Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelante a travaillé comme assistante au comptoir d’information dans un hôpital de l’Ontario pendant plus de 20 ans. En 2021, l’employeur de l’appelante a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. Il a expliqué que le médecin hygiéniste en chef de la province avait émis la directive no 6. La directive exigeait que les hôpitaux aient une politique de vaccination en place au plus tard le 7 septembre 2021. Les membres du personnel qui n’avaient pas fourni de preuve de vaccination complète ou qui avaient obtenu une exemption valide étaient tenus de se soumettre régulièrement à des tests antigéniques pour la COVID-19.

La division générale a conclu que la preuve démontrait que l’appelante avait pris la décision consciente, délibérée et volontaire de ne pas se conformer à la politique de son employeur alors qu’elle savait que le non-respect de cette politique pouvait entraîner sa suspension. Elle a conclu que cela établissait qu’il y avait eu inconduite. L’appelante a fait appel de cette décision devant la division d’appel.

La division d’appel a constaté que l’employeur de l’appelante avait introduit une nouvelle condition à l’emploi de l’appelante qui n’existait pas auparavant. La division d’appel a appliqué le critère énoncé dans KVP pour décider si un employeur peut imposer unilatéralement une règle ou une politique.

Compte tenu de la preuve dont disposait la division générale, la division d’appel a conclu que la politique de vaccination de l’employeur était raisonnable. Il se peut que certaines des modalités de la politique aient été déraisonnables dans la façon dont elles ont été appliquées à certains membres du personnel, mais cela ne rend pas la politique déraisonnable dans son ensemble. Les exigences en matière de vaccination ne faisaient pas partie de la convention collective de l’appelante. Mais, en plus du fait que l’employeur était assujetti à une directive provinciale de mise en œuvre d’une politique de vaccination, la division d’appel a conclu que l’employeur avait également satisfait aux exigences du critère énoncé dans KVP. Puisqu’il a répondu au critère, l’employeur avait le droit d’imposer unilatéralement la politique. Même si la division générale n’a pas abordé tous les arguments de la prestataire, la division d’appel a conclu que cela n’aurait pas changé le résultat. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 31

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : S. S.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 avril 2022 (GE-22-632)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 27 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée 
Date de la décision : Le 10 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-315

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale a commis une erreur en omettant de tenir compte de certains des arguments que l’appelante, S. S. (la prestataire) a invoqués. Toutefois, cela ne change rien au résultat.

Aperçu

[2] La prestataire interjette appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que l’employeur de la prestataire l’avait suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur et qu’elle était consciente des conséquences du non-respect.

[4] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Elle affirme notamment que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite. Elle nie qu’il y ait eu inconduite dans son cas. Elle soutient notamment qu’il n’y a pas eu d’inconduite même si elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. Elle fait valoir à cet égard que la politique était nouvelle et qu’elle ne faisait pas partie de son contrat d’emploi.

[5] La prestataire affirme aussi que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire savait que son employeur la suspendrait pour ne pas s’être fait vacciner. Elle nie qu’elle savait que le non-respect d’une nouvelle condition d’emploi pourrait entraîner des conséquences.

[6] La prestataire affirme qu’elle est admissible à des prestations d’assurance-emploi en vertu de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et du Guide de la détermination de l’admissibilité (Guide). Elle demande à la division d’appel de conclure qu’elle était admissible à des prestations d’assurance-emploi.

[7] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, nie que la division générale ait commis des erreurs. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle mal interprété la signification de l’inconduite?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire savait qu’il pourrait y avoir des conséquences si elle ne se conformait pas à la politique de son employeur?
  3. c) La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi et le Guide de la détermination de l’admissibilité?

Analyse

[9] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale s’il existe des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

La division générale a-t-elle mal interprété la signification de l’inconduite?

[10] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite. La division générale a conclu qu’il y avait eu inconduite parce que la prestataire avait choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur, tout en sachant quelles seraient les conséquences. La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite dans son cas pour les motifs suivants :

  1. a) Elle n’a pas consenti à un changement important apporté aux conditions de son emploi;
  2. b) Son employeur n’avait aucun fondement juridique pour mettre en œuvre une politique de vaccination qui permettait la suspension ou le congédiement du personnel;
  3. c) La politique elle-même était discriminatoire et ne tenait pas raisonnablement compte de son état de santé.

Contexte factuel

[11] La prestataire a travaillé comme adjointe au bureau d’information dans un hôpital en Ontario pendant plus de 20 ans.

[12] En 2021, l’employeur de la prestataire a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19. Son employeur a expliqué que le médecin hygiéniste en chef de la province avait émis la directive no 6. La directive exigeait que les hôpitaux se dotent d’une politique de vaccination au plus tard le 7 septembre 2021. La politique comportait des exigences minimales.

[13] La politique de l’employeur exigeait que les membres du personnel comme la prestataire fournissent, au choix :

  1. a) Une preuve de vaccination complète;
  2. b) Une preuve écrite d’une raison médicale qui expose un motif de ne pas être entièrement vacciné contre la COVID-19 et la période d’application de la raison médicale.

[14] La politique permet également au personnel de demander des mesures d’adaptation en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario. Le gestionnaire et les ressources humaines travailleraient avec le membre du personnel pour établir les mesures d’adaptation appropriées, au besoin.

