Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1587

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : C. D.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (445627) datée du 23 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 1er avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-252

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel du prestataire quant aux deux questions en litige : le départ volontaire et la disponibilité pour travailler.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi le 8 janvier 2021. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter de cette date.

[3] Le prestataire n’a pas démontré qu’il a fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable pendant qu’il étudiait à temps plein à compter du 11 janvier 2021. Il est donc inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter de cette date.

Aperçu

[4] Le prestataire est parti de Hamilton (Ontario) pour s’installer à Sault Ste. Marie (Ontario) et y faire des études en technologie de l’aviation. En mars 2020, il a perdu son emploi à temps partiel chez X à Sault Ste. Marie en raison de la pandémie de COVID-19. Son cours a alors été offert en ligne pour la même raison. Il est donc retourné à Hamilton (Ontario), où il a trouvé du travail chez X en juillet 2020.

[5] Le 8 janvier 2021, il a quitté son emploi chez X. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Le 11 janvier 2021, il est retourné à Sault Ste. Marie (Ontario) pour recommencer à suivre son cours en personne. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a examiné les raisons pour lesquelles il a quitté son emploi à Hamilton et a décidé qu’il avait volontairement quitté cet emploi (qu’il avait choisi de démissionner) sans justification. Elle lui a donc demandé de rembourser ses prestations.

[6] La Commission affirme que le fait pour une personne de quitter son emploi pour suivre un cours ne démontre pas qu’elle est fondée à quitter volontairement son emploi. Elle dit que la décision de faire des études tient à un choix personnel et que les raisons personnelles ne sont pas considérées comme étant une justification.

[7] La Commission a également exclu le prestataire du bénéfice des prestations après avoir décidé qu’il n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein à compter du 11 janvier 2021. Elle affirme qu’il n’a pas fait suffisamment de démarches pour trouver du travail lorsqu’il attendait d’être rappelé par X pour reprendre son emploi antérieur.

[8] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit être retourné à Sault Ste. Marie parce que sa rémunération a diminué lorsque les heures ont été réduites chez X et que ses fonctions ont été modifiées. Il affirme qu’il avait une assurance raisonnable d’obtenir un autre emploi chez son ancien employeur, X, à Sault Ste. Marie, et qu’un agent de la Commission lui a dit que c’était tout ce dont il avait besoin pour toucher des prestations. Il soutient que la reprise de son cours était une raison secondaire de quitter son emploi chez X à Hamilton.

[9] Je dois d’abord décider si le prestataire a quitté volontairement son emploi. Si j’en arrive à cette conclusion, je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi. Je dois aussi décider s’il était disponible pour travailler lorsqu’il est retourné à Sault Ste. Marie et qu’il a repris son cours.

Les questions que je dois trancher

[10] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[11] Le prestataire est-il inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler lorsqu’il était étudiant à temps plein?

Questions que je dois examiner en premier

[12] Le prestataire soutient que ses droits procéduraux ont été violés par suite de l’omission de la Commission de fournir les notes manuscrites et les enregistrements des conversations qu’elle a eues avec lui les 17 janvier et 17 décembre 2021. Il affirme qu’il manque des renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations ainsi que les notes manuscrites de son entrevue initiale de révision. Il affirme qu’il y a des incohérences, des erreurs et des omissions dans les documents communiqués par la Commission jusqu’à présent.

[13] Le prestataire soutient que ces éléments de preuve démontreraient que la Commission lui a dit qu’il pourrait toucher des prestations jusqu’à ce qu’il soit rappelé au travail par X, sans avoir à chercher un autre emploi.

[14] Le prestataire n’a pas soutenu qu’il contestait la « validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel », d’une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ou de ses règlements d’applicationNote de bas de page 1. Il remet en question le caractère équitable des actions de la Commission.

[15] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de contraindre la Commission à fournir les éléments de preuve demandés par le prestataire, s’ils existent. Le recours consiste pour le prestataire à présenter une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP). J’ai proposé d’ajourner l’audience ou de mettre son appel en suspens pour lui donner le temps de présenter une demande et d’obtenir une réponse.

