Assurance-emploi (AE)

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Citation : JL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1584

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (442904) datée du 11 avril 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Les 22 septembre 2022 et 17 novembre 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 9 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1598

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Je conclus que la décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) de verser à l’appelant des prestations d’assurance-emploi dans le cadre de la Prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU) pour la période échelonnée du 29 mars 2020 au 19 septembre 2020, et non des prestations régulières d’assurance-emploi pour cette période, est justifiéeNote de bas de page 1. L’appelant n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pour cette période.

[3] L’appelant doit rembourser la somme d’argent qui lui a été versée en trop à titre de versement anticipé de prestations de la PAEU (trop-payé)Note de bas de page 2.

Aperçu

[4] Le 6 avril 2020, l’appelant présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 3. Une période de prestations est établie à compter du 29 mars 2020 afin que l’appelant puisse recevoir des prestations de la PAEUNote de bas de page 4.

[5] Le 21 octobre 2021, la Commission l’informe qu’au printemps 2020, il a reçu un paiement initial de 2 000,00 $ à titre d’avance de quatre semaines pour lui verser de l’argent le plus rapidement possible en prestations de la Prestation canadienne d’urgence (PCU). Elle lui explique que le montant maximal qu’il devrait avoir reçu est de 500,00 $ par semaine pendant sa période complète d’admissibilité à la PCU. La Commission lui précise que selon des renseignements à ses dossiers, y compris ceux à propos de ses déclarations, il a reçu plus de prestations que le montant auquel il était admissible. Elle lui indique qu’un avis de dette est inscrit à son dossier et le montant à rembourser, de même que les directives des mesures de remboursementNote de bas de page 5.

[6] Le 11 avril 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit concernant le trop-payé en prestations qui lui a été versé (versement anticipé – recouvrement du paiement forfaitaire). Elle lui précise qu’il recevra un avis de dette et qu’il devrait rembourser le montant des prestations auxquelles il n’avait pas droit. La Commission lui spécifie que le versement de l’avance de 2 000,00 $ a été effectué le 13 avril 2020Note de bas de page 6.

[7] L’appelant explique avoir présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières) et non une demande de prestations de la PAEU ou de la PCU. Il fait valoir que s’il avait reçu des prestations régulières, il n’aurait pas eu une somme d’argent à rembourser pour des prestations qui lui ont été versées en trop. L’appelant explique avoir eu besoin de l’argent qui lui a été versé en prestations. Il affirme avoir remboursé la moitié du montant qui lui a été versé en trop, soit une somme de 1 000,00 $. L’appelant fait valoir que le gouvernement devrait assumer l’autre moitié de la somme qui lui est réclamée. Le 4 mai 2022, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

[8] Bien que dans ce cas, l’appelant réfère aux prestations de la PCU pour décrire le type de prestations qui lui ont été versées, il s’agit, dans son cas, de prestations de la PAEU, étant donné les renseignements donnés par la Commission à cet effet. Même si la Commission réfère aussi au versement de prestations de la PCU dans sa décision du 21 octobre 2021,Note de bas de page 7 elle explique dans son argumentation que l’appelant était admissible au bénéfice des prestations de la PAEUNote de bas de page 8. Je vais ainsi décrire les prestations reçues par l’appelant au cours de la période en cause en référant aux prestations de la PAEU.

[9] Je précise que même si les prestations de la PAEU et celles de la PCU peuvent être considérées comme semblables, il s’agit de deux types différents de prestations. Pendant la période au cours de laquelle ces deux types de prestations étaient disponibles, soit du 15 mars 2020 au 3 octobre 2020 inclusivement, les personnes normalement admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi (prestations régulières ou prestations spéciales) ont reçu des prestations de la PAEU et celles qui n’y étaient pas normalement admissibles ont, quant à elles, reçu des prestations de la PCU, si elles remplissaient les conditions requises pour en recevoir. Le montant versé dans les deux cas était le même, soit 500,00 $ par semaine.

