Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1491

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : S. A.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (435497) datée du 28 septembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 février 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 28 février 2022
Numéro de dossier : GE-21-2331

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler à compter du 16 février 2022. Cela signifie qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire pourrait donc avoir droit à des prestations.

Aperçu

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a décidé que la prestataire était inadmissible à des prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 24 mai 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 1.

[3] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi et qu’elle ne peut imposer de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances d’obtenir un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer que, selon toute vraisemblance, elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle a limité sa disponibilité pour travailler de sorte qu’il est peu probable qu’elle puisse trouver un employeur qui pourrait s’adapter aux heures limitées pendant lesquelles elle peut travaillerNote de bas de page 2.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme que la Commission n’a pas tenu compte de tous les faits de son dossierNote de bas de page 3.

Questions que je dois examiner en premier

La deuxième demande d’ajournement a été refusée

[7] La présente affaire a déjà été ajournée parce que la prestataire avait l’intention d’obtenir un représentant juridiqueNote de bas de page 4. Cela ne s’est pas produit. La prestataire a demandé un deuxième ajournement, mais cette demande a été refusée parce que sa situation n’était pas exceptionnelleNote de bas de page 5.

Documents déposés après l’audience

[8] À l’audience, la prestataire a témoigné qu’elle a fait des démarches pour trouver un emploi, mais qu’elle aurait besoin de temps pour réunir les renseignements dans une liste. J’ai demandé à la prestataire de soumettre une copie de sa liste d’emplois après l’audience parce que ces renseignements étaient pertinents à son dossier.

[9] La prestataire a présenté plusieurs documents détaillés, dont une liste d’emplois, plusieurs curriculum vitae, des copies de demandes d’emploi, divers courriels qu’elle a envoyés pour obtenir de l’aide, ainsi que d’autres ressources liées à l’emploiNote de bas de page 6. Le Tribunal a envoyé une copie de ces documents à la Commission et lui a donné la possibilité de répondre. Aucune réponse n’a été reçue avant la date limite ou à ce jourNote de bas de page 7.

[10] J’ai envoyé une lettre à la prestataire après l’audience pour l’informer qu’aucun autre document n’était requis, car la décision allait suivreNote de bas de page 8. La prestataire a ensuite présenté d’autres documents après l’audience concernant ses démarches de recherche d’emploiNote de bas de page 9. J’ai accepté les documents présentés après l’audience parce qu’ils étaient pertinents et les ai versés au dossier. Une copie a été transmise à la Commission.

Question en litige

[11] La prestataire était-elle disponible pour travailler à compter du 24 mai 2021?

Analyse

[12] Deux dispositions différentes de la loi exigent que le prestataire démontre qu’il est disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible conformément à ces deux dispositions. Elle doit donc satisfaire aux critères des deux dispositions pour obtenir des prestations.

[13] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit que le prestataire doit prouver qu’il fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 10. Le Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement) énonce des critères qui permettent de comprendre ce que sont des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 11 ». Je vais examiner ces critères plus loin.

[14] Deuxièmement, la Loi dispose que le prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 12. La jurisprudence énumère trois éléments que le prestataire doit prouver pour démontrer qu’il est « disponible » en ce sensNote de bas de page 13. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[15] La Commission a déterminé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux dispositions de la loi.

[16] Je vais maintenant examiner ces deux dispositions pour déterminer si la prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[17] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 14. Je dois établir si ses démarches étaient soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué de chercher un emploi convenable.

[18] Je dois également tenir compte des démarches faites par la prestataire pour trouver un emploi. Le Règlement dresse une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques-unes de ces activitésNote de bas de page 15 :

  • la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation;
  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement;
  • la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi;
  • la présentation de demandes d’emploi;
  • la participation à des entrevues.

[19] La prestataire a témoigné qu’elle a cherché et postulé des emplois en ligne, s’est inscrite à divers centres d’emploi et de carrière, a mis à jour plusieurs curriculum vitæ et lettres de présentation, a assisté à des salons de l’emploi en ligne, a acheté des vêtements et des appareils fonctionnels appropriés pour le travail, a amélioré ses compétences techniques et a passé plusieurs entrevues. La prestataire a présenté des documents justificatifs pour démontrer toutes ses démarches de recherche d’emploiNote de bas de page 16.

[20] La Commission convient que la prestataire a fait des démarches de recherche d’emploi, notamment en postulant des emplois et en obtenant une aide visuelle pour l’aider à accéder aux transports en communNote de bas de page 17.

