Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : WK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1532

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : W. K.
partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 novembre 2022 (GE-22-2750)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 23 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-887

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (le prestataire) a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption pour des motifs religieux ou médicaux. Par la suite, le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (la Commission) a décidé que le prestataire avait perdu son emploi pour inconduite. Après avoir fait une révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a donc fait appel de la décision découlant d’une révision à la division générale.

[4] La division générale a jugé que l’employeur avait congédié le prestataire parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique. Elle a conclu que la prestataire savait que, dans les circonstances, l’employeur allait probablement la congédier. La division générale a jugé que le non-respect de la politique était la cause du congédiement. Elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit lorsqu’elle a conclu qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[6] Je dois décider si le prestataire a invoqué une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit lorsqu’elle a conclu qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[13] Plus précisément, le prestataire fait valoir ce qui suit :

  • La division générale a commis une erreur en ignorant que l’employeur avait agi de mauvaise foi en ne respectant pas son obligation relative aux exemptions liées à la COVID-19.
  • La division générale n’a pas tenu compte du fait que l’employeur n’avait jamais eu l’intention de fournir des mesures d’adaptation aux membres du personnel travaillant à distance de bonne foi et conformément à ses communications.
  • L’entrevue de fin d’emploi montre que l’employeur n’a jamais eu l’intention de respecter ses communications du 25 août et du 13 septembre 2021 selon lesquelles la vaccination ne serait pas obligatoire pour les personnes travaillant à distance.
  • L’employeur a délibérément négligé de mettre en place des mesures d’adaptation comme l’exigent le Code des droits de la personne de l’Ontario et la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  • La division générale a négligé de tenir compte de l’article 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi.
  • La réponse générale de l’employeur dans ses lettres de refus d’exemption ne contient pas assez de données scientifiques crédibles. Elle est ambiguë et biaisée, et montre clairement que l’employeur n’a aucune intention de fournir des mesures d’adaptation jusqu’au point de causer des difficultés financières.
  • L’employeur a contrevenu aux articles 57 et 58 de la Loi sur les normes d’emploi en ne répondant pas aux exigences de préavis raisonnable de cessation d’emploi en cas cessation d’emploi collective.
  • L’employeur a illégalement réduit son salaire ou modifié une autre modalité ou condition d’emploi pendant la période de préavis.
  • Dans sa décision, la division générale n’a pas satisfait au critère de l’inconduite, en ce qui concerne la violation des obligations établies dans le contrat de travail, et elle n’a pas établi la pertinence de sa conduite dans l’exercice de ses fonctions auprès de son employeur, surtout qu’il a démontré qu’il peut accomplir toutes ses tâches de façon efficace et sécuritaire en travaillant exclusivement de la maison, depuis mars 2020.
  • Des décisions récentes des tribunaux ont établi que les politiques de vaccination obligatoire allaient à l’encontre de la loi et étaient déraisonnables dans la mesure où leurs dispositions prévoyaient des mesures disciplinaires allant jusqu’au congédiement des employés qui demeuraient non-vaccinés en travaillant de la maison.
  • À ce jour, il n’existe aucune preuve médicale scientifique pour appuyer ce que prétend l’employeur. Au contraire, il a été clairement démontré que la vaccination contre la COVID-19 ne protège pas contre la COVID-19 et ne prévient pas l’infection ou la transmission de la maladie.
  • L’ajout d’une clause de congédiement disciplinaire à la politique sur la COVID-19 contrevient à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, qui dit que l’employé n’est pas tenu de participer à tout protocole de surveillance des maladies transmissibles (c.-à-d., la politique sur la COVID-19 est un programme de surveillance, de prévention et de contrôle des infections), à moins que l’employé consente à le faire.
  • Les dispositions de la politique sur la COVID-19 de l’employeur obligent la divulgation du traitement génique à l’ARNm de l’employé ou des résultats les tests antigéniques ou PCR qui sont de nature génétique et interdits au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  • Il a été établi que les tests médicaux constituent une violation des droits de l’employé au titre du Code des droits de la personne de l’Ontario, un peu comme les tests de dépistage de drogue et d’alcool. L’interdiction de telles pratiques est également soulignée par le Code du travail.
  • L’application des tests de dépistage de la COVID-19 ne freine aucunement la propagation ou la transmission du virus tel que nous le connaissons et plus important encore, cela n’a aucune incidence sur le rendement.
  • La disposition sur le congédiement disciplinaire de la politique ne donne à l’employeur aucun motif légal de mettre fin à son emploi pour « motif raisonnable », car le traitement contre la COVID-19 n’est pas une obligation selon son contrat de travail, et il n’a jamais fait partie de la politique d’immunisation de l’entreprise.
  • La politique est déraisonnable et excessive, car elle n’offre pas d’autres choix légitimes, en particulier pour les employés qui ne travaillent pas dans un milieu clinique à risque élevé et qui travaillent exclusivement de la maison.
  • Les décisions en matière de santé sont de nature personnelle et privée et n’appartiennent pas à qui que ce soit, pas même à un employeur. Par conséquent, ses actions doivent ne pas être jugées comme constituant une « inconduite » par la vertu très fondamentale de la Constitution et de la Charte des droits et libertés.