[16] Le prestataire affirme qu’il ne devrait pas avoir à présenter une demande d’AIPRP, puisque la Commission a violé les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne que lui garantit la CharteNote de bas de page 2 en omettant de divulguer tous les éléments de preuve se rapportant à sa demande. Il soutient que cela signifie que j’ai le pouvoir de rendre une décision en sa faveur.

[17] J’ai convoqué une conférence téléphonique préparatoire pour préciser les limites de ma compétence, en vertu de laquelle je ne peux examiner que les questions que la Commission a déjà réexaminéesNote de bas de page 3. Ma compétence se limite donc à décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi le 8 janvier 2021 et s’il était disponible pour travailler pendant ses études à temps plein à compter du 11 janvier 2021.

[18] J’ai également précisé avec le prestataire que les audiences du Tribunal sont « de novo ». Il est donc libre d’ajouter de nouveaux éléments de preuve et de corriger toute erreur, incohérence ou omission dans les éléments de preuve fournis par la Commission.

[19] Le prestataire a consenti à la tenue de l’audience compte tenu de sa compréhension des limites de ma compétence, du fait que l’audience a lieu « de novo », et de ses droits d’appel au palier suivant du Tribunal, la division d’appel.

Documents déposés après la tenue de l’audience

[20] Après l’audience, le prestataire a présenté de nouveaux renseignements, que j’ai acceptés comme étant pertinents relativement à son appel. J’ai communiqué ces renseignements à la Commission et je l’ai invitée à y répondre, mais elle n’a présenté aucune autre observation.

Analyse

Départ volontaire

[21] Je conclus que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Son employeur a préparé un relevé d’emploi (RE) selon lequel il a quitté X le 8 janvier 2021. Il admet qu’il a démissionné à cette date. J’accepte donc cela comme un fait.

[22] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi. La Commission affirme qu’il n’avait pas de justification. Il n’est pas d’accord.

[23] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 4. Le fait d’avoir une bonne raison n’est pas suffisant pour prouver l’existence d’une justificationNote de bas de page 5. Le retour aux études peut donc être une bonne raison de démissionner. Mais il ne constitue pas une justification, car il s’agit d’un choix personnel, et les raisons personnelles ne démontrent pas l’existence d’une justificationNote de bas de page 6.

[24] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Le prestataire a une justification s’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Il appartient au prestataire d’en faire la preuve. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Il doit donc démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 7.

[25] Avant de décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner l’ensemble des circonstances au moment de son départNote de bas de page 8. La loi en énonce certaines, comme il est expliqué ci-après.

Les circonstances dans lesquelles le prestataire a démissionné

[26] Le prestataire affirme que trois circonstances énumérées dans la loi s’appliquent à son égard. Il affirme qu’elles démontrent qu’il était fondé à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Il soutient que la Commission n’a pas mené une enquête juste et appropriée parce qu’elle n’a pas communiqué avec ses employeurs. Il affirme qu’un examen fait en bonne et due forme aurait démontré que ces circonstances existaient.

[27] Premièrement, le prestataire affirme qu’il y a eu une modification importante de son salaireNote de bas de page 9. Deuxièmement, il affirme que des modifications importantes ont été apportées à ses fonctions, puisque l’employeur a dû suspendre les activités extérieures comme les ventes et lui confier des fonctions au sein du service à la clientèle, qui étaient considérées comme étant essentielles selon les règles relatives à la COVIDNote de bas de page 10. Troisièmement, il dit avoir eu l’assurance raisonnable d’obtenir un autre emploi chez X, son ancien employeur à Sault Ste. MarieNote de bas de page 11.

[28] Le prestataire affirme que le retour aux études était secondaire à ces facteurs. Je conclus toutefois qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que l’un ou l’autre de ces facteurs a été un facteur principal dans la décision du prestataire de quitter son emploi chez X le 8 janvier 2021.

