Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant travaillait pour une société d’énergie. Il a été mis en congé sans solde, puis s’est fait licencier parce qu’il ne respectait pas la politique de vaccination contre la COVID-19 instaurée par son employeur. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission l’a déclaré inadmissible du 28 novembre au 31 décembre 2021 et l’a exclu du bénéfice des prestations à compter du 2 janvier 2022. L’appelant a fait appel de cette décision devant la division générale, qui a rejeté son appel. La division générale a conclu que l’appelant avait été suspendu et qu’il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. L’appelant a fait appel de cette décision devant la division d’appel.

La division générale disposait d’une preuve selon laquelle l’appelant avait conclu une entente avec son employeur au sujet d’une indemnité de départ et de la révision de son relevé d’emploi, pour que celui-ci indique un congédiement non motivé. L’appelant et la Commission ont tous deux convenu que la division générale avait fait une erreur de droit en ne tenant pas compte de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale. Celle-ci prévoit que la preuve d’une entente avec un employeur est pertinente pour décider si un prestataire a été suspendu ou licencié en raison de son inconduite. La division d’appel était d’accord avec les parties pour dire que la division générale avait commis une erreur de droit.

Selon la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, lorsqu’une entente contredit l’allégation précédente d’un employeur concernant une inconduite, cette entente peut être pertinente – mais non déterminante – pour savoir si la façon d’agir de la personne visée constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence dit aussi qu’avant d’invoquer une entente pour réfuter une constatation d’inconduite, il faut qu’il y ait une preuve quelconque en la matière qui neutraliserait la position précédente de l’employeur. Les situations où la personne est réintégrée ou reçoit une indemnité importante peuvent aussi avoir un certain poids. Dans la présente affaire, la division générale a reconnu la preuve de l’appelant sur l’entente avec son employeur et la révision du relevé d’emploi. Toutefois, elle n’a pas tenu compte de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale ni analysé la preuve relative à l’entente pour voir si elles avaient une incidence sur sa conclusion selon laquelle la façon d’agir de l’appelant constituait une inconduite.

La division d’appel a accueilli l’appel. Comme les faits au dossier ne lui permettaient pas de remplacer la décision de la division générale par la sienne, la division d’appel lui a renvoyé l’affaire pour réexamen.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : WS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 32

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : W. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Melanie Allen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 octobre 2022 (GE-22-1919)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 6 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-729

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit.

[2] Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[3] W. S. est le prestataire dans cette affaire. Il travaillait pour une société d’énergie. Son employeur l’a mis en congé sans solde, puis l’a congédié pour ne pas avoir respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[4] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada l’a déclaré inadmissible aux prestations du 28 novembre au 31 décembre 2021 et l’a exclu du bénéfice des prestations à compter du 2 janvier 2022.

[5] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu, puis qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[6] La division générale disposait d’éléments de preuve montrant que le prestataire avait conclu une entente avec son employeur prévoyant qu’il recevrait une indemnité de départ et que son relevé d’emploi serait révisé de façon à indiquer qu’il avait été congédié sans motifNote de bas de page 1. Le prestataire et la Commission conviennent que la division générale a commis une erreur de droit en ignorant la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale. Celle-ci établit que la preuve d’une entente avec un employeur est pertinente pour décider si une partie prestataire a été suspendue ou congédiée en raison d’une inconduite.

[7] Je suis d’accord que la division générale a commis une erreur de droit. Je lui renvoie donc cette affaire pour réexamen.

Les parties s’entendent sur le fait que la division générale a commis une erreur de droit

[8] Les parties conviennent que la division générale a commis une erreur de droit.

[9] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire a fait valoir que la division générale avait commis une erreur de droit. Il a affirmé qu’elle n’avait pas examiné le caractère raisonnable de la politique de l’employeur et qu’elle avait mal appliqué la jurisprudence concernant sa compétence sur cette question. Le prestataire se demande aussi si la division générale avait jugé l’affaire d’avance.

[10] J’ai accordé au prestataire la permission de faire appel pour une autre raison. J’ai mentionné que la division générale avait peut-être commis une erreur de droit en ignorant la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale qui établit ceci : la preuve d’une entente avec un employeur est pertinente pour décider si une partie prestataire a été suspendue ou congédiée en raison d’une inconduite.

[11] La Commission a présenté des observations indiquant qu’elle convenait que la division générale avait commis cette erreur de droit. La Commission a souligné que la division générale a reconnu la preuve d’une entente entre l’employeur et le prestataire. Toutefois, la division générale n’a pas examiné cette preuve à la lumière de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, selon laquelle la preuve d’une entente est pertinente quand il est question d’inconduite.

[12] La Commission soutient que l’entente aurait pu influencer la conclusion de la division générale au sujet de l’inconduite. La division générale devait expliquer son raisonnement même si l’entente n’avait pas d’incidence sur sa conclusionNote de bas de page 2.

[13] À l’audience, le prestataire a dit qu’il était d’accord avec les observations de la Commission selon lesquelles la division générale avait commis une erreur de droit.

