Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1199

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. G.
Représentante : D. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (433441) datée du 4 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Représentante de la partie appelante
Date de la décision : Le 18 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2553

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Toutefois, le prestataire n’a pas respecté les exigences de la loi qui lui accordent plus de temps pour demander une révision. 

Aperçu

[2] Le prestataire a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi. La Commission a rejeté sa demande. Elle l’a fait parce que le prestataire n’a pas appuyé sa demande au moyen d’un certificat médical. La Commission a envoyé au prestataire une lettre datée du 11 janvier 2017 l’avisant de sa décision.    

[3] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision au moyen d’un formulaire daté du 3 septembre 2021. La Commission a décidé que la demande ne répondait pas aux exigences de la loi. Elle a décidé que la demande dépassait le délai de révision de 30 jours. 

Question que je dois examiner en premier

[4] Le prestataire a déclaré dans son avis d’appel qu’il n’avait pas de représentant. La division générale du Tribunal a rejeté son appel. Le prestataire a déposé un appel auprès de la division d’appel du Tribunal. Il avait demandé que sa partenaire soit ajoutée comme sa représentante devant la division d’appel. La division d’appel a accueilli l’appel du prestataire. Elle a décidé que le processus suivi par la division générale n’était pas équitable.

[5] Lors de la nouvelle audience de l’appel du prestataire devant la division générale du Tribunal, la partenaire du prestataire était inscrite comme sa représentante. Je lui ai demandé de préciser son rôle. Après qu’on lui a expliqué la différence entre un représentant et un témoin, elle a dit qu’elle agirait comme représentante. Compte tenu de son rôle apparent à la première audience devant la division générale, et afin de permettre un témoignage sous serment, j’ai demandé à la partenaire du prestataire de faire une affirmation solennelle.

Question en litige

[6] La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande du prestataire de prolonger le délai de 30 jours pour demander la révision de la décision initiale de la Commission?

  • Le prestataire a-t-il demandé à la Commission de réviser sa décision initiale dans un délai de 30 jours?
  • Le prestataire a-t-il expliqué de façon raisonnable pourquoi il a demandé une prolongation du délai?
  • Le prestataire a-t-il démontré une intention continue de demander une révision?
  • La demande de révision du prestataire a-t-elle une chance raisonnable de succès?
  • La Commission subirait-elle un préjudice si on accorde un délai plus long pour présenter la demande?

Analyse

[7] Une partie prestataire peut demander à la Commission de réviser sa décision à tout moment dans les 30 jours suivant la date à laquelle la Commission lui communique la décisionNote de bas de page 1. La Commission peut accorder plus de temps pour une telle demandeNote de bas de page 2. Si elle accorde plus de temps, la Commission doit être convaincue qu’il existe une explication raisonnable pour demander une prolongation. Elle doit également être convaincue que le prestataire a démontré une intention continue de demander une révisionNote de bas de page 3.

[8] La Commission doit être convaincue de deux autres éléments pour les demandes faites après un an. Premièrement, elle doit être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable d’être accueillie. Deuxièmement, elle doit être convaincue que la Commission ne subira aucun préjudice en accordant un délai plus long pour présenter la demandeNote de bas de page 4.

Le prestataire a-t-il demandé à la Commission de réviser sa décision initiale dans un délai de 30 jours?

[9] Non, il ne l’a pas fait.

[10] La Commission a avisé le prestataire de sa décision initiale dans une lettre datée du 11 janvier 2017.    

[11] Le prestataire a déclaré qu’il travaillait dans une autre ville que celle dont il se sert comme adresse permanente. La mère du prestataire vit à l’adresse permanente qu’il utilise. Le prestataire et sa représentante (témoin) ont donné les raisons pour lesquelles ils utilisent cette adresse ; entre autres, le prestataire déménageait d’un endroit à un autre dans la ville où il travaillait et il ne pouvait pas obtenir de case postale. Le prestataire retournait habituellement chez sa mère les fins de semaine.

[12] Le prestataire et son témoin ont déclaré qu’il n’avait pas d’argent pour assurer son camion. Pour cette raison, il n’a pas pu se rendre chez sa mère pendant environ six mois, de janvier 2017 à juin 2017. Le témoin a déclaré qu’une fois que le camion a été assuré, vers juin 2017, le prestataire se serait rendu chez sa mère et aurait obtenu la lettre.

[13] Le prestataire a déclaré qu’il ne se souvenait pas des détails, en partie en raison du temps qui s’est écoulé depuis 2017. Mais je n’ai aucune raison de douter de son témoignage selon lequel il ne pouvait pas rentrer chez lui avant juin 2017 parce que son camion n’était pas assuré. J’estime donc qu’il a probablement reçu la lettre de la Commission au plus tard le 3 juillet 2017. Cela signifie qu’il avait jusqu’au 2 août 2017 pour demander à la Commission de réviser sa décision.