[15] Le personnel qui n’a pas fourni de preuve de vaccination complète ou qui avait une exemption valide devait effectuer régulièrement des tests antigéniques au point de service.

[16] La prestataire est atteinte de polyarthrite rhumatoïde. Elle croit que les vaccins vont amplifier ses problèmes de santé. Elle a tenté d’obtenir un billet du médecin, mais son médecin ne lui en a pas délivré parce qu’elle n’a pas de problèmes cardiaques et n’est allergique à aucun des vaccinsNote de bas de page 2.

Décision de la division générale

[17] La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelle. [renvoi omis] L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. [renvoi omis] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi. [renvoi omis]

Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et qu’il existait de ce fait une possibilité réelle qu’elle soit congédiée [renvoi omis]Note de bas de page 3.

[18] La division générale a conclu que la preuve démontrait que la prestataire avait pris la décision consciente, voulue et délibérée de ne pas se conformer à la politique de son employeur alors qu’elle savait que ce non-respect pouvait entraîner une suspensionNote de bas de page 4. La division générale a conclu que l’inconduite était ainsi établie.

Les arguments de la prestataire

[19] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Bien qu’elle reconnaisse qu’elle n’a pas été entièrement vaccinée comme l’exige son employeur, elle nie qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  1. a) La politique de vaccination de l’employeur représentait un changement important dans les conditions de son emploi.
  2. b) Son employeur n’avait pas le pouvoir de mettre en œuvre une politique de vaccination permettant la suspension ou le congédiement du personnel. Elle souligne la directive du médecin hygiéniste en chef de la province. Elle affirme que la directive ne disait pas que les employeurs devraient suspendre ou congédier du personnel pour non-conformité. Elle prétend que les employeurs avaient d’autres solutions raisonnables que de suspendre ou de congédier du personnel.
  3. c) La politique était discriminatoire et ne tenait pas raisonnablement compte de son état de santé.

[20] Je comprends que la prestataire soutient pour l’essentiel que la division générale n’a pas tenu compte de ces arguments ou est arrivée à la mauvaise conclusion sur ces questions.

Les arguments de la Commission

[21] La Commission fait valoir que la division générale n’a commis aucune erreur, et encore moins mal interprété ce que signifie l’inconduite.

Mes conclusions

[22] À la division générale, la prestataire a soutenu qu’il n’y avait pas eu inconduite parce que (1) elle n’était pas tenue de se conformer à une nouvelle condition de son emploi (2) son employeur n’avait pas le pouvoir d’adopter une nouvelle politique et (3) la politique était discriminatoire et ne tenait pas raisonnablement compte de sa situation.

[23] La division générale a reconnu l’argument de la prestataire selon lequel son contrat de travail ne l’obligeait pas à être vaccinée contre la COVID-19Note de bas de page 5. Toutefois, la division générale n’a pas abordé l’argument de la prestataire selon lequel, si son contrat de travail ne l’obligeait pas à être vaccinée, le fait de rester non vaccinée ne constituerait pas une inconduite.

[24] De même, la division générale n’a pas non plus abordé les arguments de la prestataire selon lesquels son employeur n’avait pas de fondement juridique pour mettre en œuvre une politique de vaccination ou selon lesquels la politique était discriminatoire et ne tenait pas raisonnablement compte de son état de santé.

[25] La division générale a finalement décidé que, lorsque l’on évalue s’il y a inconduite, l’accent doit nécessairement être mis sur la conduite (ou l’omission) de la prestataire et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite. Toutefois, la division générale n’a ni expliqué ni abordé les arguments de la prestataire selon lesquels il n’y avait pas eu inconduite dans son cas.

[26] La prestataire a soulevé de nombreuses questions à la division générale. Certains des arguments n’étaient peut-être pas apparents pour la division générale. Malgré tout, la division générale était au courant d’au moins un des arguments de la prestataire selon lesquels, comme la politique de vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail initial, elle n’avait pas à s’y conformer. La division générale aurait dû aborder ces arguments. Il s’agit d’une lacune dans la décision de la division générale.

[27] Je peux maintenant examiner comment corriger la lacune de la division générale. Cependant, avant de le faire, je commenterai les autres arguments de la prestataire au sujet de la décision de la division générale, car ils revêtent de l’importance pour le résultat.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire savait que son employeur pourrait la suspendre si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur?

[28] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle savait que son employeur pouvait la suspendre si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur.

[29] La prestataire nie qu’elle savait qu’elle subirait des conséquences si elle ne se faisait pas vacciner. Elle se demande comment elle aurait pu le savoir, car elle s’attendait à ce que son employeur lui accorde une mesure d’adaptation pour des raisons médicales et reconnaisse qu’elle était une employée de longue date fort précieuse.

[30] La division générale a conclu que la prestataire savait qu’elle pouvait être suspendue pour les raisons suivantes :

  • Son employeur lui a envoyé un courriel le 12 octobre 2021 pour lui mentionner que si elle ne recevait pas une première dose avant le 14 octobre 2021, elle serait mise en congé sans solde sur-le-champNote de bas de page 6.
  • La prestataire a répondu à son employeur le 14 octobre 2021 en écrivant : [traduction] « Je comprends qu’en ne me faisant pas vacciner à compter d’aujourd’hui, le jeudi 14 octobre, je serai mise en congé sans solde temporaire »Note de bas de page 7.

