Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1564

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : L. B.
Représentante : E. B.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (455763) datée du 14 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 7 avril 2022
Numéro de dossier : GE‑22‑618

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a posé un geste qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. L’employeur de la prestataire a déclaré qu’elle avait été congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de l’employeur sur la COVID-19 (la politique) exigeant la divulgation du statut vaccinal et de la vaccination ou des tests réguliers ayant donné des résultats négatifs.

[4] La prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Elle a dit que l’employeur n’avait pas le pouvoir d’imposer la politique. Aucune loi ne permet à un employeur de licencier un employé parce qu’il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Elle n’était pas d’accord avec la politique et n’avait pas signé celle‑ci, de sorte qu’elle ne s’appliquait pas à elle. La politique portait atteinte à bon nombre de ses droits, comme la vie privée, le consentement éclairé au traitement médical, les droits de la personne et ses droits naturels inaliénables. Sa conduite ne constituait pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a statué que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question que je dois examiner en premier

J’accepterai les documents envoyés après l’audience

[6] L’un des courriels de la prestataire dans le dossier de révision comportait un certain nombre de pièces jointes. Ces pièces ne figuraient pas avec ce courriel. Après l’audience, la prestataire a envoyé au Tribunal à ma demande un courriel précisant que les pièces jointes figuraient bel et bien dans le dossier de révision, à un autre endroit. Elle a donné les numéros de page de ces pièces jointes. J’ai accepté son plus récent courriel au Tribunal comme preuve dans cette affaire.  

Question en litige

[7] La prestataire a‑t‑elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[8] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi la prestataire a‑t‑elle perdu son emploi?

[9] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de l’employeur concernant la divulgation du statut vaccinal et à la vaccination ou aux tests deux fois par semaine ayant donné des résultats négatifs. La preuve appuie cette conclusion. La prestataire ne le nie pas.  

Le motif du congédiement de la prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[10] Le motif du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[11] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[12] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[13] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[14] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire connaissait les exigences de la politique et les conséquences de la non-conformité, a consciemment choisi de ne pas se conformer et parce que sa non-conformité a causé son congédiement.

[15] Elle a dit que l’employeur n’avait pas le pouvoir d’imposer la politique. Aucune loi ne permet à un employeur de licencier un employé parce qu’il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. La politique a donc favorisé une demande fondée sur un congédiement abusif et une demande pour violation du Code des droits de la personne. Elle n’était pas d’accord avec la politique et n’avait pas signé celle‑ci, de sorte qu’elle ne s’appliquait pas à elle. La politique violait ses droits à la vie privée et le droit de donner un consentement éclairé à un traitement médical plutôt que d’y être forcée. La politique violait ses droits de la personne, notamment en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle a violé ses droits en vertu des accords internationaux et de la Déclaration canadienne des droits, ainsi que ses droits naturels inaliénables. Sa conduite ne constituait pas une inconduite. Elle a versé des cotisations d’assurance‑emploi pendant de nombreuses années et devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi.

[16] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a prouvé les quatre éléments de l’inconduite aux fins de l’assurance‑emploi : l’entrave à l’exécution des obligations de la prestataire à l’égard de l’employeur; le caractère délibéré; la conscience que le non-respect de la politique pourrait entraîner la perte de l’emploi; et le licenciement causé par la non-conformité.

Les faits

[17] La prestataire était une employée de longue date de l’employeur. Elle est une éducatrice de la petite enfance autorisée. Son emploi l’obligeait à travailler à temps plein avec des enfants âgés de deux ans et demi à quatre ans. Elle avait également eu des interactions avec d’autres membres du personnel et avec les parents des enfants. Elle n’était pas membre d’un syndicat dans son milieu de travail.