[21] Je conclus que la prestataire a prouvé que ses démarches de recherche d’emploi étaient raisonnables et habituellesNote de bas de page 18. La prestataire a démontré que ses démarches ont été soutenues tout au long de la période d’inadmissibilité, soit à compter du 24 mai 2022. Elle a fait différentes démarches pour tenter d’obtenir un emploi convenable. Cela signifie qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi au titre de cette dispositionNote de bas de page 19.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[22] La jurisprudence énonce trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 20 :

  1. a) Elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. b) Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (en d’autres termes, trop) ses chances de retourner au travail.

[23] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite de la prestataireNote de bas de page 21.

Désir de retourner au travail

[24] La prestataire a affirmé dans son témoignage qu’elle souhaite retourner au travail. La Commission ne conteste pas le désir de travailler de la prestataire parce qu’elle a souligné que la prestataire a continuellement exprimé son désir de retourner travailler à temps pleinNote de bas de page 22.

[25] Par conséquent, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[26] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi susmentionnée pour statuer sur ce deuxième élément. Pour cet élément, la liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 23.

[27] Les démarches que la prestataire a faites pour trouver un nouvel emploi sont les suivantes : 

  1. a) la recherche d’emploi en ligne;
  2. b) la présentation de demandes d’emploi;
  3. c) l’inscription à un centre d’emploi et de carrière;
  4. d) la mise à jour de son curriculum vitæ et de sa lettre de présentation;
  5. e) la participation à des salons de l’emploi en ligne;
  6. f) l’achat de vêtements et d’appareils fonctionnels appropriés pour le travail;
  7. g) la participation à une formation technique pour parfaire ses compétences;
  8. h) la participation à des entrevues.

[28] Je conclus que la prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable. Ces démarches ont été suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième élément parce qu’elle a fait différents efforts continus et a fait de son mieux pour obtenir un emploi.

Limiter indûment les chances de retourner au travail

[29] Je ne crois pas que l’incapacité visuelle de la prestataire soit une condition personnelle qu’elle a imposée, ou qu’elle limite ses chances de retourner au travail. Je reconnais que la prestataire a fait des efforts importants pour se procurer des appareils fonctionnels, dont certains à ses frais, pour l’aider à accomplir des tâches liées à son emploi. Je reconnais également qu’elle est en mesure d’occuper de nombreux emplois convenables compte tenu de ses compétences et de son expérience de travail.

[30] Je ne crois pas que le besoin de la prestataire de travailler près de son domicile soit une condition personnelle qui limite ses chances de retourner au travail. Auparavant, la prestataire était incapable d’utiliser les transports en commun en raison de son incapacité visuelle, car elle ne peut pas voir les numéros d’autobus, surtout la nuit. Toutefois, la prestataire a depuis confirmé qu’elle pourra faire appel au service accessible « TransHelp » offert dans la région qui lui offrira le transport porte à porte lorsqu’elle trouvera un emploi. Cette solution élimine la crainte qu’elle avait de se perdre si elle prenait l’autobus la nuit.

[31] Cependant, je conclus que la prestataire a imposé une condition personnelle à compter du 23 mai 2021 qui aurait pu limiter ses chances de retourner au travail parce qu’elle n’était disponible que pendant certaines heures de la journée.

[32] La prestataire a dit à la Commission à plusieurs reprises qu’elle n’était disponible pour travailler que de 8 h à 14 h 30 parce qu’elle n’avait pas de service de garde pour son filsNote de bas de page 24. 

[33] À l’audience, la prestataire affirme maintenant qu’elle pourrait travailler à n’importe quelle heure si elle trouvait du travail à distance. Elle a expliqué avoir travaillé à distance pour son ancien employeur pendant la pandémie. Par exemple, les jours où elle devait se rendre au bureau, elle amenait son fils de 10 ans au travail. Elle a aussi lancé une entreprise d’enseignement en ligne à temps partiel de la maison.

[34] Je conviens avec la prestataire que le travail à distance est une possibilité et constitue un emploi convenable compte tenu de ses compétences et de son expérience. Toutefois, je remarque que certains des postes de vente au détail pour lesquels elle a postulé ne convenaient pas à son exigence de travailler à la maison ni aux heures où elle était disponible (chez TJ Maxx et Walmart), ce qui, de toute évidence, limitait ses chances de retourner au travail. De plus, je ne peux pas ignorer le fait qu’elle a dit à la Commission que les heures où elle était disponible pour travailler étaient limitées aux périodes où son enfant était à l’écoleNote de bas de page 25. Elle a également dit à la Commission que la recherche de services de garde et le coût de ceux-ci constituaient des obstacles à l’obtention d’un emploi.

