Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1488

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : L. E.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 octobre 2022 (GE-22-1807)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 16 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-813

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été mise en congé sans solde du travail par son employeur parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique relative à la COVID-19. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. Après révision, la Commission a maintenu sa décision. La prestataire a porté la décision de révision en appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison de son refus de respecter la politique de l’employeur. La division générale a conclu que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre dans les circonstances. La division générale a conclu que la non-conformité à la politique était la cause de la suspension de la prestataire, étant d’avis que celle-ci avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Cependant, elle n’a fourni aucun moyen d’appel.

[6] J’ai envoyé une lettre à la prestataire pour lui demander de me faire part de ses moyens d’appel. Elle a demandé une prolongation du délai pour le faire et l’a obtenu. La prestataire n’a pas donné suite à ma demande.

[7] Je dois décider si la prestataire soulève une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[8] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision,

[11] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une étape que la partie prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui qu’elle devra assumer lors de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit soutenir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[12] Ainsi, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[13] Devant la division générale, la prestataire a fait valoir qu’il n’y avait pas eu inconduite de sa part. Elle a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner pour des raisons médicales. Elle a soutenu que l’employeur l’avait forcée à prendre un congé alors que l’on aurait facilement pu lui offrir des mesures d’adaptation en lui permettant de continuer à travailler de la maison.

[14] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite ne signifie pas que la conduite doit nécessairement découler d’une mauvaise intention; il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale est de décider si la prestataire était coupable de l’inconduite qui a mené à sa suspension, non pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de déterminer si l’employeur est coupable d’inconduite lui-même puisqu’il a suspendu la prestataire, de sorte ce que la suspension serait justifiéeNote de bas de page 1.

[17] La preuve montre que la prestataire a été suspendue (c’est-à-dire qu’elle n’a pas pu travailler) parce qu’elle a refusé de respecter la politique de l’employeur. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et on lui a donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption médicale. La prestataire a choisi de refuser; ce refus était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait mener à sa suspension.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que la conduite de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[20] La question de savoir si l’employeur a omis d’offrir des mesures d’adaptation à la prestataire en lui permettant de travailler de la maison en est une qui relève d’une autre tribune. Ce Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle rechercheNote de bas de page 3.

[21] Dans la récente affaire Paradis, on a refusé les prestations d’assurance-emploi au prestataire en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu qu’il s’agissait d’une question relevant d’une autre tribune. La Cour a également déclaré qu’il existe des recours pour sanctionner le comportement d’un employeur, autres que le transfert des coûts de ce comportement aux contribuables canadiens par le biais de prestations d’assurance-emploi.

[22] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a choisi délibérément pour des raisons personnelles de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse aux circonstances uniques et exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension de son travail.

[23] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question d’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[24] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si l’existence d’une violation est établie. Cela ne change rien au fait que selon la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[25] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision, comme une faute de compétence ou la possibilité que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle. Elle n’a pas relevé d’erreurs de droit ou de conclusions de fait erronées, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, pour rendre sa décision sur la question de l’inconduite.

[26] Après l’examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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