Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1327

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : A. Z.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (472216) datée du 31 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2285

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a prouvé que la prestataire a été suspendue et a ensuite été congédiée en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et son congédiement). Par conséquent, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 4 novembre 2021 au 31 janvier 2022 et est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 1er février 2022Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été suspendue et a ensuite été congédiée. Son employeur a dit qu’elle avait été suspendue et congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 (politique).

[4] La prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Elle conteste le fait que sa conduite constitue une inconduite. Elle conteste la validité de la politique et le refus d’une exemption pour motifs religieux prévue dans la politique.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant la période de sa suspension (du 4 novembre 2021 au 31 janvier 2022) et qu’elle était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi après son congédiement le 1er février 2022.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[7] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois déterminer pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi et ensuite congédiée?

[8] Je conclus que la prestataire a été suspendue et ensuite congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[9] La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire était au courant des exigences de la politique concernant la vaccination et l’exemption. Elle connaissait la date limite pour se conformer. L’employeur n’a pas accepté sa demande d’exemption pour motifs religieux. La prestataire ne s’est pas fait vacciner. Par conséquent, l’employeur l’a d’abord suspendue puis l’a congédiée.

[10] La prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Elle a témoigné qu’il n’y avait aucune autre raison pour le congédiement. Elle conteste le fait que sa conduite constitue une inconduite. Elle conteste la validité de la politique et le refus d’une exemption pour motifs religieux prévue dans la politique.

[11] Je conclus que l’employeur a suspendu et a ensuite congédié la prestataire parce qu’elle ne s’est pas conformée aux exigences de la politique. La prestataire ne conteste pas que le fait que ne pas se faire vacciner était la raison pour laquelle elle a été suspendue et ensuite congédiée. Je ne dispose d’aucun élément de preuve à l’égard d’autres motifs justifiant les mesures de l’employeur.

Le motif de la suspension et du congédiement de la prestataire est-il une inconduite au sens de la loi?

[12] Le motif de la suspension et du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[13] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[14] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[15] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[16] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a prouvé les facteurs énoncés précédemment dans la définition d’inconduite aux fins de l’assurance-emploi. L’inconduite s’applique à la fois à la suspension et au congédiement.

[17] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite aux fins de l’assurance-emploi parce que sa réponse à la politique ne constituait pas une inconduite. Elle conteste la validité de la politique pour plusieurs motifs. Elle conteste le refus par l’employeur de sa demande d’exemption pour des motifs religieux.

[18] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a démontré les facteurs énoncés dans les paragraphes précédents : caractère délibéré; entrave à l’exécution des obligations envers l’employeur; connaissance des conséquences du non-respect de la politique; non-conformité entraînant la suspension et le congédiement.

[19] La prestataire a invoqué un certain nombre de motifs pour contester la validité de la politique. Le Tribunal n’a pas la compétence (pouvoir conféré par la loi) pour examiner certains de ces motifs. Je traiterai maintenant sous les sous-titres suivants des conclusions de fait, de la décision sur la question de l’inconduite et des motifs invoqués par la prestataire sur lesquels le Tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer lorsqu’il tranche la question de l’inconduite.

Conclusions de fait

[20] La prestataire travaillait comme commis d’unité dans un hôpital. Elle travaillait sur place, à un poste de soins infirmiers du centre des naissances. Elle interagissait principalement avec les infirmières du centre. Elle n’allait pas dans les chambres des patients.

[21] En août 2021, le médecin hygiéniste en chef de la province a annoncé la Directive 6 (Directive), qui exigeait que les hôpitaux de la province se dotent d’une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a créé la politique en réponse à la Directive. La prestataire a témoigné qu’elle n’avait pas vu de copie de la politique. Elle avait reçu des courriels et des lettres de l’employeur à compter d’août 2021. Le courriel du 25 août 2021 fixait au 26 septembre la date limite pour que les employés fournissent à l’employeur une preuve de vaccination. Dans des courriels subséquents, la date de conformité a été reportée. Des exemptions pour des motifs médicaux ou fondés sur les droits de la personne pouvaient être demandées. La date définitive de conformité a été fixée au 4 novembre 2021, date à laquelle le personnel devait recevoir la première dose du vaccin et en fournir une preuve. À défaut de le faire, l’employé serait mis en congé sans solde à compter de cette date. L’employeur avait envoyé trois avis à la prestataire entre le 15 octobre et le 1er novembre 2021 pour lui rappeler la date limite, l’exemption et le congé sans solde pour défaut de se conformer.