[35] La prestataire affirme maintenant que sa situation a changé en ce qui concerne les services de garde. Elle a communiqué depuis avec une travailleuse sociale qui lui a présenté des options de services de garde après la classe et a demandé une subvention pour la garde d’enfants pour l’aider à payer les services. Elle a également parlé à deux voisins qui ont accepté de garder son enfant à l’occasion si elle trouvait un emploi qui l’oblige à travailler à l’extérieur de son domicile.

[36] J’ai demandé à la prestataire quand elle a commencé à prendre ces dispositions pour la garde de son enfant. Elle ne se souvenait pas de la date exacte, mais elle a dit qu’il y avait un courriel dans le dossier. J’ai relevé un courriel daté du 6 décembre 2021 qu’elle a envoyé au Tribunal et qui laisse entendre qu’elle l’avait et allait commencer à prendre des dispositions pour la garde de son enfantNote de bas de page 26.

[37] Dans ce courriel envoyé au Tribunal, la prestataire a écrit que ses difficultés actuelles sont moins nombreuses parce qu’elle a depuis obtenu une carte de l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA) qui lui permet de prendre l’autobus gratuitement et qu’elle est admissible au service TransHelp, qui offre le transport porte à porteNote de bas de page 27. À ce moment-là, elle a dit qu’elle attendait une carte d’accès TransHelp et qu’elle avait l’intention de demander la subvention pour la garde d’enfants et de communiquer avec le programme de garde après la classe qui prend les enfants à l’école.

[38] Je dois donc décider quand la prestataire a commencé à faire des démarches pour obtenir des services de garde et a ainsi éliminé cette condition personnelle. Il s’agit d’un élément important, car si elle peut démontrer qu’elle a trouvé ou peut trouver un service de garde, elle pourrait travailler à l’extérieur de son domicile ou à distance et ne serait pas limitée aux heures de classe de son fils. Elle doit démontrer qu’elle faisait des démarches pour y arriver. 

[39] Premièrement, la prestataire n’a pas pu fournir la date exacte à laquelle elle a commencé à faire des démarches pour trouver un service de garde ou à quel moment elle a effectivement trouvé un service de garde.

[40] Deuxièmement, certains courriels montrent qu’elle a fait des démarches actives du 22 au 24 novembre 2021 pour trouver un service de gardeNote de bas de page 28.

[41] Troisièmement, le courriel du 6 décembre 2021 de la prestataire indique qu’elle a parlé à la personne chargée de son dossier pour le programme Ontario au travail quelques mois auparavant au sujet d’une subvention pour la garde d’enfants, mais qu’on lui a ensuite dit qu’ils n’étaient pas admissibles à la subvention parce que son fils avait 10 ansNote de bas de page 29. Dans ce courriel, elle a déclaré qu’elle communiquera avec sa travailleuse sociale au sujet d’une subvention pour la garde d’enfants et les services de garde. Elle a également découvert un programme d’arts martiaux après la classe qui pourrait prendre son fils à l’école comme option. Plus récemment, elle a envoyé une demande de renseignements le 16 février 2022 au sujet d’autres services de gardeNote de bas de page 30.

[42] Je conclus que la prestataire a maintenant prouvé qu’elle avait pris des dispositions pour la garde de son enfant si elle obtenait un emploi. À mon avis, elle n’a commencé à chercher activement un service de garde que vers ou après le 6 décembre 2021.

[43] Je suis convaincue que si elle obtient un emploi, que ce soit à distance, dans un bureau ou en mode hybride, elle a pris des dispositions pour que son fils soit gardé pendant qu’elle travaille. Par conséquent, j’ai décidé d’éliminer l’inadmissibilité aux prestations à compter du 16 février 2022.

Donc, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

[44] D’après mes conclusions sur les trois éléments, je suis d’avis que la prestataire n’a pas démontré qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenable du 24 mai 2021 au 15 février 2022 parce qu’elle n’avait pas pris des dispositions pour la garde de son enfant.

[45] Toutefois, je suis convaincue qu’elle a éliminé cette condition personnelle et a pris des dispositions pour la garde de son enfant à compter du 16 février 2022. Cela signifie qu’elle est devenue disponible pour travailler à partir du 16 février 2022.

Conclusion

[46] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi à compter du 16 février 2022. Pour cette raison, je conclus que la prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à partir de cette date seulement.

[47] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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