Questions préliminaires

[10] Dans le présent dossier, la Commission explique, dans des résumés de ses conversations avec l’appelant, que le trop-payé en prestations concerne uniquement une partie du versement anticipé que celui-ci a reçu dans le cadre de la PAEU, soit une somme de 1 000,00 $Note de bas de page 9. Elle précise que le trop-payé dont il est question dans ce cas, ne concerne pas une autre somme d’argent versée en trop à l’appelant en prestations de la PAEU, soit la somme de 1 500,00 $, représentant trois semaines de prestations, soit celles échelonnées du 29 mars 2020 au 18 avril 2020Note de bas de page 10. Dans le résumé d’une conversation tenue avec l’appelant, en date du 31 mars 2022, la Commission précise que ce trop-payé n’a pas encore été établi et qu’il le sera ultérieurementNote de bas de page 11.

[11] Je précise que ma décision porte donc uniquement sur la somme de 1 000,00 $ qui est réclamée à l’appelant et représentant un trop-payé à titre de versement anticipé de prestations de la PAEU et non sur l’autre trop-payé de 1 500,00 $ auquel la Commission réfère.

Questions en litige

[12] Je dois déterminer si la décision de la Commission de verser à l’appelant des prestations de la PAEU pour la période échelonnée du 29 mars 2020 au 19 septembre 2020, au lieu des prestations régulières d’assurance-emploi, est justifiéeNote de bas de page 12.

[13] Je dois également déterminer si les prestations versées en trop à l’appelant doivent être rembourséesNote de bas de page 13.

Analyse

Versement de prestations de la PAEU à l’appelant

[14] En raison de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 14, la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée entre autres, avec la mise en place de la PAEU. Différentes raisons permettent de devenir prestataire de la PAEU. Ce type de prestations n’est pas seulement destiné aux personnes qui ont cessé de travailler pour les raisons liées à la COVID-19.

[15] L’une des raisons qui permettent à un prestataire de recevoir des prestations de la PAEU est que sa période de prestations aurait pu être établie au cours de la période du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020 inclusivement, pour bénéficier, entre autres, de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 15. Toutefois, au cours de cette période, aucune période de prestations ne peut être établie à l’égard de prestations régulières d’assurance-emploi ou de prestations spéciales (ex. : prestations de maladie)Note de bas de page 16.

[16] Le montant de la PAEU est de 500,00 $ par semaineNote de bas de page 17.

[17] Dans le présent dossier, je considère que le seul type de prestations auxquelles l’appelant était admissible pour la période en cause, suivant la présentation de sa demande de prestations le 6 avril 2020, était des prestations de la PAEU.

[18] La Commission fait valoir qu’aucune période de prestations régulières d’assurance-emploi ou de prestations spéciales (ex. : prestations de maladie) n’a été établie entre le 15 mars 2020 et le 26 septembre 2020Note de bas de page 18. Elle précise que ces demandes étaient plutôt considérées comme des demandes de prestations d’urgence de l’assurance-emploi, selon les dispositions prévues à la LoiNote de bas de page 19.

[19] La Commission explique que les personnes ayant demandé des prestations de la PAEU, dont la demande a été finalisée avant le 15 juin 2020, ont reçu un paiement anticipé de 2 000,00 $ immédiatement après l’établissement de leur demandeNote de bas de page 20. Elle précise qu’elle était autorisée à verser des prestations de la PAEU avant le moment normalement prévu pour le faireNote de bas de page 21. La Commission spécifie que cette avance équivalait à quatre semaines de prestations de la PAEU qui devaient être versées plus tard au cours de la demande afin que les personnes qui en avaient fait la demande les reçoivent le plus rapidement possibleNote de bas de page 22.

[20] De son côté, l’appelant indique avoir reçu des prestations de la PAEU pour la période du 29 mars 2020 au 19 septembre 2020, incluant le paiement anticipé de 2 000,00 $Note de bas de page 23.

[21] Il fait valoir qu’il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, en date du 6 avril 2020, pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi et non pour recevoir des prestations d’assurance-emploi d’urgence (PAEU ou PCU)Note de bas de page 24.

[22] L’appelant souligne que lorsqu’il a cessé de travailler avant de présenter sa demande de prestations, il avait accumulé un nombre suffisant d’heures assurables pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi selon le taux de prestations hebdomadaires prévu. Il souligne également avoir payé des cotisations d’assurance-emploi pour recevoir ce type de prestations.

