Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 25

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : L. B.
Représentant : E. B.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 7 avril 2022
(GE-22-618)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant ou représentante de l’appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 4 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-237

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, L. B. (la prestataire), interjette appel de la décision de la division générale. La division générale a jugé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. En d’autres termes, elle a constaté qu’elle avait fait quelque chose qui lui avait fait perdre son emploi. Elle n’a pas respecté la politique de son employeur qui exigeait qu’elle soit vaccinée, à moins qu’elle n’ait une raison médicale ou religieuse valide contre la vaccination. Ayant établi qu’il y a eu inconduite, la division générale a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[3] La prestataire ne conteste pas les faits essentiels. Elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur parce qu’elle n’était pas d’accord avec celle‑ci. Toutefois, la prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit. Elle fait valoir que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite. Elle nie qu’il y ait eu inconduite. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’il n’y a pas eu d’inconduite de sa part.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Question en litige

[5] La question en litige dans le présent appel est la suivante : La division générale a‑t‑elle mal interprété la signification de l’inconduite?

Analyse

[6] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale s’il existe des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

La division générale a‑t‑elle mal interprété la signification de l’inconduite?

[7] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite. Elle affirme donc que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il y avait eu inconduite.

Faits à l’origine du litige

[8] La prestataire travaillait chez son employeur depuis mai 2003. Son employeur a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 en septembre 2021. La politique exigeait que le personnel soit entièrement vacciné ou qu’il se conforme à d’autres mesures. Le personnel non vacciné devait notamment fournir une preuve de tests négatifs deux fois par semaine, à ses frais et pendant ses temps libresNote de bas de page 2.

[9] La prestataire n’était pas d’accord avec la politique pour des raisons religieuses et autres. Elle croit que le vaccin est dangereux et a causé de nombreux décès. Elle a demandé une exemption pour des motifs religieux, mais son employeur a refusé la demande, la jugeant non fondée.

[10] L’employeur a licencié la prestataire parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccinationNote de bas de page 3.

La décision de la division générale

[11] La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelle. [Renvoi omis] L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. [Renvoi omis] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi. [Renvoi omis]

Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et qu’il existait de ce fait une possibilité réelle qu’elle soit congédiée. [Renvoi omis]

[12] La division générale a conclu que la Commission avait prouvé qu’il y avait eu inconduite parce qu’elle a prouvé ce qu’elle a décrit comme « les quatre éléments de l’inconduite ».

  1. i. Entrave à l’exécution des obligations de la prestataire envers l’employeur;
  2. ii. Caractère délibéré;
  3. iii. Connaissance du fait que le non-respect de la politique de l’employeur pourrait entraîner la perte de l’emploi;
  4. iv. Licenciement causé par la non-conformité.

La position du prestataire

[13] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que l’employeur a instauré une nouvelle politique. Elle affirme que la nouvelle politique ne faisait pas partie de son contrat de travail. Elle n’était pas d’accord avec la nouvelle politique et n’y consentait pas. En outre, elle n’était certainement pas d’accord pour dire que la nouvelle politique ferait partie de son contrat de travail. Elle n’a signé aucune modification au contrat de travail.

[14] La prestataire nie que les modalités de la politique de vaccination représentaient une condition implicite de son contrat de travail. Elle explique que la politique de vaccination ne pouvait pas être une condition implicite de son contrat de travail parce que la politique exigeait que son corps reçoive quelque chose d’étranger. Elle affirme qu’elle n’accepterait jamais des conditions qui affectent sa sécurité, sa santé ou sa vie.

[15] Comme la politique de vaccination de l’employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail, la prestataire nie la possibilité d’une inconduite de sa part. Elle affirme que son employeur aurait dû prendre en compte sa situation en lui accordant une exemption religieuse.

[16] Tout au plus, elle dit qu’il y avait tout simplement un désaccord avec son employeur. Elle affirme que son employeur pouvait tout de même la licencier, mais cela ne signifiait pas qu’il y avait inconduite.

