Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1465

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : F. D.
Représentant : Benjamin Fulton
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (465597) datée du 4 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 21 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1392

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour son retard à demander des prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, le prestataire n’a pas fourni une explication que la loi accepte. Cela signifie que la demande du prestataire ne peut pas être traitée comme si elle avait été faite plus tôtNote de bas page 1.

Aperçu

[3] F. D. est le prestataire dans la présente affaire. Il a demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi le 19 décembre 2021Note de bas page 2. Il demande maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été faite plusieurs mois avant, soit le 21 février 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demandeNote de bas page 3.

[4] La Commission affirme que le prestataire n’avait pas de motif valable pour son retard, car il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans des circonstances semblables pour s’informer de ses droits et de ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 4.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord parce qu’il dit avoir parlé à un membre du personnel de Service Canada qui lui a dit que sa demande d’antidatation avait été approuvéeNote de bas page 5. Il soutient que sa demande devrait être antidatée au 21 février 2021 parce qu’un contrat légal a été conclu avec la Commission. De plus, un membre du personnel de Service Canada lui a fourni de mauvais conseils et des renseignements trompeurs.

[6] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations d’assurance-emploi plus tôt.

Questions que je dois examiner en premier

Cette affaire a déjà été ajournée

[7] La première audience était prévue pour le 10 juin 2022Note de bas page 6. Le prestataire a demandé un changement de date administratifNote de bas page 7 parce qu’il n’était pas disponible à cette dateNote de bas page 8.

[8] L’affaire a ensuite été reportée au 7 juillet 2022Note de bas page 9. Le prestataire a envoyé un courriel demandant un ajournement. Il a écrit que la nouvelle date ne lui convenait pas et a demandé une audience en aoûtNote de bas page 10. J’ai rejeté la demande d’ajournement du prestataire parce qu’il n’avait fourni aucune raison pour présenter sa demandeNote de bas page 11.

[9] Le prestataire a envoyé un autre courriel après le refus de l’ajournement pour expliquer qu’il avait besoin de plus de temps pour se trouver une représentante ou un représentant juridiqueNote de bas page 12. J’ai rejeté la demande subséquente d’ajournement du prestataire parce qu’il avait suffisamment de temps pour se trouver une représentante ou un représentant juridique avant l’audienceNote de bas page 13.

[10] Le 4 juillet 2021, le représentant légal du prestataire a envoyé un courriel au Tribunal indiquant qu’il avait été embauché pour représenter le prestataire dans ce dossierNote de bas page 14. Il a demandé l’ajournement de l’audience du 7 juillet 2021 en expliquant qu’il avait besoin de temps pour examiner le dossier et se préparer à l’audience.

[11] J’ai accepté la demande d’ajournement du prestataire parce que son représentant légal venait d’être embauché et avait besoin de temps pour se préparerNote de bas page 15. L’audience a été reportée à la prochaine date disponible, soit le 21 septembre 2021.

[12] Le prestataire a envoyé un autre courriel indiquant qu’il préférait avoir une audience à la fin de juillet 2021, et il a fourni d’autres dates qui lui conviendraient en août 2021Note de bas page 16. Son représentant légal a également écrit pour signaler l’urgence de la question et a demandé d’avoir une audience plus tôt, si possibleNote de bas page 17.

[13] J’ai rejeté la demande d’ajournement subséquente du prestataire parce qu’un ajournement précédent avait été accordé et que des circonstances exceptionnelles n’avaient pas été établiesNote de bas page 18. Compte tenu de la disponibilité limitée du prestataire et de son représentant légal (en juillet et en août 2021), la date la plus rapprochée à laquelle l’affaire pouvait être entendue était le 21 septembre 2022.

Le prestataire a présenté des documents après l’audience

[14] Le représentant légal du prestataire a fait référence à plusieurs affaires au cours de l’audience. Je lui ai demandé de me les soumettre après l’audience pour que je puisse les examinerNote de bas page 19. Les observations et la jurisprudence du prestataire ont été reçues le 25 septembre 2022Note de bas page 20. Le Tribunal a envoyé ces documents à la Commission et aucune réponse n’avait été reçue à la date de la présente décision.

Question en litige

[15] La demande de prestations d’assurance-emploi peut‑elle être traitée comme si le prestataire l’avait présentée le 21 février 2021? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande (en devancer la date).

Analyse

[16] Pour faire devancer la date d’une demande de prestations, il faut prouver les deux choses suivantesNote de bas page 21 :

  1. a) Un motif valable justifiait le retard durant toute la période du retard. Autrement dit, il y a une explication qui est acceptable selon la loi.
  2. b) À la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle on veut faire antidater la demande), on remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[17] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas page 22. Autrement dit, il doit démontrer qu’il s’est comporté de façon prudente et raisonnable, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait dans une situation semblable.

[18] Le prestataire doit prouver qu’il a agi de la sorte pendant toute la durée du retardNote de bas page 23. Le retard commence le jour auquel le prestataire veut faire devancer la demande jusqu’au jour où il l’a présentée.

[19] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations d’assurance-emploi et les obligations que lui impose la loiNote de bas page 24. En d’autres mots, il doit prouver qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer dès que possible de ses droits et responsabilités. Si le prestataire ne s’est pas renseigné, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas page 25.

[20] Le prestataire doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’un motif valable justifiait son retard.

La période de retard est du 21 février 2021 au 19 décembre 2021

[21] Le prestataire a déclaré avoir présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi le 19 décembre 2021. Cela correspond à la date qui figure dans la demande d’assurance-emploi au dossierNote de bas page 26.