Aucune modification importante n’a été apportée au salaire du prestataire

[29] Le prestataire affirme qu’il a quitté son emploi parce que son salaire a été réduit. Le RE délivré après sa démission révèle certaines fluctuations entre les périodes de paie. En revanche, il ne montre pas de réduction importante dans l’ensemble pendant son emploi chez X du 27 juillet 2020 au 8 janvier 2021. Le prestataire a déclaré qu’il avait été embauché pour travailler des heures réduites en juillet 2021, ce qui aurait donné lieu à une baisse de salaire dès le départ.

[30] Les emplois dans le secteur de l’automobile avaient déjà été touchés par la pandémie de COVID-19. Donc, travailler moins d’heures et gagner moins que ce qu’il voulait chez X n’était pas une nouvelle circonstance lorsqu’il a décidé de démissionner. Le prestataire affirme que la Commission aurait dû communiquer avec ses employeurs et fournir les RE de ses emplois antérieurs à mars 2020, mais les heures travaillées et la rémunération touchée dans les emplois antérieurs ne sont pas pertinentes relativement à la situation dans laquelle il se trouvait lorsqu’il a démissionné.

Aucune modification importante n’a été apportée aux fonctions du prestataire

[31] Le prestataire affirme qu’il a démissionné parce que ses fonctions ont changé. Je reconnais que la pandémie a entraîné des modifications importantes dans la situation de travail de nombreux prestataires. Le prestataire affirme que ces modifications étaient en place lorsqu’il a commencé à travailler chez X en juillet 2020. Il n’a donc pas démontré qu’une modification a été apportée à ses fonctions au cours de ce contrat conclu avec X et que cela l’a forcé à démissionner.

[32] J’estime que, même s’il y avait eu une modification, il est plus probable qu’improbable que l’employeur se serait attendu à ce que les étudiants travaillent là où on avait besoin d’eux et s’acquittent de tâches jugées essentielles à l’époque compte tenu des règles relatives à la COVID-19.

Le prestataire n’avait aucune assurance raisonnable d’obtenir un autre emploi dans un avenir immédiat

[33] Le prestataire soutient qu’il avait l’assurance raisonnable d’obtenir un emploi chez son ancien employeur à Sault Ste. Marie lorsqu’il a démissionné, mais la preuve n’appuie pas cette prétention.

[34] Le prestataire affirme que lorsque X l’a mis à pied en mars 2020 en raison de la pandémie, il lui a assuré qu’il le réembaucherait dès que possible. Il a présenté une lettre de X datée du 22 février 2022 confirmant qu’il s’agissait d’un engagement continu.

[35] Or, le prestataire devait démontrer qu’il avait l’assurance raisonnable d’obtenir un autre emploi dans « un avenir immédiat ». L’expression « avenir immédiat » n’est pas définie dans la loi. Elle ne signifie pas qu’il devait avoir une date de rappel « imminente »Note de bas de page 12. Toutefois, l’interprétation claire et simple du mot « immédiat » ne s’applique pas à un délai de près d’un an, soit de mars 2020, date à laquelle on l’a mis à pied et on lui a promis de le rappeler au travail, à janvier 2021, date à laquelle il attendait encore qu’on le rappelle. Il est resté si sûr qu’il serait rappelé au travail qu’il a quitté son emploi chez X.

[36] Pour démontrer qu’il avait l’assurance raisonnable de retourner chez X dans un avenir immédiat, le prestataire devait satisfaire aux trois exigences suivantes :

  1. i) lorsqu’il a démissionné, il devait savoir qu’il aurait cet autre emploi;
  2. ii) il devait savoir quel serait cet emploi;
  3. iii) il devait savoir quand cet emploi commencerait à l’avenirNote de bas de page 13.