[22] La prestataire a demandé une exemption à l’exigence de vaccination fondée sur des motifs religieux. Le 11 octobre 2021, elle a présenté le formulaire de demande d’exemption de l’employeur, dans lequel elle invoquait sa croyance religieuse en tant que chrétienne orthodoxe opposée à toute pratique médicale nécessitant l’utilisation de cellules ou de tissus embryonnaires humains. Elle a fourni des documents à l’appui provenant de son église. L’employeur a rejeté la demande par lettre le 22 octobre 2021. L’employeur a dit avoir examiné le formulaire de demande, la politique, la Directive 6 et l’énoncé de politique de la Commission ontarienne des droits de la personne sur l’exigence de vaccination et de preuve de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a déterminé que la demande ne satisfaisait pas au critère applicable à l’exemption demandée. L’employeur a dit de vive voix à la prestataire que la foi orthodoxe russe ne figurait pas dans la liste des religions. La prestataire n’a pas réussi à communiquer avec l’autorité des droits de la personne. Son syndicat intente un grief au sujet de son congédiement fondé sur la politique.

[23] L’employeur a mis la prestataire en congé sans solde le 4 novembre 2021, car elle n’avait fourni aucune preuve de vaccination. Elle a été suspendue jusqu’au 31 janvier 2022. L’employeur lui a envoyé une dernière lettre de non-conformité le 14 janvier 2022. La lettre précisait qu’elle devait présenter une preuve de vaccination au plus tard le 28 janvier 2022. À défaut de le faire, elle serait congédiée. La prestataire n’avait fourni aucune preuve de vaccination en date du 28 janvier. L’employeur l’a congédiée le 1er février 2022 après l’avoir rencontrée et lui avoir remis une lettre ce jour-là.

Décision sur l’inconduite

[24] Avant de traiter des éléments qui composent l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi, je traiterai de l’observation générale de la prestataire selon laquelle sa conduite n’était pas une inconduite. D’abord, le congédiement pour inconduite était contesté au moyen de la procédure de règlement des griefs du syndicat et ne devrait donc pas être considéré comme une inconduite. Il s’agissait d’un cas de congédiement injuste. Ses gestes ne s’apparentaient aucunement à la définition d’inconduite.

[25] Premièrement, le fait que le congédiement pour inconduite soit contesté au moyen de la procédure de règlement des griefs n’a rien à voir avec la question de l’inconduite relative à l’assurance-emploi. La procédure de règlement des griefs sert à déterminer si l’employeur a contrevenu aux modalités de la convention collective conclue entre l’employeur et le syndicat en congédiant l’employé. Ce processus n’autorise pas à se prononcer sur la question de l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi. Même si ce processus mène à la constatation selon laquelle l’employé n’a pas commis d’inconduite, ni la Commission, ni le Tribunal, ni aucune cour de justice n’est tenu d’accorder des prestations d’assurance-emploi à la partie prestataire. Ces instances doivent rendre leur décision en se fondant sur les éléments d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[26] Deuxièmement, la prestataire affirme qu’il s’agit d’un cas de congédiement injuste. La notion de congédiement injuste (ou injustifié) s’est développée en common law (à partir des décisions judiciaires). Cette notion de droit permet de déterminer si l’employeur était justifié de congédier l’employé (notamment en raison d’une inconduite). La notion de juste cause en common law ne s’applique pas à la notion d’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi. En common law, le congédiement injustifié ou injuste repose sur un critère d’inconduite différent de celui du droit en matière d’assurance-emploiNote de bas de page 7. Les notions de [traduction] « juste cause » en common law et en matière d’assurance-emploi mettent l’accent sur des contextes très différents. En common law, il s’agit de savoir si l’employeur était justifié de congédier un employé. La notion de l’assurance-emploi ne s’applique qu’aux cas où un employé a quitté volontairement son emploi. Cette notion vise à déterminer si l’employé était justifié de quitter l’employeur. La notion de [traduction] « juste cause » en matière d’assurance-emploi ne s’applique pas aux cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi. Le rôle des tribunaux et des cours dans le contexte de l’assurance-emploi n’est pas de déterminer si le congédiement était justifié ou représentait une sanction appropriéeNote de bas de page 8. Le Tribunal doit déterminer si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9. Il n’est pas pertinent de déterminer si le congédiement constitue une sanction trop sévèreNote de bas de page 10.

