Assurance-emploi (AE)

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Citation : AD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1454

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (490512) datée du 5 juillet 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 23 novembre 2022
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 9 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2683

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite pour la période du 15 octobre au 22 décembre 2021. Par conséquent, la prestataire est inadmissible à recevoir des prestations des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[3] Toutefois, à partir du 23 décembre 2021, la Commission n’a pas démontré que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite. Par conséquent, la prestataire est admissible à recevoir des prestations à partir de cette date.

Aperçu

[4] La prestataire travaille à titre de chef cuisinier pour son employeur qui offre des services de repas dans une résidence pour personnes âgées.

[5] L’employeur informe son personnel qu’ils devront se soumettre à la Politique de vaccination des employés de la santé et des services sociaux du Québec. À défaut d’être vaccinés, les employés seront suspendus. En fait, ils n’auront pas accès aux établissements pour offrir leur service.

[6] Le 16 octobre 2021, la prestataire est suspendue pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination de son employeur. Elle n’a pas fourni une preuve de vaccination comme stipulé dans le décret.

[7] Le 24 janvier 2022, la prestataire présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. La Commission refuse de lui verser des prestations, parce qu’elle a été suspendue en raison de son inconduite. En effet, elle savait ou aurait dû savoir qu’elle serait suspendue pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination de son employeur.

[8] La prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Le gouvernement a prolongé la période pour se conformer à la Politique de vaccination. De plus, pour les employés non vaccinés, ils devaient passer des tests de dépistage et obtenir des résultats négatifs pour pouvoir travailler. L’employeur a mal interprété les modifications aux décrets en lui refusant de réintégrer son emploi. Elle n’a donc pas commis une inconduite.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[10] Pour décider si la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi ?

[11] La prestataire travaille à titre de chef cuisinière pour une entreprise qui prépare des repas dans une résidence pour personnes âgées.

[12] Le gouvernement du Québec a adopté différentes mesures pour contrer la pandémie de la COVID-19. Il a, entre autres, adopté un décret qui s’applique aux personnes qui œuvrent dans le milieu de santé et des services sociaux au Québec. Il n’est pas contesté que les mesures s’appliquent à la prestataire.

[13] Dans le premier décret adopté, le gouvernement a accordé jusqu’au 15 octobre 2021 aux personnes visées pour se conformer à la Politique de vaccination. Les personnes devaient fournir la preuve qu’elles étaient pleinement vaccinées ou l’être prochainement. À défaut, elles seraient suspendues sans solde.

[14] C’est dans ce contexte que la prestataire a été suspendue sans solde le 16 octobre 2021 par son employeur.

[15] Elle ne conteste pas que c’est la raison pour laquelle elle a été suspendue.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi ?

[16] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 4.

[17] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 5.

[18] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[19] Je retiens que la prestataire travaille à titre de chef cuisinière pour une entreprise d’économie sociale qui offre, entre autres, des services de préparation des repas à des résidences pour personnes âgées. Elle exerce ses fonctions dans une des résidences desservies par son employeur.

[20] Comme je l’ai mentionné précédemment, dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, le gouvernement du Québec a adopté différentes mesures pour assurer la sécurité et la santé des Québécoises et Québécois.

[21] Le 24 septembre 2021, le décret a été adopté obligeant les personnes qui travaillent dans le milieu de la santé à fournir un passeport vaccinal

[22] Je retiens que la prestataire a été informée de la politique de son employeur concernant la vaccination. Elle a bénéficié d’un délai pour s’y conformer. Elle n’a pas fourni la preuve de sa vaccination avant le 15 octobre 2021 tel qu’exigé par son employeur.

[23] Le 13 octobre 2021, le gouvernement a reporté au 15 novembre 2021 la politique de vaccination pour le milieu de la santé. L’employeur de la prestataire l’a informée, le 15 octobre 2021, que les employés qui ont décidé de ne pas se faire vacciner et de ne pas revenir au travail seront en congé sans solde pour la période du 15 octobre 2021 au 14 novembre 2021Note de bas de page 7.

[24] En fait, elle ne peut pas avoir accès à la résidence pour personnes âgées. En effet, selon la preuve, l’employeur de la prestataire est membre du Réseau de coopération des EÉSADNote de bas de page 8. Le 15 octobre 2021, il reçoit les directives concernant la politique de vaccination du gouvernement du Québec. Il est indiqué que le passeport vaccinal est obligatoire pour les personnes voulant accéder, entre autres, aux résidences privées pour personnes âgéesNote de bas de page 9.