[37] Je conclus que le prestataire n’a satisfait qu’à la deuxième exigence : il savait qui serait l’employeur et quel serait le type d’emploi. Or, lorsqu’il a démissionné en janvier 2021, il n’avait pas vraiment l’assurance qu’il reprendrait son ancien emploi à Sault Ste. Marie dans un avenir immédiat. Il n’avait même pas de date de retour provisoire. Je reconnais que l’employeur espérait le réembaucher, mais les assurances données en mars 2020 ne signifiaient pas que le prestataire avait un emploi sur lequel il pouvait compter en janvier 2021.

[38] J’accepte le témoignage que le prestataire a donné sous serment, selon lequel un agent de la Commission lui a dit qu’avoir l’assurance raisonnable d’obtenir un autre emploi lui donnerait le droit de démissionner et de toucher des prestations d’assurance-emploi. J’estime toutefois qu’il est plus probable qu’improbable que l’agent ignorait que le prestataire attendait un rappel depuis près de dix mois déjà. Et même si l’agent lui a donné des informations erronées ou incomplètes, je demeure tenue d’appliquer la loiNote de bas de page 14.

Le prestataire a quitté son emploi pour reprendre ses études

[39] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a quitté son emploi pour reprendre ses études à Sault Ste. Marie. Cela correspond à la raison du départ consignée dans son RE : « démission/retour aux études »Note de bas de page 15.

[40] Le prestataire affirme que son retour à Sault Ste. Marie pour reprendre son cours n’était qu’une raison secondaire de sa décision de quitter son emploi. Il soutient qu’il a quitté son emploi principalement pour retourner chez X. Or, en réalité, même s’il n’avait encore aucun emploi qu’il pouvait reprendre, il était en train de suivre un cours collégial qu’il souhaitait mener à terme. Il affirme que l’obtention de cette formation était importante, puisqu’il pourrait ainsi aspirer à une meilleure carrière et éviter de dépendre de prestations à l’avenir.

[41] Le prestataire affirme qu’il est retourné temporairement à Hamilton après avoir perdu son emploi à Sault Ste. Marie parce que son cours était offert en ligne à l’époque et qu’il pouvait économiser les frais de subsistance pendant qu’il était à la maison. Il affirme qu’il a aussi déménagé parce qu’il y avait plus de possibilités d’emploi à Hamilton. Mais lorsque le collège a repris l’apprentissage en personne en janvier 2021, il a dû retourner à Sault Ste. Marie pour poursuivre son cours.

[42] Je souscris à l’argument du prestataire selon lequel la Commission a fourni une preuve incomplète ou incohérente, notamment des descriptions différentes de ses heures de cours. J’ai donc accordé plus de poids à son témoignage sur ces questions. Toutefois, dans sa demande de révision, il a déclaré en des termes clairs et sans équivoque : [traduction] « J’ai déménagé à Sault Ste. Marie pour retourner aux études… pour mon cinquième semestre. »Note de bas de page 16

[43] J’accorde plus de poids à cette affirmation qu’à ses déclarations ultérieures selon lesquelles il est retourné à Sault Ste. Marie pour y travailler. Les premières « affirmations spontanées » d’un prestataire ont généralement plus de poids que les affirmations faites après que des prestations lui sont refuséesNote de bas de page 17.

Le prestataire n’a pas été dirigé vers son cours

[44] Il arrive parfois que la Commission (ou l’un de ses partenaires désignés) dirige les prestataires vers un cours. L’une des circonstances que je dois prendre en considération est la question de savoir si la Commission a dirigé le prestataire vers son cours.

[45] La jurisprudence affirme en des termes clairs que la personne qui quitte son emploi pour suivre un cours qui ne lui est pas recommandé n’a pas de motif valable de quitter son emploiNote de bas de page 18.

[46] Les parties sont d’accord pour dire que le prestataire n’a pas été dirigé vers son cours. J’ai déjà conclu que la reprise de ce cours est la circonstance à prendre en considération dans sa décision de démissionner. Donc, la jurisprudence s’applique à son égard. Cela signifie qu’il n’est pas fondé à quitter son emploi chez X.