[22] Le prestataire a dit avoir parlé à un membre du personnel de Service Canada le 23 décembre 2021, qui lui a dit qu’il pouvait antidater sa demande au 14 novembre 2021. Il a rappelé et a parlé à un autre membre du personnel de Service Canada pour lui demander d’antidater sa demande au 21 février 2021. Il s’agit de la date à laquelle il a cessé de travailler pour son ancien employeur. Cela correspond à la note téléphonique qui figure au dossierNote de bas page 27.

[23] Par conséquent, j’accepte que la période du retard soit du 21 février 2021 au 19 décembre 2021. Cela n’est pas contesté entre les parties.

Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période du retard

[24] J’estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour avoir tardé à demander des prestations d’assurance-emploi pour les raisons suivantes :

[25] Je ne juge pas que le prestataire a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances pour s’informer de ses droits et de ses obligations pendant toute la période de retard.

[26] Le prestataire a admis qu’il connaissait déjà le programme de prestations d’assurance-emploi. Il savait qu’il avait besoin de 420 heures pour être admissible, mais qu’il n’était pas certain d’avoir accumulé suffisamment d’heures en février 2021, alors il ne s’est pas donné la peine de présenter une demande.

[27] Je n’ai pas été convaincue par l’explication du prestataire selon laquelle son employeur avait divisé son relevé d’emploi, de sorte qu’il ne connaissait pas son nombre total d’heures lorsqu’il a arrêté de travailler en février 2021.

[28] À mon avis, une personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblables aurait communiqué avec Service Canada après la fin de son emploi en février 2021 pour s’informer de ses droits et de ses obligations. Étant donné que le prestataire connaissait déjà le programme d’assurance-emploi, il aurait pu prendre des mesures pour téléphoner à un centre de Service Canada ou s’y rendre en personne pour demander s’il avait suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, étant donné que son employeur précédent avait divisé son relevé d’emploi.

[29] La cour a déjà dit qu’ignorer la loi ne constitue pas un motif valableNote de bas page 28. De plus, la cour a établi qu’une partie prestataire doit prendre des mesures rapidement pour vérifier ses hypothèses personnelles auprès de la CommissionNote de bas page 29.

[30] Je reconnais que le prestataire a pris des mesures pour communiquer avec la Commission après la présentation de sa demande de prestations d’assurance-emploi, mais la période pertinente pour laquelle il doit établir un motif valable est celle du 21 février 2021 au 19 décembre 2021.

Le prestataire n’avait invoqué aucune circonstance exceptionnelle

[31] J’ai demandé au prestataire s’il existait des circonstances exceptionnelles. Il a dit qu’il était aux prises avec des choses extrêmement stressantes et difficiles.

[32] J’estime qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles qui ont contribué au retard, ou empêché le prestataire de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi, parce qu’il n’a pas fourni de raison précise ou de détails supplémentaires lorsqu’on lui a posé la question.

Il n’y avait aucun contrat avec la Commission

[33] Le prestataire a témoigné et fourni une chronologie des discussions qu’il a eues avec divers membres du personnel de Service Canada après avoir présenté sa demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas page 30.

[34] Le prestataire soutient qu’un membre du personnel de Service Canada a verbalement convenu d’antidater sa demande au 21 février 2021 et de lui verser rétroactivement 595 $ par semaine pendant 45 semaines. Il a accepté les conditions proposées par la Commission, de sorte qu’il affirme qu’un contrat légal exécutoire a été établi entre eux. Il a présenté de la jurisprudence à l’appui de sa positionNote de bas page 31.

[35] Le témoignage du prestataire sur cette question ne m’a pas convaincue, car je ne l’ai pas trouvé crédible. Il n’y avait aucune preuve à l’appui au dossier selon laquelle le prestataire a parlé à un membre du personnel de Service Canada le 10 février 2022 ou le 11 février 2022, comme il l’a affirmé.

[36] Le dossier comprend d’autres relevés de discussions téléphoniques entre le prestataire et des membres du personnel de Service Canada à plusieurs dates, dont le 23 décembre 2021, le 15 mars 2021, le 1er avril 2021 et le 4 avril 2021Note de bas page 32. Je note qu’aucune des discussions ci-dessus n’indique que la demande d’antidatation du prestataire au 21 février 2021 a déjà été accordée par la Commission.

[37] Le prestataire a déjà soutenu qu’il avait reçu de mauvais conseils et des renseignements trompeurs d’un membre du personnel de Service CanadaNote de bas page 33.

[38] Même si le prestataire a parlé à un membre du personnel de Service Canada le 10 février 2022 ou le 11 février 2022 et qu’il a reçu des renseignements inexacts, il est bien établi dans la jurisprudence que tout engagement pris par la Commission ou une personne la représentant, de bonne ou de mauvaise foi, d’agir d’une manière autre que celle prescrite par la loi est absolument nul et non avenuNote de bas page 34.

[39] Par conséquent, je n’étais pas convaincue qu’un contrat légal et exécutoire avait été établi entre le prestataire et la Commission. Le programme d’assurance‑emploi est un régime d’assurance et, comme pour les autres régimes d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour toucher des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire n’a pas automatiquement droit à des prestations d’assurance-emploi ni à l’antidatation. La cour a affirmé que l’antidatation est un privilège qui devrait s’appliquer de façon exceptionnelleNote de bas page 35. Dans la présente affaire, le prestataire devait prouver qu’il avait un motif valable pendant toute la période de retard, mais il ne l’a pas fait.

[40] Je n’ai pas besoin de vérifier si le prestataire remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Sans motif valable, la demande du prestataire ne peut pas être traitée comme s’il l’avait présentée à une date antérieure.

Conclusion

[41] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de la présentation de sa demande de prestations d’assurance-emploi pour toute la période du retard.

[42] L’appel est rejeté.

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