[31] Toutefois, j’estime que la division générale a en quelque sorte mal interprété ou mal compris la preuve, et ce parce qu’à la fin du courriel de la prestataire en date du 14 octobre 2021, celle-ci a ajouté : « Est-ce exact? » Cette question laissait entendre qu’elle s’interrogeait sur la mise en congé sans solde temporaire possible par son employeur.

[32] Malgré la compréhension de la preuve par la division générale, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pourrait faire l’objet d’une suspension ou d’un congé sans solde.

[33] La prestataire ne nie pas avoir reçu une copie de la politique de vaccination de son employeur. La politique prévoyait que l’employeur [traduction] « évaluerait et indiquerait si d’autres mesures peuvent être offertes, notamment un congé sans solde »Note de bas de page 8.

[34] Même si la preuve n’indique pas clairement à quel moment l’employeur a communiqué sa politique à la prestataire, celle-ci avait informé la Commission qu’elle était au courant de la politique de l’employeur et des conséquences de ne pas se faire vaccinerNote de bas de page 9.

[35] Par conséquent, bien que la division générale ait mal interprété la preuve, je juge que dans l’ensemble, la division générale pourrait conclure à partir de la preuve que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son employeur pouvait la suspendre si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination.

La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi et le Guide de la détermination de l’admissibilité?

[36] La prestataire soutient que la division générale n’a pas appliqué l’article 32 de la Loi et les principes du Guide. Elle fait valoir que, comme son employeur a imposé un congé sans solde, elle est admissible à des prestations en vertu de l’article et du Guide.

La décision de la division générale

[37] La division générale a fait référence au Guide. Elle a conclu que le Guide représentait la politique de la Commission et n’était pas une loi. La division générale a décidé qu’elle n’était pas tenue de s’y conformer.

[38] Elle a rejeté les arguments de la prestataire voulant que son employeur l’avait mise à pied de son emploi ou qu’elle avait volontairement pris une période de congé. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue [traduction] « parce que ses actes l’ont amenée à ne pas travailler »Note de bas de page 10. C’est la raison pour laquelle la division générale a conclu que l’article 31 de la Loi s’appliquait, ce qui signifiait que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations.

Article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi

[39] L’article 32 de la Loi traite de l’inadmissibilité découlant d’un congé volontaire sans justification. La disposition se lit ainsi :

32. (1) Inadmissibilité : période de congé sans justification – Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations si, avant ou après le début de cette période :

  1. a) d’une part, cette période a été autorisée par l’employeur;
  2. b) d’autre part, l’employeur et lui ont convenu d’une date de reprise d’emploi.

[40] L’article ne décrit pas la situation factuelle de la prestataire, car celle-ci n’a pas volontairement pris une période de congé.

[41] Toutefois, la prestataire invoque cet article parce qu’elle affirme qu’il doit être lu conjointement avec le Guide. Elle affirme que le Guide prévoit qu’une inadmissibilité ne sera pas imposée en vertu de l’article 32.

Guide de la détermination de l’admissibilité

[42] La section 6.6.2 du Guide est rédigée en partie comme suit :

6.6.2 Période de congé autorisé – Article 32

[…] Si c’est l’employeur qui impose le congé ou s’il est établi dans le contrat de l’employé que le prestataire doit prendre un congé (non rémunéré ou rémunéré à un taux moindre), on considérera qu’il s’agit d’une mise à pied. Même si le prestataire était en mesure de choisir la période au cours de laquelle il pouvait prendre un tel congé forcé, cela ne changera rien au fait que celui-ci n’aura pas été pris volontairement. En de telles circonstances, le prestataire ne sera pas rendu inadmissible.

[43] La prestataire affirme qu’elle n’a pas pris de congé volontaire, de sorte qu’une inadmissibilité n’aurait pas dû être imposée.

[44] Le Tribunal de la sécurité sociale peut utiliser le Guide pour interpréter la Loi et le Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11 Les causes révèlent toutefois que le Guide n’est pas contraignant et ne remplace pas la loiNote de bas de page 12.

[45] La prestataire s’est concentrée sur la section 6.6.2 du chapitre 6 du Guide. Elle traite d’un départ volontaire d’un emploi.

[46] La section 6.3.1 du Guide compare le départ volontaire à l’inconduite. La section mentionne que, dans les deux cas, le prestataire a « agi d’une manière telle qu’il a perdu son emploi. Ces deux notions sont reliées en toute logique du fait qu’elles visent toutes deux une situation où la perte d’emploi est la conséquence d’un acte délibéré de l’employéNote de bas de page 13. »

[47] La section mentionne que toute décision doit ultimement s’appuyer sur les faits et doit pouvoir expliquer pourquoi il convient plus particulièrement de conclure à un congédiement pour inconduite ou à un départ volontaire sans justification. La section précise qu’il faudra établir qui a pris l’initiative de mettre fin à la relation d’emploi.

[48] La section ne traite pas directement de la cessation d’emploi involontaire. Toutefois, il ressort clairement de l’article et de l’application des principes du Guide que, pour décider s’il y a congé involontaire ou inconduite, il faut examiner qui a pris l’initiative de la cessation d’emploi. Il s’agit de vérifier selon le cas :

  • S’il existait des facteurs externes non liés à l’employé qui ont amené l’employeur à mettre l’employé en question en congé;
  • Si un comportement ou une omission de la part de l’employé a amené l’employeur à mettre l’employé en congé.