[47] Je comprends que le prestataire avait de bonnes raisons de choisir de quitter cet emploi à Hamilton pour retourner suivre son cours à Sault Ste. Marie. Il avait déjà investi temps et ressources dans ses études et devait commencer son cinquième semestre en janvier 2021. Mais la décision de faire des études tient à un choix personnel. Elle va donc à l’encontre de l’idée qui sous-tend l’assurance-emploi, à savoir de soutenir ceux qui perdent leur emploi sans faute de leur partNote de bas de page 19.

Le départ du prestataire ne constituait pas la seule solution raisonnable

[48] Je dois maintenant décider si le prestataire n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait. Il s’agit de savoir non pas si ses actions étaient raisonnables, mais s’il n’avait aucune autre solution raisonnable dans les circonstancesNote de bas de page 20.

[49] La Commission affirme que le prestataire avait comme solution raisonnable de continuer de travailler chez X tout en cherchant un autre emploi dans la même ville que son collège.

[50] Le prestataire n’est pas d’accord pour dire que rester chez X était une solution raisonnable lorsque son cours a de nouveau été offert en personne en janvier 2021. Il dit avoir dû retourner à Sault Ste. Marie, puisqu’il y payait encore son loyer et qu’il y avait une voiture.

[51] Compte tenu de la preuve, je conviens avec la Commission que le prestataire avait comme solution raisonnable de conserver son emploi et de reporter son retour à Sault Ste. Marie jusqu’à ce qu’il y trouve un emploi.

[52] Je prends note de l’argument du prestataire selon lequel la Commission le pénalise pour avoir déménagé dans une autre ville pour vivre et travailler; il affirme que cela contrevient à sa liberté de circulation. Je conviens avec le prestataire qu’il est libre de déménager là où il choisit de vivre et de travailler. Mais la question est de savoir s’il peut toucher des prestations d’assurance-emploi pour l’aider à faire ces choix personnels.

[53] Les prestataires peuvent toucher des prestations régulières s’ils perdent leur emploi pour des raisons comme une mise à pied ou un congédiement sans motif. Ils ont toutefois la responsabilité de ne pas créer ni accroître le risque de se retrouver au chômage. C’est pourquoi il est raisonnable de conserver son emploi dans la mesure du possible et de s’assurer d’obtenir un autre emploi avant de démissionnerNote de bas de page 21.

[54] Compte tenu des circonstances qui existaient lorsque le prestataire a démissionné — la nécessité de déménager pour retourner aux études —, je conclus, pour les motifs susmentionnés, qu’il avait une solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[55] Il s’ensuit que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Disponibilité pour travailler

[56] La loi exige que le prestataire démontre qu’il est disponible pour travaillerNote de bas de page 22. De plus, une disposition temporaire de la Loi exige que les prestataires qui suivent un cours à temps plein prouvent qu’ils sont capables de travailler et disponibles à cette finNote de bas de page 23.

[57] La Loi prescrit que tous les prestataires doivent prouver qu’ils sont « capable[s] de travailler et disponible[s] à cette fin », mais qu’ils sont incapables de trouver un emploi convenableNote de bas de page 24. Ils doivent démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’ils étaient disponibles pour travailler chaque jour ouvrable pendant leur période de prestations. La disponibilité est une exigence continue. La jurisprudence énonce trois éléments que les prestataires doivent prouver pour démontrer qu’ils sont « disponibles »Note de bas de page 25. Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[58] La Cour d’appel fédérale affirme que nous présumons d’abord que les prestataires qui suivent un cours à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 26. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Autrement dit, nous pouvons supposer que les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve démontre qu’ils sont aux études à temps plein.

[59] Je vais d’abord voir si le prestataire a réfuté cette présomption. J’examinerai ensuite le droit sur la question de la disponibilité. 

Le prestataire a réfuté la présomption de non-disponibilité

[60] La présomption selon laquelle les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler ne s’applique qu’aux étudiants à temps plein.

[61] Le prestataire admet qu’il suivait un cours à temps plein même s’il n’avait pas à se présenter en classe tous les jours. Je ne vois aucune preuve démontrant le contraire, de sorte que je conclus qu’il était étudiant à temps plein. Cela signifie que la présomption s’applique à lui.