                                                             

[14] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur en omettant de tenir compte de l’article 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[15] Le relevé d’emploi du prestataire précise qu’il a été congédié. L’employeur a confirmé à la Commission que le prestataire avait été congédié parce qu’il n’avait pas respecté sa politique. Le prestataire a mentionné à plusieurs reprises qu’il avait été congédié parce qu’il n’avait pas suivi la politique.

[16] Il ressort clairement de la preuve prépondérante que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi. L’employeur a mis fin à son contrat de travail. Par conséquent, l’article 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas dans son cas.

[17] La division générale devait décider si le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[18] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[19] La Cour d’appel fédérale a établi que le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni d’établir si celui-ci était coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle façon que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiementNote de bas de page 2.

[20] La division générale a conclu que le prestataire travaillait pour l’employeur à titre d’analyste des technologies de l’information (TI). Il a été congédié parce qu’il a refusé de suivre la politique de l’employeur qui avait été mise en œuvre pour protéger les membres du personnel et la clientèle pendant la pandémie. Elle a conclu qu’il avait été informé de la politique de l’employeur en vigueur et qu’il avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption pour des motifs religieux ou médicaux. La division générale a jugé que le refus du prestataire était intentionnel et délibéré. C’était la cause directe de son congédiement.

[21] La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[22] La division générale a fondé sa conclusion sur la mise à jour de l’employeur datée du 22 septembre 2021, selon laquelle les membres du personnel qui ne sont pas vaccinés avant la date limite du 22 octobre 2021 et qui n’ont pas d’exemption approuvée seront congédiés.

[23] La division générale a considéré que le 4 octobre 2021, la demande d’exemption du prestataire a été refusée pour les raisons suivantes : observations incomplètes, choix personnel et non croyance ou religion. Elle a considéré que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation pour le prestataire parce qu’il travaillait de la maison. La division générale a pris en considération que le prestataire n’avait pas fourni de preuve de vaccination à l’employeur avant la date limite et que, dans la lettre du 2 novembre 2021, l’employeur lui a dit que son emploi avait pris finNote de bas de page 3.

[24] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[25] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[26] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en établissant que la police faisait partie de son contrat de travail. Il soutient qu’il n’a pas violé son contrat de travail. Il était en mesure de s’acquitter de ses obligations envers son employeur.

[27] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour assurer la santé et la sécurité des membres de son personnel dans leur milieu de travail. Il n’appartient pas au Tribunal de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s’applique aux travailleuses et travailleurs qui travaillent à distance et font du télétravail.

[28] Cependant, je remarque que dans ses annonces précédentes du 25 août et du 13 septembre 2021, l’employeur a dit que les membres du personnel pourraient être rappelés sur le lieu de travail à tout moment. Le prestataire a également déclaré qu’avant la pandémie, il travaillait deux ou trois jours par semaine au bureauNote de bas de page 5. L’employeur a confirmé que, même si le prestataire avait travaillé de la maison pendant la pandémie, il pourrait être obligé de retourner au bureau et que, par conséquent, il devait être vaccinéNote de bas de page 6.

[29] Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario afin de mettre en œuvre sa propre politique visant à protéger la santé de tous les membres du personnel et de la clientèle pendant la pandémie. La politique s’appliquait au prestataire qui travaillait de la maison et était en vigueur lorsque le prestataire a été congédié. Le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[30] La question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation pour le prestataire en ne lui permettant pas de travailler de la maison, ou si la politique de l’employeur a porté atteinte aux droits fondamentaux et constitutionnels du prestataire, ou si l’employeur a violé d’autres lois liées au travail, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 8.

[31] Dans la récente affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits que lui reconnaissait l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a jugé qu’il s’agissait d’une question pour une autre instance. La Cour fédérale a également déclaré qu’il existe des recours permettant à une partie prestataire de sanctionner le comportement d’un employeur autre que le transfert des coûts de ce comportement au régime d’assurance-emploi.

[32] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[33] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[34] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[35] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre autorité, si l’existence d’une violation est établie.Note de bas de page 10 Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[36] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. En ce qui a trait à l’inconduite, il n’a cerné aucune erreur de droit dont la décision serait entachée ni de conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[37] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[38] La permission de faire appel est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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