[49] Cette approche est conforme à la jurisprudence. Dans l’arrêt MacDonaldNote de bas de page 14, par exemple, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il faut établir la cause réelle de la cessation d’emploi d’un prestataire. On peut ainsi décrire adéquatement ce qui s’est produit.

[50] Dans les deux cas, nous sommes en présence d’un congé involontaire. La différence entre les deux affaires réside dans la question de savoir si la conduite de l’employé amène l’employeur à mettre l’employé en congé. Si la conduite (ou l’omission) de l’employé amène l’employeur à mettre l’employé en congé, il s’agit en fait d’une suspension aux fins de la LoiNote de bas de page 15.

Qui a pris l’initiative de mettre fin à l’emploi?

[51] Quelle était la véritable cause de la cessation d’emploi de la prestataire ou qui a pris l’initiative de mettre fin à l’emploi?

[52] Dans cette situation, il ne fait aucun doute que le non-respect par la prestataire de la politique de vaccination de son employeur a entraîné la cessation de son emploi. Bien que la politique mentionnait que l’employeur placerait des membres du personnel non vaccinés en congé sans solde, du point de vue de la Loi, l’employeur a suspendu la prestataire parce qu’elle n’était toujours pas vaccinée.

Réparation des erreurs

[53] À moins que le résultat demeure le même, la division d’appel dispose de deux options pour remédier aux erreurs : Elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle rende une nouvelle décision, ou elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en premier lieu.

[54] De façon générale, il m’appartient de substituer ma propre décision à celle de la division générale si les faits sous-jacents ne sont pas contestés, si le dossier de preuve est complet, et si les parties ont eu droit à une audience équitable devant la division générale et ont eu une juste possibilité de présenter leur position de façon exhaustive à la division générale.

[55] Les parties s’entendent sur les faits sous-jacents fondamentaux. La division générale n’a été saisie d’aucune irrégularité ni d’aucun problème de procédure. C’est la raison pour laquelle je juge qu’il convient dans cette affaire de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Il s’agit d’examiner l’argument principal de la prestataire selon lequel il n’y avait pas d’inconduite parce qu’elle n’aurait pas dû être tenue de se conformer à une nouvelle politique qui ne faisait pas partie de la convention collective.

[56] La prestataire fait en outre valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeur n’avait pas le pouvoir d’adopter une nouvelle politique permettant la suspension ou le congédiement de membres du personnel. De plus, la prestataire soutient que la politique était discriminatoire et ne tenait pas compte de sa situation. Elle affirme donc qu’elle n’était pas tenue de se conformer à la politique et soutient pour cette raison qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

La nouvelle politique de l’employeur

[57] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’on s’attendait à ce qu’elle se conforme à une nouvelle politique qui ne faisait pas partie des conditions de son emploi. La politique de vaccination n’était pas comprise dans sa convention collective.

[58] La prestataire fait valoir que son employeur n’est ni autorisé à instaurer de nouvelles conditions à son emploi ni à modifier unilatéralement la convention collective. Elle affirme donc qu’elle n’était pas tenue de se conformer à la nouvelle politique. Elle soutient en outre que si elle n’avait pas à se conformer à la nouvelle politique, il ne pouvait pas y avoir d’inconduite. En fait, elle dit avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé.

[59] Par ailleurs, la prestataire s’est pleinement conformée aux modalités de sa convention collective.

o Les arguments et les cas présentés par la prestataire
Les cas de collègues de la prestataire

[60] La prestataire se fonde sur les cas de trois collègues. Elle affirme que leurs cas sont identiques au sien. La prestataire affirme que, dans ces trois cas, la Commission a tenté d’appeler leur employeur pour obtenir plus de renseignements sur les raisons pour lesquelles les employés ont été congédiés de leur emploi. Toutefois, l’employeur n’a parlé à la Commission dans aucun de ces trois cas. Elle affirme donc que la Commission a décidé qu’il n’y avait pas d’inconduite.

[61] La prestataire affirme que son employeur n’a pas non plus parlé à la Commission dans son cas. Elle soutient donc que la Commission et la division générale devraient la traiter de la même façon qu’elle a traité ses collègues et conclure qu’il n’y avait pas non plus d’inconduite dans son cas.

[62] Dans les faits, il existe toutefois une note de registre téléphonique qui mentionne que l’employeur a parlé à la Commission en décembre 2021Note de bas de page 16. L’employeur a dit à la Commission qu’il exigeait que le personnel se fasse vacciner, sinon il serait mis en congé.

[63] Même si l’employeur de la prestataire n’avait pas parlé à la Commission, je ne peux me fonder sur une preuve anecdotique portant sur ce qui aurait pu se produire dans d’autres cas. Il ne s’agissait pas d’affaires judiciaires et elles n’ont pas non plus été portées devant le Tribunal de la sécurité sociale. Ce sont des décisions de la Commission. Ce qui a pu se passer dans ces trois affaires n’est pas contraignant.

TC c Commission de l’assurance-emploi du Canada

[64] La prestataire invoque également la décision T. C.Note de bas de page 17, dans laquelle la division générale a conclu que T. C. était admissible à des prestations. La prestataire soutient que son cas est semblable à celui de T. C. parce qu’elle a également un problème de santé et que son employeur n’a pas tenu compte de sa situation. Elle affirme donc qu’elle devrait aussi toucher des prestations.