[62] Cette présomption peut être réfutée et, le cas échéant, elle ne s’appliquerait pas. Le prestataire peut réfuter la présomption de deux façons. Il peut démontrer qu’il a par le passé travaillé à temps plein pendant qu’il était aux étudesNote de bas de page 27. Ou encore il peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 28.

[63] La Commission affirme que le prestataire ne peut réfuter la présomption parce qu’il n’était pas disposé à abandonner son cours pour accepter un emploi à temps plein et qu’il n’était pas disponible à chaque heure durant la semaine de travail. La Commission soutient que le fait qu’il a par le passé travaillé pendant ses études ne permet pas de réfuter la présomption, puisqu’il n’a travaillé qu’à temps partiel.

[64] Je souscris au raisonnement de la division d’appel du Tribunal, qui a abordé une situation de fait semblable. Je conclus donc que la nature de l’emploi précédent du prestataire, qui était un emploi à temps partiel, et sa capacité démontrée de maintenir au moins ce niveau d’emploi pendant ses études à temps plein constituaient une circonstance exceptionnelle. Je conclus que cela lui permet de réfuter la présomption de non-disponibilitéNote de bas de page 29.

[65] Le prestataire a réfuté la présomption, mais cela signifie seulement que je ne le considère pas automatiquement comme étant non disponible. Je dois quand même tenir compte du droit qui s’applique dans son cas pour décider s’il était disponible pour travailler.

[66] La Commission affirme que les prestataires doivent faire des démarches « habituelles et raisonnables » pour trouver du travail. Toutefois, il n’y a aucune preuve qu’elle n’a demandé des détails sur les démarches de recherche d’emploi du prestataire qu’immédiatement avant de prendre la décision quant à son inadmissibilité.

[67] Pour cette raison, je ne prends aucune décision sur l’inadmissibilité en application de l’art 50 de la Loi pour défaut d’effectuer une recherche d’emploi raisonnable et habituelle. Je n’examinerai que le critère suivant de la disponibilité prévu à l’art 18(1)(a) et à l’art 153.161 de la Loi.

Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler

[68] Pour démontrer sa disponibilité, le prestataire devait satisfaire à trois critères. Il devait montrer :

  1. i) qu’il souhaitait retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. ii) qu’il a tenté de le faire en faisant des démarches pour trouver du travail;
  3. iii) qu’il n’avait aucune condition personnelle pouvant avoir limité indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[69] Je dois tenir compte de chacun de ces facteurs pour trancher la question de la disponibilité. Dans mon examen de ces critères, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite du prestataire.

Désir de retourner au travail

[70] Le prestataire soutient qu’il voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[71] J’accepte le témoignage du prestataire donné sous serment selon lequel il voulait retourner au travail, car cela correspond au fait que, par le passé, il avait travaillé pendant ses études. Cet historique figure sur son RE et dans les autres renseignements contenus dans la preuve concernant son emploi chez X avant l’éclosion de la COVID-19. Il soutient qu’il devait payer un loyer à Sault Ste. Marie. Cela démontre qu’il avait besoin de travailler, ce qui appuie davantage l’argument selon lequel il voulait retourner sur le marché du travail.

[72] La Commission veut que le prestataire démontre qu’il était prêt à abandonner son cours pour accepter un travail à temps plein. Or, la Loi ne prescrit pas que les prestataires doivent travailler à temps plein lorsque, par le passé, ils ont travaillé à temps partiel. Pour cette raison, je conclus que le fait de préférer terminer son cours tout en travaillant à temps partiel démontre quand même qu’il voulait retourner au travail.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[73] Le prestataire n’a pas démontré qu’il a fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable pendant ses études à temps plein à compter de janvier 2021.

