Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 16

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : A. J.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 2 décembre 2022
(GE-22-2264)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 3 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-925

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été mis en congé sans solde, puis il a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Il a demandé une exemption fondée sur ses croyances religieuses, mais elle a été refusée. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après révision, la Commission a maintenu sa décision. Par conséquent, le prestataire a porté la décision en appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu et congédié parce qu’il a refusé de suivre la politique de l’employeur, même après que sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses a été rejetée. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur le suspendrait et le congédierait probablement dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Il soutient que l’employeur a fourni un relevé d’emploi à jour. Il affirme qu’il s’agit du seul relevé d’emploi dont il faut tenir compte dans l’affaire. Le prestataire soutient qu’il a cotisé au programme d’assurance-emploi pendant 27 ans et qu’il a droit aux prestations d’assurance-emploi.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le critère juridique est moins exigeant que celui à remplir pour un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses arguments. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que l’employeur a fourni un relevé d’emploi à jour. Il affirme qu’il s’agit du seul relevé d’emploi dont il faut tenir compte dans l’affaire. Le prestataire soutient qu’il a cotisé au programme d’assurance-emploi pendant 27 ans et qu’il a droit aux prestations d’assurance-emploi.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne sous-entend pas qu’il est nécessaire que la façon d’agir résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été de nature délibérée ou, à tout le moins, de nature insouciante ou négligente au point où l’on pourrait dire que la personne a délibérément ignoré les effets de ses actes sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de telle sorte que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à sa suspension et à son congédiementNote de bas de page 1.

[16] D’après la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu et congédié parce qu’il a refusé de suivre la politique. Il a été informé de la politique, et son employeur lui a donné du temps pour qu’il s’y conforme. Il n’a pas obtenu d’exemption fondée sur ses croyances religieuses. Le refus du prestataire était intentionnel et délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension et de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait mener à sa suspension et à son congédiement.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[20] Le prestataire soutient que l’employeur a fourni un relevé d’emploi à jour qui indique qu’il a été congédié en raison d’une pénurie de travail ou de la fin de son contratNote de bas de page 3.

[21] Je ne vois aucune erreur révisable. Il appartenait à la division générale de vérifier et d’interpréter les faits de la présente affaire, et de mener son propre examen sur la question de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] La preuve révèle que l’employeur avait précédemment produit deux autres relevés d’emploi sur lesquels il est indiqué que le prestataire a été suspendu et congédié pour un motif valable. L’employeur a déclaré à plusieurs reprises que le prestataire a été suspendu et congédié parce qu’il a refusé de se conformer à sa politique. Le prestataire a confirmé la version des faits de l’employeur dans sa demande de prestations d’assurance-emploi et lors de ses entrevues avec la CommissionNote de bas de page 4.

[23] Même si l’employeur a produit un troisième relevé d’emploi, qui n’a aucune force exécutoire sur le Tribunal, aucun élément de preuve présenté par les parties à la division générale ne permet de conclure que le prestataire a été congédié en raison d’une pénurie de travail ou de la fin de son contrat.

[24] La question de savoir si la politique de l’employeur allait à l’encontre des droits de la personne du prestataire ou si l’employeur aurait dû accepter sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses relève d’une autre instance. Ce Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 5.

[25] Dans la récente affaire Paradis, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison de son inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur allait à l’encontre de ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [Loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu qu’il revenait à une autre instance de régler cette question.

[26] La Cour fédérale a également déclaré qu’une partie prestataire a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportementNote de bas de page 6.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale révèle que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur, qui a été mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[28] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[29] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance, si l’existence d’une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[30] Le prestataire soutient qu’il a cotisé au programme d’assurance-emploi pendant 27 ans et qu’il a droit aux prestations d’assurance-emploi. Malheureusement pour le prestataire, le paiement des cotisations ne donne pas en soi le droit de recevoir des prestations. Le prestataire doit tout de même satisfaire aux conditions d’admissibilité établies par la loi, comme c’est le cas pour toute police d’assurance à laquelle il souscritNote de bas de page 8.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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