[65] T. C. avait fait valoir que son employeur savait qu’il souffrait d’hypertension artérielle, mais qu’il n’avait pas pris de mesures d’adaptation. T. C. avait également fait valoir que son employeur avait modifié les modalités de son contrat et qu’il ne devrait pas avoir à se faire vacciner, car il considérait la vaccination comme une procédure médicale expérimentale.

[66] Toutefois, la division générale dans la décision T. C. n’a tiré aucune conclusion sur les problèmes de santé de T. C. La division générale a conclu qu’il n’y avait pas eu inconduite dans la décision T. C. parce que l’employeur dans cette affaire n’avait tout simplement pas donné assez de préavis de sa politique de vaccination à T. C. En effet, l’employeur n’a même pas remis à T. C. une copie écrite de la politique et ne lui a donné que deux jours pour se faire vacciner. T. C. n’avait pas assez de temps pour se faire vacciner, même s’il avait été avisé de la politique.

[67] De plus, T. C. ne savait pas et ne pouvait pas savoir que s’il ne se conformait pas à la politique, l’employeur le congédierait.

[68] Les faits de l’affaire T. C. peuvent être distingués de la présente affaire. La prestataire dans la présente affaire ne laisse pas entendre qu’elle n’a pas reçu de copie de la politique ni que son employeur ne lui a pas dit qu’il la mettrait en congé.

Association des pompiers professionnels de Toronto v Toronto

[69] La prestataire invoque également le « cas des pompiers »Note de bas de page 18 pour démontrer que la politique de vaccination de son employeur était déraisonnable. Dans cette affaire, la Toronto Professional Fire Fighters’ Association (l’Association) a fait valoir que la politique de la Ville de Toronto sur la vaccination et l’application de la politique sur les vacances [sic] était déraisonnable, arbitraire et discriminatoire.

[70] J’aborderai ci-dessous les arguments de la prestataire concernant l’« affaire des pompiers ».

Luckman c Bell Canada

[71] La prestataire invoque également la décision LuckmanNote de bas de page 19, du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP). La prestataire affirme que l’affaire Luckman s’apparente à la sienne.

[72] L’employeur de M. Luckman l’a congédié de son emploi. Le TCDP a conclu que l’employeur du plaignant avait fait preuve de discrimination à son égard en raison de son handicap. Cela allait à l’encontre de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Le TCDP a accordé des dommages-intérêts compensatoires et spéciaux en vertu de la LCDP.

[73] La prestataire affirme que son employeur a fait preuve de discrimination à son endroit. Elle soutient donc que je devrais également statuer en sa faveur et conclure qu’elle est admissible à des prestations d’assurance-emploi.

[74] Comme les tribunaux l’ont toujours dit, l’accent ne devrait pas être mis sur la conduite d’un employeur dans les cas d’inconduite. Il devrait plutôt être mis sur la question de savoir si le demandeur était coupable d’inconduite et si cela a entraîné sa suspension ou son congédiementNote de bas de page 20.

[75] Les tribunaux ont précisé qu’il ne s’agit pas de l’instance appropriée pour décider s’il y a eu discrimination et, le cas échéant, quels devraient être les recours appropriésNote de bas de page 21. Les recours de la prestataire pour discrimination, le cas échéant, se trouvent ailleurs.

L’expérience américaine

[76] La prestataire invoque également des affaires américainesNote de bas de page 22. Dans un cas, un juge de la Cour supérieure du District de Columbia (DC) a statué que le mandat du maire lié à la COVID-19 était illégal. Dans une autre affaire, un juge a statué que le commissaire du Département de la santé et de l’hygiène mentale de la ville de New York n’avait pas le pouvoir d’instaurer les mesures qu’il utilisait pour faire respecter son mandat vaccinal.

[77] Ces décisions ne sont pas contraignantes et sont peu pertinentes, le cas échéant, au cas de la prestataire et à la question de l’inconduite. La jurisprudence canadienne et le cadre législatif sous-jacent sur lequel les cas reposent diffèrent beaucoup de ceux de l’expérience américaine.

Les arguments de la Commission

[78] La Commission fait valoir que la division générale n’a commis aucune erreur, et encore moins mal interprété ce que signifie l’inconduite.

[79] En réponse aux arguments de la prestataire, la Commission soutient que la politique de vaccination ne représentait pas un changement important dans les conditions d’emploi de la prestataire. La Commission fait valoir qu’il existe une condition implicite du contrat de travail selon laquelle les deux parties conviennent de prendre des mesures raisonnables et nécessaires pour assurer la santé et la sécurité en milieu de travail.

[80] La Commission soutient en outre qu’en vertu de la politique, l’employeur s’est effectivement penché sur les problèmes médicaux du personnel. L’employeur a offert des exemptions médicales, bien qu’un membre du personnel ait dû remettre une preuve écrite des raisons médicales fournies par un médecin ou une infirmière autorisée. La Commission note que dans le cas de la prestataire, son propre médecin n’a pas appuyé sa demande d’exemption médicale, car elle n’avait pas de problèmes cardiaques ni d’allergies à l’un ou l’autre des vaccins.

[81] La Commission soutient que, si la politique de vaccination était légale, la prestataire devait s’y conformer. La Commission affirme que la division générale a établi le critère juridique approprié pour l’inconduite et que ses conclusions de fait concordent avec la preuve.

