Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1496

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : A. P.
Partie défenderesse : Canada Employment Insurance Commission

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 15 novembre 2022 (GE-22-1878)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 16 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-885

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue parce qu’elle ne respectait pas la politique de vaccination contre la COVID-19 mise en place par l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption. Elle a donc demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait été suspendue pour inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se conformer à la politique de l’employeur. La prestataire n’en avait pas été exemptée. La division générale a conclu que la prestataire savait que, dans les circonstances, l’employeur allait probablement la suspendre. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Elle soutient que la division générale a fait une erreur lorsqu’elle a interprété la notion d’inconduite. La prestataire soutient que sa conduite n’était pas délibérée parce qu’elle n’a pas agi volontairement et sans coercition. Elle avance que la conduite de l’employeur était illégale et qu’il a pris des mesures d’incitation indues (injustifiées) envers elle.

[6] Je dois décider si la prestataire a invoqué une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. 1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas abordé une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de juger.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, elle doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait permettre d’accueillir l’appel.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale a fait une erreur de droit lorsqu’elle a interprété la notion d’inconduite. Elle explique que sa conduite n’était pas délibérée parce qu’elle n’a pas agi de façon volontaire ni sans coercition. Elle avance que l’employeur a agi de façon illégale et qu’il a pris des mesures d’incitation indues envers elle.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue pour inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle manière que la suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné la suspensionNote de bas de page 1.

[16] La division générale a décidé que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se faire vacciner comme l’exigeait la politique de l’employeur. On l’avait informée de la politique et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de suivre la politique pouvait entraîner une suspension.

[18] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi que la violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[20] La prestataire fait valoir que sa conduite n’était pas délibérée parce qu’elle n’a pas agi de façon volontaire ni sans coercition. Elle soutient que la conduite de l’employeur était illégale et qu’il a pris des mesures d’incitation indues à son endroit.

[21] Personne ne conteste le fait qu’une employeuse ou un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur les lieux de travail.

[22] Dans la présente affaire, l’employeur a respecté les exigences de la directive no 6 pour mettre en œuvre sa propre politique visant à protéger la santé de son personnel et de sa clientèle durant la pandémie. Le simple fait que, pendant la pandémie, l’employeur ait mis en place une politique avec laquelle la prestataire n’est pas d’accord ne constitue pas du harcèlement ni de la coercition. Par contre, le fait de ne pas suivre une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[23] La question de savoir si la politique de l’employeur était discriminatoire à l’égard de la prestataire ou si la politique violait ses droits relève d’une autre autorité. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 4.

[24] Dans une affaire récente, appelée Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a fait valoir que la politique de l’employeur violait les droits que lui reconnaissait la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a jugé que c’était une question qui relevait d’une autre autorité. La Cour a ajouté que, pour sanctionner le comportement d’un employeur, les prestataires ont d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en causeNote de bas de page 5.

[25] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[26] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[27] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 7. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[28] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Elle n’a cerné dans la décision aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[29] Après avoir révisé le dossier d’appel et la décision de la division générale et tenu compte des arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La permission de faire appel est refusée. Cela met dont un terme à l’appel.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.