[18] Le contrat de travail de sept pages énonce les modalités de l’emploi de la prestataire et joint une description de travail et une liste détaillée des fonctions du poste. La prestataire et l’employeur ont signé les deux documents. Le contrat permet à l’employeur de mettre fin au contrat en tout temps pour un motif valable reconnu par la loi ou s’il y a une violation substantielle du contrat. [GD6‑7] Le contrat constitue l’entente intégrale entre la prestataire et l’employeur et ne peut être modifié que par une entente écrite signée par les deux parties ou, si la modification concerne les règles, règlements ou politiques et procédures normalisés de l’employeur, signée par l’employé seul. [GD6‑9] La description de travail concerne un éducateur de la petite enfance autorisé. Un certain nombre de fonctions sont liées à son appel. Premièrement, la prestataire doit veiller à ce que la santé, le bien-être et la sécurité des enfants demeurent la priorité absolue de l’employeur. [GD6‑11] Il s’agit notamment d’assurer le respect de la politique de santé de l’employeur. L’employé doit également lire le manuel de santé et de sécurité et se tenir au courant de tout changement lié au manuel. [GD6‑13]

[19] La politique est entrée en vigueur le 7 septembre 2021. La prestataire a appris que l’employeur préparait la politique à la fin août. Elle a reçu une mise à jour par courriel le 31 août 2021. Le document de politique [GD3‑27] fait partie du manuel du programme de santé et de sécurité. La politique exigeait que tout le personnel soit entièrement vacciné sous réserve d’exemptions médicales ou religieuses approuvées. Les exemptions exigeaient soit une note du médecin exposant des raisons médicales pour ne pas prendre le vaccin, soit une lettre signée par un chef religieux, comme un religieux, un prêtre, un rabbin ou d’autres personnes. Le personnel bénéficiant d’une exemption médicale ou religieuse ne serait pas sanctionné pour avoir refusé le vaccin. Chaque membre du personnel entièrement vacciné devait fournir une preuve à l’employeur avant le 13 septembre 2021. Le personnel qui refuse tout simplement de se faire vacciner pourrait subir d’autres conséquences à mesure que les protocoles se sont développés. Le personnel non vacciné devait fournir la preuve d’un test rapide négatif deux fois par semaine. Cette preuve devait être remise au superviseur le lundi et le jeudi pour permettre au membre du personnel de faire son prochain quart de travail prévu à l’horaire. Le test était aux frais du personnel et devait être effectué pendant son temps libre. Le personnel non vacciné a également dû suivre une séance de formation sur la vaccination. Les membres du personnel non vaccinés qui refusent de fournir une preuve de résultat négatif à un test de dépistage ou qui manquent une date de test ne seront pas autorisés à travailler et seront mis en congé sans solde. Le refus de se soumettre à un test de dépistage pendant trois jours ouvrables consécutifs ou plus sera interprété comme un abandon de poste entraînant le congédiement. La confidentialité des renseignements du personnel sera protégée.

[20] Entre la publication de la politique le 3 septembre et le congédiement de la prestataire le 27 septembre, les événements suivants ont eu lieu. Le 7 septembre, la prestataire a envoyé un courriel à l’employeur. [GD3‑686] Elle n’allait pas divulguer son statut vaccinal en raison de la confidentialité des renseignements médicaux. Elle n’allait consentir à aucun type de test de dépistage de la COVID-19 parce qu’elle ne donne pas son consentement éclairé à cette intervention ou ce traitement médical. Elle faisait référence aux droits naturels inaliénables. Se trouvait ci-jointe une compilation de déclarations provenant de sources religieuses à l’appui de l’interdiction ou de la recommandation du vaccin contre la COVID-19. [GD3‑687 à 700] Est également jointe la déclaration personnelle de la prestataire affirmant son droit à une exemption religieuse du vaccin. [GD3‑659] La prestataire n’a pas inclus de lettre signée par un chef religieux à l’appui d’une exemption religieuse, comme l’exige la politique. L’employeur a répondu par courriel le lundi 13 septembre à 7 h 42 [GD3‑642] avec une lettre datée du vendredi 10 septembre. [GD3‑648] Le document mentionnait que l’employeur avait reçu un mandat clair du ministère de l’Éducation et du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario l’obligeant à obtenir une preuve de vaccination du personnel ou à exiger des tests rapides réguliers du personnel qui ne fournit pas de preuve. L’employeur explique pourquoi il a décidé que sa demande de mesure d’adaptation pour motif religieux n’établissait pas de fondement valable pour justifier le refus du vaccin ou du test rapide. L’employeur a déclaré que la prestataire doit fournir une preuve de vaccination au plus tard le 13 septembre ou commencer le dépistage rapide le 16 septembre. La preuve d’un test négatif devait être fournie avant le début de son quart de travail le 17 septembre. Si la prestataire continuait de s’opposer à la vaccination ou à un test rapide, elle commencerait un congé sans solde le 17 septembre. La prestataire a témoigné qu’elle comprenait ces échéances. Elle n’a fourni aucun document supplémentaire à l’appui d’une exemption religieuse. L’employeur a par la suite cessé d’autoriser des exemptions religieuses après avoir reçu des conseils juridiques selon lesquels la santé publique a outrepassé la loi sur les droits de la personne concernant les mesures d’adaptation pour des motifs religieux.

