Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1507

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : H. W.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (500022) datée du 20 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 26 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 2 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2781

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Cela signifie qu’elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. L’employeur de la prestataire affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle a contrevenu à sa politique de vaccination contre la COVID-19 en refusant de divulguer son statut vaccinal.

[4] La prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, mais affirme que le fait de contrevenir à la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux éléments. D’abord, je dois déterminer pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[8] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. Les parties conviennent qu’elle a été congédiée parce qu’elle a refusé de déclarer son statut vaccinal.

Le motif du congédiement de la prestataire est-il une inconduite au sens de la loi?

[9] Le motif du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[10] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne précise pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux administratifs et judiciaires) nous indique comment déterminer si le congédiement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[11] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[12] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[13] La loi ne précise pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas de page 6. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 7.

[14] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si la prestataire a d’autres options selon d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de la prestataireNote de bas de page 8. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.

[15] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer que, selon toute vraisemblance, la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[16] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes quant à la vaccination et à la divulgation de son statut vaccinal;
  • la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle perdrait son emploi si elle ne respectait pas la politique.

[17] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • la politique de vaccination de l’employeur est déraisonnable, intrusive, illégale, porte atteinte à ses droits et ne réduira pas la transmission de la COVID-19;
  • le vaccin contre la COVID-19 est dangereux pour sa santé;
  • la vaccination n’était pas une condition d’emploi prévue dans sa convention collective;
  • elle était une très bonne employée et son refus de se faire vacciner ne nuisait pas à l’exécution de ses tâches, qu’elle exécutait très bien, sans être vaccinée, avant de perdre son emploi;
  • l’employeur n’avait pas à la congédier parce qu’elle n’avait pas été vaccinée;
  • elle ne pensait pas que son employeur allait réellement la congédier.

[18] La prestataire a travaillé pour l’employeur comme bibliothécaire pendant deux ans et demi.

[19] L’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire le 2 septembre 2021. Un courriel a été envoyé aux employés pour les diriger vers la politique et vers une feuille de questions et réponses sur la politique. Cette politique s’appliquait à tous les employés. La prestataire a témoigné que la politique s’appliquait à elle.

[20] La politique indique ce qui suit :

  • tous les employés doivent avoir reçu une série complète de vaccins contre la COVID-19 au plus tard le 30 octobre 2021;
  • tous les employés doivent présenter une preuve de vaccination;
  • les employés qui ne présentent pas la preuve qu’ils sont entièrement vaccinés au plus tard le 20 septembre 2021 doivent suivre une formation obligatoire et devront également se faire vacciner;
  • les employés qui ne respectent pas la politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[21] La politique prévoit que des mesures d’adaptation peuvent être demandées par écrit. La prestataire n’a pas demandé d’exemption.

[22] Il est précisé dans la feuille de questions et réponses que le fait de ne pas déclarer le statut vaccinal entraînera les mêmes conséquences que celui de ne pas être vacciné. Notamment, l’employé peut faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[23] La feuille de questions et réponses décrit les conséquences du fait de ne pas suivre la formation obligatoire. Elle indique que [traduction] « [l]es employés qui ne respectent pas cette politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ». La prestataire n’a pas suivi la formation obligatoire.

[24] La feuille de questions et réponses traite de la question de savoir si l’employé perdra son emploi s’il décide de ne pas se faire vacciner. Elle indique ce qui suit : [traduction] « [à] l’heure actuelle, l’accent est mis sur la formation et la vaccination du personnel […] Les employés qui ne se conforment pas à la présente politique […] peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. »

[25] La feuille de questions et réponses indique que les tests réguliers et le travail à domicile ne sont pas autorisés comme solutions de rechange à la vaccination.

[26] La prestataire a été mise en congé non payé (suspendue) le 1er novembre 2021 parce qu’elle n’a pas déclaré son statut vaccinal contre la COVID-19. L’employeur lui a dit que si elle ne s’était pas conformée à sa politique le 13 décembre 2021, elle serait congédiéeNote de bas de page 10.

[27] La date limite pour se conformer à la politique de vaccination de l’employeur a été reportée au 2 janvier 2022. L’employeur a dit à la prestataire que si elle n’avait pas fourni la preuve qu’elle était entièrement vaccinée d’ici là, elle serait congédiéeNote de bas de page 11.

[28] La prestataire n’a pas fourni de preuve qu’elle avait été vaccinée au plus tard le 2 janvier 2022, de sorte qu’elle a été congédiéeNote de bas de page 12.

[29] Il est évident que la prestataire a fait le choix conscient et délibéré de ne pas se conformer aux exigences de son employeur énoncées dans la politique de vaccination obligatoire. Elle a confirmé dans son avis d’appel et dans son témoignage à l’audience qu’elle avait refusé de divulguer son statut vaccinal à son employeur.

[30] Je dois également déterminer si la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur l’empêcherait de remplir ses obligations professionnelles.

[31] Elle soutient qu’elle a pu remplir ses obligations professionnelles sans être vaccinée et qu’elle l’a fait jusqu’à sa suspension le 1er novembre 2021. Toutefois, elle a confirmé à l’agent de la Commission le 3 mai 2022Note de bas de page 13 qu’elle savait que, si elle ne respectait pas la politique, elle ne serait pas autorisée à continuer de travailler.

