Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1514

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (444985) datée du 17 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-601

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après la révision de son dossier par la Commission de l’assurance-emploi, l’appelante, E. M., a été avisée qu’elle n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 23 novembre 2020. La raison était qu’elle suivait un programme de formation de sa propre initiative et qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail. L’appelante soutient que ses prestations lui ont été versées en fonction des renseignements fournis depuis le début de sa demande et que la Commission était au courant de ses études universitaires lorsque celle-ci a accueilli sa demande et tout au long du versement des prestations (page GD3-34 du dossier d’appel). Le Tribunal de la sécurité sociale doit décider si l’appelante a démontré qu’elle était disponible selon les articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et les articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi.

Questions en litige

[3] Question no 1 : L’appelante désirait-elle retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert?

Question no 2 : Faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi à temps plein?

Question no 3 : A-t-elle établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop limiter) ses chances de retourner sur le marché du travail?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans le document GD4 du dossier d’appel.

[5] Il existe une présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. Cette présomption de fait peut être réfutée (c’est-à-dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas) s’il y a des preuves de circonstances exceptionnelles (décision Cyrenne, 2010 CAF 349).

[6] Cette présomption concerne les personnes qui ne sont pas disponibles pour travailler pendant qu’elles étudient à temps plein de leur propre initiative. Pour réfuter cette présomption, l’appelante doit démontrer, par des preuves de recherche d’emploi, que son intention principale est d’accepter immédiatement un emploi convenable, ou qu’elle est prête à prendre toutes les mesures nécessaires, même à abandonner ses études. Elle doit démontrer par ses actions que ses études sont moins importantes que le travail et ne constituent pas un obstacle à la recherche ou à l’obtention d’un emploi convenable.

[7] Une personne inscrite à un programme d’études à temps plein, sans qu’une autorité désignée par la Commission l’ait dirigée vers ce programme, doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. Elle doit aussi satisfaire aux exigences de disponibilité applicables à toute personne qui demande des prestations régulières d’assurance-emploi. La personne doit chercher un emploi de façon continue et démontrer que ses études n’ont pas restreint sa disponibilité ni réduit considérablement ses chances de trouver un emploi.

[8] Les facteurs suivants peuvent être pertinents pour évaluer la disponibilité pour le travail :

  1. a) les exigences de participation aux cours;
  2. b) la volonté de la partie prestataire d’abandonner ses études pour accepter un emploi;
  3. c) la question de savoir si elle a déjà travaillé à des heures irrégulières;
  4. d) la présence de « circonstances exceptionnelles » qui lui permettraient de travailler en étant aux études;
  5. e) les frais associés aux études.

[9] Pour être jugée disponible pour le travail, une partie prestataire doit : 1) désirer retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui est offert; 2) exprimer ce désir par des démarches pour trouver un emploi convenable; 3) éviter d’établir des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Ces trois éléments sont pris en considération avant de rendre une décision (décisions Faucher, A-56-96 et Faucher, A-57-96).

Question no 1 : L’appelante désirait-elle retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert?

[10] Non (pour la période révisée d’inadmissibilité).

[11] D’après les déclarations et observations de l’appelante, son programme d’études à temps plein l’occupait plus de 20 heures par semaine.

[12] Elle n’avait pas reçu l’approbation d’une autorité désignée pour s’inscrire à ce programme.

[13] L’appelante a déclaré et confirmé à l’audience qu’elle avait commencé un programme de formation à temps plein en septembre 2020.

[14] Elle a témoigné avoir toujours travaillé pendant ses études. Elle a confirmé que son emploi du moment était à temps partiel, comme son deuxième emploi de serveuse en restauration. Elle prend toutes les heures de travail possibles, mais dit aussi que son horaire de cours est préétabli et ne peut pas être modifié. Par conséquent, ses heures de travail doivent rester en dehors de son horaire de cours.

[15] L’appelante doit travailler pour avoir un coussin financier. Malheureusement, les fermetures découlant de la COVID-19 se sont répercutées sur les processus d’embauche de plusieurs entreprises où elle a postulé.

[16] Pour la période en question, à partir du 23 novembre 2020, l’appelante ne pensait pas qu’elle devait respecter les mêmes exigences de déclaration que les personnes qui suivent une formation pour un métier technique. Par conséquent, rien ne prouve qu’elle menait une recherche d’emploi approfondie qui lui permettrait de trouver un emploi à temps plein. Elle a plutôt cherché des emplois à temps partiel qui s’harmoniseraient avec son horaire de cours.