[21] En fin d’après-midi et pendant la soirée du 13 septembre, la prestataire et l’employeur ont échangé des courriels au sujet de la lettre de l’employeur datée du 10 septembre. La prestataire a envoyé un courriel à l’employeur à 16 h 42 avec un certain nombre de pièces jointes, ce qu’elle a dit être sa réponse. [courriel : GD3‑642, pièces jointes : GD3‑669 à 676 tel que confirmé par GD16] Les pièces jointes étaient le texte de la Loi sur la non-discrimination génétique du Canada. L’employeur a répondu à 17 h 10 que cette loi portait sur les tests génétiques et non sur les tests rapides. L’employeur est demeuré sur ses positions quant à la politique et à la lettre du 10 septembre. Il a demandé à la prestataire de la lire attentivement afin qu’elle comprenne les conséquences. [GD3‑628] La prestataire a répondu à 18 h 03 en disant pourquoi elle croyait que le test rapide était un test génétique. [GD3‑628] À 18 h 35, l’employeur a répondu qu’elle n’avait aucune raison de refuser le test et lui a rappelé de téléverser le résultat de son premier test jeudi, sinon elle ne sera pas payée pour le vendredi conformément à la politique. [GD3‑628] À 18 h 43, la prestataire a répondu qu’elle avait envoyé sa réponse par courriel le 7 septembre. [GD3‑628] À 21 h 24, la prestataire a envoyé de nouveau son courriel précédent avec la Loi sur la non‑discrimination génétique jointe. [GD3‑628]

[22] Le matin du 17 septembre 2021, la prestataire s’est présentée au travail pour son quart régulier. Comme elle n’avait pas passé de test rapide, elle n’avait aucun résultat de test à présenter. Son superviseur l’a renvoyée chez elle, sans salaire. À 10 h 42, la prestataire a envoyé par courriel à l’employeur un lien vers la base de données VAERS. [GD3‑636] L’employeur a répondu à 11 h 17 qu’il n’était pas certain du contenu du lien. Il a déclaré que la prestataire n’avait pas été rémunérée une journée parce qu’elle n’avait pas fourni de résultat de test avant son quart de travail. Si elle avait des questions au sujet des conséquences de ses actes, elle devait communiquer avec l’employeur pour obtenir des précisions. [GD3‑635] La prestataire a répondu à 11 h 32 que le lien révélait que 14 000 personnes étaient mortes du vaccin aux États‑Unis. Elle a déclaré : [traduction] « Je ne me fais pas vacciner et je ne subis aucun test, et ma décision est définitive. » [GD3‑635]

[23] L’employeur a envoyé un courriel à la prestataire le 20 septembre avec une dernière lettre d’avertissement. [courriel GD3‑679, lettre GD3‑645] La lettre mentionnait que l’employeur offrait à la prestataire une « dernière occasion » [souligné dans l’original] de se conformer à la politique. Elle avait jusqu’à 10 h le mardi 21 septembre pour fournir une preuve de vaccination ou pour revenir au travail en se soumettant à un test rapide deux fois par semaine et en suivant une séance de formation. Le premier test devait être effectué le lundi 20 septembre et une preuve du test négatif devait être soumise à son superviseur au plus tard au début de son quart de travail le mardi 21 septembre 2021. La lettre concluait ce qui suit : [traduction] « Si vous continuez de vous opposer à la vaccination contre la COVID-19 ou aux mesures d’adaptation raisonnables en matière de tests antigéniques [l’employeur] procédera à votre licenciement motivé ».