[14] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision au moyen d’un formulaire daté du 3 septembre 2021. Je conclus donc qu’il n’a pas demandé à la Commission de réviser sa décision dans les 30 jours suivant la communication de la décision initiale.

Le prestataire a-t-il expliqué de façon raisonnable pourquoi il a demandé une prolongation du délai?

[15] Le prestataire n’a pas raisonnablement expliqué pourquoi il souhaite obtenir une prolongation du délai pour demander à la Commission de réviser sa décision initiale.  

[16] Dans son avis d’appel, le prestataire a dit qu’il se trouvait dans une ville éloignée, sans ordinateur, sans voiture et sans téléphone fiable. Pour cette raison, il a expliqué qu’il ne pouvait pas rejoindre son médecin pour demander le certificat médical que la Commission avait demandé. Il ne pouvait pas non plus se rendre à un bureau de Service Canada. Il a dit que le bureau de Service Canada le plus proche se trouvait dans la ville où sa mère habitait (où il allait les fins de semaine).     

[17] Le prestataire a signalé dans ses observations mises à jour qu’il n’avait pas de téléphone pour appeler Service Canada. Il a dit qu’il n’était pas raisonnable d’emprunter le téléphone d’un collègue puisqu’il utiliserait le téléphone pendant une période prolongée pendant qu’il est en attente avec Service Canada. Il devrait également fournir des renseignements personnels de nature délicate au collègue pour lui expliquer pourquoi il devait emprunter son téléphone.

[18] Le témoin du prestataire a déclaré qu’il n’y a pas de bureau de Service Canada dans la ville éloignée où le prestataire travaillait. Elle a dit que le bureau de Service Canada où vit sa mère n’est pas ouvert le lundi, et que c’est le lundi que le prestataire pourrait s’adresser à un agent de Service Canada pour obtenir de l’aide afin de demander une révision. Elle a déclaré qu’il n’était pas possible de manquer une journée de travail en raison de la fermeture de routes et de la situation financière du prestataire.  

[19] Le Commission soutient qu’il n’est pas raisonnable que le prestataire ne puisse pas se rendre à un bureau local ou communiquer avec Service Canada en près de cinq ans. 

[20] Le prestataire a exprimé sa frustration lors de l’audience, tant à l’égard du processus que de ce qu’il devait faire pour prouver qu’il avait droit à des prestations de maladie. Il a déclaré qu’il ne savait pas comment réagir face au processus, qu’il a tout simplement abandonné et que, sans l’aide de son témoin, le processus était trop intimidant.

[21] Je comprends qu’il peut être difficile de suivre un processus qui n’est pas familier. Le travail du prestataire dans une région éloignée peut aussi avoir rendu plus difficile l’accès en personne à un centre de Service Canada.

[22] Je n’ai aucune raison de douter que le prestataire aurait dû s’absenter du travail pour se rendre chez son médecin afin d’obtenir un certificat médical et pour se rendre en personne à un bureau de Service Canada. Je ne doute pas non plus que cela aurait été difficile pour lui financièrement. Mais je ne trouve pas que cela explique raisonnablement le retard quant à sa demande de révision.   

[23] La décision de la Commission signifiait que le prestataire devait rembourser 12 semaines de prestations de maladie qu’il avait reçues. Je trouve que cela créerait probablement un plus grand problème financier que de prendre ne serait-ce que quelques jours de congé pour obtenir le certificat médical que la Commission a demandé et ensuite demander une révision.

[24] Le prestataire a dit que son service de téléphone avait été coupé plusieurs fois parce qu’il ne pouvait pas payer la facture. Toutefois, j’estime qu’il n’est pas raisonnable de prétendre qu’il ait été incapable, à tout le moins, d’appeler Service Canada pour demander une révision pendant les quatre années et trois mois qui ont suivi la décision initiale de la Commission.

[25] Le témoin du prestataire a également souligné que la lettre de décision initiale de la Commission indique seulement que les prestataires ont 30 jours pour présenter une demande de révision; elle ne précise pas que le prestataire pouvait demander une révision après le délai 30 jours, pourvu qu’il fournisse une explication.

[26] Le témoin du prestataire a raison de dire cela. Mais je ne trouve pas que cela ait empêché le prestataire d’obtenir plus d’information de la Commission par l’entremise de Service Canada. La lettre indique trois façons de communiquer avec la Commission. Et même si je ne doute pas que le prestataire se sert rarement d’un ordinateur et qu’il a des problèmes d’alphabétisation, comme je l’ai mentionné plus haut, je trouve qu’à tout le moins, il aurait pu appeler Service Canada pour poser des questions. Il aurait alors pu apprendre que la loi énonce que la Commission peut accorder une prolongation du délai pour demander une révisionNote de bas de page 5. 

[27] Je ne trouve pas que le prestataire a donné une explication raisonnable du retard à demander une révision.

