Assurance-emploi (AE)

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Citation : NE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1494

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : N. E.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 30 novembre 2022 (GE-22-2718)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 19 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-900

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur sur la COVID-19. Il n’a pas obtenu d’exemption pour des raisons médicales ou religieuses. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a estimé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission a donc conclu que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Après avoir fait une révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a porté la décision de révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur. Elle a jugé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a estimé que son non-respect de la politique était la cause de sa suspension. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Il soutient que la division générale ne lui a pas envoyé de documents bien qu’elle ait dit qu’elle le ferait. Il dit qu’elle ne lui a pas fait parvenir les communications de l’employeur. Le prestataire ajoute que la division générale a rejeté des éléments de preuve qui contredisent sa décision. Il dit qu’elle a fondé sa décision sur des éléments de preuve qui n’existaient pas. Le prestataire fait valoir que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il a commis une inconduite.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale ne lui a pas envoyé de documents bien qu’elle ait dit qu’elle le ferait. Il dit qu’elle ne lui a pas fait parvenir les communications de l’employeur. Le prestataire ajoute que la division générale a rejeté des éléments de preuve qui contredisent sa décision. Il dit qu’elle a fondé sa décision sur des éléments de preuve qui n’existaient pas. Le prestataire fait valoir que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il a commis une inconduite.

[13] J’ai examiné les motifs d’appel du prestataire et écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale.

[14] Le prestataire a mentionné à la division générale qu’il n’avait plus le dossier d’appel. La membre de la division générale lui a offert la possibilité d’ajourner l’audience pour qu’il puisse recevoir une autre copie du dossier. Le prestataire a informé la membre qu’il était à l’aise d’aller de l’avant et a refusé d’ajourner l’audience. La membre lui a ensuite conseillé de poser toutes ses questions pendant l’audience. Il n’en a posé aucune avant ou après l’audience. Je conclus donc qu’il n’y a pas eu de manquement à un principe de justice naturelle. Ce motif d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[15] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[16] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, les actes reprochés doivent avoir été délibérés, ou, à tout le moins, résulter d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ceux-ci sur son rendement au travail.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné sa suspensionNote de bas de page 1.

[18] La preuve montre que le prestataire a été suspendu (empêché de travailler) parce qu’il a refusé de suivre la politique de l’employeur. Il avait été informé de celle-ci et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption pour des raisons médicales ou religieuses. Le refus du prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de suivre la politique pouvait entraîner sa suspensionNote de bas de page 2.

[19] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[21] Le prestataire soulève la question de savoir si la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne décidant pas si le fait que la politique de l’employeur s’appliquait à lui était raisonnable étant donné qu’il travaillait de la maison.

[22] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection aux employés travaillant de la maison pendant la pandémie.

[23] Je ne vois donc pas d’erreur dans la conclusion de la division générale selon laquelle elle n’a pas compétence pour trancher les questions relatives à l’efficacité ou au caractère raisonnable de la politique de l’employeur en ce qui a trait aux personnes travaillant à distance et au télétravail.

[24] Les questions de savoir si l’employeur a omis d’offrir des mesures d’adaptation au prestataire ou si la politique portait atteinte à ses droits et violait son contrat de travail relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 4.

[25] Dans une affaire récente appelée Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui reconnaissait la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Right Act). La Cour fédérale a jugé qu’il s’agissait d’une question relevant d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a ajouté que pour sanctionner le comportement d’un employeur, les prestataires ont d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[28] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[29] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre autorité si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable de la part de la division générale comme une erreur de compétence ou un manquement à la justice naturelle. Il n’a pas non plus cerné d’erreur de droit que la division générale aurait commise ni de conclusion de fait erronée qu’elle aurait tiré de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision sur la question de l’inconduite.

[31] Après avoir révisé le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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