Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1487

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (485118) datée du 14 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc-André St-Jules
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 31 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2309

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’elle a été congédiée parce qu’elle a enfreint sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Bien que la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’enfreindre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

La prestataire a deux appels en cours au Tribunal et des décisions distinctes sont rendues pour chacun

[6] Deux appels sont portés à ma connaissance pour la même prestataire. Je rédige des décisions distinctes pour chacun des appels. La présente décision porte sur une exclusion pour inconduite. L’autre décision sera communiquée séparément. Pour minimiser le temps que la prestataire y consacre et éviter les délais, j’ai planifié une audience pour les deux questions en litige.

[7] J’estime que le fait d’avoir deux décisions distinctes ne cause aucun préjudice à la prestataire. Chacun des appels soulève une question indépendante par rapport à l’autre; avoir deux décisions distinctes rend donc chacune plus précise et plus concise. Cela permet également à la prestataire de porter l’une ou l’autre en appel si elle choisit de le faire.

J’ai accepté un document reçu après l’audience

[8] L’audience a eu lieu le 12 octobre 2022. Le 25 octobre 2022, la prestataire a envoyé un document non sollicité au sujet d’une demande d’exemption du vaccin pour motifs religieux. Le document est pertinent à la question faisant l’objet de l’appel. Il a transmis à la Commission. Dans l’intérêt de la justice naturelle, j’ai tenu compte du document.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[11] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[12] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a enfreint la politique de vaccination de son employeur.

[13] La prestataire affirme avoir été congédiée pour non-conformité à la politique de vaccination. En ce qui concerne son départ, une entente est intervenue entre la prestataire et l’employeur. Selon l’entente, on l’annoncerait comme un départ à la retraite. La prestataire a déclaré que la vraie raison a toujours été la politique de vaccination et ses exigences.

[14] La Commission affirme que la prestataire a été congédiée pour non-conformité à la politique de vaccination de l’employeur. La prestataire a refusé de se faire vacciner.

[15] J’estime que la prestataire a été congédiée pour non-conformité à la politique de vaccination mise en œuvre par son employeur. La prestataire et l’employeur ont maintenu leurs positions respectives sur la question. La seule mention de la retraite au dossier a été expliquée et j’ai déterminé qu’il ne s’agit pas d’une affaire relative à la retraite.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[16] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement ou la suspension de la prestataire est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour que ses agissements soient une inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[19] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[20] La loi ne dit pas que je dois prendre en compte la façon dont l’employeur a agiNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et décider s’il s’agit d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[21] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas rendre de décisions concernant la question de savoir si la prestataire a d’autres options aux termes d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour elleNote de bas de page 9. Je peux seulement tenir compte d’une chose : la question de savoir si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccinationNote de bas de page 11.
  • L’employeur a avisé la prestataire de ses attentes concernant la vaccination.
  • L’employeur a communiqué la politique à la prestataire et lui en a parlé plusieurs fois pour communiquer ce à quoi il s’attendait.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui arriverait si elle ne respectait pas la politique.

[24] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Chaque Canadienne et Canadien a la liberté fondamentale de choisir ou de refuser un traitement médical.
  • L’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit le droit à la liberté et à la sécurité de la personne.
  • Refuser de verser des prestations uniquement en fonction des traitements médicaux que choisissent les employés ne concorde pas avec les principes de la justice naturelle.
  • Les vaccins contre la COVID-19 ne préviennent pas l’infection et la transmission.
  • Pendant les réunions de l’équipe de directionNote de bas de page 12, il a été expliqué très clairement que toutes les demandes d’exemption pour motifs religieux seraient rejetées. C’est ce qui a été dit de la rédaction de l’ébauche de la politique jusqu’au moment où l’on a dit à la prestataire de ne pas se donner la peine de présenter sa demande d’exemption.
  • La prestataire a fait preuve de loyauté envers son employeur jusqu’à son dernier jour de travail. Elle a déclaré que l’on ne peut pas interpréter cela comme une inconduite. Le seuil relatif à l’inconduite n’a pas été respecté.
  • Les vaccins contre la COVID-19 vont à l’encontre de ses croyances religieuses.
  • Pendant la pandémie, la prestataire a travaillé de la maison plus de 50 % du temps. La demande qu’elle a faite pour travailler de chez elle à temps plein, à titre de solution de rechange, a été rejetée.
  • L’employeur n’a jamais mentionné l’existence d’une cause pour mettre fin à son emploi.
  • La prestataire s’est conformée à toutes les exigences, comme les tests et le port du masque.
  • La nouvelle politique ne faisait pas partie de son contrat.
  • La prestataire a versé des cotisations au fonds d’assurance-emploi pendant 45 ans.

[25] Selon la politique de vaccination de l’employeur, tous les employés actuels qui ne sont pas entièrement vaccinés doivent assister à une séance d’information. La prestataire a déclaré qu’elle y a effectivement assisté. Sa position concernant les vaccins n’a pas changé après la séance d’information.

