Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1519

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. P.
Représentant : P. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (503645) datée du 12 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 19 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : E. P. (appelante)
P. P. (représentant de l’appelante)
Date de la décision : Le 25 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2964

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui l’a fait perdre son emploi). Cela signifie que la prestataire est exclue du bénéfice de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire, E.P., travaillait comme infirmière autorisée dans un hôpital. L’employeur de la prestataire dit qu’elle a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination : elle n’a pas reçu de vaccin ni d’exemption.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, elle affirme que le fait de ne pas respecter la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement de l’employeur. Elle a décidé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

L’interprète

[6] Un interprète, G.M., a assisté à l’audience pour offrir des services de traduction.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi indique qu’une personne ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique lorsque l’employeur a congédié ou a suspendu la partie prestataireNote de bas de page 2.  

[9] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi à cause d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi, puis je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[10] Je reconnais que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas suivi la politique de vaccination obligatoire de son employeur. Il s’agit de la raison du congédiement que l’employeur a présentée à la Commission. La prestataire convient qu’elle a été congédiée parce qu’elle n’a pas suivi la politique de vaccination de son employeur. La prestataire ne croit pas que le fait de ne pas suivre la politique de l’employeur constitue une inconduite. La prestataire estime qu’elle devrait avoir droit aux prestations.

La raison du congédiement de la prestataire constitue-t-elle une inconduite au sens de la loi?

[11] La raison du congédiement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la loi.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Mais la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) montre comment décider si le congédiement de la partie prestataire constitue une inconduite selon la loi. Elle établit le critère juridique de l’inconduite — autrement dit les questions et éléments à prendre en considération lors de l’examen d’un cas d’inconduite.

[13] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).

[14] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[15] La loi ne prévoit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, et si sa façon d’agir constitue une inconduite selon la LoiNote de bas de page 8.

[16] Je dois m’appuyer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas prendre en considération d’autres lois pour évaluer si d’autres options s’offrent à la prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée injustement ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour la prestataireNote de bas de page 9. Je vais trancher une seule question : ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait constitue-t-il une inconduite selon la Loi?

[17] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[18] La Commission affirme que l’employeur avait une politique de vaccination. Elle indique également que l’employeur a clairement communiqué à la prestataire ses attentes à l’égard de la vaccination. L’employeur a envoyé des courriels à la prestataire pour lui faire part de ses attentes. Donc, la prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences découlant du non-respect de la politique. La Commission affirme que la prestataire était au courant de la politique; il y a eu inconduite parce qu’elle savait qu’il y avait une politique de vaccination obligatoire et qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner.

[19] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique de vaccination de l’employeur était injuste, dangereuse et contraire à ses croyances religieuses. La prestataire affirme également qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle aurait pu s’acquitter de ses fonctions si l’employeur lui avait permis d’être au travail. La prestataire estime également que son employeur n’a pas respecté ses droits de la personne en refusant de lui accorder une exemption religieuse.

[20] La prestataire a présenté des vidéos et d’autres éléments de preuve sur l’efficacité du vaccin contre la COVID-19. Le représentant de la prestataire a également fait valoir que le vaccin ne devrait pas être considéré comme un vaccin, car il n’empêche pas la transmission du virus. J’ai examiné tous les documents présentés. Encore une fois, je dois me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou omis de faire et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite selon la LoiNote de bas de page 11.

[21] La prestataire ne conteste pas le fait qu’elle était au courant que son employeur avait mis en œuvre une politique de vaccination.  

[22] La politique indique que tous les travailleurs de la santé devaient démontrer qu’ils avaient été vaccinés (ou qu’ils avaient commencé à se faire vacciner) ou qu’ils avaient obtenu une exemption pour une raison médicale. Il y avait aussi la possibilité d’obtenir une exemption religieuseNote de bas de page 12. Si les travailleurs n’étaient pas vaccinés, ils devaient suivre une séance d’information obligatoireNote de bas de page 13. La politique exigeait également qu’ils fassent des tests de détection d’antigènes au moins deux fois par semaineNote de bas de page 14. La prestataire affirme qu’elle a suivi la séance de formation et qu’elle a fait les tests de détection d’antigènes. Je reconnais qu’elle l’a fait.  

[24] Selon la politique, un employé qui ne se fait pas vacciner encourt des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 15. La prestataire affirme qu’elle savait qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique.

[25] La prestataire affirme avoir choisi de ne pas se faire vacciner parce qu’elle estimait que cela allait à l’encontre de ses croyances religieuses. La prestataire affirme qu’elle a le droit au consentement éclairé et à son autonomie corporelle. Elle croit que son employeur essayait de la contraindre à se faire vacciner. Elle estime que son employeur lui demandait de choisir entre un vaccin non éprouvé et le chômage. La prestataire a déclaré qu’en vertu de ses droits canadiens et de sa convention collective, elle a le droit de décider du traitement médical qu’elle reçoit.

Exemption médicale ou autres exemptions

[26] La prestataire savait que la politique de son employeur prévoyait que si elle ne se faisait pas vacciner, elle devait obtenir une exemption pour conserver son emploiNote de bas de page 16. La prestataire a présenté une demande d’exemption religieuse à son employeurNote de bas de page 17. Elle affirme que ce dernier a refusé sa demande par courriel. La prestataire affirme que l’employeur n’a pas cherché à obtenir des renseignements supplémentaires au sujet de ses croyances religieuses.

[27] La prestataire a témoigné et a présenté des documents supplémentaires concernant ses croyances sincères au sujet de la vaccination. J’accepte que la prestataire refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieuses et de ses préoccupations au sujet de sa dangerosité.  

Est-ce qu’il y a des éléments d’inconduite?

[28] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[29] Il ne fait aucun doute que l’employeur avait une politique de vaccination. La prestataire connaissait la politique de vaccination, y compris le fait que les conséquences comprenaient le congédiement. Je conclus que la prestataire a fait son propre choix : celui consistant à ne pas se faire vacciner. Cela signifie que le choix de la prestataire de ne pas se faire vacciner était conscient, délibéré et intentionnel.  

[30] L’employeur de la prestataire ne lui a pas accordé d’exemption. C’était déjà clair que sans exemption un employé non vacciné pouvait faire l’objet de mesures disciplinaires allant jusqu’au congédiementNote de bas de page 18. La prestataire a dit qu’elle savait qu’elle risquait d’être congédiée.   

[31] La prestataire n’était pas vaccinée et ne bénéficiait pas d’une exemption. Conformément à la politique, tous les employés devaient soit bénéficier d’une exemption, soit se faire vacciner. La prestataire était au courant de ces exigences. Cela signifie qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeur. Cela veut dire qu’elle ne pouvait pas travailler et remplir ses obligations envers son employeur. Il s’agit d’une inconduite.

[32] La prestataire a affirmé savoir que si elle refusait de se faire vacciner (et ne bénéficiait pas d’une exemption), elle pouvait être congédiée. Par conséquent, je conclus que la prestataire savait qu’il y avait une réelle possibilité qu’on la congédie pour ne pas avoir suivi la politique.

[33] Puisqu’elle ne s’est pas fait vacciner et n’a pas obtenu d’exemption, l’inconduite a entraîné le congédiement.

[34] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire n’a pas suivi la politique de vaccination obligatoire ni obtenu d’exemption, tout en sachant que le congédiement était une réelle possibilité.

Donc, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[35] D’après les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.

[37] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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