[32] La prestataire a également témoigné qu’elle savait qu’elle ne pouvait pas retourner au travail sans fournir la preuve qu’elle était vaccinée. Elle savait que les employés non vaccinés qui n’avaient pas d’exemption n’étaient pas autorisés à travailler après le 30 octobre 2021. Elle savait donc que, si elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19, elle ne pouvait pas exécuter ses obligations envers son employeur.

[33] Pour décider s’il y a eu inconduite, je dois également vérifier si la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée si elle ne respectait pas la politique de vaccination de son employeur.

[34] L’employeur a dit à l’agent de la CommissionNote de bas de page 14 que la prestataire avait été avisée de sa politique de vaccination, mais qu’elle avait refusé de se faire vacciner. Il a affirmé que la prestataire avait été informée qu’elle allait être congédiée.

[35] La prestataire a témoigné qu’elle ne pensait pas que l’employeur allait réellement la congédier parce qu’elle n’avait pas été vaccinée. Elle espérait qu’il ne viendrait pas à une mesure aussi extrême. Elle a déclaré que, dans ses communications, l’employeur ne fermait pas la porte à d’autres solutions, comme les tests, les ententes de travail à domicile ou les congés temporaires. Et d’autres employeurs n’avaient pas congédié leurs employés parce qu’ils n’étaient pas vaccinés.

[36] Elle affirme que les communications de l’employeur n’indiquaient pas clairement que la non-vaccination entraînerait le congédiement. Elle ajoute qu’elle croyait que le congé sans solde était la peine la plus sévère qu’elle allait subir. Toutefois, je conclus que la politique de l’employeur ainsi que ses communications directes avec la prestataire indiquaient clairement que, si elle ne se conformait pas à sa politique de vaccination, elle serait congédiée.

[37] La prestataire soutient que son employeur a minimisé la possibilité du congédiement; elle cite la feuille de questions et réponses dans laquelle il est indiqué ce qui suit : [traduction] « à l’heure actuelle, l’accent est mis sur la formation et la vaccination du personnel ». Toutefois, la feuille de questions et réponses indiquait également que [traduction] « les employés qui ne se conforment pas à la présente politique […] peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ».

[38] Dans son courriel du 2 septembre 2021 au sujet de la politique de vaccination obligatoire, l’employeur a précisé que tous les employés devaient être vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. Bien que la possibilité du congédiement n’ait pas été mentionnée dans ce courriel, les employés ont été dirigés vers la feuille de questions et réponses qui indique clairement cette conséquence éventuelle.

[39] Dans un courriel envoyé le 21 septembre 2021 aux employés, l’employeur a affirmé que [traduction] « la non-conformité sera traitée au cas par cas ». Il invitait les employés à consulter la feuille de questions et réponses sur la politique. La feuille de questions et réponses indique clairement que le congédiement est une conséquence éventuelle du non-respect de la politique.

[40] Dans une lettre datée du 29 octobre 2021, l’employeur a dit à la prestataire qu’elle était suspendue sans solde à compter du 1er novembre 2021 et qu’elle le demeurerait jusqu’à ce qu’elle se conforme à sa politique de vaccination. L’employeur lui a dit que, si elle ne s’y conformait pas au plus tard le 12 décembre 2021, elle serait congédiée.

[41] Dans une lettre datée du 30 octobre 2021, l’employeur a dit à la prestataire que la date limite pour se conformer à la politique de vaccination était reportée au 2 janvier 2022. L’employeur lui a dit que, si elle ne s’y était pas conformée à la date limite, elle serait congédiée le 2 janvier 2022.

[42] La prestataire a témoigné à l’audience qu’elle ne croyait pas que l’employeur la congédierait parce qu’il continuait de repousser le délai pour se conformer à la politique. Elle espérait qu’il continuerait de prolonger son congé sans solde. Bien que je reconnaisse que l’employeur a accordé des prolongations à la prestataire pour se conformer à la politique, il a clairement indiqué que si elle ne s’y conformait pas elle serait congédiée.

[43] Je conclus que la prestataire savait, ou du moins aurait dû savoir, qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi si elle ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur. Cela s’explique par le fait que la politique de l’employeur, la feuille de questions et réponses qui y était jointe et les communications de l’employeur à la prestataire indiquaient clairement qu’elle serait congédiée si elle ne se conformait pas à sa politique de vaccination.

[44] Enfin, l’inconduite alléguée de la prestataire doit lui avoir fait perdre son emploi. Les parties conviennent que le fait de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur est la raison pour laquelle elle a perdu son emploi.

[45] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a prouvé ce qui suit :

  • l’employeur avait une politique de vaccination exigeant que tous les employés présentent une preuve de vaccination;
  • l’employeur a clairement dit à la prestataire ce qu’il attendait d’elle en ce qui concerne la présentation d’une preuve de vaccination;
  • la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pourrait être congédiée si elle ne fournissait pas une preuve de vaccination;
  • la prestataire n’a pas déclaré son statut vaccinal et savait qu’elle ne pourrait pas faire son travail pour cette raison;
  • sa conduite était délibérée;
  • son défaut de se faire vacciner lui a fait perdre son emploi.

Par conséquent, la prestataire a‑t‑elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

[46] Bien que je sois sensible à la situation de la prestataire et à ses réelles préoccupations au sujet des effets possibles du vaccin, je ne peux modifier la loi. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, j’estime que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[47] Cela s’explique par le fait que les actes de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait ou aurait dû savoir que le refus de fournir une preuve de vaccination allait vraisemblablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[48] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[49] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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