[23] L’appelant fait valoir qu’en lui versant des prestations de la PAEU, au lieu des prestations régulières, le gouvernement a changé les règles contre son gré.

[24] Bien que l’appelant fasse valoir qu’il a présenté une demande de prestations le 6 avril 2020 pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, les dispositions prévues à la Loi, en lien avec la pandémie de COVID-19, ne lui permettent pas de recevoir de telles prestationsNote de bas de page 25.

[25] Le fait qu’une période de prestations aurait pu être établie au profit de l’appelant pour qu’il bénéficie de prestations régulières à partir du 29 mars 2020, soit durant la période du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020 inclusivement, n’est pas contesté. Par conséquent, l’appelant doit être considéré comme un « prestataire » aux fins de la PAEUNote de bas de page 26.

[26] Cela signifie qu’une période de prestations ne peut être établie au profit de l’appelant afin qu’il puisse bénéficier des prestations régulièresNote de bas de page 27.

[27] La Loi ne lui donne pas le choix. L’appelant ne peut recevoir des prestations régulières pour la période du 29 mars 2020 au 19 septembre 2020Note de bas de page 28.

[28] Le montant pouvant être versé à l’appelant en prestations de la PAEU est de 500,00 $ par semaine (montant de l’allocation)Note de bas de page 29.

[29] Ce montant ne peut être établi en fonction du taux de prestations hebdomadaires prévu dans la partie de la Loi qui établit le taux de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 30.

[30] En résumé, les prestations auxquelles l’appelant a droit sont celles de la PAEU, selon un montant établi à 500,00 $ par semaine. L’appelant ne peut être admissible au bénéfice des prestations régulières.

[31] J’estime que la Commission démontre que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi puisque des prestations de ce type n’étaient pas disponibles pour la période pour laquelle ce dernier en a demandé.

Remboursement des prestations versées en trop

[32] La somme d’argent représentant les prestations versées en trop à l’appelant doit être remboursée.

[33] Si une personne a reçu des prestations d’assurance-emploi, ce qui inclut des prestations de la PAEU, auxquelles elle n’était pas admissible ou parce qu’elle était exclue du bénéfice de ces prestations, elle est tenue de les rembourser ou de rembourser le versement excédentaire qui en a découléNote de bas de page 31.

[34] La Commission dispose d’un délai de 36 mois pour examiner de nouveau toute demande au sujet de prestations payées ou payables à un prestataire, incluant les prestations de la PAEU, et ce délai est de 72 mois si elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 32.

[35] La Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Le 13 avril 2020, l’appelant a reçu un versement anticipé de 2 000,00 $. Ce versement équivaut à quatre semaines de prestations de la PAEUNote de bas de page 33 ;
  2. b) L’appelant était admissible au bénéfice des prestations de la PAEU pour une période de 18 semaines, échelonnée sur la période du 29 mars 2020 au 19 septembre 2020 car, selon ses déclarations, il a effectué un retour au travail au cours de la semaine ayant débuté le 20 septembre 2020Note de bas de page 34 ;
  3. c) L’appelant a reçu des prestations de la PAEU pour 16 semaines sur les 18 semaines pendant lesquelles il pouvait en recevoir, car il n’y était pas admissible pour les deux semaines échelonnées du 9 au 22 août 2020, étant donné qu’une « récupération automatique » d’une partie du versement anticipé de 2 000,00 $ qu’il avait reçu a été effectuéeNote de bas de page 35 ;
  4. d) Une « inadmissibilité administrative » a alors été créée pour empêcher le paiement de prestations de la PAEU pour les deux semaines en question. Dans une demande de prestations d’assurance-emploi d’urgence, lorsque le « compteur de semaines payées » avait atteint 12 semaines, un « code d’inadmissibilité » était alors imposé pour les deux semaines suivantes, soit pour les 13e et 14e semaines, de sorte qu’aucun paiement n’était effectué. Une deuxième inadmissibilité de deux semaines était ensuite imposée après que des prestations aient été versées pendant 17 semaines, soit pour les 18e et 19e semaines, ce qui dans beaucoup de cas a permis de récupérer le paiement du versement anticipé de 2 000,00 $ reçuNote de bas de page 36 ;
  5. e) Les deux semaines pour lesquelles une récupération automatique a été effectuée (semaines échelonnées du 9 au 22 août 2020 – 13e et 14e semaines), représentent une somme de 1 000,00 $Note de bas de page 37 ;
  6. f) En incluant la somme de 2 000,00 $ payée à l’appelant à titre de versement anticipé, l’appelant a reçu des prestations pour une période équivalant à 20 semainesNote de bas de page 38 ;
  7. g) Les prestations versées en trop représentent deux semaines de prestations, soit une somme de 1 000,00 $. Cette somme n’a pu être récupérée à partir des prestations versées pendant la période pour laquelle il en a reçuesNote de bas de page 39 ;
  8. h) L’appelant ne démontre pas qu’il aurait été admissible au bénéfice des prestations de la PAEU pour une période de deux semaines, après le 19 septembre 2020Note de bas de page 40.