[24] La prestataire n’a pas divulgué son statut vaccinal. Elle a participé à la mi‑septembre à la séance de formation exigée par la politique. Elle n’a jamais passé le test rapide avant d’être congédiée. Elle était présente à trois quarts consécutifs les 17, 20 et 21 septembre, sans avoir soumis de résultats de test. L’employeur a mis fin à son emploi pour un motif valable dans une lettre datée du 21 septembre, puis l’a remplacée par une lettre datée du 27 septembre. [GD3‑684 et 650] La raison énoncée dans la lettre du 27 septembre était l’insubordination persistante et le refus de se conformer à la politique. Je conclus que la seule preuve d’insubordination était le non-respect de la politique par la prestataire.

[25] En plus des renseignements joints aux courriels de la prestataire qui sont mentionnés dans les paragraphes précédents, elle a fourni une grande quantité de renseignements sur l’innocuité du vaccin contre la COVID-19. Certains d’entre eux ont été envoyés à la Commission et font partie de son dossier de révision. Il s’agissait du « Sommaire des réactions indésirables déclarées de Canada Vigilance » établi par Santé Canada pour le vaccin de Pfizer [GD3‑46 à 627] et d’une vidéo YouTube d’un lanceur d’alerte du gouvernement fédéral avec des enregistrements secrets selon lesquels le [traduction] « vaccin est rempli de m*rde » [GD3‑679]. Après que la prestataire a déposé son appel au Tribunal, elle a fourni un certain nombre d’autres documents. Ce sont les suivants : « Avis de responsabilité en matière de vaccination » [pages GD2‑10 à 14]; « Analyse cumulative des déclarations d’effets indésirables après autorisation » pour le vaccin de Pfizer [pages GD8‑2 à 39]; imprimé daté du 21 mars 2022 du site Web « Mise à jour quotidienne sur l’épidémiologie de la COVID-19 » du gouvernement du Canada [pages GD11‑2 à 32]; communiqué de presse non daté « Grand jury devant la Cour populaire de l’opinion publique » et un tableau non daté et non attribué de « Questions et réponses sur les vaccins contre la COVID-19 ». [pages GD12‑1 à 8] La Commission a reçu des copies de ces documents et a répondu que sa position n’avait pas changé.

Les arguments de la prestataire à l’appui de sa position

[26] Avant de trancher la question de savoir si la conduite de la prestataire équivalait à de l’inconduite aux fins du programme d’assurance‑emploi, je traiterai d’un certain nombre des arguments dont le Tribunal n’a pas le pouvoir de traiter et de ceux que le Tribunal a le pouvoir de traiter.

Arguments que le Tribunal ne peut traiter

[27] Le point de départ est l’autorité limitée du Tribunal de prendre des décisions. Contrairement aux cours supérieures, le Tribunal n’a pas une vaste autorité pour traiter de toutes les questions juridiques qui peuvent lui être soumises. La section de l’assurance‑emploi de la division générale du Tribunal peut rejeter l’appel, confirmer, annuler ou modifier la décision de la Commission en totalité ou en partie ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 7. Cela limite ce que le Tribunal peut faire dans les dossiers d’assurance‑emploi à ce que peut faire la Commission sur le plan de l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi et de son règlement d’application. La division générale du Tribunal doit respecter les limites de ce cadre. Le pouvoir du Tribunal de trancher toute question de fait ou de droit nécessaire au règlement de l’appel est également limitéNote de bas de page 8. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de statuer sur bon nombre des arguments présentés par la prestataire.