[27] Troisièmement, la prestataire affirme que ses gestes ne s’apparentaient aucunement à la définition d’inconduite. C’est peut-être exact si elle se fonde sur la définition d’inconduite en common law. Mais ce n’est pas exact au sens de la définition d’inconduite de l’assurance-emploi.

[28] La prestataire a correctement cité le principe selon lequel la décision de refuser des prestations d’assurance-emploi pour inconduite ne devrait pas être prise uniquement en fonction de l’assurance donnée par l’employeur ou de son appréciation subjective des événementsNote de bas de page 11. En examinant la preuve relative aux éléments d’inconduite, je démontrerai que la décision n’est fondée uniquement sur l’assurance de l’employeur ou son appréciation subjective des événements.

[29] Caractère délibéré. Après que l’employeur a rejeté la demande d’exemption de la prestataire, celle-ci a agi conformément à ses croyances religieuses en ne se faisant pas vacciner. Elle affirme qu’elle ne voulait pas perdre son emploi, mais estimait ne pas avoir le choix. Elle était devant un dilemme : d’une part, se faire vacciner et conserver son emploi; d’autre part, refuser de se faire vacciner (de façon expresse ou passive) et être suspendue, puis perdre son emploi. Elle a témoigné que ce n’était pas un choix, mais plutôt de la coercition. Comme elle n’avait pas obtenu d’exemption, la politique exigeait qu’elle se fasse vacciner et fournisse une preuve de vaccination. La prestataire a confirmé dans son témoignage qu’elle n’avait pas reçu le vaccin ni fourni la preuve qu’elle l’avait reçu. En ne se faisant pas vacciner, elle a choisi de ne pas se conformer à la politique. Son choix à l’égard de la vaccination était intentionnel, délibéré et conscient. Il était délibéré aux fins de l’assurance‑emploi.

[30] Incapacité d’exécuter ses obligations. La prestataire a témoigné que sa capacité d’accomplir les tâches liées à son emploi n’était pas compromise. Elle pouvait exercer ses fonctions comme auparavant, en subissant des tests réguliers et en utilisation un EPI. J’accepte cette preuve. Ce qui l’a empêchée, c’est que l’employeur a été déraisonnable en ne lui permettant pas de revenir au travail. À l’appui de cette observation, elle a fourni une liste de raisons pour lesquelles le fait de ne pas être vacciné n’a pas nui à son état de préparation ou à sa capacité physique de travailler (pages GD2-30 à GD2-34). Ce n’est pas une question que je peux trancher. Dans les cas d’exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite, l’analyse porte sur l’acte ou l’omission du prestataire, et la conduite de l’employeur n’est pas un élément pertinentNote de bas de page 12. La Cour d’appel fédérale a affirmé que le Tribunal n’a pas à décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le congédiement d’une partie prestataire était justifié. Le Tribunal doit déterminer si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 13. Je ne peux donc pas évaluer le caractère raisonnable de la politique (y compris les raisons que la prestataire a invoquées pour démontrer que son état de préparation et sa capacité physique n’étaient pas touchés) pour trancher les questions de savoir si elle a été congédiée pour inconduite. En ce qui concerne sa capacité de continuer à travailler, la prestation de services est une condition essentielle du contrat de travail. Lorsqu’une prestataire, par ses propres actions, ne peut plus fournir les services qu’elle est tenue de fournir aux termes du contrat de travail et qu’elle perd son emploi pour cette raison, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 14. Après sa suspension, puis son congédiement, la prestataire ne pouvait pas se rendre à l’hôpital pour effectuer son travail en raison des exigences de la politique. Elle était totalement incapable d’exécuter les services prévus dans son contrat de travail, malgré sa capacité continue de le faire. La suspension et le congédiement étaient le fruit du non-respect de la politique par la prestataire. Ce non-respect ainsi que la suspension et le congédiement qui en ont découlé ont empêché la prestataire de s’acquitter de ses fonctionsNote de bas de page 15. Cela satisfait au présent élément du critère d’inconduite de l’assurance‑emploi.