La question de savoir s’il y a eu un changement important dans les conditions d’emploi de la prestataire

[82] La prestataire soutient qu’elle n’a pas commis d’inconduite parce que la politique de vaccination de son employeur représentait une nouvelle condition de son emploi. Elle affirme qu’elle n’était pas tenue de respecter des conditions qui ne faisaient pas partie de son contrat de travail. Elle prétend donc qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

Le critère de la décision KVP

[83] Toutefois, dans le cadre de ce que l’on appelle généralement le « critère de la décision KVP », toute règle ou politique peut être instaurée unilatéralement par un employeur, même si le syndicat n’y souscrit pas. Le critère découle de la décision de l’arbitre Robinson dans l’affaire de l’Union des bûcherons et employés de scieries, section locale 2537, et KVP Co.Note de bas de page 23 La Cour suprême du Canada a approuvé le critère de la décision KVPNote de bas de page 24.

[84] Le critère de la décision KVP a servi dans de nombreuses décisions arbitrales en matière de travail, ainsi que dans au moins une décision judiciaire récenteNote de bas de page 25 pour décider si un employeur peut adopter unilatéralement une règle ou une politique. Les discussions dans ces cas se sont révélées utiles.

[85] Dans le cadre du critère de la décision KVP, la règle ou la politique doit satisfaire aux exigences suivantes :

  1. i. Elle ne doit pas être incompatible avec la convention collective.
  2. ii. Elle ne doit pas être déraisonnable.
  3. iii. Elle doit être claire et sans équivoque.
  4. iv. Elle doit être portée à l’attention de l’employé concerné avant que l’entreprise puisse y donner suite.
  5. v. L’employé doit être avisé qu’une violation de cette règle pourrait entraîner son congédiement si la règle sert de fondement au congédiement.
  6. vi. Cette règle aurait dû être appliquée de façon constante par l’entreprise dès son introduction.

[86] La prestataire n’a pas abordé certains aspects du critère de la décision KVP.

[87] La prestataire n’affirme pas que la politique de vaccination de son employeur est incompatible avec les modalités de sa convention collective. Tout au plus, la prestataire affirme que sa convention collective ne renferme rien au sujet de la vaccination. Quoi qu’il en soit, la prestataire n’a pas produit de copie de la convention collective à la division générale.

[88] La prestataire ne laisse pas entendre que la politique de vaccination de son employeur était imprécise ou floue. Elle ne laisse pas non plus entendre que son employeur ne l’a pas portée à son attention avant d’y donner suite ou qu’il n’a pas appliqué systématiquement la politique.

[89] La prestataire affirme que son employeur ne l’a pas avisée que le non-respect de la politique pouvait entraîner un congédiement. Pour les motifs que je vais exposer ci-dessous, la preuve n’appuie pas sa prétention selon laquelle son employeur ne l’a pas avisée que le non-respect de la politique pourrait entraîner un congédiement.

Le critère de la décision KVP : Caractère raisonnable de la politique de l’employeur de la prestataire

[90] La prestataire conteste le caractère raisonnable de la politique parce qu’elle affirme que son employeur avait d’autres solutions que de suspendre ou de congédier du personnel. Elle affirme par exemple que son employeur aurait pu permettre aux membres du personnel de travailler seuls sans entrer en contact avec d’autres personnes, comme elle l’avait fait pendant les deux premières années de la pandémie. Elle affirme aussi que son employeur aurait pu obliger le personnel à travailler derrière des cloisons, ou à être masqué.

L’affaire des pompiers

[91] La prestataire invoque l’« affaire des pompiers »Note de bas de page 26 pour démontrer que la politique de vaccination de son employeur était déraisonnable.

[92] Dans cette affaire, l’arbitre a décidé que les mécanismes d’application des suspensions disciplinaires et du congédiement pour non-conformité étaient déraisonnables. L’arbitre a souligné que l’Association [traduction] « n’a pas élargi ses observations sur les principes de la décision KVP au-delà de la prise en compte de l’exigence que la règle de vaccination obligatoire imposée unilatéralement par la Ville soit objectivement raisonnable »Note de bas de page 27.

[93] Toutefois, l’arbitre a conclu que la politique exigeant un statut entièrement vacciné comme condition pour qu’un pompier continue de se présenter au travail était et demeure raisonnableNote de bas de page 28. L’arbitre a expliqué que l’employeur (la Ville de Toronto) avait l’obligation d’adopter une approche qui promettait les protections les plus efficaces pour son personnel et le public qu’il dessert.

[94] L’affaire des pompiers n’aide pas la prestataire à établir que la politique de son employeur était déraisonnable.

Parmar v Tribe Management

[95] Dans une affaire appelée Parmar, la Cour s’est demandé si un employeur a le droit de mettre un employé en congé sans solde pour non-respect d’une politique de vaccination obligatoire.

[96] La Cour a évalué le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur. La Cour a déclaré que la politique devait être examinée en fonction de l’état des connaissances sur la COVID-19 au moment de sa mise en œuvre. La Cour a décidé que la politique devait également être examinée en tenant compte de l’obligation de l’employeur de protéger la santé et la sécurité de ses employés, de ses clients et des résidents des immeubles auxquels il fournissait des services de gestion immobilièreNote de bas de page 29.

[97] La Cour a examiné ce que l’on savait de la COVID-19. Elle a souligné que des ordonnances sanitaires sans précédent avaient été prises. La Cour a souligné que, comme condition de maintien de l’emploi, tous les membres du personnel de la Colombie-Britannique dans le secteur des soins de santé, peu importe leur poste ou la nature de leur emploi et s’ils pouvaient travailler à domicile, devaient être vaccinés contre la COVID-19 d’ici octobre 2021.