Le prestataire a-t-il démontré une intention continue de demander une révision?

[28] Non, le prestataire n’a pas démontré une intention continue de demander une révision.  

[29] Le prestataire affirme qu’il a démontré une intention continue de demander une révision. Il dit l’avoir fait en faisant ce qui suit :

  • Il a répondu aux lettres en temps opportun;
  • Il a demandé une révision, et a fait appel de la décision de révision;
  • Il s’est présenté à l’audience de la division générale du Tribunal et ensuite en a fait l’appel.  

[30] Je ne trouve pas que les points ci-dessus montrent que le prestataire avait l’intention continue de demander une révision. J’estime plutôt que les points montrent qu’après avoir demandé une révision en septembre 2021, il a agi rapidement. Les actions du prestataire avant septembre 2021 sont plus utiles pour trancher cette question.

[31] Comme il a été mentionné ci-dessus, le prestataire a déclaré qu’il ne savait pas comment réagir face au processus de demande de révision et qu’il a tout simplement abandonné.   

[32] Le témoin du prestataire a déclaré que le prestataire ne savait pas qu’il pouvait demander une révision après la période de 30 jours, donc il croyait qu’il avait terminé. Elle a ajouté qu’il n’avait pas l’éducation, les compétences en alphabétisation ni les connaissances en informatique nécessaires pour comprendre qu’il aurait pu demander une révision. Étant donné la situation financière du prestataire, lorsqu’elle a appris que son salaire était saisi pour le remboursement des prestations d’assurance-emploi, elle s’est penchée sur la question et lui a dit qu’ils devaient s’en occuper. 

[33] J’ai trouvé le prestataire et son témoin francs et crédibles dans leur témoignage. Je reconnais donc que le prestataire était frustré par la situation et qu’il a abandonné. Mais je conclus également que cela signifie que jusqu’à ce que son témoin le pousse à s’occuper de la situation, le prestataire n’a pas démontré qu’il avait une intention continue de demander à la Commission de réviser sa décision.  

La demande de révision du prestataire a-t-elle une chance raisonnable de succès?

[34] Je conclus que la demande de révision du prestataire a une chance raisonnable de succès.

[35] La Commission a rejeté la demande de prestations du prestataire parce que ce dernier n’avait pas présenté de certificat médical à l’appui de sa demande de prestations de maladie. Le prestataire a maintenant le certificat médical.    

[36] Je conclus que le prestataire a une cause défendable. Il est probable que s’il avait la possibilité de demander une révision, il aurait gain de cause. Pour cette raison, je conclus que la demande de révision du prestataire a une chance raisonnable d’être accueillie.

La Commission ou une autre partie subirait-elle un préjudice si on accorde un délai plus long pour présenter la demande?

[37] Je ne crois pas que le fait d’accorder une prolongation pour présenter une demande de révision porterait préjudice à la Commission.

[38] Comme il a été mentionné ci-dessus, le prestataire a maintenant le certificat médical demandé par la Commission. Par conséquent, même si le prestataire a attendu plus de quatre ans avant de demander à la Commission de réviser sa décision, je ne crois pas que la Commission serait défavorisée par le retard. La Commission n’aurait qu’à évaluer le certificat médical pour voir s’il répond aux exigences de la loi.

La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire?

[39] Non, la Commission n’a pas agi de façon judiciaire.

[40] La décision de la Commission de prolonger le délai pour une demande de révision est un pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 6. Les décisions discrétionnaires de la Commission ne devraient pas être modifiées à moins que la Commission n’ait pas agi de façon judiciaire. Le fait de se comporter de façon judiciaire signifie agir de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en ignorant tout facteur non pertinentNote de bas de page 7. Si la Commission n’a pas agi de façon judiciaire, je peux rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 8.

[41] J’estime que la Commission n’a pas tenu compte de tous les facteurs pertinents présentés par le prestataire. Cela s’explique par le fait que le prestataire a donné des raisons supplémentaires pour justifier son retard à demander une révision. Il s’agit notamment de ses compétences en alphabétisation et en informatique, de sa situation financière et de son point de vue sur les renseignements fournis dans la lettre de décision initiale de la Commission. 

[42] J’estime que les motifs supplémentaires évoqués par le prestataire pour justifier le retard dans la demande de révision sont pertinents à la décision que la Commission a dû rendre. J’estime donc que cela n’a pas été fait de façon judiciaire. Par conséquent, je vais rendre la décision que la Commission aurait dû rendre. 

[43] Je conclus que le prestataire n’a pas demandé à la Commission de réviser sa décision dans le délai de révision de 30 jours. Je conclus également que le prestataire n’a pas d’explication raisonnable pour le retard et qu’il n’a pas démontré une intention continue de demander une révision. Donc, il n’a pas respecté les exigences de la loi nécessaire en vue d’accorder une prolongation pour présenter une demande de révision.

Conclusion

[44] L’appel est rejeté.

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