[74] Le prestataire soutient qu’en raison de la COVID-19 et des fermetures imposées par le gouvernement, aucun emploi n’était offert. Il affirme qu’il s’attendait également à être rappelé pour reprendre l’emploi qu’il occupait à Sault Ste. Marie avant la pandémie. Il affirme qu’un agent de la Commission lui a dit qu’il n’avait pas besoin de chercher du travail s’il avait l’assurance raisonnable d’obtenir un emploi dans un avenir immédiat.

[75] Le prestataire n’a pas conservé de dossier de recherche d’emploi, bien qu’on rappelle aux prestataires de le faire dans leur demande de prestations et leurs questionnaires de formation. Il dit avoir consulté des sites d’emplois en ligne comme Indeed et Workopolis, sans toutefois avoir créé de compte. Il a consulté la banque d’emplois du gouvernement. Il n’a communiqué avec aucune agence de placement.

[76] Le prestataire affirme que ses recherches en ligne lui ont permis de constater qu’aucun emploi convenable n’était offert. Il affirme qu’un emploi convenable serait un emploi dans ses domaines d’expertise, c’est-à-dire dans le secteur de la vente d’automobiles et du service chez son ancien employeur ou chez d’autres concessionnaires, ou dans le secteur de l’alimentation et des boissons, où il possède de l’expérience. Il dit avoir également cherché des emplois liés à l’aviation dans les aéroports locaux et avoir été disposé à envisager des emplois de service à la clientèle en ligne [traduction] « si je me qualifiais ». Il soutient qu’il ne savait pas comment travailler à distance et croit qu’aucun employeur ne lui aurait offert une formation.

[77] L’historique de recherches sur Google présenté par le prestataire après l’audience ne prouve pas qu’il a cherché du travail régulièrement. Il ne fait état d’aucun poste vacant et donne peu de détails sur les emplois qu’il a consultés. De nombreuses inscriptions sont caviardées. Certaines se répètent à une même date; d’autres font état de visites multiples sur le même site, AutoIQ. Une de ces occurrences se rapporte à un concessionnaire situé dans une autre province. Plusieurs sont des inscriptions génériques de [traduction] « recherches d’emploi consultées ».

[78] Cet historique de recherches ne montre pas que le prestataire a examiné des sites relevant du secteur de l’alimentation et des boissons, dans lequel il a déclaré avoir de l’expérience. La majorité de ses recherches portent sur le secteur de l’automobile. À quelques reprises, il a cherché des emplois en ligne, du travail dans le secteur de l’aviation ou comme préposé aux loisirs. Il a examiné dans un cas un emploi offert dans un hôtel.

[79] Le prestataire a inclus dans son historique de recherches des résultats pour un emploi d’associé directeur et un autre de directeur des services financiers d’une concession. Il n’y a toutefois aucune preuve que ses compétences et sa formation en tant qu’étudiant correspondaient à celles dont ces postes étaient assortis. Faire une recherche d’emploi, c’est chercher des emplois que l’on peut obtenir. Il a consulté une fois les sites d’Air Canada, de FedEx et de MAG Aerospace, mais il n’a fourni aucun détail pour expliquer pourquoi il n’avait pas consulté ces sites régulièrement.

[80] La preuve postérieure à l’audience du prestataire montre qu’il a pris des dispositions pour obtenir de l’aide afin de mettre à jour son curriculum vitæ en mai 2021. Il s’agit d’une activité de recherche d’emploi recommandéeNote de bas de page 30. Mais il n’a inclus aucun des curriculum vitae qu’il a utilisés lors de sa recherche d’emploi à compter de janvier 2021. La preuve qu’il a produite montre qu’il a assisté à une présentation offerte sur le campus concernant des emplois potentiels, mais cette présentation visait un emploi après l’obtention de son diplôme. En ce qui concerne le seul emploi qu’il a postulé, il s’agissait d’un emploi qu’il pourrait occuper lui aussi après l’obtention de son diplôme.

[81] Un prestataire doit chercher activement du travail chaque jour ouvrable pour lequel il demande des prestations. Et ce, même s’il croit qu’il est raisonnable de ne pas le faire parce qu’il attend de se faire rappeler à un emploi précédent.

