutation de la présomption. Il n’est donc pas du tout clair pour moi si la Commission croit que la présomption s’applique ou non.

[48] Les mesures temporaires susmentionnées s’appliquent aux demandes présentées entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021. En l’espèce, la Commission affirme que la demande subséquente du prestataire a été lancée automatiquement par le système à compter du 27 septembre 2020. Les mesures temporaires s’appliqueraient donc à sa demande de prestations régulières d’assurance‑emploi. Cela signifie que le prestataire n’a qu’à prouver sa disponibilité, et non à réfuter la présomption de non‑disponibilité.

[49] Puisque la Commission a vérifié l’admissibilité du prestataire en vertu de cet article de la Loi, je ne me pencherai pas sur la question de savoir s’il a réfuté ou non une présomption de non‑disponibilité. Je regarderai seulement s’il a prouvé sa disponibilité. 

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[50] Le premier article de la loi que je vais examiner mentionne que les prestataires doivent prouver que leurs démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 13.

[51] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 14. Je dois établir si ses démarches ont été soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, le prestataire doit avoir continué de chercher un emploi convenable.

[52] Je dois également tenir compte des démarches du prestataire pour trouver un emploi. Le Règlement dresse une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 15 :

  • l’évaluation des possibilités d’emploi
  • la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation
  • la communication avec des employeurs éventuels
  • la présentation de demandes d’emploi

[53] La Commission affirme que le prestataire n’a pas fait assez de démarches pour tenter de trouver un emploi parce que le prestataire lui a dit qu’il n’avait pas vraiment cherché d’emploi et que si un emploi à temps plein était disponible, il ne l’aurait pas accepté, car ses études étaient sa priorité.

[54] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il cherchait des emplois à temps partiel pendant ses études, mais qu’il était difficile de trouver un emploi dans son secteur. Il était disponible pour travailler du vendredi au dimanche et certains soirs de semaine. Il possédait de l’expérience de travail dans les bars et les restaurants, mais les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 ont fait en sorte qu’il n’y avait pas grand-chose de disponible.

[55] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail.

[56] Je constate que la Commission n’a pas demandé au prestataire de lui fournir un dossier de ses activités de recherche d’emploi. Toutefois, ses notes montrent que le prestataire a indiqué clairement qu’il ne cherchait pas vraiment un emploi parce qu’il se concentrait sur l’école. La Commission n’avait donc aucune preuve que le prestataire faisait des démarches pour trouver un emploi et elle a estimé nécessaire d’en demander.

[57] Au cours de l’audience, le prestataire a dit qu’il cherchait un emploi, mais qu’à son arrivée à Montréal en septembre 2020, seules les terrasses étaient ouvertes. Puis, tout a fermé à nouveau en raison de la pandémie. Il affirme que tout l’hiver, il n’y avait pas vraiment de possibilité de travailler parce que tout était fermé. Il a donc fait des démarches, en vain.

[58] Je comprends que les conditions de la pandémie de COVID-19 ont rendu très difficile la recherche d’un emploi dans le secteur de la restauration et des bars. Toutefois, le prestataire devait quand même fournir une certaine preuve qu’il avait participé à certaines des activités de recherche d’emploi énumérées dans le règlement. Je ne vois aucune de ces preuves à part son témoignage. Il n’a pas démontré qu’il avait effectivement postulé un emploi avant avril 2021 environ, lorsqu’il a tenté d’occuper un poste à temps partiel dans une boutique de vélos. Il n’a pas fourni de liste des employeurs auxquels il a parlé. Il n’a pas dit s’être inscrit à des outils de recherche d’emploi ni n’a participé à des activités de réseautage. Je ne vois donc aucune preuve de démarches soutenues pour trouver un emploi pendant ses études. 

[59] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[60] Je dois décider si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 16. La jurisprudence énonce trois éléments dont je dois tenir compte pour trancher cette question. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 17 :

  1. a) Il voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (en d’autres termes, trop) ses chances de retourner au travail.

[61] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois me pencher sur l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 18.

Désir de retourner au travail

[62] Le prestataire a affirmé qu’il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait disponible.

[63] J’admets que le prestataire affirme que son plan consistait à trouver un emploi à temps partiel qu’il pourrait occuper pendant ses études à temps plein. Il a déclaré dans ses questionnaires de formation qu’il avait déjà travaillé pendant ses études par le passé et qu’il faisait des démarches pour trouver du travail depuis le début de son programme. Il se dit disponible pour travailler et capable de le faire dans les mêmes conditions qu’avant de commencer son programme.