J’accepte que la division générale a commis une erreur de droit

[14] J’accepte que la division générale a commis une erreur de droit.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit l’inadmissibilité aux prestations lorsqu’une personne a été suspendue pour inconduite, et l’exclusion du bénéfice des prestations lorsqu’elle a été congédiée pour inconduiteNote de bas de page 3.

[16] L’inconduite n’est pas définie précisément dans la Loi sur l’assurance-emploi. Toutefois, les tribunaux ont établi une définition de ce terme.

[17] Pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5.

[18] Selon la Cour d’appel fédérale, une autre façon de voir la question est qu’il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[19] L’employeur du prestataire a instauré une politique de vaccination obligatoire qui exigeait que tout le personnel soit vacciné, à moins d’en être exempté pour des raisons médicales ou des motifs fondés sur sa politique concernant les droits de la personne.

[20] La politique vaccinale prévoyait que tout manquement entraînerait des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[21] Il n’a pas été contesté devant la division générale que le prestataire avait refusé de se conformer aux exigences de la politique vaccinale et que c’était la raison de son congé sans solde et de son congédiementNote de bas de page 7.

[22] Le prestataire a refusé de respecter la politique parce que l’employeur avait modifié les conditions de son contrat de travail et qu’il pensait que la politique n’était pas raisonnableNote de bas de page 8.

[23] La division générale a estimé que le prestataire était bien au courant de la politique vaccinale de l’employeur et des conséquences en cas de non-respectNote de bas de page 9.

[24] La division générale a décidé que la Commission avait prouvé que la conduite du prestataire, qui n’avait pas respecté la politique, constituait une inconduite. En effet, le prestataire était bien au courant de la politique vaccinale de l’employeur et des conséquences en cas de non-respect.

[25] La division générale a admis le témoignage du prestataire selon lequel il avait intenté une poursuite contre son employeur et avait reçu une indemnité de départ, et selon lequel l’employeur avait révisé son relevé d’emploi pour indiquer qu’il avait été congédié sans motif.

[26] Toutefois, la division générale a dit que la seule question qu’elle devait trancher était de savoir si le prestataire avait été suspendu et congédié pour inconduite, et qu’elle devait appliquer la Loi sur l’assurance-emploi et le critère juridique relatif à l’inconduite. Elle a conclu qu’elle ne pouvait pas ignorer la loi, même pour des raisons de compassionNote de bas de page 10.

[27] Selon la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, lorsqu’une entente contredit une allégation antérieure d’inconduite faite par un employeur, cette entente peut être pertinente, quoique non déterminante, pour décider si la conduite de la personne constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[28] La jurisprudence considère que la division générale n’est pas liée par la façon dont l’employeur et la personne visée peuvent caractériser la fin d’emploi. Le rôle de la division générale est d’examiner la preuve et de décider si la conduite de la partie prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] La jurisprudence prévoit aussi qu’avant qu’une entente puisse être utilisée pour contredire une allégation antérieure d’inconduite, il doit y avoir des éléments de preuve concernant l’inconduite qui vont à l’encontre de la position précédente de l’employeur. On peut aussi accorder un certain poids aux situations où la personne est réintégrée ou reçoit une indemnité significativeNote de bas de page 12.

[30] La division générale a admis la preuve du prestataire concernant l’entente avec son employeur et la révision de son relevé d’emploi. Toutefois, la division générale n’a pas tenu compte de la jurisprudence ci-dessus ni analysé la preuve de l’entente pour décider si elles avaient une incidence sur sa conclusion concernant l’inconduite du prestataire. En tout respect, il s’agit là d’une erreur de droit.

[31] Le prestataire affirme que la division générale a commis d’autres erreurs révisables. Mais je n’ai pas besoin d’examiner si c’est le cas. Il suffit de démontrer qu’une erreur révisable a été commise.

[32] Puisque la division générale a commis une erreur de droit, je peux intervenir dans la décisionNote de bas de page 13.

Réparation

[33] Pour corriger l’erreur de la division générale, je peux soit lui renvoyer l’affaire pour réexamen, soit rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 14.

[34] La Commission soutient que l’appel devrait être renvoyé à la division générale pour une nouvelle audience. Ainsi, le prestataire pourrait présenter les documents de l’entente, et tous les éléments de preuve pertinents pourraient être pris en considération.

[35] Le prestataire dit qu’il est indifférent au fait que je remplace la décision de la division générale par la mienne ou que je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen. Il est plutôt préoccupé par la longueur du processus d’appel.

[36] Je comprends que le prestataire ne veut pas avoir une autre audience et prolonger le processus plus longtemps. Toutefois, je ne suis pas convaincue que le dossier soit assez complet pour me permettre de remplacer la décision de la division générale par la mienne.

[37] Il n’y a rien dans le dossier sur l’entente ou les raisons de l’entente. Comme la division générale ne s’est pas penchée sur cette question, aucun renseignement n’a été demandé à l’audience au sujet de l’entente ou des raisons de l’entente.

[38] Je ne suis pas convaincue que le dossier soit assez complet pour me permettre de remplacer la décision de la division générale par ma propre décision. Je dois donc lui renvoyer l’appel pour qu’elle réexamine l’affaire. Le prestataire aura ainsi l’occasion de présenter davantage d’informations à la division générale à propos de l’entente avec son employeur.

Conclusion

[39] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

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