Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1503

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante (prestataire) : M. C.
Partie intimée (Commission) : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (460678) datée du 6 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 23 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1606

Sur cette page

Décision

Question en litige no 1

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue, puis congédiée, en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa perte d’emploi). Cela signifie que la prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 4 octobre 2021 au 29 octobre 2021, et qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à compter du 1er novembre 2021Note de bas de page 1.

Question en litige no 2

[3] L’appel est accueilli.

[4] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler à partir du 4 octobre 2021.

Aperçu

Question en litige no 1

[5] La prestataire a d’abord été placée en congé sans solde (suspension), puis elle a perdu son emploi d’infirmière le 1er novembre 2021. L’employeur de la prestataire (« X ») a déclaré que la prestataire avait été placée en congé sans solde, puis congédiée pour ne pas s’être conformée à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[6] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer la suspension et le congédiement. Elle a décidé que la prestataire avait été suspendue et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 4 au 29 octobre 2021, et qu’elle était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 1er novembre 2021.

[7] La Commission affirme que la prestataire a été informée de la politique de l’employeur en matière de COVID-19, y compris des conséquences de ne pas s’y conformer, bien avant la date d’échéance.

[8] La prestataire affirme qu’elle n’était pas d’accord avec la politique de vaccination de l’employeur et qu’elle a été congédiée à tort.

Question en litige no 2

[9] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 4 octobre 2021, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, une partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc que la partie prestataire cherche un emploi.

[10] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle était disponible pour travailler.

[11] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle était infirmière depuis 31 ans et qu’elle n’avait aucune autre compétence ou volonté de chercher un autre emploi. La Commission ajoute que la prestataire ne s’est pas fait vacciner et qu’elle cherchait seulement des postes en soins infirmiers qui ne nécessitaient pas le vaccin contre la COVID-19.

[12] La prestataire a dit qu’elle n’était pas d’accord et qu’elle avait postulé auprès de nombreux employeurs des secteurs de la santé et de l’éducation.

Questions en litige

Question en litige no 1

[13] La prestataire a-t-elle été suspendue et congédiée pour inconduite?

Question en litige no 2

[14] La prestataire était-elle disponible pour travailler?

Analyse

Question en litige no 1

[15] Pour savoir si la prestataire a été suspendue et si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison elle a été suspendue et elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue et congédiée?

[16] J’estime que la prestataire a été suspendue et qu’elle a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[17] Selon la Commission, la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait été suspendue et congédiée en raison d’une violation de l’exigence relative au vaccin contre la COVID-19.

[18] La prestataire ne conteste pas le fait qu’elle a été suspendue et congédiée pour ne pas s’être conformée à la politique de vaccination de l’employeur. Cependant, elle affirme qu’elle n’était pas d’accord avec la politique de vaccination de l’employeur.

[19] Je conclus que la prestataire a été suspendue et congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de l’employeur.

La raison de la suspension et du congédiement de la prestataire était-elle une inconduite au sens de la loi?

[20] La raison pour laquelle la prestataire a été suspendue et congédiée est effectivement une inconduite au sens de la loi.

[21] Pour être une inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 4).

[22] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité d’être suspendue ou congédiée pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 5.

[23] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a été suspendue et congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[24] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire a été mise au courant de la politique de l’employeur sur la COVID-19, y compris des conséquences de ne pas s’y conformer, bien avant la date d’échéance.

[25] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle n’était pas d’accord avec la politique de vaccination de l’employeur et qu’elle a été congédiée à tort.

[26] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car elle a démontré que la prestataire était pleinement consciente de la politique de vaccination de l’employeur et des conséquences de ne pas s’y conformer dès août 2021 (voir la page GD3-55 du dossier d’appel). Je suis conscient du fait que la prestataire a témoigné qu’elle n’avait pas été traitée équitablement par l’employeur et qu’elle avait été congédiée à tort. Cependant, la question de savoir si la politique de vaccination de l’employeur était injuste ne relevait pas de ma compétence. En bref, il existait d’autres moyens pour la prestataire de présenter ces argumentsNote de bas de page 7.

Témoignage supplémentaire de la prestataire

[27] Je suis aussi conscient que la prestataire a également déclaré que l’employeur avait rejeté sa demande d’exemption religieuse du vaccin (voir la page GD3-31 du dossier d’appel). Je reconnais également que la prestataire ressentait de la frustration et du mécontentement à l’égard de l’employeur à ce sujet. Malgré cela, la seule question que je devais trancher était celle de savoir si la prestataire avait été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite. Pour ce faire, je dois appliquer la loi. Autrement dit, je ne peux pas ignorer la loi, pas même pour des motifs de compassionNote de bas de page 8.