[64] Je conclus donc que le prestataire pourrait avoir voulu reprendre le travail. Toutefois, cela doit être démontré par des démarches pour trouver un emploi convenable.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[65] Le prestataire n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[66] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi susmentionnée pour statuer sur ce deuxième élément. Pour cet élément, cette liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 19.

[67] Les démarches du prestataire pour trouver un nouvel emploi semblent avoir inclus la recherche d’emplois à temps partiel dans la zone des restaurants et bars, même si les mesures liées à la COVID-19 limitaient leurs activités. J’ai expliqué précédemment les activités auxquelles il a dit avoir participé lorsque j’ai examiné si le prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[68] Ces démarches ne se sont pas révélées suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième élément parce que je ne vois aucune preuve du nombre d’emplois pour lesquels le prestataire a présenté une demande, des employeurs auxquels il a présenté une demande et de l’élargissement ou non de sa recherche d’emploi au-delà de son secteur habituel avant avril 2021. Je ne suis donc pas convaincue qu’il faisait assez de démarches pour trouver un emploi.

[69] Je comprends qu’il était difficile de postuler des emplois dans le contexte des restrictions liées à la COVID-19. Toutefois, le prestataire ne m’a pas convaincue qu’il faisait plus que des démarches minimales pour trouver un emploi malgré ces restrictions. 

Limiter indûment les chances de retourner au travail

[70] Le prestataire a établi des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[71] Le prestataire affirme qu’il ne l’a pas fait parce qu’il cherchait des emplois à temps partiel qu’il pourrait occuper en fonction de son horaire scolaire. Le secteur de la restauration dans lequel il possédait de l’expérience comportait des heures d’ouverture qui lui permettraient de travailler en fonction de son horaire scolaire.

[72] La Commission affirme que le prestataire limitait considérablement sa disponibilité lorsqu’il suivait ses cours à temps plein et qu’il n’était disposé à accepter un travail à temps partiel qu’en dehors de ses heures de classe.

[73] Je vois quelques façons dont le prestataire limitait ses chances de retourner au travail : il ne cherchait que du travail à temps partiel, il cherchait un emploi qu’il pourrait occuper en fonction de son horaire scolaire et, jusqu’en avril 2021, il limitait sa recherche d’emploi au secteur de la restauration et des bars.

[74] Ces limites sont toutes compréhensibles parce que le prestataire accordait la priorité à ses études et à son expérience antérieure lorsqu’il cherchait un emploi. Cependant, elles ont réduit ses chances de réintégrer le marché du travail. Je sais que les restrictions liées à la COVID-19 constituaient des restrictions indépendantes de sa volonté qui auraient limité les emplois disponibles dans les restaurants et les bars. Toutefois, sa décision de se concentrer sur ces emplois a limité ses chances de retourner au travail.

[75] Je dois également conclure que les études à temps plein du prestataire et sa recherche spécifique d’emplois offrant un horaire du vendredi au dimanche et les soirs de semaine limitaient également ses chances de trouver un emploi. Il est louable que le prestataire accorde la priorité à ses études. Cependant, la Loi exige que les prestataires soient disponibles pour occuper un emploi chaque jour ouvrable. Le prestataire n’avait pas cette disponibilité et il a même écrit dans ses questionnaires de formation que si un emploi entrait en conflit avec son programme, il ne l’accepterait que s’il pouvait retarder la date de début pour lui permettre de terminer son programme. Cette restriction limite les emplois qui seraient à sa disposition.

[76] Par conséquent, en raison de ces éléments, je conclus que le prestataire avait des conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner au travail.

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[77] D’après mes conclusions relatives aux trois éléments, je juge que le prestataire n’a pas démontré qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenable.

Commentaires supplémentaires

[78] Je reconnais que cette décision fait en sorte que le prestataire, un étudiant ayant un revenu tout au plus à temps partiel, est aux prises avec un trop-payé important. Il est malheureusement loin d’être le seul à se retrouver dans cette situation. Je comprends qu’il a communiqué avec l’Agence du revenu du Canada pour obtenir de l’aide afin de faire face à ce fardeau, mais cette démarche n’aura fait que retarder les paiements.

[79] Bien que je n’aie pas compétence pour ordonner à la Commission d’envisager de défalquer la dette contractée par le prestataire en invoquant ses actes, je l’encourage à examiner cette possibilité en l’espèce. Cette situation aurait pu être évitée si la Commission avait permis au prestataire de prendre une décision avisée au sujet de ses prestations en lui communiquant une décision claire en octobre 2020.

Conclusion

[80] Bien que la Commission n’ait pas agi de façon judiciaire dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de la loi, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la Loi. Pour cette raison, je conclus que le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi.

[81] Par conséquent, l’appel est malheureusement rejeté.

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