La position de la Commission

[17] En réponse aux arguments de la prestataire, la Commission soutient qu’en fait, la politique de vaccination relevait des conditions d’emploi de la prestataire. Elle devait donc se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

Les modalités du contrat de travail de la prestataire

[18] La Commission fait valoir que la politique de vaccination relevait des conditions d’emploi de la prestataire pour les raisons suivantes :

  • Le contrat de travail mentionnait que les fonctions et les responsabilités de la prestataire figuraient dans la description de travail. L’entente se lit en partie comme suit : [traduction] « Les fonctions et responsabilités de l’employée seront telles qu’elles sont énoncées dans la description de poste ci‑jointe; s’y ajoutent les autres fonctions, projets ou tâches qui peuvent être confiés à l’employée ou exigés de celle‑ci à l’occasion »Note de bas de page 4. L’employeur et la prestataire ont tous deux signé le contrat de travail.
  • Le point 19 du contrat de travail définit l’intégralité de l’entente entre la prestataire et son employeur. Il est rédigé ainsi : [Traduction] « La présente entente et la description de travail jointes aux présentes contiennent l’intégralité de l’entente entre les parties relativement à l’emploi de l’employée par l’employeur et aucune modification de celle‑ci ne lie les parties à moins que celle‑ci ne soit faite par écrit et signée par les parties respectives à cet égard… »Note de bas de page 5 Autrement dit, la description de travail faisait partie de l’entente.

    Description du poste :
  • Le point 1 des fonctions de la prestataire consistait à [traduction] « veiller à ce que la santé, le bien‑être et la sécurité des enfants demeurent la priorité absolue du centre ». Cette fonction consistait notamment à s’assurer que la politique de santé de l’employeur était respectéeNote de bas de page 6.
  • Le point 7 de la description de travail mentionne que chaque employé doit se tenir au courant de tout changement lié au manuel du programme de santé et de sécurité de l’employeur. La prestataire devait également se tenir au courant des renseignements de la commission de santé et de la sécurité. Elle devait également respecter les politiques et procédures en matière de santé et de sécuritéNote de bas de page 7.

    Le manuel du programme de santé et de sécurité
  • La politique de vaccination de l’employeur faisait partie de son manuel du programme de santé et de sécurité. C’est ce qui ressort du coin supérieur droit de la page de la politique de vaccination, qui mentionne « manuel du programme de santé et de sécurité ».
  • La politique de vaccination de l’employeur avait pour objectif déclaré de protéger la santé et le bien‑être des personnes qu’il a servies (y compris les enfants) qui sont ou ne pouvaient pas être vaccinées, ainsi que du personnel, et de maintenir un milieu de travail sécuritaireNote de bas de page 8.

[19] La Commission fait valoir que la politique de vaccination n’était pas une « nouvelle politique » ni un changement apporté au contrat de travail de la prestataire. La Commission soutient plutôt que la politique de vaccination constituait une modification liée au manuel sur la santé et la sécurité. La Commission affirme que, selon la description de travail de la prestataire, il incombait à cette dernière de se tenir au courant des changements apportés au manuel sur la santé et la sécurité et de s’y conformer.

[20] La Commission soutient que, puisque la prestataire a enfreint la politique de l’employeur, il y a eu inconduite au sens de la Loi.

Mes conclusions

[21] Je n’ai pas à me demander si la politique de vaccination de l’employeur représentait une condition implicite du contrat de travail. Le contrat de travail n’exigeait pas expressément la vaccination lorsque la prestataire l’a signé. Toutefois, les modalités étaient assez générales pour inclure la politique de vaccination lorsque l’employeur l’a introduite des années plus tard. Le contrat comprenait expressément la description de travail. Celle‑ci exigeait à son tour le respect du manuel du programme de santé et de sécurité, dans sa version actualisée le cas échéant.

[22] La prestataire n’a pas respecté les modalités de la politique de vaccination de son employeur ou de son contrat de travail. La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait manqué à ses obligations à l’égard de son employeur.

[23] La division générale a conclu que la Commission avait prouvé l’existence des autres éléments pour établir qu’il y avait inconduite. La prestataire ne conteste pas ces autres conclusions.

[24] Enfin, la prestataire fait valoir que son employeur aurait dû répondre favorablement à sa demande d’exemption religieuse. Toutefois, comme la Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt MishibinijimaNote de bas de page 9, la question de savoir si un employeur est tenu de prendre des mesures d’adaptation pour un employé n’est pas pertinente.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

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