Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 30

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : C. C.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (455637) datée du 5 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 janvier 2023
Numéro de dossier : GE‑22‑3307

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada n’a pas prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Cela signifie qu’elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. L’employeur de la prestataire affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle est allée à l’encontre de sa politique de vaccination : elle n’a pas fourni de preuve de vaccination.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, elle affirme qu’elle n’a pas été avertie qu’elle serait congédiée pour cette raison. L’employeur avait toujours déclaré que le personnel serait mis en congé s’il ne respectait pas la politique de vaccination. La prestataire se demandait toujours s’il fallait se faire vacciner lorsque la date limite pour fournir une preuve de vaccination est passée et que l’employeur l’a congédiée.

[5] La Commission a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[6] Le Tribunal a désigné l’ancien employeur de la prestataire comme partie pouvant être mise en cause dans l’appel de la prestataire. Il a donc envoyé une lettre à l’employeur pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il souhaitait être ajouté comme partie mise en cause. L’employeur n’a pas répondu avant la date de la présente décision. Comme rien au dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie mise en cause dans le présent appel.

L’appel de la prestataire a été renvoyé à la division générale

[7] La prestataire a d’abord interjeté appel de son refus de prestations d’assurance‑emploi auprès de la division générale du Tribunal en mars 2022. La membre de la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel de la prestataire parce qu’elle a conclu que la prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès. Cela signifiait que la prestataire n’avait pas eu l’occasion de parler à une audience de son appel et que le Tribunal n’avait pas pleinement tenu compte de ses arguments au sujet de sa cause dans sa décision.

[8] La prestataire a interjeté appel de la décision sommaire de rejet devant la division d’appel. La membre de la division d’appel a conclu que l’appel de la prestataire n’aurait pas dû être rejeté sommairement. Elle a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour une audience. Cette décision découle de cette audience.

Question en litige

[9] La prestataire a‑t‑elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[10] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[11] Les deux parties conviennent que la prestataire a été congédiée parce qu’elle n’a pas fourni de preuve de vaccination comme prévu dans la politique de vaccination de son employeur. Rien ne prouve le contraire, de sorte que je l’accepte comme un fait.

Le motif du congédiement de la prestataire est-il une inconduite au sens de la loi?

[12] Le motif du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[13] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[14] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[15] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[16] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si la prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de la prestataireNote de bas de page 7. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.

[17] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination
  • l’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes concernant la preuve de vaccination à fournir
  • la prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique

[18] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle ne pouvait pas savoir qu’elle serait congédiée si elle ne respectait pas la date limite pour fournir sa preuve de vaccination.

[19] Selon la politique de vaccination de l’employeur, le personnel devait fournir la preuve qu’il avait reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19 au 13 septembre 2021. Les membres du personnel qui n’ont pas fourni de preuve de vaccination avant cette date seraient mis en congé sans solde.

[20] La prestataire a témoigné qu’elle avait eu plusieurs discussions avec sa superviseure directe et le représentant des ressources humaines de l’employeur au sujet de la politique. Elle avait des préoccupations concernant l’innocuité du vaccin et leur a dit qu’elle n’était pas vaccinée, mais qu’elle envisageait de se faire vacciner.

[21] La prestataire avait prévu partir en congé du 10 au 20 septembre 2021. Elle serait donc en vacances lors de la date limite pour fournir sa preuve de vaccination.

[22] Elle a rencontré sa superviseure et le représentant des ressources humaines le 8 septembre 2021. Elle leur a dit qu’elle prévoyait se faire vacciner, mais elle a demandé si elle pouvait le faire après ses vacances parce qu’elle craignait d’avoir une réaction négative au vaccin. La superviseure et le représentant des ressources humaines lui ont dit de simplement profiter de ses vacances.

[23] Le 11 septembre 2021, l’employeur lui a envoyé un courriel lui disant qu’elle n’était plus autorisée à entrer dans le lieu de travail parce qu’elle n’avait pas fourni sa preuve de vaccination.

[24] La prestataire a témoigné qu’elle était confuse. Elle croyait que l’employeur lui avait accordé une prolongation du délai pour se faire vacciner. Toutefois, après avoir reçu ce courriel, elle s’est demandé si elle était mise en congé sans solde jusqu’à ce qu’elle soit vaccinée après ses vacances. Elle a communiqué avec l’employeur le 12 septembre 2021 pour obtenir des précisions.

[25] Dans son courriel du 12 septembre 2021, la prestataire a déclaré que l’employeur lui avait dit que le 13 septembre était la date limite et que [traduction] « tout employé non vacciné sera automatiquement licencié » après cette date.

