Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 22

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Melanie Allen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 mai 2022 (GE-22-825)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 4 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-327

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, R. M. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a décidé que la prestataire avait fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi. En effet, la prestataire ne s’est pas conformée à la politique de son employeur, qui exigeait qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19 ou qu’elle se soumette à des tests de dépistage. Après avoir décidé qu’il y avait inconduite, la division générale a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de droit. Elle soutient que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite. Elle nie toute inconduite d’ailleurs. Elle reconnaît qu’elle n’a pas respecté la politique que son employeur avait mise en place, mais dit qu’elle n’était tout simplement pas d’accord avec les exigences. Elle fait valoir que la décision de la division générale est incompatible avec la jurisprudence. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, affirme que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Question en litige

[5] La division générale a-t-elle mal interprété ce qu’est une inconduite?

Analyse

[6] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

La division générale a-t-elle mal interprété ce qu’est une inconduite?

[7] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite, ce qui l’aurait amenée à commettre une erreur en concluant qu’il y avait inconduite.

Les faits à l’origine du litige

[8] La prestataire travaillait pour son employeur depuis août 2014. Celui-ci a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 en septembre 2021. Cette politique exigeait la vaccination complète ou, pour les personnes ayant une exemption d’ordre médical approuvée, le respect d’autres mesuresNote de bas de page 2.

[9] La prestataire n’était pas d’accord avec la politique pour des raisons religieuses et autres. Elle avait demandé une exemption pour motifs religieux, mais son employeur la lui a refusée. La prestataire soutient que son employeur était tenu de lui fournir une mesure d’adaptation. Elle ajoute que la politique vaccinale de son employeur a porté atteinte à ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

[10] L’employeur a mis fin à l’emploi de la prestataire parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccinationNote de bas de page 3.

La décision de la division générale

[11] La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Pour constituer une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle [citation omise]. Une inconduite peut aussi se présenter comme une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré [citation omise]. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi [citation omise], il ne faut pas nécessairement avoir une intention coupable (c’est-à-dire vouloir faire quelque chose de mal).

Il y a inconduite si une personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raison [citation omise].

[12] La division générale a conclu que la Commission avait prouvé qu’il y avait eu inconduite. L’employeur avait informé la prestataire de sa politique, mais celle-ci a choisi de refuser la vaccination ou les tests. La division générale a donc établi que ce refus était volontaire et intentionnel. De plus, elle a montré que la prestataire savait que son employeur pouvait la congédier pour cette raison, et c’est ce qui est arrivé à la finNote de bas de page 4.

[13] La division générale a jugé que les actions de la prestataire étaient délibérées, conscientes et voulues, et qu’elles correspondaient à la notion juridique d’inconduite présentée à l’article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

La position de la prestataire

[14] Dans sa demande à la division d’appel, la prestataire a expliqué qu’elle portait la décision de la division générale en appel parce qu’elle n’était pas d’accord avec la conclusion d’inconduite. Elle a écrit :

[traduction]
Je comprends que l’employeur pouvait résilier le contrat parce que je n’étais pas d’accord avec la nouvelle politique sur la COVID-19. L’employeur a présenté cette nouvelle politique et j’avais le droit de la lire, de la comprendre et de l’accepter. Si je n’y consentais pas, l’employeur pouvait mettre fin à mon emploi, mais il ne s’agit pas là d’une inconduite. Il s’agit d’un désaccord contractuelNote de bas de page 5.

[15] La prestataire affirme qu’elle n’avait pas à se conformer à la politique de son employeur parce que celle-ci était nouvelle et ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.

[16] Selon la prestataire, il y a inconduite lorsqu’une personne commet quelque chose de grave, néglige ses obligations de façon continue, fait preuve d’incompétence ou agit de manière incompatible avec ses fonctions. Elle fait valoir que le refus de la vaccination n’est pas illégal et que cela ne suffit pas pour constituer une inconduite délibéréeNote de bas de page 6. Elle ajoute que le fait de priver certaines personnes de prestations lorsqu’il y a refus de vaccination ne repose sur aucun fondement juridique; elle dit que cette façon de faire est même incompatible avec la jurisprudence et [traduction] « avec l’objectif de la loi habilitante ou le cadre du mandat prévu par la loiNote de bas de page 7 ».