Ainsi, la prestataire a-t-elle été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite?

[28] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je juge que la prestataire a été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite.

Question en litige no 2

Analyse

[29] Il y a deux articles de loi qui exigent que les parties prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. La prestataire doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[30] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 9. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[31] En deuxième lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit aussi qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 11. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la personne doit démontrer pour prouver qu’elle est « disponible » en ce sens.Note de bas de page 12 Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

[32] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de la loi.

[33] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour établir si la prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[34] La loi établit les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 13. Je dois regarder si les démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, il faut que la prestataire ait continué à chercher un emploi convenable.

[35] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 14 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • communiquer avec de possibles employeuses ou employeurs;
  • postuler pour des emplois.

[36] Selon la Commission, la prestataire n’en a pas fait assez pour tenter de trouver du travail. Plus précisément, la Commission affirme que la prestataire était infirmière depuis 31 ans et qu’elle n’avait aucune autre compétence ou volonté de chercher un autre emploi. La Commission ajoute que la prestataire ne s’est pas fait vacciner et qu’elle cherchait seulement des postes en soins infirmiers qui ne nécessitaient pas le vaccin contre la COVID-19.

[37] La prestataire n’est pas d’accord. La prestataire affirme avoir présenté une demande pour travailler pour de nombreux médecins, y compris le Dr X, le Dr X, le Dr X et le Dr X. La prestataire ajoute qu’elle a présenté une demande pour des emplois en administration et en gestion à « l’hôpital X », à « l’hôpital X » et dans de nombreuses écoles, y compris « l’école secondaire X » et « l’école secondaire X ». Selon la prestataire, ses démarches étaient suffisantes pour démontrer qu’elle était disponible pour le travail.

[38] J’estime que la prestataire a fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver du travail, car elle a fourni le nom précis des employeurs où elle avait présenté des demandes d’emploi. Je me rends compte que la Commission a soutenu que la prestataire ne souhaitait pas chercher du travail dans un autre domaine que celui des soins infirmiers. Cependant, la prestataire a déclaré qu’elle a postulé pour divers emplois, y compris des postes de gestion et d’administration.

[39] En résumé, la prestataire a prouvé que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[40] La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 15 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui pourraient indûment (autrement dit, excessivement) limiter ses chances de retourner au travail.

[41] Lorsque je considère chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 16.

Désir de retourner au travail

[42] La prestataire a démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible. Je tire cette conclusion parce que la prestataire a déclaré qu’elle n’était pas prête à prendre sa retraite et qu’elle a fourni le nom précis des employeurs avec lesquels elle avait communiqué pour trouver du travail.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[43] La prestataire a fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[44] J’ai examiné la liste d’activités de recherche d’emploi mentionnée plus haut pour trancher la question concernant ce deuxième élément. La liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 17.

[45] Les démarches de la prestataire pour trouver un nouvel emploi comprenaient l’évaluation des possibilités d’emploi en ligne et la communication avec de nombreux employeurs potentiels dans les domaines de la santé et de l’éducation. C’est ce que j’ai expliqué plus haut, lorsque j’ai vérifié si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnables.

[46] Ces démarches ont suffi à satisfaire aux exigences de ce deuxième élément, car la prestataire a fourni le nom précis des employeurs avec lesquels elle avait communiqué pour trouver du travail.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[47] La prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[48] La prestataire affirme qu’elle ne l’a pas fait parce qu’elle cherchait un emploi à temps plein en soins infirmiers, en administration ou en gestion.

[49] La Commission affirme que la prestataire ne s’est pas fait vacciner et qu’elle cherchait seulement des postes en soins infirmiers qui n’exigeaient pas le vaccin contre la COVID-19.

[50] J’estime que la prestataire n’a pas indûment limité ses chances de retourner au travail, car elle était ouverte au travail à temps plein dans divers domaines d’emploi, y compris la gestion et l’administration. Je reconnais que la Commission a soutenu que la prestataire cherchait seulement des postes d’infirmière qui n’exigeaient pas le vaccin contre la COVID-19. Toutefois, la prestataire cherchait aussi des emplois dans d’autres domaines. De plus, il y avait maintenant plus de possibilités d’emploi pour les personnes non vaccinées.

Somme toute, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

[51] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

Question en litige no 1

[52] La Commission a prouvé que la prestataire avait été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[53] Cela signifie que l’appel sur ce point est rejeté.

Conclusion

[54] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi.

[55] Cela signifie que l’appel sur ce point est accueilli.  

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.