[31] Savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une possibilité. La prestataire était au courant de la date limite initiale du 26 septembre 2021 pour la vaccination et la preuve de vaccination. Cette date limite a été reportée au 4 novembre 2021. L’employeur avait envoyé trois avis à la prestataire entre le 15 octobre et le 1er novembre 2021 pour lui rappeler la date limite, l’exemption et le congé sans solde en cas de défaut de se conformer à l’exigence de la vaccination et de la preuve de vaccination. La prestataire a demandé une exemption à l’exigence de vaccination, mais l’employeur l’a refusée. Il ressort clairement de la preuve qu’elle était au courant de cette date limite et de la conséquence de la suspension. L’employeur l’a effectivement suspendue à compter du 4 novembre 2021, et l’a informée qu’elle perdrait son emploi si elle continuait de ne pas respecter la politique. Le 14 janvier 2022, l’employeur a écrit à la prestataire pour lui donner un [traduction] « avis final de non-conformité ». L’avis indiquait que le défaut de présenter une preuve de vaccination d’ici le 28 janvier 2022 [traduction] « entraînera la fin de [son] emploi avec motif ». Comme elle ne s’était pas conformée à la date limite, l’employeur a mis fin à son emploi le 1er février 2022. La prestataire a témoigné qu’elle croyait que l’employeur respecterait sa croyance religieuse et l’exempterait de l’exigence de vaccination. Il n’était pas raisonnable que la prestataire pense ainsi dans les circonstances. Les exigences étaient claires. Les dates limites étaient claires. L’employeur a rejeté sa demande d’exemption avant de la suspendre. Cette suspension aurait dû faire comprendre à la prestataire que l’employeur avait vraiment l’intention d’appliquer la politique. La lettre de l’employeur datée du 14 janvier 2022 a confirmé cette intention. Elle imposait une date limite pour présenter une preuve de vaccination et indiquait que le non-respect entraînerait un congédiement. Comme la prestataire en a témoigné, la lettre ne mentionnait pas l’option d’une exemption. La prestataire avait demandé une exemption, qui avait été refusée, de sorte que cette option n’existait plus. À ce moment-là, il était clair pour la prestataire qu’elle devait présenter une preuve de vaccination, à défaut de quoi elle serait congédiée. La Commission a prouvé cet élément.

[32] Cause de la suspension et du congédiement. Comme je l’ai mentionné précédemment au paragraphe 11, le défaut de la prestataire de fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19 a été la cause de sa suspension et de son congédiement.

Observations sur lesquelles le Tribunal n’a pas le pouvoir de statuer

[33] Le point de départ de l’analyse est le pouvoir limité du Tribunal de trancher les appels en matière d’assurance‑emploi. Contrairement aux cours supérieures, le Tribunal n’a pas de compétence ou de pouvoir très vaste lui permettant de traiter de toutes les questions de fait ou de droit qui peuvent lui être soumises. La section de l’assurance-emploi de la division générale du Tribunal n’a compétence que pour statuer sur une décision précise découlant d’une révision de la CommissionNote de bas de page 16. Dans le cas d’un appel de cette décision en particulier, le Tribunal peut rejeter l’appel, confirmer, annuler ou modifier la décision de la Commission en tout ou en partie ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 17. Ainsi, dans les affaires d’assurance‑emploi, les pouvoirs du Tribunal sont limités à la révision des décisions que la Commission rend en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et de son règlement d’application. La section de l’assurance‑emploi de la division générale du Tribunal doit respecter les limites de ce cadre. Le pouvoir du Tribunal de trancher toute question de fait ou de droit nécessaire pour statuer sur l’appel est également limitéNote de bas de page 18. Bon nombre des arguments avancés par la prestataire ne relèvent pas de la compétence du Tribunal, ainsi qu’il en est question ci‑après.