[25] À partir du 23 décembre 2021, le gouvernement modifie le décret en assouplissant certaines règles. Ainsi, les personnes qui doivent se rendre dans l’exercice de leur fonction dans un établissement de la santé peuvent y entrer si elle démontre un résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19 effectué depuis moins de 72 heuresNote de bas de page 10.

[26] La prestataire soutient qu’elle aurait dû bénéficier des modifications en passant des tests aux trois jours comme pour le personnel du réseau de la santé, puisque son lieu de travail était dans une résidence pour personnes âgées.

[27] De plus, elle considère que la politique est illégale et injuste. Cela l’a empêchée de gagner sa vie, même le premier ministre Legault dans une déclaration publique a mentionné qu’il ne fallait pas priver les gens de leur revenu. D’ailleurs, c’est à la suite de cette déclaration qu’elle a présenté une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[28] Je constate que malgré les changements apportés au décret par le gouvernement, l’employeur a maintenu la suspension de la prestataire, parce qu’elle avait, selon lui, un statut visiteur, lorsqu’elle se présentait au travail. C’est du moins l’interprétation de l’employeur concernant la politique de vaccination adoptée par le gouvernement. Dans les faits, son employeur a un contrat de sous-traitance pour la préparation de repas dans la résidence pour personnes âgées. Il doit respecter la Politique de vaccination qui vise le personnel qui offre des services en établissement.

[29] La prestataire doit donc respecter la politique de vaccination qui s’applique à son statut, à savoir, fournir son passeport vaccinal qui atteste qu’elle est pleinement vaccinéeNote de bas de page 11. En effet, je suis d’avis qu’elle ne correspondait pas à la définition du personnel de la santé visée par les assouplissements émis par le gouvernement du Québec le 13 octobre 2021, parce qu’elle ne travaillait pas pour le réseau de la santé, mais pour un sous-traitant.

[30] Dans ces circonstances, j’estime qu’en refusant de se faire vacciner, la prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur qui était nécessaire pour avoir accès à la résidence pour personnes âgées. Elle savait qu’en ne fournissant pas sa preuve qu’elle serait suspendue pour ce motif.

[31] Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 12, la Cour d’appel fédérale réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ». C’est le cas de la prestataire pour la période du 15 octobre 2021 au 22 décembre 2021. En effet, les règles en vigueur exigeaient qu’elle soit vaccinée pour travailler.

[32] Maintenant, à partir du 23 décembre 2021, le gouvernement modifie le décret en assouplissant certaines règles concernant, entre autres, les personnes qui dans l’exercice de leurs fonctions doivent se rendre dans un milieu visé. C’est le cas de la prestataire qui doit se rendre dans une résidence pour personnes âgées dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, si elle démontre un résultat négatif d’un test de dépistage de la COVID-19 effectué depuis moins de 72 heuresNote de bas de page 13, elle peut effectuer ses tâches dans les cuisines de la résidence pour personnes âgées.

[33] Je constate que malgré ces assouplissements, l’employeur a maintenu la suspension de la prestataireNote de bas de page 14.

[34] J’estime qu’à partir de ce moment-là, la prestataire n’enfreint plus la politique de son employeur. Ainsi, la Commission ne pouvait pas conclure qu’il s’agissait d’une inconduite, puis qu’elle ne contrevient plus à la Politique de son employeur qui permet à ses employés d’avoir accès aux établissements en fournissant, entre autres, un test négatif de dépistage à la COVID-19.

[35] La Commission n’a pas démontré que la prestataire a refusé de passer les tests, ce qui aurait constitué une inconduite au sens de la Loi.

Alors, la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite ?

[36] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a été suspendue de son emploi du 15 octobre 2021 au 22 décembre 2021 en raison de son inconduite.

[37] Cependant, à partir du 23 décembre 2021, la prestataire n’a pas été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite du 15 octobre 2021 au 22 décembre 2021. Par conséquent, elle n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

[39] La Commission n’a pas prouvé que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite à partir du 23 décembre 2021. Par conséquent, elle est admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[40] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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