Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1586

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (468514) datée du 6 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 27 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1896

Sur cette page

Décision

[1]   L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2]   La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3]   La prestataire a perdu son emploi. Son employeur dit qu’elle a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner et n’a pas suivi les règles de dépistage.

[4]   Même si la prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, elle affirme que contrevenir à la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5]   La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer le congédiement. Elle a estimé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission a donc conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6]   La politique exige que les employés fournissent une preuve de vaccination, une exemption médicale ou qu’ils participent à un programme de sensibilisation sur la vaccination. Les employés qui ne fournissent pas de preuve de vaccination sont soumis à des tests de dépistage réguliers.

[7]   La prestataire affirme qu’elle a refusé de se faire vacciner parce qu’elle craignait pour sa sécurité. Elle dit qu’elle a refusé de subir des tests de dépistage en raison de ses préoccupations de sécurité et du stress lié aux résultats faux positifs.

[8]   La prestataire soutient que l’employeur a modifié les modalités de son contrat de travail. Elle dit que sa politique va à l’encontre de ses droits fondamentaux et que l’employeur aurait dû lui permettre de travailler de la maison. Elle affirme qu’elle prenait d’autres mesures de précaution.

Question en litige

[9]   La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi dit qu’on ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de congédiement qu’en cas de suspensionNote de bas de page 2.

[11] Pour savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois examiner pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[12] Je conclus que la prestataire a été mise à pied parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

[13] La prestataire ne conteste pas que cela s’est produit.

[14] La Commission dit que la prestataire a été informée de la politique et de ce qu’on attendait d’elle. Elle savait qu’elle perdrait son emploi si elle ne respectait pas la politique.

[15] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

La prestataire a-t-elle été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la loi?

[16] La prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Toutefois, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si la prestataire a été congédiée pour une inconduite au sens de la Loi. Cette dernière définit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[19] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 6.

[20] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et si cela est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[21] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options selon d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si elle a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour répondre à ses besoins (lui offrir des mesures d’adaptation)Note de bas de page 9. Je ne peux examiner qu’une seule chose, soit si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] Il faut que la Commission prouve que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes en matière de vaccination ou de tests de dépistage réguliers;
  • l’employeur a parlé de la politique à la prestataire, a publié des messages sur le portail en ligne des ressources humaines et lui a envoyé des courriels à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes;
  • la prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne suivait pas la politique.

[24] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle aurait pu effectuer son travail à partir de la maison. Elle dit que son milieu de travail était sécuritaire et qu’il n’y a pas eu d’éclosion. Elle soutient qu’elle prenait d’autres mesures de précaution, notamment en se masquant et en maintenant la distanciation physique nécessaire. La prestataire dit que l’employeur a modifié les modalités de son contrat de travail et que la politique porte atteinte à ses droits fondamentaux.

[25] La politique de vaccination de l’employeur prévoit que les employés doivent faire l’une des choses suivantes :

  • fournir une preuve de vaccination;
  • fournir un document rédigé par une ou un médecin, ou une infirmière praticienne ou un infirmier praticien, qui énonce une raison médicale pour laquelle ils ne peuvent pas être vaccinés et la période pendant laquelle la raison médicale est valable;
  • participer à un programme de sensibilisation à la COVID-19 sur l’innocuité des vaccins et les avantages de la vaccinationNote de bas de page 11.

[26] La politique de vaccination de l’employeur permet aux employés qui ne fournissent pas de preuve de vaccination de subir des tests de dépistage. Elle dit que ces employés doivent fournir chaque semaine à l’employeur leurs résultats à des tests antigéniques pour le dépistage de la COVID‑19Note de bas de page 12.

[27] La prestataire savait ce que la politique de vaccination exigeait d’elle et ce qui arriverait si elle ne la suivait pas. Aux dates suivantes, l’employeur l’a informé des exigences et des conséquences de ne pas les respecter :

  • des messages ont été publiés sur le portail des ressources humaines le 20 août, le 2 septembre et le 17 septembre 2021;
  • des courriels ont été envoyés à la prestataire les 16 et 17 septembre et les 1er et 6 octobre 2021;
  • la prestataire et l’employeur se sont rencontrés en personne en septembre et en octobre 2021Note de bas de page 13.

[28] L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle n’avait pas respecté la politique. Il affirme qu’elle a été mise en congé sans solde avant d’être congédiée. L’employeur dit que la prestataire avait l’option de présenter une preuve de vaccination ou des résultats de dépistageNote de bas de page 14.

[29] La prestataire a déclaré que l’employeur l’a informée en août 2021 qu’il allait appliquer une politique de vaccination. Elle dit qu’elle ne consultait pas souvent le portail des ressources humaines, car elle ne l’utilisait pas dans le cadre de ses fonctions. Elle dit avoir reçu une copie de la politique.

[30] La prestataire a témoigné au sujet d’une rencontre avec son employeur en septembre 2021. Lors de cette rencontre, l’employeur lui a dit qu’elle serait mise en congé sans solde si elle ne respectait pas la politique. La prestataire dit avoir reçu une lettre de suivi de l’employeur au sujet de leur conversation.

[31] La prestataire affirme avoir été mise en congé sans solde le 8 octobre 2021. Elle soutient que l’employeur lui a dit de l’aviser si elle changeait d’avis au sujet de la vaccination ou des tests de dépistage. La prestataire affirme qu’elle n’a pas changé d’avis et qu’elle a été congédiée le 4 janvier 2022.

[32] La prestataire a déclaré que l’employeur lui a dit que les employés devraient subir des tests de dépistage plus qu’une fois par semaine. Elle allègue que son employeur lui a dit que les employés subiraient deux tests ou plus par semaine. Elle ajoute que l’employeur a fourni des tests aux employés.

[33] La prestataire affirme qu’elle a peur de se faire vacciner et de subir des tests de dépistage. Elle dit avoir lu beaucoup de mauvaises choses au sujet des écouvillons, y compris le fait qu’ils contiennent une substance toxique. Elle dit que ses renseignements médicaux sont personnels et ne devraient pas être communiqués à son employeur. Elle soutient qu’il serait trop stressant pour elle de recevoir des résultats faux positifs.

[34] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui prévoyait que les employés devaient fournir régulièrement une preuve de vaccination ou des résultats de dépistage. L’employeur a clairement dit à la prestataire ce qu’il attendait de ses employés en termes de vaccination et de tests de dépistage réguliers. La prestataire a reçu une copie de la politique.
  • L’employeur a envoyé des messages et des courriels à la prestataire, et il a parlé directement avec elle à plusieurs reprises pour lui communiquer ce qu’il attendait d’elle. L’employeur a dit à la prestataire de communiquer avec lui si elle changeait d’avis au sujet de la vaccination ou des tests de dépistage lorsqu’elle a été mise en congé sans solde.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non‑respect de la politique de vaccination de l’employeur. Elle a pris la décision consciente, délibérée et intentionnelle de ne pas se faire vacciner et de ne pas subir de tests de dépistage.

[35] Je peux seulement vérifier si les actions de la prestataire constituaient une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois offrent un recours à la prestataire, me prononcer sur les modalités de son contrat de travail, ses droits fondamentaux ou l’innocuité des vaccins et des tests de dépistage, ou décider si elle pouvait exécuter ses tâches à partir de la maisonNote de bas de page 15.

Somme toute, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[36] D’après les conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, je juge que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[37] Ceci est dû au fait que les actions de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi de façon délibérée. Elle savait qu’elle risquait de perdre son emploi si elle refusait de se faire vacciner ou de suivre les règles de dépistage.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[39] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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