[17] Toutefois, la Commission a accepté la déclaration de l’appelante selon laquelle elle était disponible pour un emploi à temps plein et à la recherche de ce type d’emploi de la façon suivante : [traduction] « À la suite de la demande de révision, la Commission a finalement décidé que la prestataire ne pouvait pas être considérée comme disponible pour le travail du 23 novembre 2020 au 24 avril 2021, puis du 8 septembre 2021 au 18 décembre 2021. Comme la dernière semaine renouvelable de sa demande était celle du 14 novembre 2021, les prestations devaient refusées [sic] seulement pour cette période. La prestataire a aussi été informée qu’en cas de demande subséquente, les prestations lui seraient refusées en date du 18 décembre 2021 (GD3-38 à GD3-39). En fonction de cette décision modifiée, un avis a été produit le 9 février 2022 affichant une dette réduite à 10 515 $(GD3-40 à GD3-42). »

[18] Je juge que les actions, ou l’absence d’actions, de l’appelante ne montrent pas, pendant toute la période en question et compte tenu de l’exception ci-dessus, un désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Question no 2 : Faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi à temps plein?

[19] Non (pour la période révisée d’inadmissibilité).

[20] Encore là, je n’ai aucune preuve que l’appelante menait une recherche d’emploi approfondie qui lui permettrait de trouver un emploi à temps plein pendant la période d’inadmissibilité.

[21] Même si l’appelante maintient qu’elle était disponible, on s’attend à ce qu’elle ait effectué des activités raisonnables de recherche d’emploi pour avoir droit aux prestations.

[22] L’appelante a expliqué qu’elle devait chercher du travail qui ne nuirait pas à ses études, puisqu’elle ne pouvait pas modifier son horaire de cours et devait assister aux cours.

[23] L’appelante a donc restreint sa recherche d’emploi.

[24] Les activités de recherche d’emploi de l’appelante depuis le 23 novembre 2020 ne peuvent pas être considérées comme des démarches habituelles et raisonnables selon l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[25] Je juge que l’appelante n’a pas démontré, pendant toute la période en question, qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

Question no 3 : A-t-elle établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[26] Oui (pour la période révisée d’inadmissibilité).

[27] L’appelante a déclaré qu’elle avait l’intention d’aller au bout de ses études et non de retourner travailler dès que possible. Compte tenu de son manque d’activités raisonnables de recherche d’emploi et de son investissement de 9 000 $ dans ses études, j’estime que sa déclaration correspond aux faits à ma disposition.

[28] L’appelante n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité pendant son programme universitaire, puisqu’elle a affirmé qu’elle se concentrait sur ses études au lieu d’être disponible pour travailler. Elle a déclaré qu’elle était disponible seulement pour travailler à temps partiel, et non à temps plein.

[29] En résumé, l’appelante suivait un programme d’études qu’aucune autorité désignée par la Commission n’avait approuvé. Elle y consacrait plus de 20 heures par semaine et a choisi de ne pas effectuer des activités raisonnables de recherche d’emploi. Je juge qu’elle a, dans cette affaire, établi des conditions personnelles qui ont pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[30] La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une partie prestataire qui restreint sa disponibilité et qui peut travailler seulement en dehors de son horaire de cours ne démontre pas qu’elle est disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (décisions Duquet c Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2008 CAF 313 et Canada (Procureur général) c Gauthier, 2006 CAF 40).

[31] Une simple déclaration de disponibilité d’une partie prestataire n’est pas suffisante à elle seule pour s’acquitter du fardeau de la preuve (décisions CUB 18828 et CUB 33717).

[32] Même si j’appuie les efforts de l’appelante pour faire toutes ses études et ainsi trouver un emploi convenable, je considère qu’elle n’a pas démontré l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui viendraient réfuter la présomption de non-disponibilité pendant ses études à temps plein. Elle n’est donc pas admissible aux prestations du 23 novembre 2020 au 24 avril 2021, puis du 8 septembre 2021 au 18 décembre 2021.