[28] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer sur les diverses lois ou sur les déclarations et accords internationaux cités par la prestataire (Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, Code de Nuremberg et Déclaration d’Helsinki). Il n’a pas non plus l’autorité de traiter de ses droits naturels inaliénables. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir de participer à la recherche des faits pour trancher les questions sur l’innocuité du vaccin mentionnées dans un certain nombre des documents fournis par la prestataire, y compris l’« avis de responsabilité à l’égard du vaccin ».  Il ne possède pas non plus le pouvoir de statuer sur la responsabilité de l’employeur à l’égard des pertes financières de la prestataire énoncées dans cet avis de responsabilité. Les tribunaux traitent de ces questions. Cet avis de responsabilité mentionnait également que l’employeur exerçait illégalement la médecine. Cela comprend les arguments de la prestataire au sujet de son droit de donner un consentement éclairé à tout traitement médical, plutôt que d’être forcée à suivre un traitement. C’est l’organisme provincial qui régit les professions médicales et non le Tribunal qui traite de toute question d’exercice illégal de la médecine.

[29] La prestataire a déclaré que la demande que lui a faite l’employeur de divulguer ses renseignements médicaux privés constituait une violation de ses droits. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre une décision sur cette question. L’autorité compétente est l’organisme provincial ou fédéral chargé de la protection des renseignements personnels qui applique les lois sur la protection des renseignements personnels, y compris les questions médicales. La politique prévoit la confidentialité des renseignements de la prestataire conformément aux lois applicables en matière de protection des renseignements personnels.

[30] La prestataire invoque une violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, tel qu’elle a été modifiée par la Loi sur la non-discrimination génétique. Selon elle, le test antigénique rapide est un test génétique, et il est donc discriminatoire.  Cela n’aide pas la prestataire dans cet appel. L’article 29(c) de la Loi traite de la justification à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé. Il ne traite pas de la suspension pour inconduite. La notion de justification (« est fondé à »), définie à l’article 29(c) de la Loi, ne s’applique pas à l’inconduite. Les éléments mentionnés par la prestataire dans cet article se rapportent à une justification possible fondée sur la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à des pratiques d’un employeur qui sont contraires à la loiNote de bas de page 9. Dans le présent appel, nous ne traitons pas de la justification au sens de la Loi. Nous traitons des allégations d’inconduite. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de statuer sur les revendications relatives aux droits de la personne dans le présent appel. La prestataire a deux recours possibles. Elle peut traiter avec l’autorité gouvernementale compétente chargée d’appliquer les lois sur les droits de la personne. Ou elle peut poursuivre en justice pour congédiement injustifié, y compris pour violation de la législation sur les droits de la personne.    

[31] La prestataire avait renvoyé à la Charte canadienne des droits et libertés dans son avis d’appel. À l’audience, sa représentante a déclaré qu’elle ne poursuivait pas cette affaire, de sorte que je n’y donnerai pas suite.       

Arguments que le Tribunal peut traiter

[32] Le Tribunal peut statuer sur les motifs suivants de la prestataire pour le présent appel.

[33] La prestataire a déclaré que l’employeur n’avait pas le pouvoir d’imposer la politique. Aucune loi ne permet à un employeur de licencier un employé parce qu’il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. La politique a donc favorisé une demande fondée sur un congédiement abusif et une demande pour violation du Code des droits de la personne. Ce dernier point a été traité précédemment. La prétention selon laquelle l’employeur n’avait pas le pouvoir d’imposer la politique est erronée. Le droit du travail repose surtout sur la common law (c’est-à-dire la jurisprudence qui se trouve dans les décisions des tribunaux au fil des ans). Le droit du travail fait partie du droit des contrats. Certaines lois traitent du droit du travail, comme celles qui portent sur la santé et la sécurité au travail ou les normes d’emploi. Le droit du travail reconnaît le droit de l’employeur de modifier la relation d’emploi en donnant un préavis approprié. Cela a permis à l’employeur de créer la politique et d’exiger que le personnel s’y conforme. Ce droit permet également à un employeur de congédier un membre du personnel avec ou sans justification. Cette loi n’exige pas qu’une loi permette à un employeur de congédier du personnel.