[98] La Cour a souligné que les tribunaux ont le droit de prendre connaissance d’office des faits si notoires qu’ils n’exigent pas de preuve. La Cour a ensuite pris connaissance d’office du fait que la COVID-19 est un virus facilement transmissible qui peut être mortel. La Cour a également pris connaissance d’autres faits relatifs à la COVID-19Note de bas de page 30.

[99] La Cour a également pris connaissance d’office du fait que les vaccins fonctionnent. Elle a souligné que même s’ils ne préviennent pas l’infection, la réinfection ou la transmission, ils réduisent la gravité des symptômes et les mauvais résultatsNote de bas de page 31.

[100] La Cour précise que chaque cas doit être évalué en fonction de ses faits. La Cour a relevé des cas d’arbitrage dans lesquels les arbitres ont approuvé des politiques de vaccination. Dans d’autres cas, les arbitres ont jugé les modalités déraisonnables. Il s’agissait notamment de cas dans lesquels des mesures disciplinaires ont été prises contre du personnel qui n’était toujours pas vacciné ou qui travaillait exclusivement à l’extérieur.

[101] La Cour a conclu que les politiques de vaccination obligatoire constituaient un choix raisonnable pour les employeurs, y compris l’employeur Tribe. La Cour a conclu que la politique de vaccination établissait un juste équilibre entre les intérêts commerciaux de l’employeur, les droits de son personnel à un environnement de travail sécuritaire, les intérêts de ses clients et les intérêts des résidents dans les propriétés qu’il dessert. La Cour a conclu que la politique permettait également à l’employeur de s’acquitter également de ses responsabilités en tant qu’entreprise citoyenne. Et la politique respectait également la position de principe de Mme Parmar contre la vaccination. C’était son choix de rester non vaccinée.

[102] La Cour a écrit ce qui suit :

[Traduction]
[132] […] Les opinions individuelles sur la pertinence de la politique de vaccination obligatoire de Tribe ne minent pas le caractère raisonnable de la politique, et la croyance personnelle d’un employé doit laisser place aux préoccupations en matière de santé et de sécurité qui constituent le fondement de la politique.

[133] Je reconnais que Mme Parmar a été confrontée à un choix difficile. Elle avait apparemment de fortes croyances sur l’innocuité du vaccin, et ce n’est pas mon rôle de remettre en question ces croyances. Toutefois, dans toutes les circonstances extraordinaires de la pandémie à l’hiver 2021 et en janvier 2022, la mise en œuvre d’une politique de vaccination obligatoire constituait un choix stratégique raisonnable pour les employeurs, y compris TribeNote de bas de page 32.

[103] La Cour a conclu ce qui suit :

[Traduction]
[154] Enfin, je reconnais qu’il est extraordinaire pour un employeur d’adopter une politique en milieu de travail qui a une incidence sur l’intégrité corporelle d’un employé, mais dans le contexte des défis sanitaires extraordinaires imposés par la pandémie mondiale de COVID-19, de telles politiques sont raisonnables. Elles ne forcent pas un employé à se faire vacciner. Elles contraignent plutôt à faire un choix entre se faire vacciner et continuer à gagner un revenu, ou rester non vacciné et perdre un revenu. Mme Parmar a fait son choix en se fondant sur ce qui semble avoir été des renseignements spéculatifs sur les risques éventuelsNote de bas de page 33.

Mes conclusions sur le caractère raisonnable de la politique de l’employeur

[104] J’adopte le raisonnement et l’approche de la Cour dans la décision Parmar pour évaluer le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur.

[105] L’employeur de la prestataire a été confronté à une situation ou à un échéancier identiques ou similaires à ceux de l’affaire Parmar. L’employeur a expliqué ce qu’il tentait d’accomplir avec sa politique. Il a expliqué qu’il priorise la sécurité et le bien-être des patients et de toutes les personnes qui offrent des services à l’organisation. La politique est ainsi rédigée :

[Traduction]
En nous appuyant sur les meilleures données probantes disponibles, nous nous engageons à assurer des soins de la plus haute qualité aux patients et aux collectivités que nous servons. Nous nous engageons également à prendre toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour protéger la santé et la sécurité de toutes les personnes visées contre les dangers de la COVID-19. La vaccination est un élément clé de la protection des personnes visées contre le danger de la COVID-19. Cette politique vise à maximiser les taux de vaccination contre la COVID-19 chez… les personnes visées; il s’agit de l’une des mesures de contrôle essentielles pour prévenir les maladies graves, l’hospitalisation et la morbidité découlant de la COVID-19 pour les patients, les familles, le personnel, les médecins, les bénévoles et les apprenantsNote de bas de page 34.

[106] Parallèlement, la politique de l’employeur respectait le choix de la prestataire de ne pas être vaccinée, même si ce choix a entraîné un congé sans solde.

[107] Compte tenu de la preuve dont la division générale était saisie, la politique de vaccination de l’employeur était raisonnable. Certaines des modalités de la politique étaient peut-être déraisonnables dans la mesure où elles s’appliquaient à certains membres du personnel, ce qui ne rend pas la politique globalement déraisonnable.