[33] Par ailleurs, il me semble peu probable qu’une étudiante universitaire puisse mal interpréter la question sur la formation dans les déclarations bimensuelles. La question [traduction] « Étiez-vous aux études ou suiviez-vous un cours de formation pendant la période visée par cette déclaration? » est claire. Il n’y a aucune référence aux métiers techniques. La plupart des gens savent que l’université est considérée comme un lieu d’études postsecondaires.

[34] La Commission reconnaît qu’en raison de la pandémie de COVID-19, certaines exigences liées à la disponibilité pour le travail pendant les études ont été assouplies jusqu’en septembre 2021. Avant le 27 septembre 2020, la disponibilité d’une partie prestataire pour le travail aurait été examinée par la Commission lorsque la personne précisait qu’elle suivait un cours ou un programme de formation non dirigé (non recommandé). À partir du 27 septembre 2020, la disponibilité n’a plus été automatiquement examinée lorsqu’une personne présentait une demande de prestations ou une déclaration bimensuelle et mentionnait qu’elle suivait un programme de formation non dirigé, mais qu’elle était tout de même disponible pour travailler au besoin. Plutôt que d’être examinées, les études sont automatiquement acceptées. Toutefois, la Commission a toujours le pouvoir d’examiner la disponibilité d’une partie prestataire et d’imposer une inadmissibilité rétroactive ou actuelle, si elle décide que sa disponibilité pour le travail, comme l’exigent la loi et la jurisprudence, n’a pas été prouvée. Si une partie prestataire fait une déclaration ou fournit des renseignements qui mettent en doute sa disponibilité pendant qu’elle suit un programme de formation non dirigé, la Commission peut, conformément à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi, « exiger que [la partie prestataire] prouve qu’[elle] fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable ».

[35] L’appelante n’a pas demandé directement s’il était possible que le Tribunal annule le trop-payé (prestations versées en trop), mais je dois expliquer certaines choses étant donné son inquiétude. Il s’agit là d’une décision que seule la Commission peut prendre; le Tribunal n’a pas compétence en la matière. Et la décision de la Commission à ce sujet ne peut pas être portée en appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a entraîné le trop-payé peut être révisée au titre de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi. La responsabilité qui revient à la partie prestataire de rembourser un trop-payé et les intérêts qui en découlent ne peut pas faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions de la Commission. De plus, la responsabilité de la « partie prestataire » devient celle d’une « personne endettée ». Le recours de la partie prestataire à l’égard de telles questions consiste à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.

[36] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payé. Le Tribunal n’a pas compétence pour trancher de telles questions. C’est la Commission qui a ce pouvoir.

[37] L’appelante demande l’annulation du trop-payé. Je suis d’accord avec la position énoncée par la Commission et je note que, selon la loi, sa décision concernant l’annulation d’une somme due ne peut pas être portée en appel devant le Tribunal. Par conséquent, je ne peux pas régler les questions relatives à une demande d’annulation ou de réduction d’un trop-payé.

[38] Ce processus doit être amorcé par l’appelante. C’est elle qui doit demander à la Commission d’annuler la dette.

[39] La Cour fédérale du Canada a compétence pour traiter tout appel sur l’annulation d’un trop-payé. Si l’appelante souhaite déposer un appel en ce sens, elle doit donc s’adresser à la Cour fédérale du Canada.

[40] Finalement, je ne vois rien dans le dossier qui laisse croire que la Commission a informé l’appelante au sujet du programme de remise de dette mis en place par l’Agence du revenu du Canada (ARC). Si le remboursement immédiat du trop-payé aux termes de l’article 44 de la Loi sur l’assurance-emploi lui cause des difficultés financières, l’appelante peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’ARC au 1-866-864-5823. Il se pourrait qu’elle puisse prendre différentes dispositions de remboursement en fonction de sa situation financière personnelle.

[41] Ni le Tribunal ni la Commission n’ont le pouvoir, qu’il soit discrétionnaire ou non, de déroger à des dispositions et à des conditions qui sont claires et imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi, pas même pour des raisons d’équité ou de compassion, des difficultés financières ou des circonstances atténuantes.

Conclusion

[42] Je conclus qu’après avoir porté une attention particulière à toutes les circonstances, l’appelante n’a pas réussi à réfuter l’affirmation selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler du 23 novembre 2020 au 24 avril 2021, puis du 8 septembre 2021 au 18 décembre 2021. Par conséquent, l’appel concernant la disponibilité est rejeté. John Noonan Membre de la division générale, section de l’assurance-emploi

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