Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : KW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 61

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse : K. W.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 27 octobre 2022 (GE-22-1896)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 24 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-845

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue et congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a donc demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite. Après avoir fait une révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a porté la décision de révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que l’employeur a congédié la prestataire parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique. Elle a jugé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la congédier dans les circonstances. La division générale a estimé que son non-respect de la politique était la cause de son congédiement. Elle a conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Elle soutient qu’elle avait le droit de refuser la vaccination en tant que Canadienne libre. Elle dit que les politiques en vigueur en milieu de travail et jugées raisonnables il y a un an ne sont probablement plus considérées comme raisonnables et ne le sont plus depuis des mois. Il est désormais établi que les personnes vaccinées peuvent contracter et transmettre la COVID-19.

[6] La prestataire soutient qu’elle a perdu son emploi en raison de renseignements erronés fournis par Santé Canada. Elle dit que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en lui permettant de travailler de la maison comme les autres membres du personnel. La prestataire soutient qu’elle n’a pas été traitée équitablement par son employeur.

[7] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[8] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3.  La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[11] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[12] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[13] La prestataire demande la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. La prestataire soutient qu’elle avait le droit de refuser la vaccination en tant que Canadienne libre. Elle fait valoir que les politiques en vigueur en milieu de travail et jugées raisonnables il y a un an ne sont probablement plus considérées comme raisonnables et ne le sont plus depuis des mois. Il est maintenant documenté que les personnes vaccinées peuvent attraper et transmettre la COVID.

[14] La prestataire soutient qu’elle a perdu son emploi en raison de renseignements erronés fournis par Santé Canada. Elle dit que l’employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail. Elle estime que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en lui permettant de travailler de la maison comme les autres membres du personnel. La prestataire affirme qu’elle n’a pas été traitée équitablement par son employeur.

[15] La division générale devait décider si la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[16] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[17] Il est bien établi que le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle manière que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné son congédiementNote de bas de page 2.

[18] La preuve montre que la prestataire a été suspendue et congédiée parce qu’elle a refusé de suivre la politique de l’employeur qui avait été mise en œuvre pour protéger le personnel et les étudiants pendant la pandémie. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de suivre la politique pouvait entraîner son congédiement.

[19] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[21] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en jugeant que la politique faisait partie de son contrat de travail. Elle n’a jamais consenti à la nouvelle politique. Par conséquent, il n’y a pas eu de violation. Il ne peut y avoir d’inconduite lorsqu’une politique adoptée unilatéralement n’a pas été acceptée.

[22] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Le Tribunal n’a pas compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité liées à la COVID-19 mises en place par l’employeur étaient efficaces ou raisonnables. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue et congédiée.

[23] Les employés ne peuvent pas modifier ou ignorer une politique en raison de leur opinion sur les directives de sécurité. Si chaque travailleur pouvait appliquer son point de vue subjectif à la sécurité publique, il serait impossible pour un employeur de gérer ses activités quotidiennes. Le non-respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[24] Les questions de savoir si l’employeur a omis d’offrir des mesures d’adaptation à la prestataire ou si la politique de l’employeur portait atteinte aux droits fondamentaux de la prestataire relèvent d’une autre tribune. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 5.

[25] Dans une affaire récente, appelée Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait les droits que lui reconnaissait la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a jugé qu’il s’agissait d’une question relevant d’une autre instance.

[26] La Cour a ajouté que pour sanctionner le comportement d’un employeur, les prestataires ont d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance‑emploi fasse les frais du comportement en cause.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[28] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 6

[29] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 7. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[30] La prestataire a présenté une décision de la division générale à l’appui de sa position. Toutefois, cette affaire ne s’applique pas à la prestataire parce qu’elle savait clairement qu’elle serait congédiée si elle n’était pas entièrement vaccinée ou si elle refusait de suivre les règles de dépistageNote de bas de page 8.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable de la part de la division générale comme une erreur de compétence ou un manquement à la justice naturelle. Elle n’a pas non plus relevé d’erreur de droit que la division générale aurait commise ni de conclusion de fait erronée qu’elle aurait tiré de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision sur la question de l’inconduite.

[32] Après avoir révisé le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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