[26] La politique prévoit que tous les employés doivent être entièrement vaccinés au plus tard le 15 novembre 2021, à moins d’avoir une exemption médicale ou une exemption au titre du Code des droits de la personne de l’Ontario. La politique prévoit aussi que la non-conformité peut, en fin de compte, entraîner la cessation d’emploi.

[27] La prestataire a rencontré la présidente et directrice générale de l’organisation pour discuter de la politique de vaccination. À la suite de cette rencontre, une entente a été conclue au sujet du départ de la prestataire de l’organisation. Une lettre de la présidente et directrice générale, adressée à la prestataire et datée du 27 octobre 2021, décrit l’ententeNote de bas de page 13. L’un des paragraphes de la lettre est reproduit ci-dessous :

[traduction]

Pour faire suite à nos réunions du 5 et du 7 octobre 2021, ainsi qu’à nos échanges ultérieurs, la présente vise à confirmer les modalités de votre départ. Cette mesure est devenue nécessaire conformément à la mise en place de la politique de vaccination obligatoire de (nom de l’employeur) fondée sur la directive no 6. . .

[28] La réunion et les échanges ultérieurs auxquels il est fait référence ci-dessus confirment que la prestataire était au courant de la politique. La prestataire a déclaré qu’elle connaissait les conséquences de la non-conformité, mais elle espérait toujours que la mise en œuvre concrète n’aurait pas lieu. La prestataire faisait partie de l’exécutif de son employeur. Ainsi, la prestataire faisait partie de l’équipe ayant approuvé la politique de vaccination auprès de l’employeur.

[29] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui prévoyait que les personnes non vaccinées pouvaient faire face à la cessation du lien d’emploi.
  • La prestataire a pris part aux discussions visant à établir la politique et a voté contre son adoption.
  • La prestataire a rencontré son employeur concernant la politique et faisait partie de l’équipe de l’exécutif qui a mis la politique en œuvre.
  • La prestataire savait donc ou elle aurait donc dû savoir quelle était la conséquence du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[30] J’estime que la prestataire est très crédible. Ses déclarations sont demeurées les mêmes et rien de la part de la Commission ne donne à croire à l’existence de problèmes de crédibilité. Je suis persuadé que la prestataire était une employée précieuse. Le fait qu’elle ait eu une promotion dans un poste de haute direction confirme cette conclusion.

[31] La prestataire affirme que le seuil relatif à l’inconduite n’a pas été respecté. Elle a observé ses croyances et a été une employée productive ayant collaboré jusqu’à son dernier jour au travail. J’accepte que la prestataire n’ait jamais eu d’intention coupable. Il n’y a rien au dossier qui permette de le croire et je suis convaincu que c’est le cas. Cependant, les tribunaux ont statué au fil des ans qu’il n’est pas nécessaire qu’une personne ait une intention coupable pour qu’il y ait inconduiteNote de bas de page 14.

[32] J’estime qu’une fois que l’employeur a imposé la politique de vaccination, elle est devenue une condition d’emploi essentielle. Je conviens que la prestataire peut refuser la vaccination. Il s’agit de sa propre décision. Je conviens également que l’employeur doit gérer le fonctionnement quotidien du lieu de travail. Cela comprend l’élaboration et l’application de politiques relatives à la santé et à la sécurité en milieu de travail.

[33] La prestataire renvoie à d’autres lois et affirme que ses droits ont été violés selon ces loisNote de bas de page 15. Mon rôle consiste à rendre des décisions fondées sur la Loi sur l’assurance-emploi, le Règlement sur l’assurance-emploi et la jurisprudence connexe. The Claimant may have recourse under other forums but my jurisdiction is limited as stated above.

[34] En choisissant de ne pas se faire vacciner après avoir échoué à persuader son employeur de lui offrir des mesures d’adaptation, elle a pris une décision personnelle qui a mené à des conséquences prévisibles en ce qui concerne son emploi.

[35] La division d’appel du Tribunal a confirmé que le fait que la décision soit fondée sur des croyances religieuses, des préoccupations d’ordre médical ou des raisons reliées à la protection des renseignements personnels est sans importance. Le choix volontaire de ne pas se conformer à une politique de protection contre la COVID-19 en milieu de travail est considéré comme étant délibéré et constituera une inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16.

[36] Je comprends que la prestataire estime que, parce qu’elle a versé des cotisations au fonds d’assurance-emploi, elle devrait être admissible à du soutien financier. Cette croyance va à l’encontre du principe fondamental de l’assurance-emploi, selon lequel une employée ou un employé doit éviter de se mettre volontairement en position de chômage. C’est ce que la prestataire a fait dans la présente affaire. Ce manquement conscient et délibéré à l’obligation envers l’employeur est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[37] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[38] Cela tient au fait que les agissements de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait qu’il était probable que son refus de se faire vacciner lui fasse perdre son emploi.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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