Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1597

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (488314) datée du 27 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Interprète
Date de la décision : Le 16 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2625

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3]  La prestataire a été suspendue de son emploi. L’employeur de la prestataire a déclaré qu’elle avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se faire vacciner conformément à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[4] La prestataire ne conteste pas que c’est ce qui s’est produit. Cependant, elle affirme que la politique de son employeur porte atteinte à ses droits. Elle a déjà eu des problèmes de santé qui font qu’elle hésite à se faire vacciner. Elle affirme qu’il n’y a pas eu inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension de la prestataire fournie par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

[6] À l’audience, la prestataire a fait référence à un article sur Internet dans lequel elle disait que les mandats de vaccination pour les travailleuses et travailleurs des services de santé de l’Alberta étaient énumérés. Pendant l’audience, j’ai autorisé le dépôt de ce document comme preuve, et la prestataire l’a envoyé par la suite. Elle a également envoyé ce qui suit :

  • un formulaire de grief de mai 2022;
  • une description d’emploi pour un poste d’aide-diététicienne;
  • un courriel daté du 14 novembre 2022 que la prestataire a envoyé à l’employeur pour lui demander si elle était autorisée à participer à une réunion ou à une fête de Noël;
  • un courriel envoyé le 15 novembre 2022 par l’employeur à la prestataire, l’informant que tant qu’elle n’est pas vaccinée, elle n’est pas autorisée à participer à des activités au travail et qu’elle est toujours en congé sans solde;
  • un courriel que la prestataire a envoyé au Tribunal le 16 novembre 2022.

Ces documents ont été examinés et ils portent les codes GD06, GD07 et GD08.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[8] Pour répondre à cette question, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Analyse

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi?

[9] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID de son employeur. La prestataire convient qu’elle a été suspendue de son emploi et mise en congé sans solde parce qu’elle a refusé de se faire vacciner.

[10] L’employeur a dit à l’agentNote de bas de page 2 de la Commission que la prestataire avait été mise en congé sans solde (suspendue) parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination. Il a envoyé sa politique de vaccination par courriel aux membres de son personnel. La politique précise que tous les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. L’employeur a déclaré que la prestataire ne l’avait pas informée de ses préoccupations de santé liées à la vaccination. Il a dit que la prestataire pouvait reprendre son emploi dès qu’elle était vaccinée.

[11] La politiqueNote de bas de page 3 de l’employeur a été publiée le 16 septembre 2021. Elle précise que tous les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021 et fournir une preuve de vaccination. Cela signifiait que les membres du personnel devaient recevoir leur deuxième dose du vaccin avant le 16 octobre 2021. Autrement, ils seraient considérés comme n’étant pas vaccinés. La politique prévoit que le défaut de fournir une preuve de vaccination peut entraîner la suspension. Les membres du personnel pouvaient aussi demander une exemption de la vaccination.

[12] Lors de son témoignage, la prestataire a confirmé qu’elle ne voulait pas se faire vacciner. Elle a dit qu’elle avait été très malade pendant son enfance et qu’elle s’inquiétait de l’incidence que le vaccin pouvait avoir sur sa santé. Elle a dû prendre beaucoup de médicaments et recevoir des injections quand elle était malade, et elle ne veut plus en prendre.

[13] L’employeur a écrit à la prestataire le 18 octobre 2021Note de bas de page 4. Il a précisé qu’elle était suspendue de son emploi à compter du 1er novembre 2021 parce qu’elle n’était pas vaccinée.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La raison de la suspension de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qui constitue une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement d’une partie prestataire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[17] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue de son emploi pour cette raisonNote de bas de page 8.

[18] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 9. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[19] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour la prestataireNote de bas de page 11. Je peux seulement examiner une chose : si ce que la prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas de page 12.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire avait été avisée qu’elle serait suspendue si elle n’était pas vaccinée. Elle dit que l’employeur a le droit de mettre en œuvre une politique pour son personnel.

[22] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite, parce qu’elle a un problème de santé qui l’empêche de se faire vacciner. Elle n’a pas été en mesure d’obtenir ses dossiers médicaux de la Thaïlande pour appuyer ce qu’elle avance. Son médecin au Canada n’a pas voulu la soutenir dans sa demande d’exemption de la vaccination. Elle dit qu’elle a le droit, en tant que citoyenne canadienne, de ne pas se faire vacciner. Maintenant que la province de l’Alberta a levé l’obligation de se faire vacciner, son employeur devrait lui permettre de retourner au travail, mais il exige tout de même qu’elle soit vaccinée. Les personnes non vaccinées sont autorisées à visiter l’établissement de l’employeur, alors elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas retourner au travail sans être vaccinée. Elle a offert de faire des tests quotidiens au lieu d’être vaccinée, afin de pouvoir retourner au travail, mais son employeur a refusé.

[23] Je conclus que la prestataire a fait un choix conscient et délibéré de ne pas se faire vacciner. Elle a déclaré qu’elle ne veut pas se faire vacciner parce qu’elle s’inquiète des effets que le vaccin pourrait avoir sur sa santé. Elle a dit à son employeur qu’elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’allait pas se faire vacciner.

[24] La prestataire savait qu’elle ne pouvait pas faire son travail en n’étant pas vaccinée. Elle a déclaré qu’elle savait que si elle n’avait pas reçu la deuxième dose du vaccin avant le 16 octobre 2021, elle ne pourrait pas retourner au travail.

[25] Elle a dit avoir parlé de ses préoccupations à son employeur. La personne chargée de la coordination du service diététique et celle chargée de la coordination de l’entreprise l’ont appelée à leur bureau et ont essayé de la convaincre de se faire vacciner. La prestataire a dit que son employeur lui avait dit qu’il n’y avait aucune circonstance où elle pouvait retourner au travail sans se faire vacciner.

[26] La prestataire a déclaré qu’elle savait que le refus de se faire vacciner entraînerait sa suspension.

[27] La prestataire savait ce qu’elle devait faire au titre de la politique de vaccination et ce qui se passerait si elle ne la respectait pas. La politique de l’employeur dit clairement que le défaut de fournir une preuve de vaccination peut entraîner la suspension. Dans son témoignage, la prestataire a confirmé qu’elle savait que son refus de se faire vacciner entraînerait sa suspension.

[28] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que tous les membres du personnel soient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021;
  • l’employeur a communiqué sa politique à la prestataire de façon claire et a précisé ce à quoi il s’attendait en ce qui concerne la vaccination et la remise d’une preuve de vaccination;
  • l’employeur a parlé à la prestataire pour lui expliquer ce à quoi il s’attendait;
  • la prestataire connaissait les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

La prestataire a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[29] Selon mes conclusions précédentes, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[30] En effet, les actions de la prestataire ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner allait probablement entraîner sa suspension.

Conclusion

[31] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[32] L’appel est donc rejeté.

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