[17] La prestataire soutient aussi que son employeur aurait dû lui accorder une exemption pour motifs religieux.

[18] La prestataire précise que son employeur était tenu de lui fournir une mesure d’adaptation en l’exemptant pour motifs religieux, et qu’elle avait le droit de refuser la vaccinationNote de bas de page 8.

La position de la Commission

[19] La Commission affirme que la division générale a bien cerné ce qu’est une inconduite et a bien appliqué la loi aux faits.

[20] La Commission soutient que la question de savoir si le congédiement de la prestataire était justifié dépassait la compétence de la division générale. Celle-ci devait plutôt décider si les actions ou omissions de la prestataire constituaient une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si elle avait perdu son emploi en raison de cette inconduite.

[21] La Commission soutient aussi que la politique vaccinale de l’employeur était conforme aux conditions d’emploi de la prestataire. Sa description de poste exigeait qu’elle [traduction] « se tienne au courant de tout changement lié au manuel de santé et sécurité ainsi que de l’information provenant de la commission de la santé et sécurité, en plus de veiller à suivre toutes les politiques en matière de santé et sécuritéNote de bas de page 9 ».

[22] La Commission précise que la politique de vaccination n’était pas une « nouvelle politique » ni une modification du contrat de travail de la prestataire. La Commission explique que c’était plutôt un changement lié au manuel de santé et sécurité. Selon la description du poste de la prestataire, celle-ci était responsable de se tenir au courant de tout changement lié au manuel de santé et sécurité et de s’y conformer.

[23] Comme la prestataire a enfreint la politique de l’employeur, la Commission juge qu’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Mon raisonnement

Une nouvelle politique

[24] Lorsque la prestataire a signé son contrat de travail, celui-ci n’exigeait pas précisément la vaccination. Cependant, les modalités étaient assez générales pour inclure la politique de vaccination que l’employeur a mise en œuvre en septembre 2021. Le contrat de travail de la prestataire comprenait la description de son poste. Et cette description exigeait de se conformer au manuel du programme de santé et sécurité ainsi qu’à ses mises à jour périodiques.

[25] La preuve montre que la politique vaccinale de l’employeur faisait partie du manuel du programme de santé et sécuritéNote de bas de page 10.

[26] Même si la politique de vaccination n’existait pas quand la prestataire a commencé son emploi, la politique était conforme à sa description de poste. La prestataire devait donc s’y conformer. La politique faisait partie de ses fonctions.

[27] La prestataire n’a pas respecté les modalités de la politique vaccinale de son employeur ni de son contrat de travail. La division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur. Comme la prestataire a consciemment omis de remplir ses obligations, comme elle connaissait les conséquences possibles et comme elle a perdu son emploi en raison de sa conduite, sa situation répond aux caractéristiques d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Les conditions requises pour recevoir des prestations

[28] La prestataire affirme que le fait de l’exclure du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle refuse de se faire vacciner est incompatible avec la jurisprudence et avec l’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi. Toutefois, la prestataire n’a fait référence à aucune jurisprudence qui appuie son argument.

[29] La prestataire fait valoir que l’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi est de verser des prestations aux personnes qui perdent leur emploi involontairement. La Loi prévoit des conditions pour recevoir les prestations, mais aussi des circonstances où certaines personnes peuvent se retrouver inadmissibles ou carrément exclues du bénéfice des prestations. Dans la présente affaire, il y avait des circonstances d’exclusion.

La demande de mesure d’adaptation de la prestataire

[30] Enfin, la prestataire affirme que son employeur aurait dû lui fournir une mesure d’adaptation en acceptant son exemption pour motifs religieux. Cependant, comme la Cour d’appel fédérale l’a décidé dans l’affaire MishibinijimaNote de bas de page 11, la question de savoir si un employeur doit prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente dans les cas d’inconduite.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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