Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1576

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Employment de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (465681) rendue le 5 mai 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 3 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1775

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] Elle a démontré qu’au moment de son départ, elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi). Son départ était fondé parce que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[3] Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] La prestataire a quitté son emploi le 19 janvier 2022. Elle a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a vérifié pourquoi la prestataire a quitté son emploi. Elle a décidé que la prestataire avait volontairement quitté (c’est-à-dire choisi de quitter) son emploi sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser des prestations.

[5] Je dois décider si la prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] Selon la Commission, avant de quitter son emploi, la prestataire aurait pu trouver un emploi dans la province où elle avait choisi de déménager.

[7] La prestataire n’est pas d’accord. Elle explique qu’elle entretenait une relation amoureuse à distance et qu’elle a déménagé pour aller vivre en union de fait. Pendant ses vacances, elle a essayé de trouver en emploi dans sa nouvelle province de résidence avant de cesser de travailler. 

Question en litige

[8] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire. Je déciderai ensuite si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que la prestataire a quitté son emploi volontairement

[10] Les parties, c’est-à-dire la prestataire et la Commission, conviennent d’une chose : la prestataire a quitté son emploi volontairement le 19 janvier 2022, jour où elle a cessé de travailler. Je ne vois aucun élément de preuve qui contredit cela. J’accepte donc le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi.

Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter son emploi

[11] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

[12] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à démontrer que le départ est fondé ou justifié.

[13] La loi explique ce qu’on entend par une personne « est fondée à » faire quelque chose. Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là. La loi dit que je dois tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[14] C’est à la prestataire de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 3. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[15] Pour décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi mentionne certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 4.

[16] Une fois que j’ai déterminé les circonstances qui s’appliquent à la prestataire, elle doit alors démontrer que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment‑làNote de bas de page 5.

Circonstances entourant le départ de la prestataire

[17] La prestataire a déclaré que son ex-conjoint est décédé subitement il y a quelques années. Après un certain temps, elle a noué une relation amoureuse à distance avec son conjoint actuel, qu’elle connaissait depuis un bon nombre d’années. Pendant ce temps, elle ne vivait pas dans la même province que lui. La relation à distance a duré plus de deux ans avant que la prestataire décide de déménager dans la province de son conjoint pour vivre en union de fait avec lui.

[18] La prestataire a expliqué que son conjoint de fait a un enfant à charge qui est d’âge adulte et qui nécessite des soins et du soutien. C’est la raison pour laquelle il ne pouvait pas venir habiter dans sa province à elle.

[19] La prestataire a rendu visite à son conjoint de fait à l’automne 2021. Elle a alors décidé de déménager chez lui. Elle est retournée dans sa province et elle a avisé son employeur de son départ. Son dernier jour de travail était le 19 janvier 2022. La prestataire a mis sa maison en vente et elle a commencé à préparer son déménagement. Elle travaillait pour son employeur depuis plus de 25 ans. Son employeur exerce ses activités uniquement dans la province où elle habitait, alors elle n’a pas pu se faire muter. Elle lui a demandé un congé, sans succès. Son gestionnaire lui a dit qu’elle pouvait changer d’avis et revenir travailler n’importe quand.

[20] La prestataire pensait pouvoir quitter son emploi, déménager dans sa nouvelle résidence et chercher du travail après le déménagement. Elle pensait pouvoir toucher des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle cherchait un emploi. Elle a expliqué qu’elle était occupée à vendre sa maison et, après la vente, à déménager ses biens de sa maison.

[21] La prestataire a dit qu’elle est arrivée dans la province de son conjoint le 23 décembre 2021. Elle était en vacances du 23 décembre 2021 au 19 janvier 2022. Auparavant, elle vivait et travaillait dans une grande ville. Elle explique que la résidence de son conjoint est située dans une petite ville et qu’il y a plusieurs villes à proximité. Il n’y a aucune grosse entreprise dans les environs. Les principales industries sont la pêche et le tourisme. Elle a déclaré qu’après son arrivée, elle a essayé de trouver un emploi au magasin local, à l’épicerie et à la pharmacie. Elle a parlé à des membres de sa famille qui lui ont parlé d’un poste dans un restaurant, mais lorsqu’elle s’est renseignée, le poste n’était plus disponible.

[22] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait alors à elle. Elle précise que la prestataire aurait pu s’assurer d’avoir un emploi dans la nouvelle région avant de quitter son emploi. Elle dit que la prestataire a pris la décision personnelle de quitter son emploi pour déménager et aller vivre en union de fait. La Commission explique qu’une décision personnelle ne constitue pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, selon la Commission, la prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi au sens de la Loi.

[23] La loi prévoit qu’une des circonstances à considérer est la « nécessité d’accompagner son époux ou son conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidenceNote de bas de page 6 ».

[24] Pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi, il faut que la prestataire vive avec son conjoint depuis au moins un an pour qu’il soit considéré comme son conjoint de faitNote de bas de page 7. La prestataire a déclaré qu’elle et son conjoint avaient une relation à distance. Ils vivaient ensemble lorsqu’ils se rendaient visite. Ils n’avaient pas l’intention de se marier immédiatement, n’attendaient pas d’enfant et n’avaient pas d’enfant ensemble. Comme la prestataire et son conjoint vivaient ensemble depuis moins d’un an lorsqu’elle a quitté son emploi, son conjoint n’était ni son époux ni son conjoint de fait au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, je juge qu’au moment où elle a démissionné, la prestataire n’était pas obligée de suivre un époux ou conjoint de fait vers un autre lieu de résidence.

[25] La plupart du temps, quand on est prestataire, il faut démontrer qu’on a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploiNote de bas de page 8. La prestataire a déclaré avoir cherché du travail à son arrivée dans sa nouvelle province. Elle est arrivée le 23 décembre 2021. Même si elle était en vacances à compter de cette date, son emploi a seulement pris fin le 19 janvier 2022. Son employeur lui a dit qu’elle pouvait garder son emploi si elle décidait de ne plus déménager. Cet élément de preuve montre que la prestataire n’a pas quitté son emploi avant le 19 janvier 2022. Elle a déclaré qu’elle a cherché du travail auprès des entreprises de sa nouvelle région de résidence peu de temps après son arrivée. Cet élément de preuve m’indique que la prestataire a cherché du travail avant de quitter son emploi.

[26] L’obligation consiste à chercher un emploi, et non pas à obtenir un emploi. Le fait que la prestataire n’a pas réussi à trouver un emploi ne permet pas de trancher la présente affaire. J’estime que la prestataire a exploré jusqu’au bout la solution raisonnable qui consistait à chercher un autre emploi avant de quitter son poste parce qu’elle a démontré qu’elle a fait des recherches dans sa nouvelle province avant la fin de son emploi. Par conséquent, je conclus que la décision de la prestataire de quitter son emploi remplit le critère voulant qu’elle soit fondée à quitter volontairement son emploi, comme l’exigent la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence décrites plus haut.

Conclusion

[27] Je conclus que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[28] Ainsi, l’appel est accueilli.

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