[26] L’employeur a congédié la prestataire le 13 septembre 2021, mais ne l’a pas informée avant que la prestataire communique avec lui pour lui demander pourquoi une cliente lui disait que l’employeur avait mentionné qu’elle ne travaillait plus là‑bas. Après ses vacances, la prestataire a rencontré l’employeur et ce dernier lui a remis une lettre de licenciement.

[27] La prestataire soutient qu’elle n’aurait pas pu savoir qu’elle serait congédiée parce qu’elle n’avait pas fourni sa preuve de vaccination au 13 septembre 2021, car l’employeur avait déjà déclaré que le personnel qui ne respectait pas la politique serait mis en congé sans solde. De plus, elle avait demandé plus de temps pour fournir sa preuve de vaccination et croyait que l’employeur était disposé à lui accorder plus de temps lorsqu’il lui a dit de profiter de ses vacances.

[28] Il existe des éléments de preuve contradictoires quant à savoir si l’employeur a dit à la prestataire qu’elle pourrait être licenciée. Plus précisément, la prestataire a écrit dans son courriel daté du 12 septembre 2021 que l’employeur avait dit que les employés non vaccinés seraient licenciés. En cas de renseignements contradictoires, je dois décider quelle version est la plus probable. Je dois examiner l’ensemble de la preuve et rendre une décision selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 8.

[29] J’ai posé des questions au sujet de ce courriel à l’audience. La prestataire a expliqué qu’elle avait mentionné le licenciement dans ce courriel parce qu’elle voulait voir ce que l’employeur dirait en réponse. Le courriel visait à remettre en question la position de l’employeur en réponse au courriel l’informant qu’elle n’était pas autorisée à entrer dans le lieu de travail. Toutefois, l’employeur ne lui avait jamais dit qu’elle ou tout autre employé serait licencié s’il ne respectait pas la politique de vaccination. Au lieu de cela, l’employeur avait toujours déclaré dans les conversations et par écrit que le personnel qui ne respectait pas la politique serait mis en congé sans solde.

[30] Je crois la prestataire. Elle a livré un témoignage ouvert et direct sur les communications entre elle et l’employeur. Son explication au sujet du libellé qu’elle a utilisé dans le courriel du 12 septembre 2021 était raisonnable. Je crois que son témoignage sur cette question est crédible, de sorte que j’admets que l’employeur n’a pas dit à la prestataire qu’elle serait licenciée si elle ne respectait pas la politique de vaccination.

[31] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y avait eu inconduite parce que la preuve confirme que la prestataire ne savait pas, et n’aurait pas dû raisonnablement savoir, qu’elle serait congédiée pour ne pas avoir fourni sa preuve de vaccination au 13 septembre 2021.

[32] Il n’est pas contesté que la prestataire était au courant de la politique de l’employeur. Elle savait que la politique exigeait qu’elle fournisse une preuve de sa vaccination. Toutefois, la preuve me révèle que la prestataire croyait raisonnablement qu’elle ne serait pas congédiée si elle n’avait pas fourni cette preuve au plus tard le 13 septembre 2021.

[33] La prestataire a témoigné qu’elle avait eu une discussion continue avec l’employeur au sujet de ses intentions de respecter la politique. Elle a mentionné qu’elle préférerait attendre après ses vacances pour répondre aux attentes de l’employeur en matière de vaccination, et l’employeur lui a dit de profiter de ses vacances.

[34] La prestataire croyait que cela signifiait que l’employeur allait lui accorder une prolongation du délai pour fournir sa preuve de vaccination. Si tel n’était pas le cas, elle pensait qu’elle serait mise en congé sans solde et qu’elle serait en mesure de retourner au travail après avoir été vaccinée.

[35] Rien dans le dossier n’appuie la communication de l’employeur selon laquelle la prestataire serait licenciée pour ne pas avoir suivi la politique de vaccination. La politique de l’employeur et ses courriels mentionnaient plutôt systématiquement que le personnel qui n’avait pas fourni sa preuve de vaccination avant le 13 septembre 2021 serait mis en congé sans solde.

[36] Compte tenu de cette preuve, je conclus que la prestataire ne savait pas, et qu’elle n’aurait pas raisonnablement dû savoir, qu’elle serait licenciée pour ne pas avoir fourni sa preuve de vaccination d’ici le 13 septembre 2021.

Donc, la prestataire a‑t‑elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

[37] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je suis d’avis que la prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[38] La Commission n’a pas prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[39] L’appel est donc accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.