[34] La prestataire invoque la Déclaration canadienne des droits (Déclaration). La Déclaration exige que toutes les lois fédérales, comme la Loi sur l’assurance‑emploi, soient interprétées et appliquées de manière à ne porter atteinte à aucun des droits qui y sont énoncés. Ces droits existent pour tout individu, quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe. La prestataire invoque le droit à la liberté de religion énoncé dans la Déclaration. Comme la politique de l’employeur n’est pas une loi fédérale, la Déclaration ne s’y applique pas, ce qui élimine l’argument de la prestataire selon lequel la politique de l’employeur est [traduction] « un effort délibéré, intentionnel et conscient de contraindre ses employés à adopter une conduite qui est contraire à la Déclaration canadienne des droits ». En ce qui concerne la Loi sur l’assurance-emploi, la prestataire n’a pas affirmé que l’on n’avait pas pris en compte ses droits sur le fondement de l’un ou l’autre des motifs de discrimination susmentionnés. Elle n’a fourni aucun élément de preuve qui démontrerait une discrimination fondée sur ces motifs. Le fait d’être non vaccinée ou de refuser de divulguer son statut de vaccination ne constitue pas un motif de discrimination prévu. En l’absence de discrimination, la Déclaration ne s’applique pas au présent appel. Les dispositions relatives à l’inconduite de la Loi sur l’assurance‑emploi sont claires. La partie prestataire qui est congédiée ou suspendue en raison de son inconduite est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La Déclaration n’est d’aucune aide pour la prestataire dans la présente situation.

[35] La prestataire a invoqué la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Cette loi fédérale interdit la discrimination fondée sur un large éventail de motifs, notamment la religion, comme l’a souligné la prestataire. Elle met l’accent sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation tant qu’elles n’imposent pas une contrainte excessive. Elle affirme ce qui suit : [traduction] « Mon employeur et l’agent de l’assurance-emploi ont refusé ma demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux liés aux droits de la personne ». Ni la Commission ni le Tribunal n’a le pouvoir d’ordonner à un employeur d’accorder une mesure d’adaptation à une partie prestataire pour un motif lié aux droits de la personne. La compétence de la Commission et du Tribunal en matière de droits de la personne se trouve dans les dispositions de la Loi relatives au départ volontaireNote de bas de page 19. Ce pouvoir se limite à la LCDP et à la question de savoir s’il y a eu une discrimination fondée sur un motif illicite au sens de cette loi qui constitue un motif valable de quitter un emploi. Ce pouvoir ne s’applique pas aux questions d’inconduite. Je ne peux donc pas traiter ces demandes dans l’examen d’une question d’inconduite. Toute réparation que peut demander la prestataire relativement à des questions de droits de la personne doit être obtenue auprès d’un tribunal des droits de la personne ou d’une cour de justice ou par l’application d’une convention collective.

[36] Dans son témoignage, la prestataire a fait valoir que la Directive 6 n’était pas une loi et ne l’emportait pas sur les droits, de sorte que l’invocation de la Directive par l’employeur n’autorisait pas la suspension ou le congédiement d’employés. Cet argument repose sur la croyance erronée selon laquelle la politique de l’employeur et toutes ses exigences doivent être expressément autorisées par une loi. Les employeurs jouissent d’une importante marge de manœuvre pour établir leurs politiques et prendre des décisions sur le congédiement. L’employeur a le droit de modifier ses politiques. L’employé est lié par ces modifications. La prestataire a affirmé que l’exigence de vaccination ne faisait pas partie de sa convention collective, de sorte qu’elle n’a pas à s’y conformer. Elle doit se conformer à la politique de vaccination, à moins qu’elle ne soit déclarée inopérante par une autorité compétente. Le recours dont dispose la prestataire est une poursuite pour congédiement injustifié ou un grief déposé par l’intermédiaire de son syndicat. Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’exempter la prestataire de la politique.

La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi et congédiée en raison d’une inconduite?

[37] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi, puis congédiée en raison d’une inconduite.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 9 novembre 2021 au 31 janvier 2022 et est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 1er février 2022.

[39] L’appel est donc rejeté.

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