[34] Les droits et obligations entre l’employeur et l’employé proviennent en grande partie du contrat de travail. Dans la présente situation, le contrat écrit est assez détaillé. L’employeur a le droit de congédier un membre du personnel pour une justification reconnue en droit ou pour manquement important au contrat. [GD6‑7] Le contrat écrit et la description de travail qui y est jointe constituent l’intégralité de l’entente entre la prestataire et l’employeur. Aucune modification au contrat et à la description de travail ne peut être apportée à moins d’être faite par écrit et signée par le membre du personnel et l’employeur. Pour les changements apportés aux règles, aux règlements et aux politiques et procédures normalisées, seule la signature du membre du personnel est nécessaire. [GD6‑9] La description de travail ci‑jointe exige que la prestataire veille à ce que la santé, le bien‑être et la sécurité des enfants demeurent la priorité absolue. Il faut notamment s’assurer que la politique de santé de l’employeur est respectée. Une autre partie exige que l’employé lise le manuel de santé et de sécurité et se tienne au courant des changements qui y sont apportés. [GD6‑13] Ces trois éléments obligent le personnel à accorder la priorité à la santé, à s’assurer que la politique en matière de santé est respectée et à connaître les changements qui sont apportés au manuel. Les documents du contrat de travail permettent à l’employeur de modifier unilatéralement la politique de santé et le manuel de santé et de sécurité. Le contrat n’exige pas la signature de l’employée pour ces changements. Elle est liée par ces changements. La politique relative à la COVID-19 constitue un changement apporté au manuel de santé et de sécurité. Ce changement ne nécessitait pas la signature de la prestataire. Cela élimine son argument selon lequel la politique ne s’applique pas à elle parce qu’elle ne l’a pas signée.

[35] La prestataire a fait valoir que ses droits en vertu de la Déclaration canadienne des droits avaient été violés. Elle a soutenu que le refus de prestations d’assurance‑emploi l’avait privée de son droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de sa personne et à la jouissance de ses biens sans application régulière de la loi. Elle a soutenu que le refus constituait une violation de sa liberté de religion parce qu’il était fondé sur la politique. Contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés, la Déclaration canadienne des droits ne rend pas les lois inconstitutionnelles et donc sans effet. La Déclaration des droits prévoit simplement que les lois fédérales doivent être interprétées de manière à ne pas violer les droits qui y sont énoncés. En ce qui concerne la vie, la liberté et la sécurité de la personne, le droit canadien, même en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, ne garantit à personne un revenu minimum ou un niveau de vie. Le refus de prestations d’assurance‑emploi ne contrevient pas à la norme de vie, de liberté et de sécurité de la personne ou à la jouissance des biens prévues dans la Déclaration des droits. Même si c’était le cas, le refus a eu lieu dans le cadre de l’application régulière de la loi. La prestataire a eu l’avantage de présenter une demande de prestations, de faire examiner sa demande par un décideur conformément aux exigences de la Loi, de faire examiner sa demande de révision et d’obtenir une décision par un autre décideur, puis de faire trancher son appel devant le Tribunal par un autre décideur indépendant de la Commission. La liberté de religion protège les personnes dans le libre exercice de leur foi religieuse. La politique ne nuit pas à l’exercice par la prestataire de sa foi. La prestataire est libre de choisir entre sa foi et les exigences de la politique. La prestataire a fait le choix de continuer à exercer sa foi. Comme les droits de la prestataire en vertu de la Déclaration des droits n’ont pas été violés, il n’est pas nécessaire de modifier l’interprétation de la Loi en vertu de la Déclaration des droits.    

[36] La prestataire a déclaré qu’elle a payé des cotisations d’assurance‑emploi pendant de nombreuses années et qu’elle devrait donc recevoir des prestations d’assurance‑emploi. Ce n’est pas un énoncé correct de la loi. Le régime d’assurance‑emploi n’est pas comme un régime de pension, comme la pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC). En vertu du régime de retraite du RPC, un cotisant paie pendant sa vie active et, à la retraite, a droit à une pension mensuelle fondée sur les cotisations versées au fil des ans. Le régime d’assurance‑emploi n’accorde pas automatiquement un droit à des prestations d’assurance‑emploi à une personne qui y a contribué et qui se retrouve sans emploi. En vertu de ce régime, la prestataire doit prouver qu’elle satisfait à un certain nombre de critères d’admissibilité. En l’espèce, la prestataire a été exclue parce qu’elle a perdu son emploi pour inconduite, de sorte qu’elle ne satisfait pas aux critères d’admissibilité pour recevoir des prestations d’assurance‑emploi.