[82] Le prestataire affirme qu’il croyait qu’attendre d’être rappelé au travail était une activité de recherche d’emploi suffisante compte tenu des conseils que la Commission lui avait donnés. Mais il n’a pas réussi à démontrer qu’à mesure que les semaines s’écoulaient et qu’il n’était pas rappelé au travail, il a effectué une recherche d’emploi intensive chaque jour pour lequel il demandait des prestations.

[83] Je conviens avec le prestataire que la pandémie et les fermetures imposées par le gouvernement ont restreint le marché du travail, ce qui a rendu difficile la recherche d’emploi. J’accepte son témoignage selon lequel il était disposé à travailler. Mais être disposé à travailler et avoir le temps de travailler ne reviennent pas à faire des démarches réelles pour trouver du travail. Il faut postuler des emplois. La recherche passive ne suffit pasNote de bas de page 31. Même s’il pense qu’il peut être difficile d’obtenir un emploi, un prestataire doit quand même montrer qu’il a essayé.

[84] Étant donné qu’il n’a postulé aucun emploi au cours des mois où il a reçu des prestations d’assurance-emploi, le prestataire ne peut démontrer qu’il a fait suffisamment de démarches pour trouver du travail.

Limiter indûment les chances de retourner au travail

[85] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire avait des conditions personnelles qui auraient indûment (déraisonnablement) limité ses chances de retourner au travail.

[86] Le prestataire affirme qu’il n’avait établi aucune condition personnelle, comme le lieu de travail ou la rémunération. J’accepte son témoignage selon lequel il n’a pas fixé de telles conditions.

[87] La Commission affirme que le calendrier de cours du prestataire a limité ses chances de trouver du travail. J’accepte toutefois le témoignage du prestataire selon lequel la preuve de la Commission sur ce point est incohérente. C’est pourquoi je conclus que les exigences de son cours n’ont pas limité ses chances de gérer à la fois le travail et les études, comme il a pu le faire chez X et chez X.

[88] Par conséquent, le fait pour le prestataire de suivre son cours n’était pas une condition personnelle qui limitait ses chances de retourner au travail.

[89] Toutefois, la recherche d’emploi du prestataire ne témoigne pas d’une motivation quotidienne à trouver du travail pendant qu’il attendait un rappel chez X. Attendre un rappel n’équivaut pas à vouloir retourner sur le marché du travail de toutes les façons possibles. C’est une préférence personnelle.

[90] La recherche d’emploi du prestataire montre une préférence marquée pour les emplois dans le secteur de l’automobile, où, affirme-t-il, il n’y avait aucun emploi à Sault Ste. Marie. J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que cette condition personnelle a limité ses chances d’obtenir d’autres emplois convenables.

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[91] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées sur les trois facteurs susmentionnés, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et qu’il était disponible à cette fin lorsqu’il a repris son cours à Sault Ste. Marie le 11 janvier 2021.

[92] Le prestataire a fait valoir qu’il éprouverait des difficultés financières s’il devait rembourser le trop payé de prestations. J’éprouve de la compassion pour le prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de changer la loiNote de bas de page 32.

[93] Le prestataire a encore quelques options. Il peut demander à la Commission d’annuler ou de réduire sa dette en raison de difficultés excessivesNote de bas de page 33. Si la Commission refuse, il peut faire appel de cette décision devant la Cour fédérale du CanadaNote de bas de page 34. La Cour fédérale a compétence exclusive sur cette question.

[94] Le prestataire peut également communiquer avec le Centre d’appels de gestion de la dette de l’Agence du revenu du Canada au 1 866 864-5823. Il peut poser des questions sur la façon de demander un allégement de la dette ou de fixer un calendrier de remboursement.

Conclusion

[95] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi le 8 janvier 2021.

[96] Le prestataire est également inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 11 janvier 2021 parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études à temps plein à compter de cette date.

[97] Je rejette donc l’appel du prestataire concernant l’exclusion et l’inadmissibilité.

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