[36] De son côté, l’appelant fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Il est en désaccord avec le fait de devoir rembourser la somme de 1000,00 $ qui lui a été versée en trop en prestations de la PAEU ;
  2. b) Si des prestations régulières lui avaient été versées, il n’aurait eu aucune somme à rembourser ;
  3. c) Il a eu besoin des prestations qui lui ont été versées pour vivre, à la suite de la perte de son emploi en raison de la pandémieNote de bas de page 41 ;
  4. d) Puisqu’il a déjà payé la moitié du montant qui lui a été versé en trop en prestations (trop-payé), soit une somme de 1 000,00 $, le gouvernement devrait rembourser l’autre moitié de ce montant.

[37] Malgré le désaccord de l’appelant avec le fait qu’il doive rembourser la somme de 1 000,00 $ représentant une partie du versement anticipé qu’il a reçu en prestations de la PAEU, il demeure qu’il doit rembourser cette somme.

[38] L’appelant a reçu un versement anticipé de 2 000,00 $, en plus de recevoir des prestations pour une période de 16 semaines.

[39] Ce faisant, il a reçu des prestations pour une période équivalant à 20 semaines, alors qu’il pouvait en recevoir pour une période de 18 semaines.

[40] Seule une partie du versement anticipé de 2 000,00 $ a pu être récupérée par la Commission pour la période pour laquelle des prestations de la PAEU ont été versées à l’appelant.

[41] Selon les explications de la Commission, la récupération de l’autre partie du versement anticipé n’a pu être effectuée, car l’appelant a cessé de recevoir des prestations de la PAEU avant ce moment, étant donné qu’il a effectué un retour au travail au cours de la semaine ayant débuté le 20 septembre 2020Note de bas de page 42.

[42] La partie du versement anticipé de 2 000,00 $ que la Commission n’a pas été en mesure de récupérer lorsqu’elle lui a versé des prestations de la PAEU, soit une somme de 1 000,00 $, représente ainsi un versement excédentaire qui doit être remboursé.

[43] La Cour d’appel fédérale (la Cour) nous informe que le montant du versement excédentaire indiqué dans un avis de dette devient remboursable à la date de notification et que la personne qui reçoit un versement excédentaire de prestations est tenue d’en restituer immédiatement le montantNote de bas de page 43.

[44] La situation de l’appelant ne peut avoir pour effet de l’exempter de son obligation de rembourser le montant du trop-payé réclamé pour des prestations qui lui ont été versées en trop.

[45] Bien que sympathique à la cause de l’appelant, la Cour nous informe qu’il n’est pas permis aux arbitres, ce qui inclut le Tribunal, de réécrire la Loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 44.

[46] Je considère que la Commission est justifiée de réclamer le montant du trop-payé à l’appelant. Il appartient à la Commission d’examiner les modalités de remboursement de la somme d’argent qu’elle lui réclame.

Conclusion

[47] Je conclus que la décision de la Commission de verser à l’appelant des prestations d’assurance-emploi, selon le montant hebdomadaire prévu dans le cadre de la PAEU, est justifiée. L’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pour la période échelonnée du 29 mars 2020 au 19 septembre 2020.

[48] La somme d’argent représentant les prestations versées en trop à l’appelant pour la période en cause, et qui lui est réclamée par la Commission, doit être remboursée selon les modalités établies par cette dernière.

[49] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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