[37] La prestataire a déclaré que sa conduite ne constituait pas une inconduite. Je traiterai de cette question dans la prochaine rubrique.

La décision sur l’inconduite

[38] La Commission doit prouver quatre éléments pour démontrer que la conduite de la prestataire était une inconduite. Ce sont l’entrave à l’exécution des obligations de la prestataire à l’égard de l’employeur; le caractère délibéré; la conscience que le non-respect de la politique pourrait entraîner la perte de l’emploi; et le licenciement causé par la non-conformité. Dans la présente décision, il est allégué que la prestataire a commis une inconduite parce qu’elle a décidé de ne pas se conformer à la politique.

[39] Pour l’essentiel, la prestataire était tenue envers l’employeur d’accorder la priorité à la santé, au bien‑être et à la sécurité des enfants. Cela exigeait que la prestataire se conforme au manuel de santé et de sécurité et à ses exigences. La politique faisait partie de ce manuel. Le défaut de se conformer à l’exigence de vaccination ou de tests deux fois par semaine met la santé des enfants en danger, en raison de la possibilité que la prestataire propage la COVID-19 aux enfants et à d’autres personnes. Si la prestataire ne se conformait pas à la politique, elle serait renvoyée chez elle sans rémunération ou congédiée de son emploi. L’absence du travail pour cause de non-conformité ou le congédiement a totalement entravé les obligations envers l’employeur. Elle serait absente des cours et devrait être remplacée.

[40] Le caractère volontaire exige que la prestataire prenne une décision consciente, délibérée ou intentionnelle concernant l’allégation d’inconduite. La preuve est claire. La prestataire a déclaré à l’employeur qu’elle ne se conformerait pas aux composantes de vaccination ou de dépistage de la politique. C’est clair dans sa lettre du 7 septembre 2021. [GD3‑686] Elle l’a déclaré de façon catégorique dans son courriel du 17 septembre 2021 : [Traduction] « Je ne me fais pas vacciner et je ne subis aucun test, et ma décision est définitive. » [GD3‑635] La prestataire a témoigné que c’était son choix de ne pas se conformer aux exigences de la politique. La prestataire est passée de la parole aux actes les 17, 20 et 21 septembre 2021, lorsqu’elle s’est présentée au travail sans avoir passé de tests antigéniques, en contravention de ce qu’exige la politique.

[41] Il doit être prouvé que la prestataire est consciente que le non-respect de la politique pourrait entraîner la perte de l’emploi. Encore une fois, la preuve est claire. Selon la politique, le personnel non vacciné qui refuse de fournir une preuve de résultat négatif à un test de dépistage ou qui manque une date de test ne sera pas autorisé à travailler et sera mis en congé sans solde. Le refus de se soumettre à un test de dépistage pendant trois jours ouvrables consécutifs ou plus sera interprété comme un abandon de poste entraînant le congédiement. L’employeur a dit à la prestataire à plusieurs reprises dans ses communications du 7 au 21 septembre qu’elle faisait face à un congé non payé ou à un congédiement si elle ne se conformait pas aux exigences de la politique. En vertu du contrat de travail, l’employeur avait le droit de congédier la prestataire pour manquement important au contrat. Le non-respect de la politique, qui faisait partie du manuel de l’employeur, constituait une telle violation importante.

[42] Quant à la question de savoir si le licenciement a été causé par la non‑conformité de la prestataire aux exigences de la politique, il ne fait aucun doute à cet égard. Les communications entre l’employeur et la prestataire entre le 17 et le 21 septembre, ainsi que les lettres des 21 et 27 septembre 2021, établissent clairement un lien entre la non-conformité et le congédiement. De plus, la prestataire n’a pas contesté que la non-conformité avait mené au congédiement.

Donc, la prestataire a‑t‑elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

[43] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, j’estime que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[44] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[45] L’appel est donc rejeté.

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