[108] Les exigences en matière de vaccination ne faisaient pas partie de la convention collective de la prestataire. Toutefois, outre le fait que l’employeur était visé par une directive provinciale de mettre en œuvre une politique de vaccination, je conclus que l’employeur a satisfait aux exigences du critère de la décision KVP. Après avoir satisfait à ce critère, l’employeur pourrait adopter unilatéralement la politique de toute façon.

La question de savoir si l’employeur de la prestataire avait le pouvoir de mettre en œuvre une politique de vaccination qui permettait la suspension ou le congédiement

[109] La prestataire soutient que son employeur n’avait pas le pouvoir de mettre en œuvre une politique de vaccination permettant la suspension ou le congédiement du personnel. Elle cite la directive no 6 et fait valoir qu’elle ne parle pas de suspendre ou de congédier du personnel pour non-respect de toute politique de vaccination que l’employeur aurait pu être tenu de mettre en œuvre.

[110] Le médecin hygiéniste en chef de la province de l’Ontario a établi une directive touchant les hôpitaux publics. (La prestataire était une employée d’un hôpital public, de sorte que la directive l’a touchée.) Le médecin hygiéniste en chef a établi la directive no 6 en vertu de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé (Loi sur la PPS), L.R.O. 1990, ch. H.7.

[111] L’article 77.7(1) de la Loi sur la PPS prévoit que si le médecin hygiéniste en chef est d’avis qu’il existe ou peut exister un danger immédiat pour la santé de personnes en Ontario, il peut donner une directive à tout fournisseur de soins de santé, y compris un hôpital public.

[112] L’article 77.7(3) de la Loi sur la PPS exige qu’un fournisseur de soins de santé auquel est signifié une telle directive s’y conforme. En tant qu’hôpital public, l’employeur de la prestataire était tenu par la loi de se conformer à la directive no 6.

[113] La directive exigeait que l’employeur de la prestataire établisse, mette en œuvre et fasse respecter une politique de vaccination contre la COVID-19 exigeant de son personnel, de ses entrepreneurs, de ses bénévoles et de ses étudiants de fournir une preuve de vaccination complète contre la COVID-19, une preuve écrite d’exemption médicale ou une preuve de participation à une séance de formation. La directive permet aux organisations de supprimer cette dernière option et d’exiger que le personnel fournisse une preuve de vaccination complète ou une preuve écrite d’exemption médicale.

[114] L’employeur de la prestataire a établi et mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 35. Le préambule de la politique est rédigé ainsi :

[Traduction]
Le 17 août 2021, le médecin hygiéniste en chef a publié la directive no 6. La directive oblige les hôpitaux à se doter d’une politique de vaccination au plus tard le 7 septembre 2021 et énonce les exigences minimales.

[115] L’employeur de la prestataire avait manifestement le pouvoir en droit de mettre en œuvre une politique de vaccination. La directive énonçait des exigences minimales, ce qui signifiait que l’employeur était autorisé à inclure d’autres mesures dans sa politique. Autrement dit, l’employeur pourrait inclure des mesures pour tenter de faire respecter la politique.

[116] La prestataire soutient également qu’une fois que le gouvernement a supprimé toute obligation imposée aux employeurs de mettre en œuvre des politiques de vaccination, les employeurs ne pouvaient plus imposer d’exigences de vaccination au personnel.

[117] La prestataire n’a fourni aucun précédent pour étayer cet argument. De plus, son argument ne tient pas compte du fait que, parallèlement, le gouvernement a encouragé les employeurs à intégrer les politiques de vaccination contre la COVID-19 à leurs politiques et procédures existantes en matière de santé et de sécurité au travail.

La question de savoir si la politique de vaccination de l’employeur était discriminatoire et ne tenait pas raisonnablement compte de son état de santé

[118] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’on n’aurait pas dû s’attendre à ce qu’elle se conforme à une politique qui, selon elle, est discriminatoire et ne tenait pas raisonnablement compte de son état de santé.

[119] Toutefois, comme la Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt MishibinijimaNote de bas de page 36, la question de savoir si un employeur est tenu de prendre des mesures d’adaptation pour un employé n’est pas pertinente dans les affaires d’inconduite.

Conclusion

[120] L’employeur de la prestataire a instauré une nouvelle condition d’emploi pour la prestataire. La prestataire a fait valoir qu’elle n’était pas tenue de se conformer à une nouvelle condition, car celle-ci ne faisait pas partie de son contrat de travail initial. Pour cette raison, elle soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Elle soutient également que l’inconduite n’existait pas pour d’autres raisons. La division générale aurait dû aborder ces arguments. Il s’agissait d’une erreur.

[121] La division générale n’a pas commis d’erreur factuelle sur la question de savoir si la prestataire était au courant des conséquences si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur. La preuve étayait les conclusions de la division générale.

[122] La division générale n’a pas omis d’appliquer l’article 32 de la Loi ou le Guide de la détermination de l’admissibilité. Comme la division générale l’a fait remarquer, les circonstances factuelles de la prestataire n’étaient pas pertinentes aux fins de l’article 32 ou du Guide.

[123] Bien que la division générale n’ait pas abordé tous les arguments de la prestataire, cela n’aurait pas changé l’issue. L’employeur devait instaurer une politique de vaccination en vertu d’une directive provinciale en matière de santé. De plus, il a été autorisé à instituer sa politique de vaccination contre la COVID-19 parce qu’elle satisfaisait au critère de la décision KVP.

[124] L’appel est rejeté.

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